Le Sanglot de la Terre/Les Têtes de morts

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Le Sanglot de la Terre
Le Sanglot de la TerreMercure de FranceI. Poésies (p. 52).


LES TÊTES DE MORTS


(Sonnet)


Voyons, oublions tout, la raison trop bornée
Et le cœur trop voyant, les arguments appris
Comme l’entraînement des souvenirs chéris,
Contemplons seul à seul, ce soir, la Destinée.

Cet ami, par exemple, est parti l’autre année,
Il eût fait parler Dieu ! — sans ses poumons pourris.
Où vit-il, que fait-il au moment où j’écris ?
Oh ! le corps est partout, mais l’âme illuminée ?

L’âme, cet infini qu’ont lassé tous ses dieux,
Que n’assouvirait pas l’éternité des cieux,
Et qui pousse toujours son douloureux cantique ?

C’est tout ! — Pourtant je songe à ces crânes qu’on voit.
Avez-vous médité, les os gelés de froid,
Sur ce ricanement sinistrement sceptique ?