Le Socialisme municipal en Angleterre

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Le Socialisme municipal en Angleterre
Revue des Deux Mondes5e période, tome 44 (p. 135-158).
LE SOCIALISME MUNICIPAL
EN ANGLETERRE
Á PROPOS DES DERNIÈRES ÉLECTIONS AU CONSEIL DU COMITÉ DE LONDRES

Au mois de mars dernier, Londres procédait à l’élection des membres de son Conseil de comté, de ce Parlement métropolitain qui, institué il y a une vingtaine d’années par-dessus les nombreux petits conseils locaux où se morcelaient l’autorité et la représentation londoniennes, représente et administre presque souverainement la capitale de l’Empire britannique. Et pour la première fois dans les annales de cette assemblée, les « Modérés » infligeaient une éclatante défaite aux « Progressistes » (nous dirions : aux radicaux). Pour la première fois, le socialisme municipal, tout-puissant au Conseil comtal de Londres depuis dix-neuf ans, était battu dans la métropole du Royaume-Uni.

N’était-ce pas, à vrai dire, une curieuse anomalie qui faisait que jusqu’alors les électeurs londoniens, conservateurs en politique et représentés par des députés conservateurs au Parlement de Westminster, n’eussent cessé d’envoyer à l’assemblée de Spring Gardens des édiles de tendances fort avancées, ardens promoteurs du « municipalisme ? » Et n’est-ce pas au reste une anomalie plus étrange encore que, depuis une trentaine d’années, ce soit l’Angleterre, patrie traditionnelle de l’individualisme, de la liberté économique, qui de tous les pays européens ait donné, dans la gestion intérieure de ses grandes villes, l’exemple le plus complet, l’application la plus étendue, de cette tendance qu’on a appelée le socialisme municipal ? Or voici qu’au moment même où, dans le gouvernement du pays, le parti conservateur doit céder la place au parti libéral, la Métropole anglaise inflige au socialisme municipal sa première grande défaite. L’événement est assez caractéristique pour qu’on ait droit d’y voir, chez nos voisins d’outre-Manche, le témoignage d’un mouvement de réaction, ou tout au moins d’un temps d’arrêt, dans cette marche au socialisme qui marque révolution des grandes sociétés modernes, et d’en rapprocher divers autres symptômes apparus naguère tant en Amérique qu’en Europe, par exemple la récente défaite des « municipalistes » à Chicago[1]et à New York[2], peut-être même, à un point de vue plus général, la défaite du parti socialiste aux dernières élections allemandes, et qui montrent qu’en maint pays l’électeur semble commencer à ouvrir les yeux aux dangers du socialisme sous ses diverses formes… Mais n’élargissons pas notre sujet. Ce n’est que du socialisme municipal en Angleterre, — naissance, croissance, résultats, — qu’après un éminent critique, M. Bourdeau[3], qui consacra ici même au sujet du socialisme municipal de lumineuses et pénétrantes pages, nous voudrions dire quelques mots, en tentant de tirer de l’expérience anglaise les leçons qu’elle comporte pour les grands pays continentaux, et particulièrement pour la France. Aussi bien la question a-t-elle fait l’objet, depuis peu d’années, d’une série d’études fort approfondies[4]qui ne laissent dans l’ombre aucun coin du sujet. »


I

Ce n’est pas chose nouvelle que le socialisme municipal, ou, comme on dit maintenant, le « municipalisme, » c’est-à-dire l’application des principes dvi socialisme au cadre local et au domaine spécial de l’activité des grandes villes, ou, si l’on veut, cet ensemble de tendances, mobiles et variées, qui portent les municipalités à sortir de leur rôle administratif pour pénétrer sur le terrain économique, soit pour réglementer l’initiative privée, soit pour lui faire concurrence, soit même pour l’absorber en se faisant elles-mêmes industrielles et commerçantes. On n’ignore pas que le bas-empire romain avait déjà inventé la loi du maximum ; que la taxation du pain, des céréales, était courante en France dès les Carolingiens, et que bien des villes sous l’ancien régime tenaient des boulangeries, des boucheries, faisaient le commerce des grains, etc. : tout un livre, d’ailleurs fort savant, a pu être écrit sur le Socialisme municipal à travers les siècles[5]. De nos jours, il était inévitable que les progrès du socialisme dans l’Etat fussent accompagnés par ceux du socialisme dans la commune. L’extraordinaire développement actuel du municipalisme tient particulièrement à deux des grands faits caractéristiques de la société moderne, au développement des grandes villes, d’abord, avec leurs besoins nouveaux, les nouvelles conditions de la vie locale, puis à l’avènement politique de la démocratie urbaine, avec ses ambitions, ses audaces, sa méfiance de l’initiative privée, sa jalousie de tout monopole et son aversion pour les maîtres du « capital, » pour la « finance, » pour ce qu’un ministre français appelait un jour « le monde du dividende[6]. »

Au développement du socialisme municipal, l’Angleterre offrait, malgré les apparences, un terrain favorable. Nulle part, en effet, la poussée de la population vers les villes ne s’est fait sentir plus fortement : la population urbaine, qui ne dépasse guère en France la moitié de la population totale, atteint 78 pour 100 en Grande-Bretagne. De plus, nulle part les institutions locales ne témoignent de plus de vigueur, d’initiative et d’indépendance : autorités de villes, de bourgs, de comtés, de districts, tous ces organismes, très nombreux, très divers, l’ont preuve, dans leur vie autonome, d’une souplesse et d’une habileté de gestion, d’une adaptabilité aux besoins, d’un sens des affaires publiques dont l’Angleterre a raison de s’enorgueillir, et que la France pourrait à bon droit lui envier. Notons que la multiplicité même de ces corps locaux, la variété de leurs fonctions, — des autorités spéciales étant par exemple préposées à l’exploitation d’un port, d’un canal, de docks maritimes, — semblait les prédisposer naturellement à élargir au gré des circonstances leur cercle d’action. De fait, les villes anglaises entrèrent de bonne heure dans la voie du socialisme municipal, non par préjugé socialiste, par application de théories préconçues, mais par pur opportunisme pratique. Dès 1822, Liverpool avait des bains municipaux, et des 1842 un lavoir municipal ; Sheffield racheta son service des eaux en 1830, Manchester en 1847 ; en 1867, treize compagnies concessionnaires de gaz avaient déjà été reprises par les municipalités. Mais ce n’est qu’en 1874 que la notion du socialisme municipal se vit méthodiquement raisonnée, posée endoctrine et prônée comme un Evangile nouveau, du haut de cette plate-forme devenue célèbre, la mairie de Birmingham, par la voix puissante de M. Joseph Chamberlain. En s’efforçant de faire de sa cité d’adoption, alors assez arriérée, la « citadelle du municipalisme, » M. Chamberlain obéissait d’abord à une idée financière, celle de procurer des fonds au budget communal ; et en effet, le rachat du gaz, très avantageusement opéré, assura à la ville un profit annuel de 42 000 livres sterling. Il obéissait, en abattant les slums, à un louable sentiment d’hygiène et de relèvement social : n’avança-t-il pas de sa bourse 10 000 livres sterling à la ville pour cet objet ? Il obéissait enfin, dans sa campagne municipaliste, à une arrière-pensée politique dont il semble surprenant que l’audace quasi-révolutionnaire n’ait pas effrayé les contemporains, comme elle nous choque aujourd’hui encore : « En vérité, nous deviendrons communistes, consciemment ou non, » disait-il à un banquet officiel en 1874, « car, bien que le mot de communiste sonne mal aux oreilles de quiconque se souvient des excès qui déshonorèrent les derniers jours de la Commune de Paris, il faut se rappeler que les chefs de cette Commune ont combattu pour le principe du self-government local, le principe de ces institutions républicaines pour le triomphe desquelles les citoyens anglais seraient prêts, s’il le fallait, à descendre dans la rue[7] !… »

L’exemple et le précepte donnés par M. Chamberlain eurent en Angleterre un immense retentissement, et de ce jour, pendant vingt-cinq ans, les progrès du socialisme municipal dans le Royaume-Uni ne connurent plus de bornes. Le pays presque entier était gagné par la fièvre municipaliste, qu’attisèrent par leur propagande les diverses organisations socialistes nées sur le sol britannique à partir de 1884 ou 1885, Fédération sociale démocratique, Parti indépendant du Travail, Société Fabienne surtout. Quels furent les motifs invoqués par les Municipalistes à l’appui de leur doctrine ? Ce fut d’abord un motif d’ordre public : il ne faut pas laisser aux mains des individus, guidés et dominés par l’intérêt personnel, des services « quasi publics » de leur nature, constituant parfois des monopoles de fait dont les particuliers seront portés à abuser tandis que les villes ne les exploiteront qu’en vue du bien commun. Puis ce fut un motif d’ordre économique : les municipalités exploiteront mieux et à meilleur compte. Troisième motif, d’ordre social : c’est le devoir des autorités de travailler à améliorer les conditions du travail et à donner l’exemple aux patrons quant au taux des salaires, à la durée de la journée, etc. Dernier motif enfin, financier celui-là : les bénéfices réalisés dans la gestion des grands services urbains d’ordre quasi public doivent aller, non dans la poche des capitalistes, mais dans la caisse municipale, en réduction des impôts municipaux. Que valent tous ces motifs ? C’est ce dont nous tâcherons de nous rendre compte tout à l’heure.

Toujours est-il que le municipalisme est actuellement en Angleterre en plein épanouissement. Eau, gaz, transports en commun, lumière électrique, ce sont déjà chez nos voisins les vieilleries de la municipalisation : 193 villes anglaises exploitent directement leur eau, 265 leur gaz, 244 leur électricité et 174 leurs tramways. Voici qui est déjà plus nouveau : ce sont les villes qui fabriquent et vendent des appareils d’éclairage, qui parfois construisent des machines à vapeur et des dynamos. Beaucoup bâtissent elles-mêmes des maisons ouvrières ; d’autres possèdent un service municipal de téléphone, des bains publics, des lavoirs ; il y en a qui exploitent une flottille de bateaux-mouches, comme Londres, des bacs à vapeur, comme Birkenhead, un grand canal maritime, comme Manchester. Que ne fait pas, à dire vrai, une ville anglaise qui se respecte pour le bien-être de ses habitans ! Aux bébés elle distribue du lait stérilisé, comme à Liverpool, quitte à entretenir, comme à Nottingham, une vacherie municipale. Aux gourmets Colchester vend des huîtres. Manchester fournit aux industriels la force motrice. Wolverhampton vend de la glace aux commerçans. Glasgow blanchit le linge de ses cliens. Torquay élève des lapins. Tunbridge Wells cultive le houblon et les betteraves. En maint endroit, les sans-travail peuvent aller frapper à la porte d’un bureau de placement municipal, les sans-gîte à celle d’un lodging house non moins municipal. Bradford tient un hôtel à voyageurs. Nombre de villes font le prêt sur gages et l’assurance contre le feu ; d’autres font la banque, reçoivent des dépôts à intérêts. Etendant le cercle de leurs affaires, certaines municipalités vendent leurs services aux municipalités voisines ; Manchester fournit à tout un district l’eau du lac Thirlmere. Dans un autre ordre d’idées enfin, Londres, depuis quinze ans, donne un grand exemple socialiste : le Conseil de comté a déclaré la guerre à l’« entreprise » et mis tous ses travaux en « régie ; » et c’est pourquoi, vu le prix de l’expérience, on l’a nommé « le plus grand prodigue du monde, » the world’s greatest spendthrift !

Les excès mêmes du municipalisme ne pouvaient d’ailleurs manquer d’amener à la longue une réaction. Bien que l’opinion fût en somme favorable à une tendance où l’on pouvait voir une sorte d’Impérialisme Municipal, bien que les Municipalistes exerçassent, par l’intermédiaire de la puissante Association of municipal Corporations, une grande influence au Parlement, les défenseurs de la liberté économique engagèrent courageusement la lutte, soutenus par les grands organes conservateurs, par les Chambres de commerce, par quelques-unes de ces ligues de propagande comme les Anglais savent les organiser, l’industrial Freedom League, la League for defence of Liberty and Property. Dès 1895, le propre père du socialisme municipal, M. Chamberlain, signalait bravement les dangers de la politique municipalisatrice à haute pression, et prenant à partie, de son ton gouailleur, le Conseil de comté de Londres, raillait cette assemblée « prête à tout, également disposée à ouvrir un mont-de-piété ou à rebâtir la cathédrale de Saint-Paul ! » En 1901, premier succès : le socialisme est battu à West Ham, un faubourg de Londres. En 1902, le Times prend l’initiative d’une vigoureuse campagne de presse où sont dévoilés les abus et les scandales du municipalisme[8]. En novembre 1906, les élections aux conseils des bourgs marquent pour les municipalistes, notamment à Londres, une nouvelle défaite, laquelle se voit complétée et couronnée en mars 1907 par les élections au Conseil comtal de la Métropole[9]. Il y a donc, actuellement, un temps d’arrêt, — provisoire ou définitif ? nul ne peut le dire, — aux progrès du socialisme municipal en Angleterre. De part et d’autre, municipalistes et anti-municipalistes examinent la situation, mesurent le chemin parcouru, marquent les résultats obtenus ; faisons comme eux, en nous plaçant successivement aux points de vue financier, économique et social.


II

Financièrement, la grande prétention des municipalistes est que les villes anglaises, par l’exploitation des grandes entreprises industrielles ou commerciales d’intérêt quasi public, ont réalisé de gros bénéfices qui profilent à la communauté tout entière au lieu d’aller grossir des dividendes d’actionnaires ou des gains de spéculateurs.

Quelques exemples. Glasgow a fait en 1905-1906 un bénéfice net de 12 552 livres sterling sur son service des eaux. Sur l’exploitation du gaz, Manchester réalise depuis vingt ans un profit annuel de 60 à 65 000 livres sterling. Sur l’électricité, Manchester gagne net depuis six ans de 4 à 10 000 livres sterling par an ; en 1904-1905, Liverpool a encaissé net 16 934 livres sterling et Birmingham 10 789 livres sterling ; au 31 mars 1904, 116 villes accusaient sur ce même service électrique un profit de 419 984 livres sterling. Sur les tramways, Glasgow a mis de côté 25 000 livres sterling en 1905, et Liverpool de même[10]. Dans l’ensemble, suivant un rapport officiel du Local Government Board, les bénéfices annuels moyens réalisés par les villes anglaises sur leurs entreprises industrielles ou commerciales, de 1898 à 1902, auraient atteint, déduction faite des pertes[11], la somme nette de 360 867 livres sterling, le capital engagé n’étant d’ailleurs pas inférieur à 100 139 462 livres sterling, ce qui ne représenterait en somme qu’un profit moyen de moins d’un demi pour 100.

De ces bénéfices, qui a profité, dans la pratique ? Tantôt, c’est la communauté urbaine, la classe la plus nombreuse, par l’affectation des fonds libres à des dépenses d’intérêt général, services sanitaires, création de parcs, de musées, de bibliothèques. Tantôt, c’est le consommateur, par une réduction des tarifs de consommation. Tantôt enfin, c’est le contribuable, par une réduction du taux des impôts urbains : il résulterait d’un tableau officieux inséré dans le Municipal Yearbook de 1902[12]que les réductions d’impôts opérées en conséquence des profits industriels ou commerciaux auraient atteint, dans 21 villes-types, des chiffres proportionnels variant de 1 penny à 1 shilling et demi par livre sterling de revenu imposable, l’impôt lui-même variant d’ailleurs de 4 à 7 shillings par livre.

Fort bien : encore faut-il voir les choses d’un peu plus près. Les villes, à en croire les statistiques municipales, ont fait de gros profits : mais sur quels services ? Sur les services de première nécessité, de consommation générale, eau, éclairage, transports en commun, dont l’exploitation constitue dans une certaine mesure un monopole légal ou de fait, et dont les municipalités sont dans une certaine mesure maîtresses de fixer les tarifs à leur gré. Or n’est-il pas clair que, par des traités bien conçus avec des concessionnaires bien choisis, — ou par des remaniemens convenables d’anciens traités, — les villes eussent pu, tout en réservant aux consommateurs des avantages légitimes, s’assurer pour elles-mêmes les mêmes bénéfices sous forme de redevances annuelles, redevances non plus aléatoires et variables comme les profits de l’exploitation directe, mais assurées et permanentes ? Où donc alors voit-on l’avantage financier de la régie sur la concession ? Le risque, l’aléa inhérent à toute entreprise commerciale ou industrielle, risque contre lequel le régime de la concession est une sorte de garantie ou d’assurance, voilà, financièrement, le grand danger du municipalisme, c’est-à-dire du régime de l’exploitation directe. Pas de profit sans risque ; le profit est proportionnel au risque : c’est la nature des choses. Plus grand le profit, plus grand le risque : et la proposition inverse n’est pas vraie ! Corps électifs, c’est-à-dire populaires et changeans, corps administratifs, c’est-à-dire non commerciaux, les municipalités, les autorités publiques responsables des deniers publics, sont-elles faites pour subir elles-mêmes ce risque, et pour faire subir cet aléa aux contribuables ?

On dira sans doute que l’exploitation de ces grands services généraux ou quasi publics ne comporte pas pour une municipalité les mornes risques qu’une exploitation de nature purement commerciale. Une certaine forme de concurrence n’y est pourtant pas impossible : l’électricité a nui au gaz, les divers modes des transports urbains rivalisent les uns avec les autres. De fait, on constate que, sur ces mêmes services, bien des villes anglaises subissent des pertes. Dans les trois dernières années, Manchester a perdu sur son service des eaux de 40 à 27 000 livres sterling par an, Birmingham de 80 à 91 000. De 1893 à 1905, Glasgow a vu neuf fois ses comptes du service électrique se solder en déficit. Les tramways de Huddersfield coûtent à la municipalité de 4 à 10 000 livres sterling net par an[13]. On a relevé qu’en 1904-1905, sur 378 exploitations municipales d’eau, 252 étaient en perte ; sur 177 exploitations municipales de gaz, 40 ; sur 189 exploitations électriques, 64, et sur 58 exploitations de tramways, 13[14]. La situation, bien entendu, est pire en ce qui touche les autres entreprises industrielles des villes, celles que ne protège pas un monopole même relatif et dont l’aléa s’accroît avec la concurrence. C’est ainsi que la plupart des municipalités anglaises encourent de grosses pertes du fait de leurs bains et lavoirs, de la construction de leurs maisons ouvrières ; Brighton, Portsmouth et Hull sont en déficit pour leur téléphone municipal ; Londres a perdu 50 000 livres sterling en un an avec ses steamers sur la Tamise, faute de cliens l’hiver. Preston gère des docks qui lui coûtent 36 000 livres sterling par an : ces exemples pourraient se multiplier indéfiniment.

Ajoutons qu’il ne faudrait pas en croire toujours aveuglément, quant aux résultats financiers du Municipal Trading, les comptes officiels des villes anglaises. Non pas qu’ils soient intentionnellement préparés en vue de faire apparaître des soldes favorables ; mais, tenus administrativement (comme chez nous) au lieu de l’être commercialement, et d’une façon confuse et embrouillée à plaisir, soustraits d’ailleurs à tout contrôle gouvernemental[15], ils se prêtent aisément à des interversions et des erreurs parfois d’assez sérieuse conséquence. Souvent les municipalités imputent à leurs « Irais généraux d’administration » des dépenses administratives afférentes aux services industriels ou commerciaux, ou bien omettent de faire figurer à la charge des exploitations du gaz ou de l’électricité Je montant des impôts municipaux qu’elles devraient subir, ou bien encore chargent le compte de la voirie des dépenses faites en réalité pour les tramways ou l’éclairage, et ainsi de suite. Ce qui est plus grave, c’est que les villes ne mettent souvent de côté que des sommes insignifiantes et hors de proportion avec les exigences d’une bonne gestion pour l’amortissement du matériel de leurs exploitations industrielles, de sorte qu’elles se trouvent sans garantie contre la dépréciation de ce matériel, et contre l’éventualité toujours à prévoir des renouvellemens nécessités par les inventions nouvelles de la science[16]. Nos héritiers y pourvoiront, dit-on ; pourquoi surcharger le présent au profit de l’avenir ? Et pour un peu l’on ajouterait, selon le mot d’un humoriste : « La postérité ! On nous parle toujours de la postérité ! Mais je voudrais bien savoir ce que la postérité a fait pour nous ! » Quant à l’amortissement des emprunts, il y est pourvu selon l’usage anglais au moyen de fonds spéciaux, dits sinking funds, où l’on verse chaque année une somme telle qu’au bout d’une certaine période tout l’emprunt puisse être remboursé d’un seul coup. Or quel emploi fait-on de ces réserves légales d’amortissement ? On les place, en valeurs réglementairement déterminées. Souvent aussi on les emploie en titres d’emprunt de la même ville, émis pour d’autres services : la ville se prête ainsi de l’argent à elle-même, ou, si l’on veut, le gaz en prête aux tramways, l’eau à l’électricité ; le sinking fund, irréalisable, n’est plus qu’un leurre. — La conclusion, c’est qu’au vrai, les profits nets annoncés par les municipalités sont presque toujours moindres qu’on ne le prétend, et les pertes pires qu’on ne l’avoue. D’après deux experts, le prétendu bénéfice net de 360 867 livres sterling réalisé annuellement par les villes anglaises de 1898 à 1902 sur leurs exploitations industrielles, se changerait, après les régularisations nécessaires, en une perte moyenne annuelle de plus de 5 millions de livres[17]. Paper profits ! dit lord Avebury (sir John Lubbock) : « Beaux profits… sur le papier ! »

La situation financière des villes anglaises se ressent de cet état de choses. En vingt-quatre ans, de 1879-1880 à 1903-1904, le montant de l’impôt local en Angleterre s’est accru de 140 p. 100, passant de 22 021 601 l. st. à 52 941 665 l. st. ; le taux par tête de l’impôt s’est élevé de 17 sh. 4 p. à 1 l. 11 sh. 9 p., et le tarif de l’impôt par rapport au revenu imposable de 3 sh. 3 p. à 5 sh. 9 p. par livre sterling : la population, pendant ce temps, n’augmentait que de 34 pour 100 et le revenu imposable de 52 p. 100[18]. L’accroissement de la dette locale durant la même période a été encore plus marqué : le montant de cette dette s’est accru de 192 pour 100, passant de 136 934 070 l. st., à 398 882 146 l. st. ; le taux de la dette par tête d’habitant a monté de 5 l. 7 sh. 11 p. à 11 l. 10 sh.[19]. Dès à présent, bien des villes anglaises ont à lutter contre une situation financière fort embarrassée, et de lourdes dettes flottantes à supporter ; pour subvenir à des besoins toujours croissans, bon nombre se sont établies « banquiers, » et, comme Glasgow, Liverpool, Edimbourg, etc., sollicitent des dépôts de fonds : on voit le danger de cette pratique en cas de crise. Déjà le crédit de telles ou telles villes est atteint sur le marché ; West Ham, il y a quelques années, ne trouvait plus à emprunter, et les titres mêmes du Conseil de comté de Londres s’inscrivent aujourd’hui à des cours notablement inférieurs à ceux des valeurs de telle ou telle autre autorité locale plus prudente en affaires. M. Austen Chamberlain, chancelier de l’Echiquier du dernier gouvernement conservateur, se crut fondé dans un de ses budget speeches à attirer sur ce point l’attention du pays, comme l’avaient fait de leur côté des financiers et des hommes d’État tels que lord Goschen, lord Avebury, sir H. Fowler.

Ce n’est pas tout. L’accroissement des charges locales dans les grandes cités municipalisatrices se fait sentir sur les forces vives du pays : les intérêts matériels se sentent menacés, les producteurs se plaignent, et les municipalités avancées voient leur territoire déserté par les industriels en quête d’établissement, par les grandes compagnies surtout, qu’atteint plus que proportionnellement la hausse des impôts urbains[20]. Nombreuses sont les industries qui, depuis dix ans, ont quitté Londres pour aller s’établir en des régions fiscalement moins menacées ; chaque année, l’émigration londonienne progresse, et dans ces derniers temps la proportion des maisons vacantes à Londres s’est élevée de 2 à i pour 100. Le dommage n’est pas seulement pour les ouvriers qui perdent leur gagne-pain, mais pour l’autorité locale qui perd des contribuables, et pour les contribuables restans qui peut-être auront à payer pour les absens !


III

Peu brillans au point de vue financier, les résultats du socialisme municipal en Angleterre ont-ils été plus heureux au point de vue économique, c’est-à-dire au point de vue de la bonne gestion des intérêts matériels et de la « richesse » du pays ? Les industries municipalisées ont-elles été mieux gérées que les industries libres ? Régie ou concession, de quel côté s’est montré le succès ?

Notons ici que l’expérience anglaise s’est poursuivie depuis vingt-cinq ans dans des conditions particulièrement favorables, en ce sens que, grâce aux solides qualités de la race, grâce à l’esprit pratique et d’affaires, au respect de la compétence, à l’habitude de l’association, au bon sens populaire, toutes vertus civiques par où brille par-dessus tout autre le citoyen anglais, les administrateurs municipaux se trouvaient mieux préparés que partout ailleurs à leur tâche nouvelle de chefs d’industries. Voyez d’ailleurs, dans le fonctionnement de la machine administrative, la supériorité pratique de l’institution municipale anglaise : les aldermen (traduisons : les « anciens » du conseil) assurent la continuité de vues au sein de l’assemblée, en même temps qu’ils conseillent, et dirigent les membres nouveaux et inexpérimentés ; le maire, simple président, personnage représentatif, n’exerce point de pouvoir personnel ; chaque branche spéciale de l’administration est confiée à une Commission choisie par l’assemblée et qui peut s’adjoindre des personnes compétentes à son choix ; il y a parfois dans une même municipalité 15 ou 20 de ces Commissions responsables, dont les décisions sont revues et, s’il y a lieu, sanctionnées par l’Assemblée plénière, et qui, par la spécialisation du travail divisé, donnent au jeu de l’administration une souplesse et une spontanéité remarquables. Mais voici le drawback. D’abord, depuis vingt-cinq ans, les attributions des assemblées municipales ont tellement grossi que le temps manque pour l’étude attentive des affaires et la discussion sérieuse ; surchargées de travail, elles ont peine à venir à bout de leur besogne. Il y a bon nombre d’années déjà que lord Rosebery adjurait ses collègues de l’Assemblée de Spring Gardens de ne point accroître le fardeau déjà lourd de leurs devoirs : « Prenez garde, disait-il, ne cassez pas les reins au Conseil de comté de Londres ! » Depuis lors, le mal n’a fait que croître. Lord Avebury[21]n’en veut pour preuve que l’ordre du jour (agenda) de ce même Conseil pour sa séance du 31 juillet 1900, par exemple : 43 rapports de commissions, plus de 500 « résolutions » (dont bon nombre visaient plusieurs millions de dépenses ou des questions sérieuses de principe), plus 18 notices of motion, le tout à régler en une après-midi ! D’autre part, du fait des lois de suffrage élargi, du fait aussi des progrès du municipalisme, la valeur moyenne, la capacité normale des membres des assemblées municipales a baissé. Autrefois ils se recrutaient surtout dans le commerce, l’industrie ; on avait des hommes compétens, habitués aux affaires et qui géraient celles de la ville comme ils faisaient les leurs. Peu à peu le personnel a changé ; les industriels ou commerçans capables, suspects à la démocratie, peu soucieux d’ailleurs de contribuer au développement d’entreprises municipales, qui parfois venaient les concurrencer sur leur propre domaine, et dont ils avaient en tout cas à payer les frais sous forme d’impôts surélevés, quittèrent souvent la place pour être remplacés par une majorité d’hommes nouveaux, n’ayant ni les traditions ni la compétence de leurs prédécesseurs. De là une double conséquence : d’abord, la besogne sérieuse s’est vue de plus en plus abandonnée aux bureaux, ce qui explique l’immense développement de la bureaucratie municipale en Angleterre dans ce dernier quart de siècle ; puis la gestion des intérêts municipaux est devenue de plus en plus administrative ou politique, et de moins en moins business-like ou pratique, ce qui fait qu’en Angleterre même, dans le pays du business spirit, on se plaint que le municipalisme se montre pauvre en véritables hommes d’affaires comme en véritable esprit commercial.

Nous n’avons pas à discuter ici la question théorique de savoir qui gérera le mieux les grands services industriels d’une cité moderne, d’une réunion d’administrateurs rémunérés, actionnaires et choisis par les actionnaires d’une compagnie concessionnaire, ou bien d’une assemblée de conseillers au mandat gratuit, élus par les contribuables, c’est-à-dire par les consommateurs, et choisis d’ordinaire pour motifs politiques. Théoriquement, la réponse n’est guère douteuse. Quels que soient les défauts certains et les abus possibles de l’administration des sociétés commerciales, on ne peut nier qu’un mandat électoral ne soit une médiocre garantie de bonne gestion comparé à celle qu’assure une responsabilité personnelle et pécuniaire, ni que la gratuité de gestion ne soit point d’habitude une heureuse pratique en affaires. D’ailleurs, si, au cas de concession, les membres et les agens de l’assemblée municipale sont là pour contrôler la gestion du concessionnaire, qui donc, au cas de régie directe, contrôlera le régisseur, c’est-à-dire l’assemblée elle-même : quis custodiet custodes ? — Mais sans insister sur cette vue théorique, que voyons-nous dans la pratique anglaise ? Non seulement la gestion des industries municipalisées est, de l’aveu général, plus coûteuse que celle des industries concédées, car le régime démocratique est prodigue par nature, mais elle manque de cet esprit d’invention et de progrès, de cet effort vers le mieux, de ce tact commercial, de cette ténacité d’entreprise qui sont l’âme des affaires. « D’une façon générale, déclarait M. Chandos Leigh, « conseil » du speaker de la Chambre des communes, devant la Commission d’enquête en 1900 sur le Municipal Trade, on peut dire que les municipalités n’ont rien inventé ou inauguré en matière d’électricité, de gaz ou de tramways… » Leur gestion est relâchée, somnolente[22]. Elles ne cherchent pas le client, ne savent pas l’attirer, le provoquer. Salford, avec ses 218 000 âmes, n’a que 404 abonnés à son électricité ; Bedford, ville de 35 000 habitans, n’en a que 591 ; Morley (23 000 âmes), 85 ! La ville de Bath, après avoir organisé au prix de 150 000 livres sterling une station génératrice d’électricité, dut la fermer, en 1902, en raison des pertes subies. Glasgow dépensa 900 000 livres sterling pour la création d’une station centrale de téléphones qu’il fallut remplacer au bout d’un an. Cette même ville, ayant racheté en 1894 ses tramways, en continua plusieurs années l’exploitation à traction animale, parce que messieurs les membres de la Commission n’avaient pu s’entendre sur un système de traction mécanique. Nottingham, il y a quelques années, payait son charbon à gaz 12 sh. 10 p. alors que la compagnie concessionnaire de Sheffield, dans le même district, ne payait le sien que 9 sh. 11 p. : les fonctionnaires de Nottingham ne savaient pas acheter[23]

Loin d’être facteur de progrès, le municipalisme, — on s’en plaint chez nos voisins, — paralyse le progrès, en paralysant la concurrence. Dans les branches d’industrie où les municipalités ne jouissent pas d’un monopole, il est clair que leur concurrence est désastreuse pour l’initiative privée, qui ne peut lutter à armes égales avec une autorité publique armée de droits supérieurs et ayant à sa disposition ce trésor inépuisable, l’impôt. A Londres, par exemple, où 50 000 maisons ouvrières ont été bâties par les Trusts philanthropiques et les grandes sociétés, le mouvement s’est à peu près arrêté du jour où le Conseil de comté s’est mis à en construire lui-même ; à Birmingham, selon M. Nettlefold, toute maison bâtie par l’administration empêche la construction d’au moins quatre maisons qu’eussent créées les particuliers[24]. A Glasgow, une compagnie privée ayant percé un tunnel sous la Clyde pour le transport des voyageurs, s’est vue en butte à une compétition acharnée de la part de la ville qui organisa, pour la ruiner, un service de passage à traction animale avec tarifs réduits « au point de fuite, » comme on dit en perspective[25]. Cette concurrence municipale devient particulièrement grave et critiquable quand les charges en retombent sur l’impôt, et, par l’impôt, sur les industriels mêmes contre qui elle s’exerce, et que l’industrie privée est ainsi forcée de contribuer aux frais de la guerre qui lui est faite : c’est le cas, en Angleterre, de la plupart des grandes compagnies de chemins de fer qui, surchargées d’impôts locaux, ont dû payer les frais de la création d’un grand nombre de lignes de tramways suburbains, dont l’objet ne pouvait être que de leur enlever des voyageurs[26]. Les villes, d’ailleurs, ont toujours cherché à protéger leurs industries et à prévenir d’avance toute concurrence en s’assurant, par divers moyens, un monopole légal lorsqu’elles n’avaient pas un monopole de fait : et ceci n’est pas un des côtés les moins curieux de la question. D’après une loi de 1882, une société, pour entreprendre l’éclairage électrique dans une ville, doit obtenir du Board of Trade un order, lequel peut être refusé en cas d’opposition de la part de la municipalité : en fait, les municipalités depuis vingt ans ont toujours fait opposition à ces orders, et souvent avec succès. Autre procédé : les municipalités, pour prévenir l’intrusion d’un industriel entreprenant, demandent elles-mêmes un provisional order pour l’éclairage électrique : l’order obtenu, on le laisse dormir huit ou dix ans dans les cartons, parfois jusqu’à quinze ou dix-huit ans, comme à Acton, à York, à Greenock[27]. En 1901, une compagnie dite du Mond Gas demandait au Parlement par private bill l’autorisation de créer des stations génératrices de gaz : l’association des Municipal Corporations fit rejeter le bill. En 1898, le même fait s’était produit aux dépens de la General Power Distribution Company qui se proposait de fournir la force à bon marché aux industriels des Midlands[28]. Ainsi le municipalisme prend des garanties contre sa rivale, l’initiative privée ; il préfère protection à concurrence, et, né d’une pensée de lutte contre le monopole, il conduit et retourne en fin de compte au monopole. Aussi ne s’étonnera-t-on pas qu’on l’accuse en Angleterre d’être une des causes principales de l’état arriéré de l’industrie électrique (éclairage, transports, etc.) dans les Iles Britanniques par comparaison avec les États-Unis, ou même avec maint pays du continent. Les États-Unis comptent 3 620 stations centrales d’électricité ; l’Angleterre, 457. Ils comptent 16 652 milles de tramways ; l’Angleterre (pour une population urbaine à peu près équivalente), 1 840 seulement[29]. L’invasion des produits américains en Angleterre, fait patent et indiscuté, est particulièrement remarquable en matière d’entreprises électriques, et deux techniciens émérites se croyaient fondés naguère à déclarer devant la Commission d’enquête officielle de 1900 que « si le pays était retardataire en fait d’électricité, cela était presque entièrement imputable à l’opposition que cette industrie a éprouvée de la part des municipalités[30]. »


IV

J’entends bien qu’on nous dira que c’est un point de vue démodé, réactionnaire, en ces temps « sociaux, » que ce point de vue « économique. » S’il en est ainsi, on nous permettra de le regretter, car, à supposer que l’on ait tort de chercher, comme on l’a fait trop longtemps, dans la science ou plutôt dans l’ordre économique, un idéal ou un but en soi, une règle d’action qui serait forcément toujours brutale et trop souvent contraire à la simple charité chrétienne, on n’en a pas moins tort quand on veut aujourd’hui repousser ou supprimer ce point de vue, quand on refuse d’y voir ce qui y est réellement, ce qu’il y a de mieux fait pour guider notre inexpérience et aider notre bonne volonté, à savoir « l’esprit des lois » économiques, lois fatales, bien que trop souvent oubliées, dont on ne supprime pas les effets à les vouloir négliger, et dont le jeu logique et imprévu ruine parfois les tentatives les mieux intentionnées… Quoi qu’il en soit, demandons-nous maintenant quels ont été en Angleterre, au point de vue social, les résultats du municipalisme.

Il a pour but et pour raison le « mieux-être » social, l’amélioration des conditions de vie de la classe la plus nombreuse dans les villes. Il existe par et pour la démocratie urbaine : il a donc dû lui profiter. Certes, il lui a profité. Mais dans quelle mesure ? Et jusqu’à quel point son action bienfaisante n’a-t-elle pas été contre-balancée par des conséquences socialement et politiquement néfastes ?

Les industries municipalisées offrent, dit-on, au public un service meilleur et à meilleur marché. Un meilleur service ? Peut-être. Les municipalités, par exemple, s’efforceront de mieux satisfaire aux besoins et aux convenances des quartiers populeux ou excentriques, en fait de transports, d’éclairage, etc. La question d’argent est pour elles accessoire : ce qui prime tout à leurs yeux, c’est l’intérêt de la communauté, de la communauté pauvre surtout, tandis qu’un industriel pensera d’abord et principalement à ses bénéfices. Remarquons toutefois, ici encore, que des résultats analogues peuvent être obtenus par voie de traités avec les concessionnaires ou de contrôle sur leur gestion. — A meilleur marché ? Ce point est douteux. Prenons pour exemple les exploitations de gaz. D’après sir C. Boyle secrétaire permanent du Board of Trade, le tarif moyen des usines municipales serait de 3 sh. 1/4 p. les 1 000 pieds cubes, tandis que celui des compagnies s’élèverait à 3 sh. 6 p. ; mais si l’on excepte de la comparaison les très grands centres comme Birmingham, Manchester et Glasgow, les prix, selon le même auteur, se feraient équilibre. Lord Avebury, procédant par cas particuliers, compare la situation dans deux villes-types, Nottingham et Sheffield : il y a quinze ans, le prix du gaz était le même dans ces deux villes : aujourd’hui, il coûte 2 sh. 6 p. à Nottingham où l’exploitation est en régie, et 1 sh. 4 1/2 p. seulement à Sheffield, où elle est concédée[31].

Rendons maintenant pleine justice aux larges et généreux efforts faits depuis cinquante ans par les municipalités anglaises en vue de l’hygiène urbaine et de la santé publique. Grands travaux de voirie et de canalisation, vastes opérations immobilières, bains publics, lavoirs municipaux, dépôts de lait stérilisé pour les nourrissons, sans parler de somptueux hôpitaux et sanatoria, les grandes cités britanniques ont dans tout cet ordre d’idées donné l’exemple aux villes continentales, et sans s’arrêter à critiquer les détails ou le mode de fonctionnement de plusieurs de ces grands services de salubrité, on doit reconnaître que, s’il s’agit ici de socialisme, c’est, du moins, du plus heureux et du mieux entendu des socialismes.

Une réserve s’impose pourtant, en ce qui concerne la construction des maisons ouvrières. Aon contentes de dégager et de nettoyer ces entassemens malsains, ces foyers d’infection, les slums, dont on sait que la malfaisance physique et morale, dans l’Angleterre urbaine, n’est nulle part égalée en Europe, les municipalités ont voulu reconstruire ce qu’elles démolissaient, et fournir elles-mêmes à leurs pauvres l’habitation hygiénique. Non seulement, en ce faisant, elles ont obéré leurs finances, non seulement elles ont, comme nous l’avons dit, paralysé l’action de la philanthropie privée, mais elles ont élevé de si belles, de si vastes et de si coûteuses habitations que les loyers en sont prohibitifs pour ceux à l’intention de qui ils avaient été élevés. Il y a peu d’années, lord Rosebery, inaugurant à Shoreditch les maisons ouvrières du Conseil de comté de Londres, ne pouvait s’empêcher de dire : « Vous installez ici 300 familles, mais vous en avez mis dehors bien davantage ; vous avez fait d’admirables bâtisses, mais les locataires n’en sont pas ceux que vous avez dépossédés ! » A la même époque, l’inspecteur sanitaire de Londres signalait que les opérations exécutées dans le quartier de Boundary street avaient fait partir plusieurs milliers de personnes, dont il n’était pas revenu 5 pour 100 : les autres, par horreur de la « migration, » étaient allés s’entasser dans les slums restant du voisinage. Etrange façon de « loger » les pauvres, remarque lord Avebury ! « Déloger » serait une expression mieux appropriée[32].

Le point le plus important, dans l’intérêt social, est sans contredit l’action ouvrière des municipalités anglaises. Elles se sont depuis longtemps proposé pour but de relever les conditions du travail et de mener la lutte contre le sweating, l’exploitation de la machine humaine, en assurant aux ouvriers directement ou indirectement employés par elles des avantages exceptionnels, tant au point de vue du taux des salaires qu’à celui de la durée des journées. Elles ont usé pour cela, comme les nôtres, de deux moyens. D’abord l’insertion, dans les cahiers de charges des travaux à l’entreprise de clauses spéciales concernant les heures de travail, le chiffre de la paie, etc. Elles ont parfois été, en ce sens, bien plus loin qu’il n’est permis aux villes françaises de le faire[33] : à Londres notamment, à partir de 1892, les salaires à payer par les entrepreneurs municipaux à leurs ouvriers furent fixés par le Conseil de comté sur la base des tarifs des Tractes Unions (motion de M. John Burns, aujourd’hui président du Local Government Board). Le second moyen, beaucoup plus largement appliqué en Angleterre qu’en France, consiste dans l’exécution de tous les travaux municipaux en régie directe, c’est-à-dire sous la direction d’ingénieurs et contremaîtres municipaux, et par des ouvriers municipaux. C’est encore Londres qui a donné, en novembre 1892, par la création de son Works Department, l’exemple en grand de cette pratique dont le résultat immédiat a été d’accroître considérablement le prix de revient des opérations : à Londres, de 1893 à 1901, les dépenses excédèrent de 79 000 livres sterling les estimations faites par le Conseil de comté lui-même, et, mieux encore, à West Ham, dans les deux premières années du fonctionnement de la régie, les travaux exécutés coûtèrent 50 000 livres sterling de plus qu’ils n’eussent coûté avec des adjudicataires[34]. Partout en Angleterre, les salaires des ouvriers municipaux ont été artificiellement surélevés. Non pas que, municipalisés, ils travaillent avec plus de zèle ou d’énergie : les maçons du Works Department de Londres posent en moyenne 100 briques par jour, au dire du président du Comité compétent, alors qu’un maçon américain en pose 2 000[35] ; la discipline est pitoyable, et les renvois impossibles depuis que chacun d’eux provoque une interpellation au Conseil ; « c’est la municipalisation de la fainéantise, » a-t-on pu dire de la régie à West Ham. Mais la tendance à la hausse du salaire est inévitable. M. Keir Hardie se vantait naguère devant l’Association des Municipal employees qu’en 1903, année de dépression industrielle et de baisse générale des salaires en Angleterre, les salaires des ouvriers municipaux eussent pour ainsi dire doublé[36]. Un récent rapport officiel donnait la liste des hausses de salaires des ouvriers et employés du Conseil de comté de Londres, de 1899 à 1904 : les hausses indiquées, fort nombreuses, se montaient parfois jusqu’à 33 et 38 pour 100, notamment dans la construction et les machines ; or, les statistiques du Board of Trade montrent que, dans l’industrie privée, les taux de salaires ne s’étaient pas accrus de plus de 1 pour 100 durant cette période[37].

Il faut, dit-on, donner l’exemple ! Mais de quel droit, pour donner l’exemple (à supposer que cet exemple soit suivi), créer une classe d’ouvriers privilégiés, jouissant de salaires surélevés et de journées réduites, aux frais de la municipalité, c’est-à-dire des contribuables, et, entre autres contribuables, des autres ouvriers, qui supportent par la hausse de l’impôt leur part des frais de l’expérience ? La vérité n’est-elle pas que ces travailleurs municipaux, classe privilégiée, sont des électeurs ? Sur 14 millions de salariés, il y a en Angleterre 2 millions de salariés municipaux (ouvriers et employés). De quelle force électorale ne dispose pas cette armée, conduite par un syndicat puissant, l’Association of municipal employees, et nombre d’autres organisations locales qui jouent vis-à-vis des municipalités le rôle des Trades Unions vis-à-vis des patrons ! Il y a à Londres, 60 000 salariés municipaux, soit 8 pour 100 du nombre des électeurs londoniens et 17 pour 100 du nombre des votans effectifs. A Glasgow, les salariés municipaux représentent 7 et demi pour 100, et, en mainte autre ville, de 5 à 8 pour 100 du total des électeurs. On voit le danger de cette situation, j’entends la porte ouverte à la corruption électorale sous ses diverses formes : d’abord, sous sa forme courante, le favoritisme, la pression politique exercée par les élus en faveur de leurs créatures, puis le marchandage électoral, l’appel aux surenchères, l’achat des votes par les promesses : « Votez pour moi et vous aurez la journée de huit heures avec 30 shillings par semaine[38] ! » Peu à peu, les salariés municipaux deviennent les maîtres des municipalités : « Bientôt, écrit un Anglais[39], ce ne seront plus les assemblées de villes qui emploieront leurs employés, mais ceux-ci celles-là ! » Naguère, à West Ham, les conseillers socialistes, élus sur mandat impératif, signaient d’avance leur démission en blanc, et « le sort de toute question à résoudre par le Conseil était réglé d’avance par le groupe socialiste en réunion secrète[40]. » Le gouvernement urbain se transforme ainsi en un gouvernement par syndicats et hangers-on ; la menace du spoils System apparaît sur les brisées du municipalisme. Comment s’étonner que devant cet état de choses, aggravé d’ailleurs par l’énorme développement de la bureaucratie municipale, il n’ait pas été besoin de scandales financiers tels que ceux qui ont éclaté récemment eu divers endroits, notamment à West Ham, pour que l’opinion se soit émue et ait voulu protester contre la désorganisation systématique de ce local government dont l’Angleterre était si fière ; pour que des hommes d’ordre, comme le Lord Provost de Glasgow, sir John U. Primrose, aient dénoncé dans la puissance politique des employés municipaux « un danger qui pourrait devenir destructeur du meilleur gouvernement, » et qu’on ait vu proposer sérieusement par des municipalistes influens, tels sir Th. Hughes deux fois maire de Liverpool, ou M. E. O. Smith, town clerk de Birmingham, de priver les salariés municipaux du droit de vote municipal ! Jugez quelles rumeurs, — ou quels éclats de rire, — soulèverait en France une pareille proposition, visant soit les salariés municipaux, soit les salariés de l’État !


V

Le socialisme, en France, a fait beaucoup plus de progrès dans l’État qu’en Angleterre : il en a fait, — jusqu’à présent, — beaucoup moins dans la société locale, et c’est un des avantages que nous devons à un régime de centralisation rigoureuse dont les résultats nous ont fait à d’autres points de vue tant de mal. Il ne faut pourtant pas se dissimuler qu’en France même, sans parler des expériences collectivistes tentées çà et là par des municipalités révolutionnaires, les dangers du municipalisme s’étendent et s’aggravent chaque jour. Les unes après les autres, la plupart des grandes villes subissent les atteintes du mal qui tantôt pénètre secrètement les organismes locaux, tantôt s’étale au grand jour et développe tous ses abus dans les « régies » municipales. La dette communale de la France, qui, en 1891, ne dépassait pas 3 224 millions de francs, s’élève, en 1905, à 4 082 millions ; la délie de la Ville de Paris atteint aujourd’hui 2 539 millions, alors qu’elle n’était que de 1 872 millions en 1891. Il faut bien reconnaître d’ailleurs que du fait de notre régime social et politique, la gravité du mal, sa nocivité, si l’on peut dire, est beaucoup plus sérieuse chez nous que chez nos voisins d’outre-Manche. En Angleterre, les traditions de la liberté, l’esprit public et l’esprit pratique du citoyen, la forte éducation politique du peuple, l’ont jusqu’à présent atténuée. Mais combien plus aigu ne sera pas le danger dans une nation où ces qualités « civiques » ne se trouvent pas au même degré ; dans un État comme la France où les administrations locales sont loin de trouver toujours un régulateur, un modérateur, auprès d’une opinion formée aux affaires et habituée à les suivre, où d’ailleurs leurs actes ne relèvent pas de la juridiction civile, ouverte à tous, mais d’une juridiction spéciale et d’accès difficile ; dans un pays enfin où le suffrage égal et par tête, de lui-même improportionnel et arbitraire, règne souverainement, sans contrepoids ni tempérament, et où, plus que partout ailleurs, il est vrai de dire que le « grand nombre qui vote peut impunément surcharger le petit nombre qui paie ! » L’étude des résultats du socialisme municipal en Angleterre doit donc nous convaincre de cette vérité que, malgré les apparences, le « municipalisme » n’est pas fait dans l’intérêt de tous, mais de quelques-uns, et qu’à défaut de la concurrence libre, les villes peuvent et doivent trouver dans le régime de la concession les mêmes avantages que dans celui de l’exploitation directe, moins le risque financier, les fâcheux effets économiques et les dangers politiques et sociaux inhérens à la « municipalisation. » A chacun sa fonction : faites pour administrer, les municipalités ne sont pas faites pour exploiter des industries, pratiquer le commerce, ou se faire entrepreneurs de travaux ; c’est la leçon de l’expérience anglaise en même temps que la règle du bon sens.


L. PAUL-DUBOIS.

  1. Avril 1907.
  2. Dans la personne de M. Hearst (novembre 1906).
  3. Voyez la Revure du 1er juillet 1900 : Le Socialisme municipal.
  4. Citons entre autres les ouvrages suivans : R. Boverat, le Socialisme municipal en Angleterre. Paris, 1907. — Vermaut, les Régies municipales en Angleterre. Courtrai, 1903. — Montet, Etude sur le socialisme municipal anglais. Paris, 1901. — Dolman, Municipalities at work, 1895. — Hugo, Staedle Verwaltung und municipal, Sozialismus in England. Stuttgart, 1897. — Davies, The Cost of Municipal trading. Londres, 1899. — Darwin, Municipal Trade. Londres, 1903. — Bernard Shaw, The Common sense of municipal trading. Londres, 1901. — Meyer, Municipal owhership in Great Britain. New-York. 1906. — Lord Avebury, On municipal and national trading. Londres, 1907. — Porter, The dangers of municipal trading. Londres, 1907.
  5. Par M. A des Cilleuls. Paris, 1905.
  6. On ce qu’un ministre anglais, M. Birrell, K. C, appelait, dans un discours à Colchester, en 1902, la « spéculation… » Car cet état d’esprit se rencontre en Angleterre comme en France. Dans certaine enquête parlementaire sur la réglementation des conditions de l’éclairage électrique dans les villes, en 1886, lord Rayleigh, le grand physicien, interrogeant le secrétaire du Board of Trade, se vit répondre par des déclarations telles qu’il crut devoir les résumer en ces mots : « Vous en arrivez donc à ceci, qu’il est moins important d’assurer l’éclairage au public que d’empêcher les compagnies de faire des bénéfices ! » (Lord Avebury, op. cit., p. 111.)
  7. Dès 1870, M. Chamberlain avait publiquement déclaré sa sympathie pour le gouvernement républicain français, et déclaré que fatalement la République aurait son heure en Angleterre.
  8. Voyez Municipal Socialism, a series of articles reprinted from the Times (Londres, 1902 ». Une traduction abrégée de ces articles a été publiée à Bruxelles en 1903.
  9. La déroute des socialistes s’est encore affirmée, au profit des conservateurs, aux élections municipales de novembre dernier.
  10. Nous empruntons ces chiffres à l’ouvrage très riche en faits de M. Boverat sur le Socialisme municipal en Angleterre.
  11. Return by the Local Government Board, december 1902, n° 398. Voyez les observations faites sur les résultats de ce rapport par M. Darwin, Municipal Trade, p. 210 et suiv., par M. R. P. Porter, The Dangers of municipal Trading, p. 181 et suiv.
  12. P. 574.
  13. Chiffres extraits de l’ouvrage précité de M. Boverat sur le Socialisme municipal en Angleterre.
  14. Relevé fait sur le Municipal Yearbook de 1906, par M. R. P. Porter (op. cit., p. 188, 189).
  15. Sauf ceux des « comtés, » des « bourgs » de Londres et des « districts urbains. » Les comptes des villes sont contrôlés d’abord par deux vérificateurs (auditors) élus par les électeurs municipaux (élections dont les votans se désintéressent presque complètement), puis par un conseiller municipal choisi par le maire (Mayor’s auditor). Ce système présentant peu de garanties, la Commission interparlementaire d’enquête sur le Municipal Trading (1903) a demandé que tous les comptes des villes fussent vérifiés annuellement par les Auditors officiels du Local Government Board. fonctionnaires quasi judiciaires investis du pouvoir de rejeter les dépenses illégales et d’en mettre le montant à la charge (surcharge) des ordonnateurs : proposition qui fit jeter les hauts cris aux municipalistes anglais et qui, jusqu’à présent, n’a pas eu de suite.
  16. De 1898 à 1902, la moyenne des sommes mises annuellement de côté par les villes anglaises pour dépréciation du matériel n’est que de 193 000 livres sterling, soit un sixième pour cent du capital engagé : les experts signalent qu’elle aurait dû s’élever à 5 pour 100 de ce même capital, soit à 6 050 000 livres sterling par an. (Voyez lord Avebury, op. cit., p. 67-68. — H. P. Porter, op. cit., 185-187. — Holt Schooling, Local Finance, dans la Fortnightly Review d’août 1906.)
  17. Holt Schooling, loc. cit. — R. P. Porter, op. cit., p. 187. — Lord Avebury, op. cit., p. 68.
  18. Report of the Local Government Board for 1905-06, p. ccvm et 668. — Nous avons évalué dans notre Essai sur les Finances communales (Paris, 1898) à 15 fr. 30 le chiffre par tête de l’impôt communal en France en 1891 : en 1877, le chiffre officiellement indiqué par les statistiques était de 14 fr. 92.
  19. Report of the Local Government Board for 1905-06, p. CCXIII et 668.
  20. Plus que proportionnellement, parce qu’en Angleterre l’impôt local frappant le « revenu » de la propriété, les municipalités cèdent à la tentation de surélever dans une proportion plus ou moins grande l’estimation du revenu imposable afférent aux immeubles possédés par les chemins de fer, grandes sociétés ou industries, etc. De 1891 à 1901, le total des impôts locaux payés par le Great Eastern Railway a plus que doublé. Dans les communes rurales traversées par une voie ferrée, il est fréquent de voir la Compagnie payer à elle seule la moitié ou les trois quarts de l’impôt local. Voyez de nombreux exemples, avec chiffres à l’appui, dans le Times du 2 septembre 1902.
  21. Op. cit., p. 26 et suiv.
  22. Pratiquement, on sait que c’est du manager ou directeur que dépend le succès d’une affaire industrielle. A l’origine, les municipalités l’avaient compris. We pay for brains, disait un conseiller socialiste de. Manchester : nous savons ce que vaut l’intelligence, et nous la payons. Mais au fur et à mesure du développement du municipalisme, ce principe salutaire s’est vu quelque peu abandonner, et la guerre aux gros traitemens a commencé. La London Progressive Platform de 1892 annonçait la prétention de « contrôler jalousement l’échelle des hauts salaires, » et, en 1902, le Labour Leader félicitait les conseillers de Wolverhampton de « s’opposer à toute augmentation de salaire des fonctionnaires municipaux tant que les ouvriers ne jouiraient pas d’un minimum de paie. » (Darwin, op. cit., p. 152. — Articles du Times.)
  23. Voyez Boverat, op. cit., p. 171. — Darwin, op. cit., p. 145. — Articles du Times, passim.
  24. Voyez Darwin, op. cit., p. 342. — Boverat, op. cit., p. 323.
  25. Darwin, op. cit., p. 294.
  26. Le London and Northwestern paie des subsides à des lignes de tramways en 46 endroits : par contre, en six mois, il a vu diminuer le nombre de ses voyageurs de 3e classe de 482 000 (Times du 2 septembre 1902).
  27. Meyer, op. cit., p. 256. — Darwin, op. cit., p. 291. — En ce qui concerne les extensions ou améliorations de lignes de tramways, le procédé légal est un peu différent, le résultat, c’est-à-dire la protection administrative, est identique.
  28. Lord Avebury, op. cit., p. 103.
  29. Meyer, op. cit., p. 90, 91, 259, 260, 261.
  30. Darwin, op. cit., 296.
  31. Lord Avebury, op. cit., p. 81. En matière d’électricité, les comparaisons ne sont pas sensiblement plus favorables aux municipalités. Voyez les déclarations de sir G. Boyle dans le Report from the joint select committee on Municipal Trading (1900), p. 6 et cf. Ibid., p. 37. — Cf. Vermaut, op. cit., p. 175.
  32. Lord Avebury, op. cit., p. 52, 53. — Cf. Vermaut, op. cit., p. 193. — On sait qu’à Paris les opérations faites en vue de l’ouverture de la rue Dante, par exemple, ont donné lieu à un résultat analogue.
  33. Décret du 10 août 1899.
  34. Lord Avebury, op. cit., p. 68. — Cf. articles du Times, passim.
  35. Lord Avebury, op. cit., p. 68.
  36. Ibid., p. 43.
  37. Ibid., p. 46, 47.
  38. Darwin, op. cit., p. 158. — Times du 16 septembre 1902.
  39. J. A R. Marriott, Fortnightly Review de décembre 1902, p. 970. Cf. Porter, op. cit., p. 93.
  40. Times du 16 septembre 1902.