Le Rituel brahmanique du respect social

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Texte établi par Congrès provincial des Orientalistes, .

Extrait n° 2 du Compte-rendu
des travaux de la Session inaugurale
du Congrès provincial des Orientalistes




Le Rituel du Respect Brahmanique contenu dans le Mânavadharmaçâstra, que nous avons étudié déjà en partie dans les Mémoires de la Société d’Ethnographie[1], a paru assez intéressant pour nous engager à en donner la suite et la fin. Le Code de Manu dit donc, çloka 127 :

Brâhmanan kuçalan prichet kshatrabandhum anâmayan,
Vaiçyan ksheman samâgamya çûdram ârôgyam eva ca.

« Dans le cas d’une rencontre, qu’on demande au brâhmane le bonheur, au kshatriya le bien-être, au vaîçya le succès et au çûdra la santé. »

Il faut s’informer de ces choses, dit le commentaire, quand celui qui vous a salué est d’un âge inférieur, avaravayaskam, au vôtre ; s’il est d’un âge égal, samânavayaskam, au vôtre, il faut s’en informer alors même qu’il ne vous a pas salué, anabhivâdakamapi.

Par l’expression « demander le bonheur, kuçalam, c’est-à-dire la santé brahmanique, on entend demander des nouvelles du bonheur, et ainsi de suite. S’informer auprès du Vaîçya de son succès, kshema, ce qui est un terme de commerce[2], et signifie proprement l’avoir qu’on a gagné, le profit, c’est du succès de ses affaires qu’on veut parler. Au Çûdra il faut demander des nouvelles de sa santé, par où on entend une certaine santé ou, proprement, la non-maladie, ârogyam.

Ce terme, placé comme il est dans le salut adressé au Çûdra est caractéristique de la position sociale de la quatrième caste. En effet, il indiqué qu’on demande au Çûdra, non des nouvelles de sa santé, quoique, pour être intelligible en français, on traduise ârogya par santé, mais plutôt qu’on lui demande s’il n’est pas malade. On croit donc qu’il est toujours malade, que l’état de maladie est son état constitutif ? Cette forme de salutation nous révélerait donc la profondeur des préjugés dont les Çûdras sont en butte dans la Société brâhmanique ?

Mais, objectera-t-on, une demande identique, quant au sens, est adressée au Kshatriva, puisque le mot anâmayam lui aussi veut dire non-maladie. Cette objection est juste, et elle trouve sa solution dans ce fait, que l’état de Kshatriya était primitivement inférieur à celui du Vaîçya, qu’il était même un état méprisé. Aussi Jacob Grimm, le prince de la science philologique, a-t-il raison sans doute quand il dit que kshatra dérive de kshata, blessure[3], avec ri, aller, dans le sens de donner[4], de sorte que la signification du mot reviendrait à vulneralum iens, vulnut dans, et le mettrait ainsi sur la même ligne que le lithuanien iszkaddarrys, le gothique skalhareis et l’ancien haut allemand scadari, tous mots qui veulent dire : qui fait du dommage ; schadenstifter[5]. C’est dire que les Kshatriyas étaient d’abord des gens redoutables à la paix publique, des brigands, à peu près comme tant de chevaliers au moyen-âge, raubritter. On a dit que le premier roi fut un soldat heureux ; eh bien, un Kshatriya se couronnant roi par son audace a dû trouver des imitateurs, qui ne manquent jamais, et c’est ainsi que d’un état abject ces heureux aventuriers sont arrivés à constituer les familles royales. Toutefois, la tache de leur profession originaire a continué à se perpétuer dans la langue par certaines expressions qu’on leur applique, et parmi lesquelles cette demande qu’il faut adresser au Kshatriya qu’on salue, s’il n’est pas malade, me parait une des plus significatives.

Mais, tandis que le Kshatriya s’est élevé dans l’échelle sociale, le Çûdra est de plus en plus descendu. On ne saurait dire à quel moment de l’histoire le préjugé contre le Çûdra est devenu assez intense pour le reléguer, lui le premier immigrant aryen dans l’Inde[6], au rang infime qu’il occupe dans la société brâhmanique comme anârya ou aryen non-brâhmanique, en ce qu’il ne reçoit pas l’investiture des deux fois nés ou dvijas[7], par suite de quoi il se trouve exclu des sacrements (sanskâra) et ne peut rien posséder dont un brâhmane ne puisse disposer en toute sûreté de conscience[8]. Ce qu’on peut affirmer, sur le triple témoignage du Rig-Véda, du Çatapatha-Brâhmana et du Mahâbhârata, c’est qu’ancienneraent les Sûdras jouissaient assez de l’estime de leurs maîtres pour être admis même aux sacrifices. Il y a des hymnes védiques qui célèbrent Sudâs, et même qui sont rédigés par ce fils de Pîdjivana[9] ; et nous savons par le commentateur Sâyana, comme par le Mahâbhârata[10], que <ref follow="p11">anciennement Sûdra, ce qui est probable. Le s s’est fréquemment changé en ç, comme on le voit par beaucoup d’exemples, tels que Vaçishtha, Kôçala, etc., d’abord Vasishtha, Kôsala (Cf. Weber, Indische Stud., I. 182). Les Sûdras (Cf. ὑδραῖος, qui vit dans l’eau) seraient donc les riverains de l’Indus, ce qui s’accorderait avec ce que dit Mégasthène des Ὑδράκαι (Ὑδάρκαι chez Étienne de Byzance), peuple indien, ἐκ τῆς Ἰνδικῆς, comme alliés soldés des Perses avant Alexandre (voy. Strab., Géogr., XV, 11, § 11 ; Causab., p. 1007, éd. Amst. 1707 ; — Diod. Sicul., XVII, 102. — Droysen, Geschichte Alexanders, p. 433, 443). — Les Sûdras et les Nishâdas, paraissent être confondus quelquefois (voy. Lassen, Indische Alterth., I, 798) ; les Nishâdas, qu’il ne faut pas confondre avec les Nishadas, d’origine aryenne (Cf. Mahâbhârata, I, çl. 3745) ; les Nishâdas sont les aborigènes de l’Inde, en tant qu’ils vivent à l’état sauvage (Cf. Weber, Indische Stud., I, 186 et p. 33, la citation du Sâma-Véda ; Akadem. Vorlesungen, p. 18). ce Sudâs ou Sudâsa était un Çûdra : Çûdrah paijavano nâmah. Le patron de Viçvâmitra un Çûdra ! et ce Çûdra un roi !… Il est vrai que cet heureux Çûdra n’y perd rien aux yeux des orthodoxes, puisque par là même qu’il est le protecteur de Viçvâmitra, qu’il assiste contre Vaçishtha, honoré comme le prototype du brâhmanisme, il est représenté comme l’ennemi de la société indienne. Aussi le code de Manu, qui est foncièrement brâhmanique, dit-il, que Sudâsa se perdit par défaut de sagesse[11]. — Dans le Çatapatha-Brâhmana, la seconde partie du Yajur-Véda blanc, la position du Çûdra n’est plus aussi avantageuse que dans l’épopée ; cependant il participe encore aux sacrifices, où il est admis au dernier rang, et sans avoir droit à un appel respectueux. Le Kshatriya, du reste, n’est guère mieux traité, et cela concourt à prouver ce que nous avons dit plus haut de l’origine peu honorable de la caste princière. Ainsi, tandis que le sacrifiant prie avec déférence le brâhmane d’approcher de l’autel, en lui disant d’une voix douce ehi, viens ! et qu’il invite le Vaiçya par âgahi, viens ici ! sa voix prend un tout autre accent en s’adressant au Kshatriya, qu’il appelle par le mot âdrava, accours ! Quant au Çûdra, il lui crie, sans façon, âdhava, comme qui dirait : ici ![12].

Maintenant revenons à notre Rituel, qui continue, çl. 128 :

Avâcyo dîkshito nâmnâ yavîyan api yo bhavet ;
Bho bhavat pûrvakan tvenam abhisheta dharmavit.

« Un dîkshita, fût-il même plus jeune (que celui qui le rencontre) ne doit pas être interpellé par son nom (dans le contre-salut) ; mais que celui qui connaît la loi fasse précéder son salut de bho (et) de bhavat ».


On appelle dîkshita celui qui est engagé dans les cérémonies préparatoires d’un sacrifice (dîkshâ). — Nous avons déjà parlé des termes bho et bhavat ; ils annoncent, dit le commentaire, l’excellence ou l’éminence[13], utkarsha, et, comme spécimen de la formule de salut, il donne celui-ci : Bho ! ô homme initié ! que cela soit fait par toi, qui es occupé au sacrifice ! — Le commentateur n’explique pas le sens de ce souhait ; je pense qu’il signifie que le dîkshita achève heureusement l’acte sacré dont il est occupé.

Maintenant, le Rituel dit comment il faut saluer une femme, çl. 129 :

Arapatnî tu ya stri syâd asambandhâ ca yonitab,
Tân bruyâd bhavatily evan subhage bhaginiti ca.

« L’épouse d’un autre ou une femme qui ne (lui) serait pas alliée par la matrice, qu’il l’interpelle ainsi ; ô noble ! ou bien : ô fortunée ! ô (ma) sœur I »


Par « femme qui n’est pas alliée, à celui qui salue, par la matrice (yonita), on entend une femme qui n’est pas sa parente du côté maternel. Dans les rapports de la famille indienne, la mère ne détermine que le droit d’alliance ; les parents du côté du père seul le sont en vertu du sang. Cet axiome de jurisprudence, que recèle du reste aussi le mot « consanguin », puisqu’on ne l’applique qu’aux parents du côté du père, est fort important et entraîne une foule de conséquences religieuses et sociales.

Le commentaire dit que le salut précité est réservé au temps d’un dialogue accidentel : anuprayukta-sambhâshanakâle, quand c’est le hasard qui vous fait faire la rencontre d’une femme mariée et étrangère. Car c’est d’une femme mariée qu’il s’agit dans celle loi. Par l’emploi (grahanât) du mot parapatnî, épouse d’un autre, dit l’exégète, cette règle ne concerne pas une jeune fille (kanyâ). On salue une sœur et une jeune fille avec le mot âyushmatî ; il exprime le souhait de longue vie pour celle qui doit avoir la démarche d’une oie ou d’un jeune éléphant, hansavârana-gâminîn, pour avoir droit à être classée parmi les beautés gracieuses et dignes de trouver un amant sérieux, c’est-à-dire un mari[14]. Quant au mot bhaginî, avec lequel il faut saluer la femme mariée, non alliée au saluant et qui veut dire sœur, il dérive du mot bhaga avec le suffixe in ; il signifie donc « celle qui possède la félicité », Dieu[15] enfin. Le terme pour sœur, dans le sens de famille, est svasri, svasur au génitif, schwester en allemand[16].

L’expression précitée : « anuprayukta sambâshana kâle, lors d’un dialogue accidentel ou non préparé », révèle un trait des mœurs indiennes qui ne souffrent pas qu’on se rencontre de dessein prémédité avec les femmes[17], et qui restreignent la durée de la rencontre fortuite au temps qu’il faut pour la salutation. Dans l’ancienne société brâhmanique les femmes n’étaient pas recluses comme elles le sont depuis que les mœurs des musulmans ont déteint sur les mœurs indiennes. Non-seulement les femmes jouissaient anciennement, dans l’Inde, d’une grande liberté personnelle, ce que leur assistance publique aux cérémonies du culte[18] et la coutume du svayamvara démontrent assez[19] ; mais encore il y eut un temps où les femmes prirent une part considérable, il paraît, au mouvement intellectuel de l’Inde, ainsi qu’on le voit par ce que le savant Weber cite du Yajur-Véda noir ou Taittirîya-Yajus[20]. On y voit une femme, Mnitreyî, qui, par le désir d’apprendre, rappelle la Marie de l’Évangile[21], et une autre qui, par ses questions, embarrasse même le grand légiste Yâjnavalkya. Toutefois, en règle générale, la femme, une fois mariée, devait être entièrement à son époux, pativratâ, dévouée à son mari et attentive aux devoirs du foyer où son propre choix l’avait placée.

Notre Rituel continue, çl. 130 :

Mâtulânç ca pitrivyânç ca çvaçurân ritvijo gurân,
Asâv aham iti bruyât pratyuthâya yaviyasah.

« Aux oncles maternels et paternels, aux bçaux-pères, aux prêtres officiants, aux gurus (quand ils sont) plus jeunes (que lui), qu’il dise, après s’être levé à (leur) encontre : Je (suis) un tel ».


Le commentaire ajoute : qu’il ne les salue pas, nâbhivâdayet, sous-entendu : par d’autres démonstrations. Le mot asau celui-ci ou un tel, dit-il encore, est dans le texte à la place du nom de celui qui salue. Puis, invoquant l’autorité de Hârita, ancien légiste, il attribue la qualité de guru aussi au vieillard par la science, jnânavriddha, et, au vieillard par la mortification, tapovriddha ; de sorte, donc, que les gurus peuvent être plus jeunes que les oncles, et, néanmoins, être leurs aînés.

Le Rituel poursuit, çl. 131 :

Mâtrishvasâ mâtulânî çvaçrûratha pitrishvasâ,
Sampûjyâ gurupatnivat samâstâ gurubhâryayâ.

« La sœur de la mère, la femme de l’oncle, la femme du beau-père (et) la sœur du père, doivent être honorées comme la dame du guru ; elles (sont) les égales de l’épouse du guru ».


Le sens de ce texte, dit le commentaire, est que l’action de se lever à l’encontre de ces femmes et le reste, âdikam, doit être fait comme pour la femme légitime du précepteur spirituel, dont elles sont les égales.

Pour exprimer l’idée de femme légitime, le texte se sert des mots patnî et bhâryâ. Le premier, qui vient de pâti maître, qui rappelle le ποτης dans δεσπότης[22], le πόσις époux, et le gothique faths maître, veut dire maîtresse, absolument comme πότνα ou πότνια ; et le sens du second est « celle qu’il faut porter ou nourrir » de bri ou bhar porter, nourrir, d’où, aussi bhartri mari, celui qui nourrit. Il se peut que le latin maritus, vienne du même radical, le changement du b aspiré en m étant démontré en plus d’un cas[23].

Le Rituel reprend, çl. 132 :

Bhrâtur bhâryopasangrâhyâ savarnâhanyahany api,
Viproshya tûpasangrâhyâ jnâtisambandhiyoshitah.

« L’épouse du frère (si elle est) de la même caste, doit être saluée chaque jour ; mais les parentes de race (et) les alliées (ne) doivent être saluées (qu’) après un voyage. »


Le mot caste s’exprime en sanskrit par varna, que L. Deslongchamps traduit inexactement par classe. C’est açrama qui veut dire classe ou ordre, et ce mot marque les subdivisions de varna. La signification propre de varna est couleur. C’est une indication ethnologique importante, en ce qu’elle nous montre que l’institution des castes ne s’est faite que sur le sol indien, habité par des populations de couleur. Elle doit avoir mis un temps considérable pour se consolider avec cette rigueur dogmatique du panthéisme qui fait dire à la Bhagavad-Gîtâ que « l’œuvre propre du Çûdra est la servitude, en vertu de sa nature, svabhâvajan[24] ». En effet, nous voyons par un certain nombre de textes que d’abord il n’était pas impossible de passer d’une caste dans une autre. Le kshatra Viçvamitra, le grand pénitent, mahâtapâh[25], romme l’appelle Vâlmîki, devint membre de la caste des brâhmanes : et il est probable que Çunahçêpa, qui, sous le nom de Dêvarâta Dieudonné, devint sacerdote par la puissance de la prière, était un Çûdra, car il me semble que ce nom de Çunahçêpa, qui veut dire « queue de chien », ne permet pas de faire de ce personnage le fils d’un brâhmane. Un tel nom ne peut absolument pas appartenir à un brâhmane ; la loi, à cet égard, est formelle[26]. Puis, Çunahçêpa ne dit-il pas à son père, qui a voulu le sacrifier, immoler pour l’amour du lucre : Tu ne t’es pas défait de l’esprit çûdra[27] ?

Quoi qu’il en soit, il est certain que le mot varna, en tant qu’il désigne la caste, était inconnu aux pasteurs védiques. Ils le connaissaient, cependant, mais l’acception défavorable qu’il paraît prendre dans le Véda[28], quand il n’est pas accompagné d’épithètes bien sonnantes[29], contribue à prouver que les populations aborigènes sont pour beaucoup dans son emploi, puis dans son adoption par le vocabulaire aryen. Et ce qui achève la preuve, c’est qu’il s’écrit avec une cérébrale. La cérébrale est une lettre essentiellement indienne, il paraît[30] ; on ne la trouve que dans les idiomes de l’Inde[31], et cela nous explique peut-être pourquoi la classe des cérébrales n’a pas, comme les quatre autres ordres de consonnes, cette nasalité particulière qu’on appelle yama, et qui affecte la consonne sparça, la muette, comme nous dirions[32], toutes les fois qu’elle est suivie d’une nasale. En effet, puisque la cérébrale est constitutivement étrangère à la langue des Aryas, idiome essentiellement irânien, on comprend que l’organe des pasteurs védiques n’ait pas trouvé pour elle ce brisement ou ce dédoublement nasal qui, dans certaines conditions, est naturellement attaché aux consonnes aryennes, et sans doute aussi aux muettes suivies d’une nasale des langues européennes[33]. Le prâkrit et, partant, le sanskrit pouvaient bien s’assimiler quelques-uns des éléments linguistiques du tamoul, du kanara et d’autres idiomes indigènes ; mais ils ne pouvaient doter ces emprunts d’une qualité qui répugnait à leur nature. Il semble permis du moins de croire que les mûrdhanyas ou consonnes de tête se refusent à un yama spécial. Au reste, il faut lire au sujet du yama, et de toutes les investigations linguistiques si pénétrantes du génie indien, les études fort bien faites sur la Rikprâtiçâkhya de M. Ad. Regnier. Il faut lire aussi sur le même sujet le Prâtiçâkhya du Yajur-Véda blanc, interprété par l’éminent indianiste, M. Albrecht Weber. Les difficultés de ces travaux sont grandes, et ceux qui ne savent pas ce que c’est qu’un sûtra ne peuvent en avoir une juste idée. Un sûtra, et les prâtiçâkhyas sont tous composés de sûtras ; un sûtra, c’est l’énoncé d’une pensée ou d’un fait, grammatical ou autre, en termes tellement brefs et concis, qu’il semble, a-t-on dit, que les auteurs de ces sphinx linguistiques aient regretté, comme un vol fait à leur savoir, la dépense de la moindre parcelle alphabétique. Il faut donc beaucoup de science et de sagacité pour surmonter avec honneur les difficultés d’explication que présentent les prâtiçâkhyas. Depuis que le savant R. Roth avait introduit dans les études indiennes les Prâtiçâkhya-sûtrâni[34], M. Regnier y est entré en même temps que le très-célèbre M. Max Müller, puis sont venus Albrecht Weber et M. Whitney, de sorte que le champ des fils régulateurs ou aphorismes grammaticaux des çâkhâs ou écoles védiques[35] est actuellement cultivé au plus grand profit de la linguistique.

Cependant je reviens au commentaire pour dire qu’il explique le mot upasangrâhyâ, que nous avons traduit : « doivent être saluées », par upasangrâhyâpâdayer qui montre que le salut s’effectue par la prise des pieds. Il ne faut sans doute pas prendre la chose à la lettre, mais penser plutôt à notre locution : s’incliner jusqu’à terre, ou s’incliner assez profondément pour que, comme il est dit dans le çloka 72 de cette même lecture, on parvienne à toucher les pieds de celui qu’on salue de manière que la main gauche porte sur le pied gauche du personnage, et la mais droite sur son pied droit. C’est sans doute de cette salutation qu’il est question dans les épopées quand on y lit pranipalya yathânyâyam s’étant incliné selon la convenance. L. Deslongchamps a quelque peu exagéré la chose en traduisant : « Il doit se prosterner aux pieds ». Dans la société indienne moderne, il est vrai, celui qui salue un personnage s’incline tellement que sa tête arrive à s’appliquer sur les pieds de ce personnage ; il est même certain qu’il se prosterne réellement de tout son long. Mais il y a là, évidemment, une coutume qui a été importée dans l’Inde par les Sémites ou par les Perses[36] convertis aux mœurs assyriennes, ou enfin par les Arabes et les conquérants musulmans. Les dieux même ne sont pas salués, dans l’Inde antique, par la prosternation proprement dite, car nulle part, que je sache, on ne rencontre dans le Véda ou dans les écrits védiques le mot qui exprime cet acte, mais bien le mot namas, qui veut dire inclination[37], de nam, incliner ; de là nataçirah la tête inclinée, locution qu’on trouve jointe à pravakâyam le corps incliné[38]. Les buddhistes indiens non plus ne se prosternaient pas devant leur seigneur. On lit, dans le Saddharma pundarika, que les religieux saluent le Buddha en posant à terre le genou droit et en regardant Bhagavat en face, le corps incliné[39]. La mise à genou, mita jnou, expression qui, soit dit par parenthèse, est presque française, la mise à genou se trouve aussi dans le culte védique (voy. R.-Véda III, 5, 6, st. 3 ; vol. II, p. 978, éd. Müller), mais cet acte ne constitue pas plus la prosternation proprement dite que le geste des buddhistes[40].

L’absence de la prosternation chez les Aryas me paraît une chose curieuse à noter pour l’histoire de la religion. Qu’est-ce, en effet, que la prosternation ? N’est-ce pas un acte symbolique pour exprimer le néant de l’homme ? l’humilité de celui qui est tiré de l’humus ou de la terre ? Il me semble, et alors je comprends pourquoi la prosternation n’a jamais cessé d’être pratiquée chez les races sémitiques, tandis qu’on ne voit pas qu’elle le soit aussi chez les races indo-européennes. C’est chez les Sémites que parmi les traditions religieuses primitives se trouve l’humiliation que Dieu inflige à l’homme quand il lui dit : Tu es poussière et tu retourneras en poussière עפר אתה ואל־עפר תשוב[41]. On sent que, une telle sentence étant acceptée, l’homme a dû se prosterner et coller en quelque sorte sa face contre cette terre qui le réclamait comme sa proie.

Pour revenir aux Indiens, on voit qu’une autre manière, chez eux, de saluer celui auquel on veut témoigner un grand respect, c’est de faire le tour de sa personne en la laissant sur la droite. Delà, la locution pradakihinam kritvâ ayant fait, la droite. — Quant au geste de l’anjali, ce n’est pas une salutation proprement dite ; on fait l’anjali quand on veut adresser à quelqu’un une demande ou une parole respectueuse, et par la manière dont on joint dans ce geste les mains qu’on élève vers celui qu’on prie, on voit que c’est un acte d’offrande symbolique. C’est encore le geste de la prière religieuse, et alors on l’appelle l’anjali du Véda ou brahmânjali. Cela rappelle l’altitude de la prière chez les Grecs[42].

Revenons au commentaire.

Le mot jnati indique les parents de race ; ce sont les parents du sang ou du côté paternel, les consanguins comme nous l’avons dit plus haut et comme le dit aussi le commentaire, en expliquant ce mot par pitripakshâh. Les femmes alliées, sambandhiyoshitah, sont les parentes du côté maternel, mâtripakshâh. — Le mot viproshya, au retour d’un voyage, signifie proprement « après s’être absenté », de vi qui exprime éloignement, pra en avant, et vas, habiter, de sorte que le tout veut dire : « habiter loin en avant », d’où « se déplacer, partir, voyager ». — Remarquons encore le mot ahanyahani un jour un jour, pour dire chaque jour pratyaham. Ces sortes de répétitions, qui ont un sens distributif, d’autres fois augmentatif, ne sont pas rares en sanskrit. Citons comme exemples eka eka chacun chacun, l’un après l’autre ; anya anya alius alius, ou alius alii ; paraspara alter alterius, mutuellement, etc. Elles se trouvent, du reste, dans toutes les langues, et elles y sont d’autant plus fréquentes que ces langues sont moins travaillées par la prose littéraire. Voilà pourquoi on trouve aussi de ces dédoublements pour les substantifs dans le dialecte védique, comme, par exemple, viçe viçe peuples-peuples pour dire « tous les peuples ». (R.-Véda, IV, 1, 7, st. 1 ; III, p. 55) ; dive dive jour jour pour chaque jour (IV, 2, 5, st. 6 ; III, 79). Elles abondent, par conséquent, dans les idiomes polynésiens. En effet, ces expressions dénotent l’enfance du langage, et ainsi elles se conserveront toujours dans le parler du peuple alors même quelles auront disparu de la langue littéraire, ou du moins qu’elles auront fini par se dissimuler au point qu’il faudra de la science pour les y reconnaître sous leur forme actuelle[43].

Le Rituel continue, çlôka 133 :

Piturbhaginyân mâtuç ca jyâyasyân ca svasary api,
Mâtrivad vrittim âtishthen mâtâ tâbhyo garîyasî.

« Avec la sœur du père ou de la mère et aussi avec (sa) sœur (quand elle est) plus âgée (que lui), qu’il observe la coutume comme à l’égard d’une mère ; (toutefois) la mère (est) plus respectable que ces deux (classes) ».


Au sujet de cette disposition, le commentateur se demande : Est-ce (nanu) donc (tu) que quelque chose de plus, kim adhikam, (est) enseigné par ce (texte) que par celui qui dit, ityanena (çl. 131) : La sœur de la mère (et) la femme d’un oncle maternel doivent être honorées comme l’épouse d’un précepteur spirituel ? À cela on répond (bodhyate) cela même (idameva) que voici (iti) : « Une mère (est) plus respectable que ces deux (classes de femmes) ». Puis, il fait remarquer l’importance de cette loi, en disant : « Ainsi (tena) un ordre ayant été donné par la sœur du père et par la mère, le précepte (s’il survient) un contre-ordre (virodhe) de la mère, doit être suivi », c’est-à-dire que l’opposition de la mère annule légalement l’ordre donné par la tante.

Maintenant, le Rituel va déterminer un autre ordre de rapports de respect, et cela par une stance qui est d’une grande concision, ce qui en sanskrit ne peut aucunement nous étonner. Dans ce çlôka nous avons à faire à des termes techniques de jurisprudence que je laisserai d’abord tels quels. Voici le texte, çl. 134 :

Daçâbdikshyan paurasakhyan pancâbbdâkhyan kalâbhritân,
Tryabdapûrvan çrotri yânân svalpenâpi svayonishu.

« Le daçâbdâkham (détermine) l’amitié entre concitoyens, le pancâbdâkhyam (celle) entre artisans ; le tryabdapûrvam (celle) entre brâhmanes ; entre les membres d’une même famille (elle existe) pour très-peu de temps ».


Cela veut dire : Un homme qui a dix ans plus qu’un autre, quand il habile la même ville, le même village ou la même habitation que cet autre, est réputé d’être du même âge que lui, de sorte qu’entre ces deux individus il y a égalité sociale, ce que le texte exprime par le mot sakhyam amitié[44]. Ainsi un homme qui a quarante ans, par exemple, n’a pas droit aux démonstrations de respect de celui qui a trente ans. Cette égalité sociale est limitée pour les artisans et les cultivateurs à une antériorité d’âge de cinq ans, et pour les brâhmanes à une antériorité d’âge de trois ans ; mais pour les membres d’une même famille l’égalité n’existe que pour une durée de temps très-limitée, et le commentaire va nous faire entendre quelle est cette durée.

Maintenant, si on veut avoir le sens littéral des termes précités, on dira que daçdbdâkhyam est ce qui a dix années pour dénomination ; que pancâbdâkhyam est ce qui a cinq années pour dénomination ; que tryabdapûrvam exprime ce qui a devant soi trois ans, qui est en avance de trois ans. En traduisant dans un français intelligible on dirait donc : « L’égalité entre concitoyens est déterminée par une différence d’âge de dix ans ; entre artisans, pour une différence d’âge de cinq ans, etc. Entre brâhmanes, cette différence d’âge est limitée à trois ans, et encore faut-il que ces brâlimanes soient des çrotriyas. Un çrotriya est un brâhmnne qui a approfondi le sens de la révélation ou çruti, qui est versé dans le Véda. On l’appelle aussi Védabrâhmana. Le mot correspondrait aussi au sopher hébreu et au Schriftgelehrter allemand. Nous voilà loin du blôtkarl des peuples germaniques et du θυτήρ des races helléniques[45].

Les membres d’une même famille, svayonishu, sont les sapindeshu, c’est-à-dire les personnes qui participent au même gâteau, pinda. Par le mot « svalpena pour très-peu de temps », le Rituel veut donc dire que les membres d’une même famille sont considérés comme égaux en âge pour le temps seulement qu’ils mangent ensemble dans le çraddha[46] ou repas funéraire le pinda, en l’honneur des pitris ou mânes[47], ce qui n’est pas long. — Il y a lieu de remarquer ici la subordination rigoureuse qui existe entre les membres de la famille indienne et dont les liens ne se relâchent que dans le culte de ceux qui ne sont plus, devant cette mort qui nous rend tous égaux : omnes eodem cogimur.

Le Rituel continue, çl. 135 :

Brâmanan daçavarshan tu çatavarshan tu bhûmipan
Pitâputraau vijânîyâd brâhmanas tu tayoh pitâ.

« Qu’il reconnaisse un brâhmane de dix ans d’un côté, (et) un prince de cent ans de l’autre, comme le père et le fils ; mais des deux (c’est) le brâhmane (qui est) le père ».

C’est pourquoi (tasmât), dit le commentaire, le brâhmane ayant dix ans doit être honoré comme un père par le Kshatriya, quoique ayant cent ans.

On ne posséderait sur l’Inde que ce seul texte[48], que le caractère radicalement théocratique de la société indienne serait démontré de la manière la plus irréfutable. Et cependant, chose étonnante, dans cette société ainsi constituée, on ne sort pas de l’orthodoxie en indiquant la divinité suprême par un point ou par un pronom interrogatif : kas qui ? quel[49] ? Les Grecs n’avaient-ils pas aussi leur EI (si) ? Et on n’accusera pas d’athéisme les bourreaux de Socrate.

Le Rituel poursuit, çl. 136 :

Vittan bandhurvayah karma vidyâ bhavatî pancamî,
Etâni mânyasthânâni garîyo yad yad uttaram.

« La fortune, la parenté, l’âge, les actes religieux (et), en cinquième, la science, sont des conditions respectables ; celle (qui est) subséquente, celle là (est plus importante). »


Le commentaire explique chacun de ces cinq termes. Il dit que la fortune vittam est la richesse acquise honorablement, c’est-à-dire conforme à la règle, nyâyârjitan. C’est en ce sens qu’une maxime indienne dit : Une famille est constituée par sa fortune.

La parenté comprend l’oncle paternel, etc, âdih l’âge est la qualité d’avoir un âge supérieur, adhika, c’est-à-dire un grand âge ; les karmas ou actes religieux sont les œuvres cérémonielles enjointes ou réglées par la çruti et la smriti[50] ; la science, vidyâ, est la connaissance approfondie, tattvajnânam, du sens du véda, vedârtha. Le texte n’emploie que le terme uttaram subséquent, le commentaire supplée le terme correspondant pûrvamât précédent, de sorte qu’il faut lire : Celle qui est subséquente est plus importante, c’est-à-dire meilleure, çreshtham, que celle qui lui précédé. Ainsi, la parenté vaut mieux que la richesse, l’âge mieux que la parenté, les œuvres religieuses mieux que l’âge, et la science l’emporte sur tout.

Ce classement fait assurément honneur à l’esprit des Aryas. De même que l’antiquité grecque et latine célébrait le bonheur de celui qui possède la science :

Felix qui potuit rerum cognoscere causas[51],

de même l’antiquité indienne plaçait la béatitude du sage, le savant par excellence dans la béatitude de Brahma même[52].

Le Rituel continue, çl. 137.

Pançânân trishu varneshu bhûyânsi gunavanti ca,
Yatra syuh so’tra mânârhah çûdro’pi daçamîn gatah.

« Celui des trois castes chez lequel se trouveraient en plus grand nombre les choses de qualité (énumérées ci-dessus) est digne de respect ; le Çûdra même (s’il est) entré dans la dizaine par excellence. »


Est digne de respect (mânârhah), dit le texte « plus que le suivant, uttarasmât,  » supplée le commentaire ; et il continue : Ainsi, celui qui est doué de richesse et de parents doit être respecté plus que celui qui l’emporte par l’âge ; de la même manière (evam), celui qui est doué du terne, traya τριάς, c’est-à-dire de trois avantages : la richesse, etc., doit être respecté plus que celui qui n’a que les œuvres ; celui qui est doué du quaterne, catushtaya τετράς, de quatre avantages : la richesse et le reste, doit être honoré plus que celui qui possède la science. Le Çûdra même, arrivé à la dixième station, daçamîm, qui est au delà de quatre-vingt-dix ans, navatyâdhikâm, est digne de respect pour le dvija ou deux fois né « s’il possède les qualités précitées à un haut degré », ajoute Yâjnavalkya[53].

Il y a là évidemment deux contradictions. La première qui fait descendre la science du haut rang que le Rituel et le commentaire lui assignaient tout à l’heure, en disant qu’elle l’emporte sur toutes les autres qualités ; la seconde, c’est qu’on va jusqu’à supposer de la science à un Çûdra. Mais où prendra-t-il cette science n’étant pas dvija et se trouvant ainsi exclu de tout enseignement, même de celui qu’il pourrait acquérir par lui-même ? En effet, la loi est formelle à cet égard. « Celui, dit-elle, qui, sans en avoir reçu la permission, saisit les Écritures, par le moyen de la lecture ou de la pratique, ou seulement de la bouche d’un lecteur qui les lit à un autre, celui-là est coupable du vol des textes sacrés et va dans l’enfer, narakam[54]. »

Mais les Indiens ne sont pas embarrassés pour si peu. « Lorsqu’il y a deux textes contradictoires, mais d’une force égale, dit Gautama, il y a option, tulyabala virodhe vikalpah[55] ». Ou bien encore : « Le sentiment de la conscience est une autorité dans le doute : vaikalpike âtmatushtih pramânam[56]. »

Cette dernière sentence, qui est de Gargavyâsa, est assurément fort belle, et, s’il est permis au Çûdra de la suivre, la société brâhmanique n’est pas si mauvaise après tout.

Le Rituel continue, çl. 138 :

Cakrino daçamîsthasya rogino bhârinah striyah,
Snâtakasya ca rajnaç ca panthân deyo varasya ca.

« Le chemin doit être donné à un homme en char, à celui qui est dans la dizaine par excellence, à un malade, à celui qui porte un fardeau, à une femme, à un snâtaka, à un prince et à un fiancé. »

Le commentaire explique ces termes et nous apprend que par l’homme qui porte un fardeau, bhârin, mot qui n’est pas synonyme de bhârabhrit, portefaix, on entend un homme qui plie sous un fardeau, bhârapîdi ; par prince, râjâ, un prince régnant, deçâdhipa, c’est-à-dire un roi[57] ; par fiancé (vara), dont Yâjnavalkya ne parle pas[58], celui qui est en route pour la cérémonie du mariage, vivâhâya prasthitasya, et l’on sait que dans l’Inde, moins encore qu’ailleurs, on n’y va jamais en petite compagnie[59]. Quant au snâtaka, de snâ se laver, purifier, c’est le brahmatchâri[60] ou brahmane novice qui, par la prise du bain final, vient de terminer son initiation dans la doctrine sacrée et se trouve, depuis peu de temps, acira, de retour dans la maison paternelle.

Le texte et le commentaire mettent tous ces mots au génitif et non au datif, comme le verbe , donner, semble le demander. À cela Kullûka répond que le 4e cas, c’est-à-dire le datif, n’est pas employé, parce que le verbe a ici le sens d’abandon, tyâgârthaivât. On comprend cette remarque en traduisant littéralement : on doit abandonner le chemin de l’homme en char, du centenaire, du malade, etc.

Le Rituel termine cette longue série de dispositions relatives aux marques de respect que se doivent entre eux les membres de la Société brâhmanique, en disant, çl. 139 ;

Teshân tu samavetânân mânyaau snâtakapârthivau,
Râjasnâtakayoç caiva snâtako nripamânabhâk.

« Mais parmi ces (personnes) réunies (en un même lieu), le snâtaka et le roi doivent être honorés à l’égal (l’un de l’autre), et du snâtaka et du roi, le snâtaka est respectable même par rapport ou roi. »


Par cette dernière disposition, que le commentaire n’élucide pas suffisamment, le législateur veut dire, sans doute, qu’un novice et un roi se trouvant ensemble, le novice doit recevoir de plus grands respects que le roi, et on obtient ce sens, si on traduit eva par plus : et du novice et du roi, le novice est plus digne de respect que le roi. C’est, du reste, dans ce sens que s’exprime Yâjnavalkya, en disant : « mânyah snâtas (tu) bhûpateh, (mais) un snâta doit être honoré par le prince[61]. » Cela est d’ailleurs parfaitement dans l’esprit de la législation brâhmanique, et nous en avons eu une preuve très-forte dans le çlôka 135.

Je termine cette étude par une remarque qui s’est plusieurs fois présentée à mon esprit pendant la lecture de notre Rituel et de son Commentaire, et cette remarque est que rien n’est mieux fait pour nous donner la mesure du caractère tout local du brâhmanisme, que ce règlement de la politesse indienne. On ne saurait pas que la religion brahmanique est une religion de caste, qu’on en acquerrait la preuve invincible par le texte que nous venons d’étudier. Dans aucune autre religion, il n’y a rien de pareil, et quant au christianisme en particulier, cette doctrine si vraiment humaine en tous sens, il a réglé la question de la politesse sociale comme tant d’autres par ces paroles évangéliques : « Traitez les hommes de la même manière que vous voudriez qu’ils vous traitassent[62]. »

  1. T. XI, p. 361.
  2. C’est parce que c’est un terme de commerce qu’on est assez étonné de le trouver employé dans les doctrines théologiques des Upanishats. Ainsi Khrishna dit, Bhagavad-Gîtâ, IX, 22 : « Aux hommes qui me vénèrent, en n’attachant leur pensée à aucun autre (objet), qui (sont) toujours appliqués (au yoga), je donne le yogakshema (c’est-à-dire : la possession tranquille de ce qu’ils ont acquis). »
  3. Cf., scathjan (golh.), scadan (anc. allem.), endommager.
  4. Sens qu’il a souvent en français ; p. ex. donner dans la mêlée ; cette fenêtre donne sur la cour ; donner dans une embuscade, etc., etc.
  5. Voy. J. Grimm, dans la Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung de Kuhn, I, p. 83.
  6. Ces premiers immigrants paraissent s’être arrêtés dans les pays de l’Indus, où leur nom se retrouve dans la ville de Σύδρος sur le bas Indus, et dans les Σύδροι de l’Arachosie septentrionale (voy. Ptolem., Geogr., l. vii, c. 1, p. 119, éd. 1511), pourvu, toutefois, que Çûdra s’écrivit
  7. Voy. la définition du dvija ; Manu, II. çl. 169 sqq.
  8. Manu, VIII, 417 : visrabdhan brâhmanah çûdrâdravyopâdânam âcaret, na hi tasyâsti kincit svan.
  9. Voy. Rig-Véda, éd. Max Müller, I, p. 438, 884, et alibi. — Langlois, les Hymmes védiques, sect. VIII, let. 7, h. 14.
  10. Mahâbhârata (Çântivarta), XII, çl. 2306 ; III, vol. éd. Calcutta. — Le mot Bharata est appellatif d’un peuple du Pendjab (voy. Roth, citant le R.-Véda, dans : Zur Literatur und Geschichte des Weda, p. 112, 127, et signifie les sacrificateurs (voy. Weber, Ind. Stud., I, 200, note 3). Ensuite, ce nom a été appliqué au pays où demeuraient les Bharatas, car l’Inde, dans l’Amarakocha, si appelée Bharatavarsham, contrée des Bharatas. Le Mahâbhârata, vu la signification première du mot bharata et le but final de l’action qu’il expose et qui se passe entre les Bharatas (les Kurus et les Pandus), pourrait se traduire comme titre par : Le grand sacrifice (Cf. Weber, Ind. St., I, 201). — Enfin Bharata est devenu patronymique d’une race royale.
  11. Manu, VII, çl. 41.
  12. Çatapatha-Brâhmana, ap. Weber, dans la Zeitschrift der D. M. G. IV, p. 301.
  13. Stenzter les traduit par herr, seigneur. (Code domestique d’Açvalâyana dans Abh. für die Kunde des morgent. IV, p. 50, 53). Il y a dans ces grihyasûtras quelques détails de salutation que notre Rituel lie donne pas. Ainsi I, 21, § 4, il est dit que l’élève abordant le maître doit plier le genou devant lui, embrasser ses pieds, jânvâcyôpasangrihya, puis lui dire : Lis, seigneur, etc.
  14. Manu, III, cl. 10.
  15. Bhagâ est un nom de Dieu. Çiva est appelé Mahâbhâga le grand Dieu. Dans le Véda, bhaga est le Dieu du soleil levant. Cf. l’ancien perse baga et le bog slave.
  16. Voy. le tableau comparatif en 30 langues des termes de parenté parmi lesquels le mot sœur, ap. Grimm, Geschichte der deutschen Sprache, I, 266 sq.
  17. Cf. Dubois, Mœurs des peuples de l’Inde, I, 441.
  18. Les femmes dans les sacrifices funéraires, où elles ne s’immolaient nullement, comme on le verra plus loin, montaient les premières les degrés de l’autel : ârohantu janayo yonimagra (R.-Véda, X, 18 ; ap. Roth, Zeitsch. der D. M. G., VIII, 470).
  19. On sait que la coutume du Svayamvara permettait à la jeune fille de choisir elle-même son époux, et cela publiquement (voy. Nalas, ch. II-V).
  20. Indische Studien, I, 83, sq.
  21. Luc. X, 39, sqq.
  22. Le δεσ (Cf. δάϊος ennemi) est identique, à ce qu’il parait, avec le sanskrit dâsa, ennemi, serf, esclave, serviteur (Cf. Pott., Etymologische Forschungen, I, 189) ; δεσπότης est donc le maître des esclaves, comme δέσποινα pour δεσποτνια, maîtresse des esclaves.
  23. Voy. Bopp., Gloss. Sansc., p. 243 et alibi ; Grimm, Gesch. der D. Sp., I, 368, sq.
  24. Bhag.-Gîtâ, lect. XVIII, çl. 44. — Cf. Manu, VIII, cl. 410, 413 et 414, où il est dit que l’affranchissement même ne peut délivrer le Çûdra de la servitude, car cet état lui est naturel, nisargajan hi tat tasya. Cf. lect. X, 121, sqq.
  25. Comme en français, les adjectifs en sanskrit, suivant qu’ils sont placés avant ou après le substantif, donnent quelquefois à celui-ci une acception différente ; p. ex. mâtâmahâ veut dire grand’mère, et mâhamâtâ grande mère.
  26. Manu, II, 31, 32.
  27. Voy. Aitareya-Brâhmana, ch. XX, ap. Roth ; Ind. Stud., I, 463. — Ce brâhmane fait partie du Rik.
  28. Voy. p. ex., Rig-Véda, mand. II, Anuv. 2, h. 1, st. 4 ; éd. Max Müller, II, p. 469.
  29. Varnan yaçasan suvîram une race glorieuse et héroïque (R.-Véda, éd. Müller, II, p. 432 ; Cf. p. 845).
  30. Remarque recueillie au cours de M. Burnouf, à l’occasion de l’infinitif sothum, de sah supporter (Râm. I, 44, çl. 22).
  31. D’après une communication verbale de M. Brasseur, il paraîtrait cependant qu’elle est connue aussi dans les langues de l’Amérique centrale et des pays avoisinants.
  32. Les sparçâs, de spriç, toucher, sont les consonnes produites par le toucher de l’organe qui sert à les prononcer. Ce sont donc les consonnes qui, dans l’alphabet sanskrit, commencent à k et finissent à m (voy. Ad. Régnier, le Rikprâtiçâkhya, dans le Journ. Asiatique, 1856, t. VII, 169, 174, 194). — Weber, Vâjasanéyiprâtiçâkhya, dans Ind. Stud., IV, p. 124 sq).
  33. Il est certain que le yama existe en français. Quand, par exemple, le g est suivi d’un n, ou sent distinctement que la nasale se dédouble en quelque sorte dans la prononciation de la muette. Il est impossible, avec nos signes alphabétiques, d’exprimer la chose graphiquement, tellement la nuance est délicate ; et les Indiens ne l’ont pas non plus essayé pour le sanskrit.
  34. Rudolph Roth, Zur Littratur und Geschichte des Weda, p. 55.— Jâska’s Nirukta, p. xlii sqq. 1852.
  35. Qui sont loin d’être toujours d’accord entre elles (voy. un texte cité par Weber, Ind. Stud., I, 296 ; Cf. ibid., p. 395), parce que chacune d’elles ne traite que telle sanhitâ védique, et la traite isolément, à son point de vue. Aussi chaque prâtiçâkhya est, ainsi que l’a dit exactement le védantiste Madhusûdana, la grammaire particulière (Bhinnarûpa) du Véda auquel il se rattache (voy. le texte de Nadhusûdana Indische Stud., I, 16). Il y a donc une différence notable entre un prâtiçâkhyam, qui d’ailleurs ne s’occupe que de la phonétique, sujet très-vaste il est vrai, et le vyâkaranam, qui est la grammaire proprement dite, la grammaire générale s’étendant sur toutes les sanhitâs et s’occupant des parties du discours, de la déclinaison, de la conjugaison et de la syntaxe.
  36. « Quand deux Perses se rencontrent, si la condition de l’un est fort au-dessous de celle de l’autre, l’inférieur se prosterne προσκυνέει, devant le supérieur. » (Hérod. I, 133 ; Cf. Strab., p. 734.)
  37. Voy., p. ex., l’hymne à Agui, Anthologia Sansc., p. 101 ; Agnin namasâ dhuve. J’invoque Agui avec inclination, c’est-à-dire dans une posture respectueuse ; suprayanâ namahbhih (Rig-Véda, vol. Il, p. 432).
  38. Voy. Dévimahatmyam, p. 26, éd. Poley ; — Râmâyana, I. 38, çl. 21.
  39. Le Lotus de la bonne Loi, trad. Burnouf, p. 62, sq.
  40. V. cependant le Grihyasûtra d’Açvalâyana, I, 21, § 4, où il est dit que l’élève, introduit auprès du maître, doit plier le genou et embrasser (les pieds du précepteur), jânvâcyopasangrihya. Mais cela même ne contredit pas notre assertion.
  41. Gén. III, 19.
  42. On sait que ni les Grecs, ni tes Romains, ni les Germains, ni les Celtes ne se prosternaient pour l’acte de prière ; il en était de même pour les chrétiens dans les premiers siècles. On priait debout, les mains étendues, comme ou le voit par les monuments des catacombes. « La prière à genoux, dit M. Texier (Sur les cérémonies de l’Église primitive, dans la Revue Orien. et Am., 1859, juin, p. 139), qui était une punition dans l’Église d’Orient, fut adoptée par l’Église latine comme un signe plus complet de mortification. »
  43. Le mot populus peuple est, p. ex., une forme redoublée.
  44. Le rapport d’identité entre amitié et égalité est évidemment très-philosophique. La langue sanskrite est, du reste, la langue philosophique par excellence, et pour s’en convaincre il suffit de faire l’étude de ses mots, sous le rapport de leur dérivation et de leur signification. Pour citer quelques autres exemples, je rappellerai le mot smara, qui veut dire souvenir et amour. Cf. Schiller, le mystère de la Réminiscence. Voyez encore le mot védana qui veut dire perception, connaissance et douleur ! Puis, dravya richesse qui vient de dru, fuir, de sorte que la richesse se trouve définie : chose qui fuit, qui s’évanouit. Notons encore amati ignorance et forme : « mente caret et ignorantia et forma rerum caduca, » explique avec philosophie Lassen. (Anth. sansc., p. 161, s. h.v.) Pourrait-il y avoir des étymologies plus vraies, plus philosophiques ?
  45. Le nom du prêtre germanique, blôtkarl littér., homme de sang, vient de blôtan saigner, comme θυτήρ de θύω tuer. Les rites religieux des pasteurs védiques ne connaissent déjà plus le culte de Dieu par le sang humain, si tant est que les Aryas aient jamais pratiqué ce sacrifice abominable, ce dont je doute fort. Je crois qu’à aucun moment de l’histoire la race aryenne n’est tombée à l’état de sauvagerie. Le culte védique connaît tout au plus l’immolation des animaux, dont les agents sacrés s’appellent çamitâra qui apaisent (voy. la description d’un tel sacrifice dans l’Aitareya-Brâhmana, ap. Roth, Nirukta, p. XXXVII et seqq.) ; mais ce sacrifice même ne put se maintenir longtemps. Il disparut probablement devant l’influence civilisatrice du buddhisme de Çâkya. — Quant au sacrifice humain purushamedha, il était célébré par des cérémonies purement emblématiques. (Voy., entre autres textes, la légende du sacrifice de Çunahçepa dans l’Aitareya-Brâhmana, ap. Roth, dans Indische Studien, I, 461, sq. ; II, 115. sq. — Râmâyana, I, 63, sq). Les victimes étaient relâchées intactes. Aussi le Véda, qui se rapporte aux sacrifices, s’appelle Yajur-Véda, de yaj, adorer, mot qui, pas plus que le nom du prêtre sacrificateur, adhvaryu, ne rappelle aucune opération sanglante. — Pour ce qui est de l’immolation des veuves, c’est une aberration moderne. Anciennement, loin de sacrifier les veuves, on les exhortait, au contraire, à rentrer dans le monde des vivants, jivalokam : car les vivants sont séparés d’avec les morts, ime jivâ vi mritairâvavrittan (voy. Rig —Véda, X, 18, 3). Mais, si les pasteurs védiques n’ont jamais connu l’immolation des veuves sur le tombeau de leurs maris, on ne saurait en dire autant des Hellènes, des Germains et des Celtes.
  46. Voy. les cérémonies du Çrâddha (Manu, III, 122, sqq).
  47. L’état des âmes après la mort est diversement représenté dans la doctrine indienne. Une des plus anciennes croyances à cet égard est sans doute celle qui fait prendre aux âmes des trépassés la forme du vent ou de l’air. Le vent les attire comme un bon conducteur et les transporte comme un autre Hermès Psychopompe. Un commentateur, quoique moderne déjà, puisqu’il est du xvie siècle, Mahîdhara, dit vâtâtmâno vâtarûpam praptâh les âmes expirantes obtiennent (on prennent) la forme de l’air. — Il est à noter, du reste, que la plupart des peuples ont vu de l’analogie entre le souffle ou le vent et la partie invisible de l’homme, car spiritus vient évidemment de spirare, comme geist d’un radical tel que l’islandais geisa souffler avec impétuosité, comme ἄνεμος et animus de ἄημι souffler. Cf. anila id. de an id., et ainsi de suite. (Cf. Kulm, Wodan, dans Zeitschrift für D. A. de Haupt. V. p. 188). — D’accord avec ces idées, les âmes indiennes mènent une existence somnolente ou rêveuse qui rappelle celle des ombres dans le Hadès. (Weber, Ind. Stud., II, 229). La croyance aryenne, et cela me paraît important pour l’histoire des idées religieuses, la croyance védique faisait accompagner les âmes des trépassés par deux chiens çvânau, dont l’un était tacheté, çabala ou çavala, — formes anciennes que Weber, avec sa sagacité habituelle, rapproche de Κέρϐερος (çabafa — çarvara — karbura) — et l’autre noir çyâma. Ces chiens allégoriques étaient les fils de Saramâ, car chacun d’eux est surnommé Sârameyas, mot qui, romnie le démontre Kuhn, est identique avec Ἑρμείας, d’où la contraction Ἑρμῆς. Ewald (Gött. gelehrte anz., 1859), p. 1132) pense que le nom de Hermès est foncièrement grec et la toujours été : Wohl sicher von jeher gut griechisch. Ils étaient donc la personnification d’Indra et d’Agni ou Yama, ou des deux Açvins, c’est-à-dire qu’ils représentaient, d’après les exégètes indiens mêmes, le jour et la nuit, le temps, par conséquent, de la vie terrestre de l’âme. Or, entre le temps et le vent, il y a une analogie facilement saisissable, ainsi que le prouvent suffisamment les dictons populaires sur la marche rapide du temps. Le chien est donc aussi un symbole expressif pour représenter le vent, et il parait que tel a été, en effet, sa signification première. Et ainsi le mythe qui fait prendre aux âmes trépassées la forme du vent s’accorde avec celui qui les fait appeler et accompagner par des chiens. On sait que, dans nos croyances populaires aussi, le chien, par ses hurlements, annonce le trépas (« die Hunde bellten so laut, da lag dahin gestrecket ihr Sohn, und der war todt) (Heine), et que le Thot égyptien, qui paraissait aux Grecs identique avec leur Hermès, était représenté avec une tête de chien. (Voy. Kuhn, Zur Mythologie, dans la Zeitschrift für D. A. de Haupt, VI, 128, sqq. — Ueber die Vrihad-devatâ, dans Ind. Stud. I, 111. — Weber, Ueber das Kaushîtaki-Brahm. dans Ind. St. II, 296. Ueber die strafende Vergeltung nach dem Tode, dans la Zeitsch. der D. M. G. IX, 238, note 1 ; Aufrecht, dans Ind. Stud. IV, 213, note 3).
  48. Cf. çloka, 150 : « Le brâhmane…, lors même qu’il est encore enfant, est le père du vieillard. »
  49. Voy. Mahânârayana Upanishat, XV. Cette Upanishat fait partie du Yajur-Véda noir ou Taittirîya, qui est plus ancien, à ce qu’il paraît, que le Yajur-Véda blanc. On ne connaît pas au juste la signification qu’ont ici les épithètes de blanc et de noir.
  50. Çruti révélation, de çru entendre, ce qui a été entendu. Nous avons déjà dit plus haut que ce terme s’applique aux mantras, prières en forme de chant ou d’hymnes, et aux brâhmanas qui contiennent l’interprétation religieuse des mantras, ce qu’on appelle la théologie dogmatique. Les brâhmanas sont très-probablement les écrits en prose les plus anciens de l’Inde ; mais il ne faut pas songer ici à notre prose à nous, mais à la prose précédemment définie des sûtras, c’est-à-dire excessivement brève, concise et obscure. — smriti tradition, de smri, se souvenir, est ce qui est conservé par la mémoire, ce qu’on apprend oralement, et, sous ce rapport, ce sont proprement les sûtras, écrits de l’âge postérieur et faits dans le but de venir en aide à la mémoire, qui constituent la smriti. Mais ces sûtras ne sont pas sacrés au même titre que les mantras et les brâhmanas ; aussi ne font-ils pas partie intégrante du Véda ; ils en forment les appendices, les Vedângas. On comprend, d’après cela, que la çruti ait toujours été plus en vénération que la smriti. (Cf. Weber, Ind. Stud., II, 183). Ce qui est étonnant, c’est que ce mot smriti ne se trouve pas dans Panini, qui est cependant postérieur à Alexandre. Serait-ce une preuve que la smriti, comme doctrine traditionnelle, est d’élaboration et d’application moderne ? Cela est embarrassant à décider. Ce qui est certain, c’est que la vraie tradition, la tradition primitive et l’historique, était comprise dans la çruti (Cf. Roth, Nirukta, p. XIX).
  51. Virg. Georg., II, v. 480.
  52. « Tous les hommes sont honorables, » est censé dire la divinité dans la Bhagavad-Gîtâ, VII, 18, mais l’homme doué de science est reconnu par moi un autre moi-même, jnâni tvâtmaiva me matam. En effet, cette âme appliquée est entrée en moi-même : âsthîtah sa hi yuktâtmâ mâmeva. Cf. l’Anandavalli-Upanishat, analysée par Weber, Ind. Stud., II, 223.
  53. Yâjn., I, çl. 116.
  54. Manu et le commentaire, II, çl. 116.
  55. Ap. Kullûka, II, çl. 14.
  56. Ibid., çl. 6.
  57. Remarquons la variété des termes que possède le sanskrit pour désigner un roi. Pour ne citer que ceux de notre Rituel, nous avons râjâ, qui éclaire, qui dirige, rex en latin, reiks en gothique ; pârthiva possesseur de la terre ; nripa dominant les hommes, le ἄναξ ἀνδρῶν d’Homère ; bhûmipa sustentant la terre ; deçâdhipa maître du pays. Tous ces mots et d’autres ne sont pas synonymes de kshatra ou kshatriya que nous avons déjà expliqué.

    Les Aryas primitifs appelaient le roi gopâ le Pasteur, ce qui rappelle le beau, nom de ποιμὴν λαῶν, le pasteur des peuples d’Homère. L’ancien scandinave a conservé une réminiscence de cette appellation ; il désigne, par le mot sveinn pasteur, les jeunes gens de noble race (voy. Liliencron das Harbardslied, dans Haupt, Zeitsch. f. D. A., X, 182, 188). Enfin le védique Viçpati maître des hommes ou viç, s’est conservé en lithuanien wiesz atis souverain.

  58. Yâjnavalkya ne donne, du reste, que fort maigrement notre rituel et par lambeaux dispersés.
  59. Voy. la représentation plastique d’une noce indienne dans le Musée d’Ethnographie au Louvre. On voit, par là, que les noces chez les Hindous sont menées grand train. Et ces mœurs ont déteint sur les Parsis de Bombay, de telle sorte que plus d’un père de famille s’y ruine en frais de noce. Il y a toujours des centaines d’invités.
  60. Voy., au sujet de ce mot, les remarques intéressant l’histoire du brâhmanisme et du buddhisme que Burnouf a produites dans son Introduction à l’hist. du Buddh., p. 142 sq. L’emploi du mot brahmatçharya par les sûtras simples des buddhistes prouve que le brahmanisme, dans ses parties essentielles du moins, est antérieur à la loi du buddha Çâkya.
  61. Yâjn., I. cl. 117.
  62. Luc, VI, 31.