Le Poète assassiné/Correspondance manuscrite

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Le Poète assassinéL’Édition, Bibliothèque des Curieux (p. xiii-cix).


[Enveloppe][1]

F. M.

Monsieur André Breton
Étudiant en medecine classe 1916
Interne Hopitale bénévole de l’ambula[tronqué]
municipale n° 2 bi
2 rue du Boccage
Nantes (L. I)


21 décembre 1915

Je n’ai plus de Case d’Armons, monsieur,
et je vous prie de m’excuser, si je
ne puis à mon grand regret alléger
votre curiosité.

Vous me mettez en bonne compagnie
dans votre cénacle et je vous suis
très reconnaissant.


Il y a dans vos vers un talent frappant.
Plus que Mallarmé ils évoquent
un peu Sœur de Narcisse nue de
Jean Royère. Votre personnalité
qui ne peut que croître s’y
affirme déjà :
nous taire
Enfants des oublis si le beau ruissel en fleurs
Animent de bon grè s’ouvre au feuillet des cloches[illisible]
Pâles qui sont des jacinthes…

Je vous souhaite le Bon An, poète !

Guillaume Apollinaire


[dos d’enveloppe]

Envoi Kostrowitzky par sous lieut 96e inf.
36e Cie Secteur 139


[dos d’enveloppe]

Envoi Kostrowitzky par sous lieut 96e inf.
36e Cie Secteur 139


[Carte lettre militaire]

Correspondance des Armées de la République

nom : G. Ap. Kostrowitzky
grade : sous-lieutenant
régiment : 96e de ligne
6e
Secteur 139

Adresse :
Monsieur André Breton
Caporal-infirmier
Hôpital municipal no 2 bis
Secteur No Nantes


13 janvier 1916

Mon cher poète,
Jean Royère me dit que vous
voudriez avoir Case d’armons
je n’en ai plus, mais vous
lirez ce petit recueil quand il
paraîtra en volume au Mercure

Je vous envoie
mes souhaits pour le
nouvel an

Guillaume Apollinaire


Mon cher poète, 13 janvier 1916
Jean Royère me dit que vous


[Carte postale militaire]

Expédiée par le S/lieut.
Kostrowitzky
96e infant
6e compagnie

Monsieur André Breton
Étudiant en médecine interne de
l’hôpital municipal no 2bis
2, rue du Boccage
Nantes (L. Inf.)


18 janv. 1916

Mon cher poète, je reçois votre
lettre du douze. Elle se croise avec une de mes cartes.
Votre poème à vous Seule est très joli, très délicieux.
Je vous enverrai dès que j’en aurai reçu des
exemplaires de la Voce de Florence mon poème
à l’Italie qui vient de paraître

Redemandez le moi si je l’oubliais.
Je suis de retour de permission,
j’ai été à Or[illisible]

Ma main amie

Guillaume Apollinaire


[dos plié de la lettre]

18 janv. 1916

Mon cher poète, je reçois votre
lettre du douze. Elle se croise avec une de mes cartes.
Votre poème à vous Seule est très joli, très délicieux.


[Carte postale militaire]

Nom de l’expéditeur : Kostrowitzky
S/lieutenant 96e d’Infanterie 6e Cie
Secteur 139

Monsieur André Breton
Étudiant en médecine interne à l’hôpital
municipal 2 bis rue du Boccage
Nantes
(L. I)


5 fév. 1916

Vous ne m’importunez nullement
au contraire : questionnez-moi, s’il vous plaît et mes
réponse fournissant la matière de mes lettres
sans quoi je risquerai fort d’y mettre peu de
choses, ne voyant que la chose militaire dont
je n’ai pas le droit de parler. Louis de Gonzague-Frick[2]
avait été autrefois au collège en même temps que
moi, plus jeune, il était dans la classe de mon
frère ; quand il est venu me voir à Paris, je me
souvenais fort bien de lui.

[Biffé] Je préfère aussi ce musicien de
St. Merry à Salomé.?? La Voce ne m’a pas encore
envoyé les exemplaires qu’elle m’avait promis,
j’ai même signé l’adresse. Le poème se passe
en novembre ou décembre, je ne sais plus
je n’ai pas le temps aujourd’hui de faire
des digressions fussent-elles poétiques
Ce sera pour une autre fois
Ma main amie

G. A.

[dos plié de la lettre précédente]


Vous ne m’importunez nullement
au contraire : questionnez-moi, s’il vous plaît et mes
réponse fournissant la matière de mes lettres


Le 29 fév. 1916

Si mes lettres vous font
plaisir, tant mieux
monsieur, mais ne m’en
donnez point la gloire
puiqu’avec un tact[illisible]
parfait vous dirigez
l’objet de mes réponses
et le sujet vos jouissances.

Je suis d’avis que
l’art ne change point
et que ce qui fait
croire à des changements
ce sont les efforts que
font les hommes pour
maintenir l’art à la


hauteur où il ne pourrait
pas ne pas être.
Je ne connais pas la
réponse de M. Boylesve
excusez-moi si pour
exprimer le sublime
où se tient naturellement
l’art j’ai trouvé des
termes moins précis sans
doute que ceux que vous
avez lu dans un journal
de province
.

Picasso travaille à Paris
et progresse dans son
art.

Matisse je crois demeure
stationnaire avec grand
talent.


Quand à Derain, comme
moi il fait la guerre
il est conducteur de
tracteur dans une
batterie lourde et son
âme si belle s’est
épurée s’il était possible
du contact des canons.

Nous correspondons
et [mot biffé illisible] mon goût pour
ce grand artiste ne
fait que croître après
chaque billet que je
reçois de lui.

Quel est ce
travail accablant
qui m’enchanterait ?


Voilà je crois des
réponses précises et
même une question

Ma main amie

Guil. Apollinaire


[Enveloppe cachet 2 mars 16]

Monsieur André Breton
Étudiant en médecine
Interne Hôpital municipal 103bis
(Centre neuro-psychiatrique)
11e Régt. 2 rue du Boccage
Nantes


Envoi du S/lieut Kostrowitzky
96e Inf. 6e Cie Secteur 130

[dos d’enveloppe]


Envoi du S/lieut Kostrowitzky
96e Inf. 6e Cie Secteur 130


[Enveloppe cachet du 6-8 16 à entête de l’hôpital du Val du gouvernement italien (Val de Grace)]

Mon livre de poèmes, s’intitule
Calligrammes, étendards,
n’étant que le titre d’une
des divisions du volume,

Case d’Armons en est une autre

Ces messieurs du Mercure
s’occupent de l’impression
de Calligramme in-8o

C’est avec un grand
plaisir que je lirai cet
article que vous avez
consacré à Madame
Marie Laurencin de laquelle
j’ai été le premier à vanter
le talent. Elle fait depuis
la guerre des progrès
extraordinaires.

Ma main amie

Guillaume Apollinaire


[Lettre entête du Hôpital du gouvernement italien]

Bien que je sois encore
en traitement à l’hôpital
italien, on m’y trouve rarement.

Venez me voir chez
moi Boulevard St Germain, au
202 quand vous le voudrez.
J’y suis très souvent, presque
toujours.

Le mardi de 5 h 1/4 à 7 heures,
je suis au Café de Flore
Boulevard St Germain, proche
St Germain des Prés.

J’espère que vous
serez bientôt remis et que
j’aurai bientôt le plaisir
de vous revoir.


Je ne sais rien, mon cher poète de la date
précise où paraîtront mes vers ni
mêmes mes contes. Mes contes sont tous
imprimés et l’on est en train d’en
faire la couverture.

Pour les vers le manuscrit n’en est
pas encore remis.

Je n’ai plus de nouvelles de Jean
Royère qui m’a apporté des bonbons
hollandais et des crayons de couleurs
lorsque j’étais à la villa Molière.

Vous m’avez adressé un
joli poème. Si les Soirées de Paris
ne sommeillaient point je vous
l’eusse demandé pour le publier.

Je suis très las aujourd’hui
c’est pourquoi vous écrit peu

Je fais surtout de
l’aquarelle en ce moment je vous
en enverrai une lors de votre prochaine
lettre.

Ma main
Amie

Guillaume Apollinaire


[Enveloppe cachet du 2-8 16 à entête de l’hôpital du gouvernement italien adressée à Nantes et réexpédiée à Chaumont (Hte Marne)

À André Breton]


Mon cher poète,

Je vous écris dès
que je le puis
jusqu’à ce moment
je ne pouvais guère
écrire.

Je vais publier mes
vers de la guerre
au Mercure avec
un portrait de
moi par Picasso.

Le poète assassiné
va paraître à l’Édition


avec le croquis de
Rouveyre et une
couverture de
Capiello

Mais au[illisible] peu d’importance
ces détails, j’aurais
voulu publier aussi
mes poèmes depuis
Alcools et jusqu’à la
guerre.

Mais ce sera pour


plus tard.

Je crains, que la guerre
ne dure encore longtemps.

Je vous écrirai
plus longuement
dans ma prochaine
lettre.

Et vous enverrai
des détails sur mes
vers de maintenant.

Les poèmes


de Visée[illisible][3]??? ont été
faits dans la tranchée.

Ma main amie

Guillaume Apollinaire


Expéditeur : S/lieu. Guil. Apollinaire en traitement à l’ [l’Hopital du gouvernement italien Enveloppe cachet du 27-VIII 1916]

Destinataire :

Monsieur André Breton
Centre neur-psychatrique
Hôpital du Collège
St Dizier
Hte Marne


Mon cher ami, Alcools est absolument
épuisé et je ne sais où retrouver un
exemplaire. Puisque vous aimez ce que je
fais je vous signale aussi les peintres cubistes
chez Figuière dont il ne doit plus exister
beaucoup d’exemplaires. J’en garderai quel
J’en aime quelques chapitres surtout l’introduction
et l’article sur Picasso.

Je crois que vous trouverez les Soirées chez
Mlle Monnier libraire rue de l’Odéon.
Je n’en ai pas moi-même et d’Alcools
je n’ai qu’un seul exemplaire ordinaire
je vous signale que l’Hérésiarque
va être épuisé.


pour ces livres de l’histoire romanesque
pardonnez les moi, la vie [mot biffé] force
à des travaux de librairie que je
voudrais pouvoir éviter, mais le
moyen ? !

Le poète assassiné est présentement
à la censure.

Et mes poèmes de la guerre sont
chez Vallette qui s’apprête à les
envoyer à l’imprimeur.

Ma main très amie.

G. A.


Enveloppe cachet du 16-9 16 envoyée par G. A. Depuis l’Hôpital du Val de Grace annexe du quai d’Orsay, courrier adressé à André Breton, hôpital neuro-psychiatrique de St-Dizier.

Carte illustrée


…Di qui non si passa…

Dessin signé Bisca


Carte cachet du 19-9 16

Coin gauche

Envoi du S/lieut. G. Apollinaire Hop. Paris

Gauche

Mon cher ami
Je vous envoie l’adresse
de M. Bloch, libraire
146 Bd St Germain
qui m’a dit avoir
un exemplaire d’
Alcools à vendre.
Je n’avais pas votre
adresse sur moi sans
quoi l’envoi eût été
fait aussitôt. Mais je
profite d’une occasion
de vous envoyer mon
cordial souvenir.
G. Apollinaire.

Droite Adresse d’André Breton, étudiant en médecine, Hôpital neuropsychiatrique de St Dizier.


[dos replié d’enveloppe]


[Courrier de Jacqueline Apollinaire à André Breton]

Cher Monsieur Breton

Je viens de lire votre mot, je
suis très étonnée, mais pourtant
Picasso est passé hier soir me
demandant d’écrire à Lara
pour que la pièce ne soit pas
jouée. J’étais absente et
n’en sais pas plus long, il
est 10 heures je vais voir Picasso
a Lutetia pour qu’il me mette
au courant : C’est en effet
mieux que l’on ne joue
pas la pièce si les décors


ne sont pas faits comme
on me la affirmé hier.

Je déjeune à la maison
si vous passez vers cette heure
montez s’il vous plaît

Amicalement

Jacqueline Apollinaire


[Enveloppe à entête de l’Hôpital du gouvernement Italien (complémentaire de l’Hôpital militaire du Val de Grâce, cachet du 19-3 17]

Monsieur André Breton

Étudiant en médecine en traitement
au service du Dr Arrou
Hôpital de la Pitié
Paris


[Papier à entête MONTJOIE ! ORGANE DE L’IMPÉRIALISME ARTISTIQUE FRANÇAIS. Gazette bimensuelle illustrée sous la direction de Canuda]

Ce n’est pas un bâton qu’il faut pour cette bataille
Mais le fer et l’acier doivent être bons
.....
De toutes parts on entend crier : Montjoie !
Chanson de Roland


Mon cher poète

Calligrammes n’a pas encore
paru mais je vous
enverrai, L’Enchanteur
pourrissant
et le Bestiaire
en vous priant de ne
pas les égarer.

Le premier est copié pour
servir à une nouvelle
édition, le second est
la propriété de Mme
Faure Favrez[illisible].

Remettez


vous note[illisible] et venez
rue four quainet[illisible]
vous pourrez sortir
sans que cela soit
dangereux pour vous

Ma main amie

Guillaume Apollinaire


Enveloppe cachet du 27-III 1917

Monsieur André Breton
étudiant en médecine en
traitement au service du
docteur Arrou
Hôpital de la Pitié
Paris


Je crois vous avoir dit
que j’étais souvent
chez moi vers 5 h.
et qu’en tout cas
le mardi, je me
trouvais à 5 1/4 au
Café de Flore.

Je pense que vous
devez aller beaucoup
mieux.


peut-être êtes vous
rétabli.

Je le souhaite et
je l’espère.

Ma main

Guillaume Apollinaire


Si vous connaissiez quelques
bibliophiles je mets ici
à leur intention deux
bulletins de souscription,
les exemplaires ordinaires
à 7, 50 seront aussi très
bien ce sont les seuls hélas,


dont je pourrai disposer
pour mes amis.

G. A.


2 avril

Mon cher poète
Vous disposez de
tout le temps
que vous voudrez
et arriverez, je
pense, toujours
à temps.


cachet du 3 IV 1917

A monsieur[illisible]
Monsieur André breton
étudiant en médecine
en traitement
au service du Dr Arrou
Hôpital de la Pitié
Paris


Monsieur, cher ami, l’E. N.
a publié l’écho qui a été
commenté dans l’Inbran[illisible]
d’une façon assez malveillante

Je n’ai pas encore fait
le poème, je suis
fatigué. Reçu l’
éventail avec le
bel article.

Je vous autorise à
choisir ce que vous
voudrez pour

l’Anthologie. Avez-vous
le bois de Chirico

Le poème qui vous sera
dédié, restera inédit
pour que vous le publiiez.

Ma main

Guil. Apollinaire


Perceval oultre le pont fust passé, sa veue der-
riere lui gecta et veist que le pont on avoit levé, /u
si commence a appeller tant comme il povoit,
mais nul qu’il soit ne luy respond, et puis dit :

Toy qui ce pont as maintenant levé, te prie
me dire ou tu es, et que le tien voulloir soit en
present a moy parler. Au moins, mectz la teste
aux fenestres, car d’ugne chose a toy enquérir /e
me veulx, de laquelle desire grandement nou-
velle en avoir.

Mais Perceval alors perd temps, partant que
pour priere que faire saiche, homme ne luy res-
pondra. Parquoy considerant que pour hucher
et appeller rien ne povoit devant le chasteau
gaignier, s’apensa entrer dedens la forest qui /a
merveille grande estoit, ou il esperoit les gens
de ce chasteau trouver, ou partie d’iceulx, aus-
quelz proposoit s’enquerir que povoit estre de
ceste lance et du Graal qu’il avoit veu, et pour-
quoy la lance saignoit.

IX. Comment Perceval en la forest trouva ung
chevallier mort ; que la pucelle tenoit et com-
ment la pucelle luy dist qu’il avoit failly a /s
demander du säinct Graal et de la lance.// /&

Ainsy entra Perceval en la forest et quant ung
petit avant fust entré, trouva une sente en la
√t quelle une √rasse d’ung cheval aux escloz apper-
ceut. Puis’en soy-mesmes dist, que possible /&
estoit, que par icelle voie, ceulx que queroit /&
fussent passéz.

Lors chevaulchant en la forest√fort vistement, √, /&
le long d’icelle sente, tant que d’aventure et par
fortune une pucelle soubz ung chaisne trouva,
laquelle amererment et piteusement lamentoit,
en telles parolles :

O la plus triste et la plus chestive, que jamais
au monde nasquit ! Hellas ! pourquoy fus-je
jamais de mere née, malheureuse, par dessus
toutes malheureuses ! Que la journee soit mau- /é
dite en laquelle fuz engendrée ! Que feras-tu la
desollée, celle qui en son vivant ne peult avoir
soullas, ne joye? Ou iras-tu pouvre esgarée, la
plus aflicte qu’oncques fu√t ? Quel non desor- √s /n
mais auras-tu, fors seullement l’infortunée !
Hellas, vray Dieu, deusse-jé ainsy le mien amy
mort mes deux bras tenir las, m’eust-y sceu pis


[Enveloppe à entête du ministère des Colonies (non datée)]

Monsieur André Breton
Etudiant en médecine
au 81e RA L
64e bis
Moret S/ Loing
S et M


En suite CABINET DU MINISTRE

Kervoyal par Damgan Morbihan 14-8-18

Cher ami

cher ami, je viens de communiquer,
car je n’avais pas retrouvé votre adresse,
à Aragon, ma réponse à votre
télégramme il a du vous écrire.

Je crois que ce sera bien ainsi, trois
ou 4 poèmes formeront ainsi une
petite anthologie à la suite de
votre article.

Je me repose autant que je le
puis. J’en avais grand besoin.

Écrivez-moi à Paris où je rentrerai
vers le 23 de ce mois.

Vous devez avoir maintenant la
réponse par Aragon —

Je souhaite que vous vous portiez
bien, que vous fassiez de beaux
poèmes et que vous ne vous embêtiez
pas. J’ai annoncé aux lecteurs de
l’Europe nouvelle dans un écho qui paraîtra samedi
la publication de Mont de Piété

Ma main très amie

Guil. Apollinaire


[Enveloppe cachet du 15-8 18]

Monsieur André Breton
81 R. A. L. 64e batterie
Infirmerie
Moret
S/ Marne


[Papier à entête du Cabinet du ministre (des colonies)]

19 Août 1918

Décidément, les vacances m’avaient
fait perdre la tête. Je retrouve
votre lettre. De bois, je n’en ai
qu’un seul de Chirico. Il
faudrait le réclamer à Birot
qui ne me l’a pas rapporté je
le lui avais confié. On
devait le mettre en frontispice
aux mamelles et cela n’a pas
été fait.

Si cela devait décider Kinsdoj[illisible]
par le tirage à part et que
vous y voyez un avantage
je vous donnerai des poèmes,
mais – forcément – je mettrai
là en ce cas des poèmes de
guerre, nouveaux comme art,
mais de guerre, car pr une


chose imprimée à l’étranger et
[biffé] en pays neutre, j’estime
qu’il est impossible de faire
autrement. En tout, je pense qu’il est
de mon devoir de montrer, surtout en
juin[illisible], que je ne me désintéresse pas
de la guerre. – Mais mes propositions
faites de la lettre à votre ami
Aragon vous séduisant peut-être.

Je crois que M. Aragon vous [a]
sans doute déja écrit. Il est charmant,
je goûte son talent et la finesse de
son intelligence. Je vous remercie
de me l’avoir fait connaître.

Mes deux prochains poèmes seront
dédiés l’un à vous et l’autre à lui.
J’espère que M. Paul Valéry qui
est un poète et un savant
reviendra des préventions que
votre poème en collaboration
avec Aragon aura suscitées en
son âme. Il a trop d’esprit pour ne pas
entendre que les grâces d’aujourd’hui
sont tout autres que celles auxquelles il
avait si peu accoutumé les maîtres de son temps.


Bref, M. Paul Valéry qui ne
nourrit aucune prévention
contre un auteur comme
André Lebey[4], charmant
mais le plus ennuyeux du
monde, ne persistera pas dans
son dédain pour votre
poème

Du moins reconnaîtra-t-il
votre bonne foi et même
votre droit à en manquer
quand il s’agit de choses
de l’esprit. Il est bien singulier
que l’on ne veuille
plus admettre la légitimité


de ce que les latins appelaient
Repositorium Apollinis
quoi ! le poète n’aurait ni
le droit de se récréer, ni
celui de se délasser quand
au contraire je crois que
les travaux et les jours du
poète ne doivent être que
récréations et délassements.

La souffrance, la passion n’y
ont pas moins de part.

Ma main très amie.

Guil. Apollinaire


Enveloppe cachet du 20-8 18

70 route d’aubervilliers
Pantin
Seine

André Breton
étudiant en médecine au
81e R. A. L.


Cachet du 24-8-18


[Courrier de Jacqueline Apollinaire à André Breton]

Monsieur,

Mme Lara m’a
fait remettre hier
les manuscrits
cela vous évitera donc
cette démarche, je
ne vous en remercie
pas moins de


vous être mis à ma
disposition.

J’espère avoir du
nouveau dans le courant
de la semaine prochaine.

Passez donc me voir.

Sentiments amicaux

Jacqueline Apollinaire.


[Enveloppe de Madame Apollinaire adressé à Monsieur A. Breton]

  1. On peut voir les réponses d’André Breton à ces lettres Gallica
  2. cf. fiche wikipédia
  3. cf. Case d’Armons
  4. cf. Wikipedia