Le Pont des Soupirs (1868)/Acte II

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Michel Lévy (p. 22-56).
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ACTE DEUXIÈME


HORLOGE ET BAROMÈTRE


Une salle dans le palais Cornarino. — Porte au fond, portes latérales au 2e plan. — Au fond, en pendant, un grand baromètre et une grande horloge à coffres. — Au fond et sur les côtés, des panneaux mobiles perdus dans le mur. — L’horloge est au fond à gauche ; le baromètre au fond à droite. — Deux fauteuils sur le devant, à gauche et à droite. — Un tabouret près du fauteuil de gauche.



Scène PREMIÈRE.

CATARINA, LAODICE, Suivantes.

Au lever du rideau, Catarina est dans le fauteuil à gauche, plongée dans une profonde rêverie. Laodice est assise à ses côtés, en train de faire une échelle de soie, — Les suivantes sont rangées en cercle autour de Catarina.

Chœur de femmes.

Hélas ! noble maîtresse,
Laisse-là la tristesse
Qui noircit ton beau front.

Une suivante.

Toutes, tant que nous sommes,
Nous attendons nos hommes ;
Nos hommes reviendront !

Reprise.

Hélas ! noble maîtresse !
        Etc.

Catarina, à Laodice.

Lève-toi, Laodice, et les mets dehors.

Laodice pose au fond à gauche de l’horloge son tabouret et son ouvrage et congédie les suivantes, qui sortent par la gauche



Scène II

CATARINA, LAODICE.
Laodice, revenant près de Catarina.

Voyons, madame, maintenant que nous voilà seules, il faudrait bien nous entendre…

Catarina.

Que veux-tu dire ?

Laodice.

Vous me faites tricoter des échelles de soie comme une femme qui aurait des projets… Et voilà que vous pleurez l’absence de votre mari, comme si vous le regrettiez ; cela manque de logique.

Catarina se levant.

Laodice, tu vas me comprendre… Mais c’est un terrible secret que je vais te révéler : j’aime ! j’aime !

Laodice.

Vous aimez ?… Votre mari ?

Catarina.

Mon mari !… Allons donc ?… Je parle sérieusement ! Il a vingt ans, celui que j’aime ; il est beau, il est brave ; je suis sa vie, il est la mienne ; il se nomme Amoroso, et je ne sais rien au monde de plus étincelant que le rayonnement de son jeune front sous la couronne de ses blonds cheveux !

Laodice.

Vous l’aimez ?… Mais alors, pourquoi désirez-vous le tour de votre époux ?

Catarina.

Pourquoi ? écoute : Ce matin, avec le jour, Amoroso était sous mon balcon, il chantait et le ciel s’ouvrait pour moi ! Qui ne l’a pas entendu n’a rien entendu ! J’allais lui jeter l’échelle de soie. — Tout à coup, armés et masqués, paraissent quatre bandits… — À leur tête, cet affreux Fabiano Fabiani Malatromba ! — On s’empare d’Amoroso, on l’emmène, on l’entraîne, et voilà pourquoi je regrette mon époux.

Laodice.

Mais, Madame, je ne comprends pas.

Catarina.

Quoi ! tu ne comprends pas… mais tout cela n’arriverait pas, si mon mari était ici. Une fois le doge à Venise, qui fait d’Amoroso son plus intime ami ?… Cornarino ! Qui l’invite à dîner ? — Cornarino ! — À m’accompagner dans ma gondole ou sur la guitare ? Cornarino ! Cornarino !… Voilà ce qu’ont fait et feront toujours les Cornarini !… Et voilà pourquoi je regrette mon époux !

Laodice.

À la bonne heure !… comme cela je comprends !

Catarina.

Pauvre Amoroso ! où l’ont-ils conduit ?

À ce moment deux hommes masqués et enveloppés de manteaux sombres sortent brusquement de la muraille par deux panneaux mobiles, à gauche et à droite.



Scène III

Les Mêmes, ASTOLFO, FRANRUSTO.
[1] Laodice se retournant et jetant un cri.

Ah !

Catarina.

Quels sont ces deux hommes ?

Laodice.

Ils me font peur !

[2] Catarina, allant à Astolfo.

Qui êtes-vous ? Que cherchez-vous ici ?

Les deux hommes.

Vous !…

Catarina.

Comment vous nommez-vous, enfin ?

Astolfo.

Le silence !

Laodice, à l’autre.

Et vous ?

Franrusto.

Le tombeau !

En disant ces mots ils se sont avancés un peu.
Laodice.

Madame, n’en doutez ce sont des espions de votre infâme persécuteur.

Catarina.

Misérables !

Astolfo.

Tout ce que vous ferez, nous le verrons !

Franrusto.

Tout ce que vous direz, nous l’entendrons.

Les deux hommes ensemble.

Et nous le répéterons !

Catarina.

Eh bien ! drôles ! commencez par redire ceci à votre maître, que je le hais et le méprise ; que son âme est aussi noire que votre visage…

Laodice.

Et que jamais nous ne tromperons notre mari avec un homme aussi farouche !

Catarina.

Bien dit, Laodice ! Viens et retirons-nous dans le boudoir olive.

Elles sortent par la droite. Franrusto et Astolfo les suivent jusqu’à la porte et après la sortie ils ôtent leurs masques.



Scène IV

MALATROMBA, FRANRUSTO, ASTOLFO.
À peine Catarina est-elle sortie que Malatromba entre à l’avant-scène de gauche par une porte secrète.
Malatromba, aux deux hommes qui sont au fond à droite.

Eh bien !

Franrusto.

Dans le boudoir olive, Seigneur.

Astolfo.

Elle vient de se retirer dans le boudoir olive.

[3] Malatromba.
I

La colombe craintive,
Dans le boudoir olive
A fait son nid soyeux,
Et sous son aile blanche
Sa tête qui se penche
Déjà ferme les yeux.
Ah ! colombe naïve,
Prends donc garde à l’autour
Qui tourne, tourne autour
De ton boudoir olive !

Il gagne la droite, pendant que Franrusto et Astolfo gagnent la gauche.
II

Il a guetté sa proie.
Le vois-tu qui tournoie
Tout là-haut, dans les cieux
Lentement, puis plus vite
Rétrécissant l’orbite
D’un vol vertigineux !
Ah ! colombe naïve,
Prends donc garde à l’autour
Qui tourne, tourne autour
De ton boudoir olive !

Malatromba, après les couplets se dirige silencieusement vers la porte du boudoir olive à droite ; au moment d’ouvrir la porte, il pousse un éclat de rire satanique : Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! et il sort.



Scène V

FRANRUSTO, ASTOLFO.
Franrusto.

Dis donc ?

Astolfo.

Hein ?

Franrusto.

Dans le boudoir olive, Astolfo !

Astolfo.

Oui, dans le boudoir olive, Franrusto !

Franrusto, riant.

Oh ! oh ! oh !…

Astolfo, riant.

Oh ! oh ! oh !…

Franrusto, écoutant.

Chut !

Il passe à droite.
[4] Astolfo.

Quoi donc ?

Franrusto.

N’entends-tu pas ?

[5] Astolfo, allant à droite et écoutant.

Si fait…

Franrusto, montrant le mur à l’avant-scène de droite.

On marche dans ce mur.

Ils remettent leurs masques.
Astolfo.

Le panneau s’agite !

Ils reculent vers la gauche.
Franrusto.

Il s’entr’ouvre !

Astolfo, voyant paraître Cornarino.

Un homme !

Franrusto, voyant paraître Baptiste.

Deux hommes !

Astolfo.

Masqués comme nous !

Franrusto.

Armés comme nous !

Cornarino et Baptiste, toujours avec leurs bandeaux, sont entrés l’un après l’autre par une trappe pratiquée également dans la muraille, l’avant-scène de droite.



Scène VI

Les Mêmes, CORNARINO, BAPTISTE.
QUATUOR.
Astolfo et Franrusto.

Hélas ! mon Dieu ! que vont-ils faire ?

Vont-ils parler ? Vont-ils se taire ?
Je ne sais pas quels sont ces gens,
Mais à coup sûr ils sont gênants !

Cornarino et Baptiste.

Hélas ! mon Dieu ! que faut-il faire ?
Faut-il parler ? faut-il se taire ?
Je ne sais pas quels sont ces gens,
Mais à coup sûr, ils sont gênants !

Franrusto et Astolfo s’approchent tout doucement de Cornarino et de Baptiste.
[6] Cornarino et Baptiste, à part.

Ils s’avancent à pas de loups !
Les voici qui viennent vers nous !

ENSEMBLE. — REPRISE.
Astolfo et Franrusto.

Hélas ! mon Dieu ! que vont-ils faire ?
        Etc., etc.

Cornarino et Baptiste.

Hélas ! mon Dieu ! que faut-il faire ?
        Etc., etc.

Cornarino et Baptiste passent rapidement à gauche.
[7] Baptiste, tremblant, bas à Cornarino.

Monsieur, si nous quittions la place ?…
Je manque tout à fait d’audace !

Cornarino, tremblant aussi, bas.

C’est le moment d’avoir du cœur !

Astolfo et Franrusto, à part.

Ces deux affreux spadassins me font peur !

Tous les quatre, parlé.

Allons !

Ils marchent l’un sur l’autre le poignard en avant, puis reviennent sur le devant de la scène et très-gaiement.

Dzing ! dzing ! préparons-nous !
Abattons-les à nos genoux !

Franrusto, bas à Astolfo.

Sans trembler et sans tarder…

Astolfo, bas.

Nous allons les poignarder !

Cornarino et Baptiste, à part.

Cet instant sera bien doux !

Tous les quatre.

Ils tomberont sous nos coups !

Baptiste, bas.

J’aurais peur s’ils n’avaient pas peur.

Cornarino, de même.

Puisqu’ils ont peur, ayons du cœur !

Astolfo, de même.

Allons montrons du caractère,

Franrusto, de même.

En les attaquant par derrière.
      Tu m’as compris.

Astolfo, bas.

      Les voilà pris !

Cornarino, bas en montrant son poignard.

      L’affaire est faite.

Franrusto, de même,

      Ma dague est prête !

Ensemble, très-gaiement.

Dzing ! dzing ! préparons-nous !
Abattons-les à nos genoux !

Ils s’avancent les uns contre les autres, les poignards levés.
Les deux hommes.

Ah ! bah ! oui-dà !

Cornarino et Baptiste.

C’est comme ça !

[8] Astolfo, frappant.

Tiens donc, pendard !

Cornarino, de même.

Tiens donc, pendard !Tiens donc, coquin !

Franrusto, de même.

À toi, brigand !

Baptiste, de même.

À toi, brigand !À toi, gredin !

Astolfo, de même.

Pour toi !

Cornarino, de même.

Pour toi !Pour toi !

Franrusto, à part.

Pour toi ! Pour toi !Ça ne mord pas

Baptiste.

Pour toi !

Cornarino.

Pour toi !Pour toi !

Astolfo.

Pour toi ! Pour toi !Quel matelas !

Il rejoint Franrusto.
[9] Ensemble sur le devant.

Dzing ! dzing ! préparons-nous,
Abattons-les à nos genoux !

Franrusto.

Sans trembler et sans tarder…

Astolfo.

Nous allons les poignarder !

Cornarino et Baptiste.

Cet instant sera bien doux !

Tous les quatre.

Ils tomberont sous nos coups !

Cornarino, bas à Baptiste.

Baptiste, y allons-nous lâchement ?

Baptiste, de même.

Allons-y lâchement !

Ils remontent à pas de loups.
Astolfo, bas à Franrusto.

Nous ne serions pas les plus forts… Laissons-nous tuer !

Franrusto, montant sa poitrine, bas.

Avec ça, il n’y a pas de danger.

[10] Baptiste et Cornarino, les frappant

Haigne !

Les deux hommes tombent.
Baptiste.

Ça n’est pas plus malin que ça.

Cornarino.

Ah ! ça va mieux ! Et maintenant, vite leurs costumes, leurs masques, et prenons leurs places. (Il entr’ouvre le manteau d’Astolfo et on voit sur la poitrine la marque C. D. X.) Des espions du Conseil !… à la solde de mon lâche cousin ! (On entend du bruit à l’extérieur.)… Du bruit ! dépouille et emporte ces deux corps !

Ils enlèvent aux deux hommes leurs manteaux, leurs masques et leurs toquets.

Baptiste.

Mais où ? mais comment ? monsieur… Deux espions du Conseil des Dix, ça ne s’emporte pas comme deux bouteilles de vin dans un panier.

Cornarino.

Sur mon âme, tu as dit vrai !… Ah ! tiens, cette horloge… Ce baromètre !… Le tien, ici !… le mien, là !…

Baptiste.

Oui, monsieur, oui !

Ils placent les deux corps, Franrusto dans l’horloge, Astulfo dans le baromètre.

[11] Cornarino.

Baptiste, prends garde ! tu le cognes !… (Ils ferment les deux armoires, et mettent les manteaux, les toquets et les masques.) Maintenant, nous avons le droit de rester ici… je ne sais pas au juste à quel titre… mais la suite nous le dira…

Catarina, en dehors.

Non, jamais ! laissez-moi, seigneur !

Elle entre précipitamment en scène par la droite, suivie de Malatromba.



Scène VII

Les Mêmes, CATARINA, MALATROMBA.
[12] Catarina, s’élançant vers Cornarino.

Ah ! je vous en supplie, qui, que vous soyez, défendez-moi contre cet homme !

Malatromba, qui s’est arrêté près du fauteuil de droite, jette un éclat de rire satanique.

Cornarino, à part.

C’est ma femme !… et ne pouvoir…

Malatromba.

Toutes mes précautions sont bien prises ! elle ne peut m’échapper !

Catarina.

Oui !… ils vous appartiennent, les misérables ! (À Cornarino et à Baptiste.) Vous êtes hommes, cependant ; peut-être avez-vous eu une mère ? Eh bien ! c’est en son nom que je vous implore ! Je suis Catarina Cornarino, la femme du doge, de votre doge, après tout… Et celui-ci… (Montrant Malatromba.) savez-vous ce qu’il médite pendant que mon noble époux se fait battre pour la patrie ?… le savez-vous ?…

Second éclat de rire de Malatromba.
Malatromba.

En vous voyant, belle dame, je suis sûr qu’ils le devinent et qu’ils m’excusent.

Il s’assied dans le fauteuil de droite.
Baptiste, à part.

Quelle position pour monsieur !

Catarina.

Oh ! le monstre ! (Elle prend la main de Cornarino.) écoute, toi, mon ami ; oui, mon ami ; pourquoi ne serais-tu pas mon ami ? Il faut que tu me défendes !… Ah ! il le faut !… Ne réponds pas !… c’est inutile !… Il te paye bien, je te payerai mieux… L’argent ! tu aimes l’argent, n’est-ce pas ?… Je t’en donnerai et beaucoup ! J’en ai là, chez moi ! dans un coffre et des bijoux aussi ; ils sont à toi, tous, tous !… D’ailleurs, tu es bon, j’en suis sûre !… (Regardant Cornarino, qui, sous son masque, répond par des sons inarticulés.) Il est idiot ! (Allant à Baptiste.)[13] Écoute, toi… tu dois avoir une femme, une mère, une sœur, quelque chose enfin ! ma cause est la tienne, alors, en me défendant, c’est ta femme, ta mère et ta sœur que tu défends… comprends-tu ? Il est encore plus bête que l’autre !… mais, alors, il ne me reste plus qu’à m’évanouir ! Oui, c’est cela, je vais m’évanouir ! que je ne retrouve plus cet homme après mon évanouissement !… vous m’entendez… c’est convenu !… (Elle pousse un petit cri.) Ah !…

Elle tombe pantelante et essoufflée dans le fauteuil de gauche.
[14] Baptiste, allant à Cornarino, bas.

Monsieur, elle est évanouie.

Cornarino, avec rage.

Ah !…

Cornarino et Baptiste, suppliant Malatromba.

Seigneur… seigneur !…

[15] Malatromba, se levant devant eux.

Eh bien ! qu’est-ce que cela signifie ?… Mes espions ordinaires… Est-ce que nous deviendrions sensibles ? Par Satan ! ce serait bouffon et presque merveilleux !… Allons, maîtres drôles… d’un mot je puis vous faire pendre… ne l’oubliez pas…

Cornarino, à part.

Hélas !

Baptiste, à part.

Il ne croit pas dire si vrai…

Malatromba.

Allons sortez !…

Cornarino.

Sortir, jamais !

Baptiste.

Jamais !

Malatromba.

Comment, jamais !

Cornarino.

Notre devoir est de veiller sur vous.

Baptiste.

Sur vos précieux jours.

Malatromba.

Au fait, si quelque audacieux tentait !… Oh ! les inconvénients de la grandeur… ne pouvoir jamais être seul… Les petites gens, dans les cas où il faut être seul, ils sont seuls, les petites gens ; mais nous autres, grands de la terre, nous ne sommes jamais seuls… C’est flatteur, mais c’est gênant. (À Cornarino et à Baptiste.) Eh bien, cachez-vous et tenez-vous prêts au cas où j’aurais besoin de vous.

Cornarino.

Nous cacher ?… (Chantant comme un air de tyrolienne.) Nous cacher… et où ?

Baptiste, de même.

Oui… où ?

Malatromba, de même.

Ah ! Où ?… (Montrant le fond.) Là, ou là.

Baptiste et Cornarino, de même.

Là itou ?

Malatromba, de même.

Là itou… là ! ou dans cette horloge !

Cornarino, à part, avec épouvante.

L’horloge !…

Malatromba.

Et dans ce baromètre !

Baptiste, à part.

Le baromètre !… marcher sur nos victimes !

Cornarino, bas à Baptiste.

Horreur ! Baptiste, si tu veux me faire un plaisir, tu prendras le baromètre ; c’est le mien qui est dedans… je ne veux pas le revoir…

Baptiste, bas à Cornarino.

Oui, monsieur… pourvu qu’ils soient bien morts !

Malatromba.

Mais allez donc !

Ils entrent dans les deux coffres, pendant que Malatromba revient à Catarina toujours évanouie. — Ces deux coffres sont munis chacun d’une petite lucarne qui s’ouvre à volonté sur le public.



Scène VIII

CATARINA, MALATROMBA, BAPTISTE et CORNARINO dans le baromètre et dans l’horloge.
Malatromba.

Mon Dieu que je l’ai fait attendre ! mais maintenant, toutes mes précautions sont bien prises ! Toujours évanouie… Qu’elle est belle ainsi !

Il arrache une plume de sa toque et chatouille Catarina sous le nez.

Cornarino, se montrant à la lucarne, de l’horloge, à Baptiste, bas.

Chatouiller sa cousine par alliance dans un pareil moment !

Baptiste, paraissant à celle du baromètre, à Cornarini, bas.

Cet homme ne recule devant aucune cascade.

Cornarino, bas.

C’est un raffiné !

Baptiste, bas.

Ah ! monsieur !

Cornarino, bas.

Quoi ?

Baptiste, bas.

Il me semble que ma victime ronfle.

Cornarino, bas.

Tu es stupide !… On n’a jamais fait ronfler les gens à coups de poignard.

Ils disparaissent.
Baptiste, qui regarde Catarina.

Elle sourit… Ça lui va bien de sourire !… (Il la chatouille de nouveau.) Cela m’amuse de jouer avec ma victime !… C’est honteux ! mais cela m’amuse !…

Catarina, revenant à elle.

Où suis-je ?

Malatromba.

Elle ne pouvait pas dire autre chose ! Quand une femme sort d’un long évanouissement, elle s’écrie : Où suis-je ?…

[16] Catarina, se levant et passant à droite.

Lui !… encore lui !

Malatromba.

Oui, je suis lui !

Cornarino, reparaissant.

Lui !…

Baptiste, de même.

Lui !…

Toutes ces exclamations se succédant coup sur coup produisent une espèce de sifflement prolongé.

Catarina, à Malatromba.

vous me faites horreur !

Malatromba.

Pas de marivaudage ! Tu as bien tort, va… jamais bluet dans les blés, jamais grillon dans la campagne, jamais ramier dans le bocage, jamais berger sur la fougère, jamais, en un mot, la nature au printemps ne chanta l’amour comme je l’aurais chanté à tes pieds, si tu l’avais voulu !… C’eût été une féerie, un rêve !

Cornarino, bas à Baptiste.

Il va chanter son rêve !

Baptiste, bas à Cornarino

Nous avons cinq minutes à nous.

Ils rentrent leurs têtes.
Malatromba.

Ah ! qu’il était doux, mon beau rêve !
        Il m’emportait,
        Il m’entraînait,
Comme la feuille qui s’élève
        Au tourbillon
        De l’aquilon !
C’était une retraite obscure,
        Où, loin des yeux,
Chantait dans l’ombre et la verdure
        Un amoureux
Il ébauchait sa barcarolle
        À vos genoux,
Et vous appelait son idole
        En vers bien doux !
Ah ! qu’il était doux, mon beau rêve !
        etc.

Au commencement du refrain Catarina passe à gauche.
Baptiste, bas à Cornarino reparaissant.

Si on peut jouer ainsi avec les guitares les plus sacrées.

Cornarino bas à Baptiste.

Il mérite la corde.

Malatromba.

Voilà mon rêve. — Êtes-vous charmée ?

Catarina.

Moi, charmée !… misérable !…

Elle repasse à droite et va se jeter sur la porte du boudoir olive qu’elle trouve fermée.

Cornarino, à part.

Bravo, ma femme !

Malatromba.

Ah ! c’est comme ça ? Eh bien, je l’aime autant ! Plus de barcarolles !… Aussi bien, je les chante sans conviction… Et en vérité, madame, ne trouvez-vous pas que c’est chose bouffonne que de voir un homme tel que moi s’abaisser à supplier une femme ! Moi qui ai combattu dans Candie, moi qui ai repoussé trois fois les Matalosses, moi qui n’ai qu’à parler un peu haut pour faire trembler le Turc dans Constantinople !… Mais vous ne savez donc rien, madame ?… Mais on ne vous a donc pas dit qu’il y avait en Italie une ville de marbre et que, dans cette ville de marbre, il y avait un homme de fer ?

Catarina.

Jamais on ne m’a parlé de ça.

Malatromba.

Eh bien, je vous en parle… et j’ajoute que la ville de marbre c’est Venise, et que l’homme de fer c’est Fabiano Fabiani Malatromba, dit le rempart de l’Adriatique !

Catarina.

Je vous assure, Monseigneur, que je vais devenir folle si sous continuez à me parler ainsi…

Cornarino, à part.

Je comprends ça, moi…

Malatromba.

Ne parlons plus alors… et en avant les moyens décisifs.

Catarina.

Les moyens décisifs ?

Cornarino, passant sa tête, à part.

Bigre !

Baptiste, de même.

Sapristi !

Malatromba.

Toutes mes précautions sont bien prises. Votre mari n’est pas là !

Cornarino, à part.

Comment, il n’est pas là !

Malatromba.

Et plût au ciel qu’il y fût !… Je le ferais expirer dans les tortures les plus odieuses !…

Cornarino, rentrant sa tête vivement.

Fichtre !

Baptiste, même jeu.

Sac à papier !

Malatromba.

Mais il me reste encore le petit page qui vous aime, vous savez ?

Catarina, vivement.

Amoroso !

Malatromba.

Ah ! je vous tiens par là… Vous pâlissez, madame !

Catarina.

Eh bien ?

Malatromba.

Il est en lieu sûr, à deux pas… il n’y a que le pont des Soupirs à traverser.

Catarina.

Le pont des Soupirs !

Malatromba.

Vous savez ? sous les Plombs, l’été est chaud !… Il est délicat, le cher enfant !… Il cuit !

Catarina, éperdue.

Il cuit !

Cornarino, bas, à Baptiste, reparaissant.

Pauvre jeune homme ! je l’aimais déjà ! Il me semble qu’il me voulait du bien !…

Catarina, se traînant aux genoux de Malatromba.

Amoroso ! Je ne l’aime pas !… Grâce !…

Malatromba, se mettant également aux genoux de Catarina.

Sa grâce, mais elle dépend de vous… Je viens vous la demander à genoux !

Catarina, reculant à genoux devant Malatromba, qui la suit de même.

Oh ! quelle horrible situation !

Cornarino, sortant de sa cachette par terre, à plat ventre, à part.

Et je suis dans la pendule !

Baptiste, également par terre à côté de Cornarino, à part.

Quelle position pour monsieur !

Tous les quatre sont par terre à plat ventre dans un état d’angoisse et d’émotion extraordinaires, — Malatromba près de Catarina qu’il regarde avec des yeux enflammés, — Cornarino et Baptiste un peu plus haut. — Catarina tout d’un coup fait le geste d’attraper une mouche sur le nez de Malatromba.

Malatromba, surpris.

Que faites-vous, madame ?

Catarina.

Mon Dieu ! mon Dieu ! mais vous voyez bien que je deviens folle !

Baptiste, se relevant et regagnant sa cachette, bas.

Elle devient folle, monsieur.

Cornarino, même jeu.

C’est pour gagner du temps, Baptiste.

Catarina pousse Malatromba, qui manque de tomber à la renverse et se trouve alors assis par terre.

Malatromba.

Voyons, ce n’est pas sérieux.

Catarina.

Quoi donc ?

Malatromba.

Ce que vous disiez là tout à l’heure… que vous deveniez folle ?

Catarina, très-gaie.

Pas sérieux !… pas folle ! (Riant aux éclats.) Ah ! ah ! ah ! ah ! (parlant sur la musique.) Oh ! le doge ! oh ! les Plombs !… (Se relevant, passant à gauche et faisant le simulacre de nager[17].) Le canal Orfano !… l’Adriatique !… c’est fini !… je suis folle !…

Malatromba, se relevant.

Comme ça… tout de suite ?…

DUO
Catarina, venant près de Malatromba.

Mon ami, mon ami,
Laisse-moi t’appeler ainsi !
Ne trouble par aucune phrase
        La divine extase
        De mes sens ravis !
J’ai vu des hommes bien jolis,
Mais jamais, cher ange, crois-moi,
Jamais aussi jolis que toi !
J’irai plus loin, j’avouerai même,
Ô mon chevalier, que je t’aime !

Malatromba.

Tu m’aimes ?…

Catarina.

Tu m’aimes ?… Je t’aime !

Malatromba.

          Elle m’aime !

À part.

        Profitons lâchement
        De son égarement !

Catarina, à part.

        Ici, comment, hélas !
        M’arracher de ses bras ?

Malatromba.

        Eh bien ! partons tous deux !

Catarina.

        Oui, oui, quittons ces lieux !

Ensemble.

        Que nous serons heureux,
                Tous deux !
        Je connais au loin
        Un tout petit coin
        Fait pour les amours,
Et là, tous deux, tous les jours,
        Nous nous adorerons,
        Nous nous câlinerons !

Malatromba cherche à entraîner Catarina.
Catarina, à part.

Que faire !… Ah !… (Haut.) Attends… encore quelque chose !… Le petit coin fait pour les amours… où est-il, le petit coin ?

Malatromba, à part.

Flattons sa manie… trouvons le petit coin : (Haut.)

BOLÉRO.

        C’est un coin tout petit
        Au fin fond des Espagnes,
        Un petit coin blotti
        Dans ces vertes campagnes
        Que le soleil rôtit,
        Au fin fond des Espagnes !

Ensemble.

        Allons vivre tous deux
        Au fin fond des Espagnes !
        Que nous serons heureux
        Au fin fond des Espagnes !

Catarina, dansant.

                Boléro,
                Fandango,
                Cachucha
                Et voilà !
Ah ! l’beau pays qu’ça fait tout ça !
                Boléro,
                Fandango,
                Cachucha,
        Et voilà !
      Ah ! comme il faut voir,
      Du matin au soir,
      Ce peuple étonnant,
        Toujours chantant,
        Toujours riant,
        Toujours sautant,
        Toujours dansant !

Sur ce chant, Malatromba danse avec Catarina.
Malatromba.

        Les forêts y sont faites
        En bois de castagnettes,
        Et ce produit du sol
        Suffit à l’Espagnol ;
        Sans tambour ni trompette,
        Mais avec castagnette,
        Il danse tout le temps
        Des pas extravagants !

À ce moment, Cornarino et Baptiste sortent du baromètre et de la pendule et se mêlent au chant et à la danse, au deuxième plan ; puis Astolfo et Franrusto sortent à leur tour et font le même jeu de scène au fond.

[18] Ensemble général, en dansant follement.

        C’est un coin tout petit
        Au fin fond des Espagnes,
        Un petit coin blotti,
        Dans ces vertes campagnes
        Que le soleil rôtit
        Au fin fond des Espagnes !

À la fin de ce morceau, Cornarino, Baptiste, Astolfo et Franrusto rentrent dans le baromètre et dans la pendule, et Malatromba cherche à entraîner Catarina, qui résiste, vers le boudoir olive.

[19] Cornarino, la tête à la lucarne, bas à Baptiste.

Elle s’en va, Baptiste, elle s’en va !

Baptiste, de même.

Oui, monsieur, mais pas de bon cœur !

Malatromba, entraînant toujours Catarina.

Enfin, je triomphe !

[20] Amoroso paraissant tout à coup par la première porte masquée, à droite.

Pas encore !

Catarina s’arrache des bras de Malatromba et court se jeter dans ceux d’Amoroso. — Mélodrame à l’orchestre.



Scène IX.

Les Mêmes, AMOROSO.
Malatromba.

Malédiction !

[21] Catarina, allant se jeter dans les bras d’Amoroso

Amoroso !

Amoroso.

Catarina !

Baptiste et Cornarino, à part.

Fouchtra !

Amoroso, à Malatromba.

Ah ! félon !… lâche et parjure !… tu ne m’attendais point, n’est-ce pas ? Crois-tu donc que pour un cœur bien épris il y ait des grilles ou des prisons !… Vrai Dieu ! mon maître, le pont des Soupirs est haut, mais l’amour franchit tout ! (Il tire son épée.) Allons ! Monseigneur, tes sbires ne sont plus là ! Voyons ce que la crainte de mourir pourra te donner de courage !…

Baptiste, à Cornarino, bas.

Il y a du cœur dans sa tartine !

Cornarino, à Baptiste, bas.

Du beurre ?

Baptiste, à Cornarino.

Du cœur !

Malatromba, ricanant.

Ah ! ah ! ah !… tu me crois seul et tu m’insultes, mais toutes mes précautions sont prises… à moi, vous autres !

Il remonte.
Catarina.

Prends garde, Amoroso !… cette maison est pleine d’espions et d’assassins… (Elle montre les armoires.) Ils sont là !

Amoroso.

S’ils ne se pressent pas davantage, Monseigneur… tes valets vont te laisser tuer comme un chien…

Il marche sur Malatromba.
Malatromba reculant devant lui et passant à droite.

À l’aide ! à l’aide ! (En passant, il frappe aux portes des armoires.) Quand vous voudrez, vous autres…

[22] Amoroso.

Défends-toi !… car si tu ne veux pas que je te tue !… vrai Dieu !… je t’assassine…

[23] Catarina, avec énergie.

Amoroso ! tue-le !…

Malatromba, se retranchant derrière le fauteuil de droite.

Mais c’est atroce !… mais je suis abandonné à moi-même comme le dernier des honnêtes gens !

Amoroso.

As-tu fini ?

Malatromba, tirant son épée et portant des bottes par-dessus le fauteuil.

Eh bien ! puisque tu ne rougis pas d’attaquer un homme

Catarina tombe à genoux.
Catarina.

Seigneur, prolongez les jours de mon chevalier et diminuez ceux de mon tyran !… (À Amoroso.) Tue-le donc !… mais tue-le donc !

Malatromba, remontant en ferraillant.

À moi ! Astolfo ! Franrusto !

Il rompt toujours.
Baptiste, pendant le duel, poussant un Ouf !

Ah !…

Cornarino.

Quoi donc ?

Baptiste.

Monsieur ! ma victime répond ! elle remue sous mes pieds !

Cornarino.

Allons donc, tu es fou… (Poussant un cri.) Ah !…

Baptiste.

Quoi donc ?…

Catarina passe à droite, pendant que Malatromba recule toujours devant Amoroso.

Cornarino.

La mienne qui remue aussi !…

Baptiste.

Au secours !

Cornarino.

Assieds-toi dessus… étouffe-le ! Fais comme moi !…

Cris dans les armoires qui s’ébranlent. — Le duel s’est interrompu. — Catarina, Amoroso et Malatromba regardent avec stupéfaction.

Cornarino, Baptiste, les deux hommes, poussant des gémissements dans les armoires.

Aïe ! Aïe ! Aïe !…

Les armoires s’ouvrent ; les quatre hommes sortent en se battant. — Catarina et Amoroso gagnent la droite.

[24] Catarina, Amoroso.

        D’où sortent ces cris ?
        C’est à n’y pas croire !
        Quels sont ces bandits
        Cachés dans cette armoire ?

Malatromba, à part.

        C’est prodigieux !
        J’en mets deux dans l’armoire !
        Quatre au lieu de deux !
        C’est à ne pas y croire !

Catarina, Amoroso.

        C’est prodigieux !

Malatromba.

        Me dira-t-on quels sont ces gens ?

Franrusto et Astolfo.

        Ce sont d’infâmes sacripans,
        Des assassins !…

Malatromba, reculant effrayé.

        Des assassins !…Pas de bêtise
        Et prenons nos précautions :
Élevant la voix.
        À moi, mes sbires, mes espions,
        Et la police de Venise !

Il va ouvrir la porte du fond.
Chœur, en dehors.

        Dans Venise la belle
        Nous faisons sentinelle
        Dans les murs, jour et nuit,
        Nous nous glissons sans bruit.

Malatromba.

                Ce sont eux
Je reconnais leur chant de guerre !

À Cornarino et Baptiste.

        Et pour vous, malheureux,
Craignez un châtiment sévère !

Cornarino et Baptiste, parlé.

Les voilà ! c’est fait de nous !

Les sbires entrent par le fond et se rangent sur une seule ligne au milieu.
Chœur des sbires.
REPRISE.

Dans Venise la belle, etc.

Après les sbires entrent par toutes les portes et par toutes les trappes, — le populaire, — gondoliers, lazzaroni, gens du peuple.

Chœur des gens du peuple.

Pourquoi donc crier ainsi ?
Que se passe-t-il ici ?

La musique continue piano à l’orchestre pendant le dialogue suivant.
Malatromba, désignant Cornarino et Baptiste.

Arrêtez-moi ces deux hommes !… Et aux Plombs !

Cornarino.

Aux Plombs ?

Baptiste.

Pourquoi ?

Malatromba.

Parce que vous êtes deux bravi !

Cornarino et Baptiste.

Nous !

Baptiste, à part.

Oh ! quelle idée ! (Haut, à Malatromba.) Et si ces deux bravi vous apportaient des nouvelles de l’amiral Cornarino !…

Mouvement de surprise de Cornarino.
Tous.

De Cornarino ! — Parlez !

Baptiste.

Apprenez donc que le Doge est mort !

Catarina se lève et passe devant Amoroso.
[25] Tous.

Mort !

Cornarino, bas à Baptiste

Que diantre dis-tu là, animal ?

Baptiste, bas.

Eh ! monsieur !… Le seul moyen de vivre tranquilles, à cette heure, c’est de passer pour morts !

Cornarino, bas.

Compris !… Sublime !…

Malatromba.

Les preuves ?

Cornarino.

C’est au Conseil des Dix que nous les donnerons.

Malatromba.

Vite, au Conseil ! au Conseil !

Tous.

Au Conseil !

Malatromba, bas à Astolfo et à Franrusto, à qui il a fait un signe et qui se sont approchés de lui.

Cornarino n’est plus ! — Je serai doge !

Catarina, bas à Amoroso.

Amoroso, ces hommes ont menti !

Elle observe avec attention Cornarino et Baptiste.
Malatromba, bas à Astolfo et à Franrusto, en montrant les sbires.

Tous ces gens sont-ils à moi ?

Catarina va se rasseoir sur le fauteuil de droite.
Astolfo, bas.

Oui, maître.

Malatromba, bas.

Les avez-vous préparés à me faire une ovation spontanée ?

Astolfo et Franrusto, bas.

Oui, maître.

Malatromba, bas.

C’est bien ! (Haut.) Écoutez tous !

Reprise de la musique chantée.


COUPLETS.
I.

Mes amis, je n’ai d’autre envie
Que de donner tous mes instants
Au service de ma patrie !

Chœur, faiblement.

Ce sont là de bons sentiment !
        Gloire, gloire à
        Malatromba !

Astolfo et Franrusto, bas à Malatromba.

        Cela ne fait
        Aucun effet.


II.
Malatromba.

Je suis un profond politique,
Et j’accroîtrais par mes talents
La grandeur de la république !

Chœur, faiblement.

Ce sont là de bons sentiments !
        Gloire, gloire à
        Malatromba !

Astolfo et Franrusto, bas à Malatromba.

        Cela ne fait
        Aucun effet.

Cornarino, Baptiste, Catarina, Amoroso,
à part, avec joie.

        Cela ne fait
        Aucun effet.

Astolfo et Franrusto, bas à Malatromba.

Ah ! dam’, seigneur, pour ces gens-là
Il faut autre chose que ça !

Malatromba, bas

        Pas si haut !
Je vois bien ce qu’il leur faut.
Pour enlever une affaire,
Pour brusquer un dénouement,

Pour chauffer le populaire,
Le plus solide argument,
        C’est l’argent !
Il faut donner de l’argent !
Prenez, prenez de l’argent !

Il leur donne à chacun une bourse, dont ils vont distribuer le contenu.
Chœur, un peu plus fort.

Vive, vive Malatromba !
Gloire, gloire à
Malatromba !

Astolfo et Franrusto, revenant, bas à Malatromba.

Encor
De l’or !

Malatromba, donnant de nouvelles bourses, bas.

Prenez donc cet argent !
Prenez, prenez, prenez-en !

Astolfo et Franrusto, revenant après une nouvelle distribution, bas.

Chauffons, chauffons !
De l’or
Encor !

Malatromba donne toujours de l’or que ses deux espions distribuent.

Chœur, joyeux.

Prenons ! Prenons !

Cornarino, bas à Baptiste, qui prend de l’argent.

Que fais-tu donc ?

Baptiste, bas.

Monsieur, détournons les soupçons.

Cornarino, bas, prenant aussi de l’argent.

Oui, détournons les soupçons.

Chœur, très-fort.

        Vive, vive Malatromba !
                Gloire, gloire à
                Malatromba !

Baptiste chante plus fort que les autres.
Malatromba, jetant de l’or.

        Prenez, prenez cet or !
        Prenez, prenez encor !

Chœur, de plus en plus fort.

        Vive, vive Malatromba !
Quel excellent doge il fera
                Pour candidat
                Pour le dogat
Nous prenons Malatromba !

Catarina se lève et passe devant Amoroso.
Catarina, Amoroso, Cornarino, Baptiste, à part.
Il lui faut tout, le scélérat !
Et mon honneur et le dogat !
son
[26] Astolfo et Franrusto, revenant près de Malatromba, bas.

Une dernière tournée,
Et l’affaire est terminée !

Malatromba, bas.

(Parlé.) Ma réserve !… (Il tire de sa poche un bas très-riche rempli d’or et en verse dans les mains d’Astolfo et de Franrusto, qui le distribuent.) Prenez !…

Chœur.
Ensemble.

Vive, vive Malatromba !
Quel excellent doge il fera !
        Gloire, gloire à
        Malatromba !

Catarina, Amoroso, Cornarino, Baptiste, à part.
Il lui faut tout, le scélérat !
Et mon honneur et le dogat !
son

Pendant ce dernier ensemble, on a amené de la gauche un cheval blanc richement caparaçonné, sur lequel monte Malatromba, qui de là jette encore à la foule de l’or qu’il prend dans son bas. Acclamations des gens du peuple. — Colère et menaces de Cornarino, de Baptiste, de Catarina et d’Amoroso. — Le rideau tombe sur ce tableau, l’orchestre jouant la Marche de la Muette, le triomphe de Mazaniello.



  1. Franrusto, Catarina, Laodice, Astolfo.
  2. Franrusto, Laodice, Catarina, Astolfo.
  3. Franrusto, Astolfo, Malatromba.
  4. Astolfo, Franrusto.
  5. Franrusto, Astolfo.
  6. Baptiste, Cornarino, Astolfo, Franrusto.
  7. Cornarino, Baptiste, Astolfo, Franrusto.
  8. Franrusto, Cornarino, Astolfo, Baptiste.
  9. Baptiste, Cornarino.
  10. Baptiste, Franrusto, Astolfo, Cornarino.
  11. Baptiste, Cornarino.
  12. Baptiste, Cornarino, Catarina, Malatromba.
  13. Baptiste, Catarina, Cornarino, Malatromba.
  14. Catarina, Baptiste, Cornarino, Malatromba.
  15. Catarina, Malatromba, Baptiste, Cornarino.
  16. Malatromba, Catarina.
  17. Catarina, Malatromba.
  18. Cornarino, Malatromba, Catarina, Baptiste, Franrusto et Astolfo au fond.
  19. Catarina, Malatromba.
  20. Catarina Malatromba, Amoroso.
  21. Catarina Malatromba, Amoroso.
  22. Catarina, Amoroso, Malatromba.
  23. Catarina, Malatromba, Amoroso.
  24. Cornarino, Baptiste, Franrusto, Malatromba, Astolfo, Amoroso, Catarina.
  25. Cornarino, Baptiste, Franrusto, Malatromba, Astolfo, Catarina, Amoroso.
  26. Cornarino, Baptiste, Astolfo, Malatromba, Franrusto, Catarina, Amoroso.