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Le Père Duchesne (n°242)

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Ce document est un des numéros du Père Duchesne.
Le Père Duchesne238 à 300 (p. 1-8).
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Je suis le véritable père Duchesne, foutre !


LA GRANDE JOIE
DU
PERE DUCHESNE,
Au sujet de la grande révolution qui vient de foutre à bas l'infâme clique des Brissotins et des Girondins, qui vont à leur tour siffler la linotte. Grand Jugement du peuple pour faire gorger à tous ces frippons les monceaux d'or qu'ils ont reçus de l'Angleterre pour allumer la guerre civile, et les assignats qu'ils ont volés à la maison. Ses bons avis aux braves montagnards, pour qu'ils réparent le tems perdu, et nous donnent une bonne constitution.


Tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin elle se brise. Je l'avois bien prédit, Girondins, Brissotins, Rolandins, Buzotins, Petionistes, que votre règne ne seroit pas de longue durée ; que vous finirez par vous brûler à la chandelle comme le papillon. Vous vous croyiez bien forts parce que vous aviez les poches bien garnies des guinées du roi Georges Dandin, et vos portefeuilles cousus des assignats que le vieux Roland et son compagnon Clavières vous avoient donnés à pleines mains. Vous regardiez la république comme une vache à lait que vous vouliez sucer et épuiser. Loups affamés, loups dévorans, qui vous étiez revêtus de la peau de l'agneau, vous avez pu pendant quelque tems jetter de la poudre aux yeux de nos frères des départemens, empoisonnés de tous les plats journaux de vos fabriques.

Tandis, foutre, que vous maniganciez la ruine de votre patrie avec l'Autriche et l'Angleterre, vous accusiez les jacobins, les montagnards et tous les braves Sans-Culottes de Paris, des complots que vous méditiez vous-mêmes et des crimes que vous aviez commis. Vous nous accusiez d'être des anarchistes, des désorganisateurs, tandis que vous alliez de tous côtés soufflant le froid et le chaud : le miel étoit sur vos lèvres, et vos gueules empestées vomissoient le poison. Mais nous, foutre, qui vous voyons de près, nous avons eu le courage de braver vos poignards et de vous arracher vos masques.

Le voile est à la fin déchiré ; le peuple que vous trahissiez si lâchement a-t-il assez longtems supporté vos outrages ? Avez-vous assez lassé sa patience ? Il vient de se lever tout entier pour vous écraser, serpens et crapauds du marais. Frémissez, scélérats ; plus sa vengeance à été lente, plus ses coups seront terribles pour vous. Vous voilà devant son tribunal redoutable ; rendez-lui compte de toutes vos conspirations, de toutes vos rapines, de tous vos brigandages. « Petits aboyeurs de palais, vous dit-il et vous barbouilleurs effrontés, journalistes du diable, que j'ai tirés de la poussière de vos greniers, pour défendre mes droits, lâches déserteurs de la sans-culotterie, qui vous êtes vendus à mes ennemis, vous allez recevoir le prix de vos forfaits ; il faut d'abord restituer tous les vols et les gaspillages que vous avez faits. Renard Brissotin, tu n'habiteras jamais ce bel hôtel que tu as acheté à Londres, et où tu devois te refugier quand les brigands du nord auroient eu anéanti la république et partagé ses lambeaux.

Il te faut prendre Jacques Déloge pour ton patron, vertueux, incomparable Petion, il faut déguerpir de ce joli palais que le compère Roland t'avoit adjugé à si bon compte ; tes riches ameublemens, ta vaisselle plate, tes cristaux, tes porcelaines, tes beaux tapis, tes belles tentures des Gobelins, vont rentrer dans mon garde-meuble. Toi, Corsaire Barbaroux, dictateur des marchands de sucre de Marseille ; toi, vil égréfin de Guadct ; toi, l'avocat de l'aristocratie et de la royauté ; toi, tartuffe Vergniaud, il faut dire un éternel adieu aux petits appartemens de St. Cloud. Vous n'irez plus, cabaleurs de la Gironde, vous vautrer dans les coquines de l'Opera sur les sophas de la veuve Capet. Toi, prêtre Fauchet, apostat et renégat de la liberté, tu peux bien maintenant te faire des papillotes avec le brevet de grand aumonier du roi Louis XVII. Toi, pantin de Gorsas, pleure, gémit, tu ne seras point le porte-coton de sa nouvelle majesté. As-tu les oreilles assez longues, baudet Lanjuinais qui ne cessais de braire contre la Sans-culotterie ? Toi, petit braillard de palais, entrémeut de la Normandie, Valazé, qui te croyois le premier moutardier du pape, depuis que les tripotiers de la Gironde s'avoient choisi pour leur concierge et tenoient chez tel leur bougre de sabat, tu vas savoir maintenant si ce qui vient de la flûte s'en retourne au tambour. Toi, le maitre des filoux, traître Buzot, gibier de guillotine, ton âle de boue est-elle assez à découvert ; non, ton vœu ne sera pas accompli, les parisiens ne mangeront pas le plâtre de leurs maisons ? Nazillard Gensonné, prédicateur de la contre-révolution, mords-toi les pouces, mange du fromage, tous les beaux projets sont à vaux-l'eau ; la royauté ne sera pas rétablie, tu ne seras pas gouverneur de la Gironde. Toi, inquisiteur Rabaud, qui, à force de raboter la statue de la liberté, croyait à la fin en détruire les formes et nous la rendre hideuse ; malgré toi, malgré ton rabot aristocratique, elle restera aussi belle et aussi pure, elle sera la seule idole des français. Prophète maudit, singe de Bouillé, jean-foutre d'Isnard qui eus l'audace de dire que dans peu on chercheroit le lieu où exista Paris, je ne te dirai pas et à ta foutue séquelle : pardonnez-leur, mon Dieu, ils ne savent pas ce qu'ils font ; car, foutre, ce n'est pas par ignorance que vous avez péché, mais par ambition et par avarice.

Voilà, foutre, le langage du peuple. Il est juste, bon, généreux, patient ; mais quand le sac est trop plein, il faut qu'il crève. Vous, braves lurons des départemens, que l'on veut armer contre vos frères de Paris, vous, soldats de la république, défenseurs de la liberté, intrépides vengeurs de l'égalité, ouvrez maintenant les yeux. Le peuple de Paris, qui a tout sacrifié pour la révolution, qui veille pour vous comme vous veilleriez pour lui, vient de se lever une troisième fois pour foutre la chasse aux intrigans qui vouloient rétablir la royauté. On va les calomnier encore au vis-à-vis de vous ; mais, foutre, j'espère que vous ne perdrez pas la carte, et qu'au lieu de marcher contre les parisiens, vous les remercierez d'avoir terrassé les aristocrates de l'intérieur, tandis que vous combattez les ennemis du dehors. Au surplus, s'il vous restoit encore quelques soupçons contre eux, en deux mots voilà leur justification.

Quels étoient, foutre, les amis secrets de Capet dans l'assemblée constituante et législative ? N'étoit-ce pas les mêmes bougres qui ont employé le vert et le sec pour le sauver, et qui ont fait perdre plus de cinq mois à la Convention pour juger un bougre d'ivrogne dont la tête ne devoit pas peser une once ? Quels sont ceux que Dumouriez appeloit la saine partie de la convention ? Les Brissotins et les Girondins. Quels sont ceux qui ont forcé la France à déclarer la guerre à toutes les nations ? Les Brissotins et les Girondins. Quels sont ceux qui ont allumé la guerre civile dans la Vendée ? Les Brissotins et les Girondins. Quels sont ceux qui vouloient la ruine de Paris, afin de détruire le berceau de la liberté et de frapper la république au cœur ? Les Brissotins et les Girondins. Quels sont ceux qui avoient les mains dans le trésor public et le moule des assignats ? Les Brissotins et les Girondins. Quels sont ceux qui ont nommé tous les généraux, qui ont laissé nos troupes en guenilles, livré nos magasins à l'ennemi, conduit nos soldats à la boucherie ? Les Girondins et les Brissotins. Républicains de tous les départemens et des armées, les parisiens vous ont donc vengé en vous délivrant de pareils monstres. Maintenant que la convention les a vomis de son sein, elle va vous faire une bonne constitution. Répondez à ceux qui oseroient calomnier les parisiens, qu'il n'a pas été versé une seule goutte de sang pour cette révolution, et que pas un seul des jean-foutres qui sont à l'ombre n'a reçu une égratignure, foutre.




De l'Imprimerie de la Rue Neuve de l'Egalité
Cour des Miracles.