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Le Sphinx (Gautier)

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Œuvres de Théophile Gautier — PoésiesLemerreVolume 1 (p. 271).


Le Sphinx



Dans le Jardin Royal ou l’on voit les statues,
Une Chimère antique entre toutes me plait ;
Elle pousse en avant deux mamelles pointues,
Dont le marbre veiné semble gonflé de lait ;

Son visage de femme est le plus beau du monde ;
Son col est si charnu que vous l’embrasseriez ;
Mais quand on fait le tour, on voit sa croupe ronde,
On s’apercoit qu’elle a des griffes à ses pieds.

Les jeunes nourrissons qui passent devant elle,
Tendent leurs petits bras et veulent avec cris
Coller leur bouche ronde à sa dure mamelle ;
Mais, quand ils l’ont touchée, ils reculent surpris.

C’est ainsi qu’il en est de toutes nos chimères :
La face en est charmante et le revers bien laid.
Nous leur prenons le sein, mais ces mauvaises mères
N’ont pas pour notre lèvre une goutte de lait.