Le Tour de France d’un petit Parisien/1/17

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Librairie illustrée (p. 189-198).

XVII

La famille de sir William

Le lecteur ne sera pas trop surpris d’apprendre que le jour suivant, Jean, comme un simple touriste, se trouvait au bord du Cher, en compagnie de son protecteur, le savant, et du fidèle Vidal, au bout du pont sur lequel est bâti le château de Chenonceaux. M. Pascalet avait tenu absolument à garder encore quelques jours auprès de lui le petit Parisien, malgré l’impatient désir qu’il montrait de recouvrer sa liberté de mouvements.

Jean s’était empressé d’écrire à Bordelais la Rose pour lui faire connaître le résultat de son voyage en Touraine. Il ne voulait, du reste, rien entreprendre sans avoir reçu de Mauriac la réponse de son ami.

Libre d’esprit, il était donc en admiration, ainsi que le musicien Vidal, devant cette maison de plaisance, si élégante et si coquette avec ses pignons, ses tourelles et ses hautes cheminées. Il y a plus : vue de la rive, elle semble suspendue entre le ciel et l’eau comme un mirage qui va s’évanouir. En réalité, elle ne tient au sol que par les piles étroites du pont qui la supporte. Comme on l’a dit, Chenonceaux semble assis sur un rayon de soleil.

Quelles que soient les curiosités que recèle à l’intérieur cette ancienne résidence royale, pleine encore du souvenir de Diane de Poitiers et de Catherine de Médicis, le petit Parisien devinait d’instinct que Chenonceaux, situé au milieu d’un parc admirable, vaut surtout par la place qu’il occupe dans le paysage.

Et il regardait de tous ses yeux.

Soudain, derrière lui, retentit le galop bruyant d’une joyeuse cavalcade ; c’étaient des éclats de rire, des injonctions répétées aux animaux pour les presser ou modérer leur allure, des cris aigus, des appels. Il se retourna, et il reconnut la famille tout entière de sir William Tavistock, montée sur des bidets dociles qui sont les chevaux du pays. Ce fut pour Jean une bien agréable surprise.

Miss Kate, toujours vive, tenait la tête de la troupe, suivie de près par sa sœur Julia. Celle-ci avait pour cavalier son fiancé, le brun Henry Esmond, qui en sa qualité de marin adorait l’équitation ; sir William s’avançait gravement accompagnant sa femme, et leur fils Alfred galopait follement sur le flanc de la cavalcade, soulevant des flots de poussière. Tantôt il courait après sa sœur Kate, dont il excitait la monture jusqu’à ce que la jeune Anglaise se récriât et se fâchât, puis il revenait près de son père qu’il devinait mécontent et grondeur, accomplissant certainement ainsi deux ou trois fois le trajet d’Amboise à Chenonceaux. Deux petits chevaux fermaient la marche, l’un monté par un palefrenier aux gages du loueur, l’autre chargé de paniers de provisions et de manteaux de voyage, témoignages des attentions de lady Tavistock pour les siens.

Miss Kate, la première, reconnut Jean. Elle poussa un cri de joyeuse surprise.

— Oh ! le petit garçon ! fit-elle ; voyez donc le petit garçon ! mon sauveur !…

Elle arrêta son cheval. Jean s’approcha d’elle, et miss Kate lui tendit la main ; elle le secoua avec tant de vigueur que le petit Parisien faillit en perdre pied.

Alfred Tavistock arrivait, non moins ravi que sa sœur de retrouver leur jeune ami du puy de Sancy. Tandis qu’il adressait quelques mots de franche cordialité à Jean, miss Kate sautait légèrement à terre, et, s’avançant vers le jeune garçon, elle le saisit avec force et l’embrassa éperdument sur les deux joues.

La cavalcade entière ayant atteint les bords du Cher s’était arrêtée, et les cavaliers aidaient les dames à descendre de leurs montures. Miss Kate courut vers sa mère, lui dit quelques mots que celle-ci parut approuver, et elle revint vers le petit Parisien à qui chacun faisait fête à sa manière.

M. Pascalet comprenait qu’il s’agissait d’une ovation dont son protégé était l’objet ; auprès de lui, le musicien lui dépeignait les touristes d’outre-Manche.

Miss Kate s’empara de nouveau de Jean, comme s’il lui appartenait, en disant :

— Combien nous avons été ingrats pour ce cher enfant ! Nous ne l’avons ni remercié ni récompensé… occupés de cette espèce de fou qui nous suivait… Et pourtant, chers, si je suis au milieu de vous, c’est au courage de ce gros garçon que je le dois.

Jean rougissait. Il rougit bien davantage lorsqu’il s’aperçut que, tout en parlant, miss Kate avec une adresse de pick-pocket venait de glisser dans le gousset de sa blouse et de fixer à une boutonnière, par son porte-mousqueton, la montre qu’elle portait l’instant d’auparavant, — avec sa belle chaîne d’or.

Il eut un éblouissement, lorsque tirant vivement cette montre, elle lui apparut telle qu’elle était : du plus riche métal, et très artistement ciselée.

— Elle m’a toujours semblé un peu grande pour moi, observa miss Kate en souriant. En vérité, c’est une montre d’homme. Vous serez un homme, un jour, mon petit Jean, et un homme courageux et honnête. Ma montre est très bien placée dans votre gousset…

Et miss Kate jouissait de l’embarras de son petit ami.

Jean promena sur l’assistance un regard interrogateur, anxieux, éperdu. Il semblait demander conseil à chacun sur ce qu’il devait faire. Il cherchait surtout à comprendre l’expression du regard de lady Tavistock, doucement fixé sur lui.

Miss Kate devina sa pensée.

— Ma mère, dit-elle, m’a autorisée à vous faire ce petit présent.

— Yes, yes, répétait sir William, tout en tirant de son portefeuille un billet de banque.

Le petit Parisien s’alarma devant ce débordement de générosité.

— Eh bien, vrai ! lui dit Modeste Vidal, ils s’y mettent un peu tard, mais ils font bien les choses… J’avais été surpris de l’indigence de leurs remerciements (Jean avait raconté au musicien l’incident tragique du puy de Sancy). Tu peux accepter sans aucune honte, mon cher Jean.

— Mais ce que j’ai fait, objecta le petit Parisien, ce n’était pas avec cette idée, je vous l’assure, monsieur Modeste.

— À qui le dis-tu, mon garçon ?

Ce fut au tour de sir William de s’avancer au milieu du cercle que formait sa famille, Jean, M. Pascalet et Modeste Vidal — sans compter le palefrenier qui n’était pas le moins ébaubi, et augurait bien de la rondeur de son pourboire à la fin de la journée.

— Moi aussi, dit l’Anglais, je veux donner vô, ioune petite récompense.

Sur sa demande, son fils lui passa un mince carnet, dans lequel sir William plaça le billet, non sans en avoir avec quelque ostentation laissé reconnaître la valeur : c’était un billet de banque de cinq cents francs — ni plus ni moins.

— Il faudra, dit-il à Jean, en lui remettant le carnet, porter ceci à la caisse d’épargne. Mais je défendai vô de l’augmenter par les mêmes moyens.

— Il courrait trop de risques, le courageux garçon, ajouta Alfred.

— Et puis on a ses jours d’héroïsme, observa Modeste Vidal.

Jean, de plus en plus confus, reçut le carnet d’un air boudeur, et se détournant à demi il essuya quelques larmes d’émotion.

— Oh ! il pleure ! il pleure, le cher enfant ! s’écria miss Kate. Et elle se précipita presque à ses genoux.

Elle et sa sœur s’emparèrent de Jean et le consolèrent avec toutes sortes de charmantes câlineries.

M. Pascalet prit la parole en ces termes :

— Je ne dis rien, mais je devine tout. Soyez remerciés, vous tous, pour le bon exemple de gratitude que vous donnez.

Des conversations particulières s’établirent aussitôt. Au bout d’un moment, il était décidé qu’on allait d’abord visiter ensemble l’ancienne résidence royale, actuellement la propriété de madame Pelouze.

Madame Pelouze a fait gratter les badigeons du dix-huitième siècle, s’efforçant de rendre à Chenonceaux ses airs du temps où Belleforest le décrivait ainsi : « Castel fleuronné, blasonné, flanqué de jolies tourelles, ajusté d’arabesques, orné de cariathides, et tout contourné de balconnades avec enjolivements dorés jusqu’en hault du faiste, ezpavillons et tourillons d’icelluy chasteau, lequel est devenu royal et bien justement. »

Dans cette restauration intelligente, les modernes fenêtres vitrées cédaient la place aux étroits vitraux de couleur enchâssés dans le plomb, la galerie construite par Catherine de Médicis sur le pont qui réunit le château à la rive gauche du Cher, reprenait son ancien style.

Nos touristes n’eurent pas longtemps à attendre pour être admis à visiter le château. Un serviteur leur fut adjoint pour leur servir de guide.

Miss Kate s’était emparée de Jean, qui lui donnait le bras. Tous deux se pressaient sur les pas du cicerone qui se mit à détailler d’une voix glapissante les curiosités de l’intérieur.

— Ceci vous représente le vestibule ; c’est l’ancienne salle des gardes ; on le devinerait aux vieilles armes qui en font l’ornement.

— Yes, approuvait sir William, très accommodant.

— Messieurs et mesdames, nous entrons dans la salle à manger. Le
Miss Kate retint Jean un peu en arrière (voir texte).
portrait de Diane de Poitiers est attribué au Primatice ; celui de Louis XIII en costume romain est de Carle Véronèse. Admirez, s’il vous plaît, la beauté du plafond.

— Yes, « beautiful », tutafaite beau, dit encore le baronnet.

Le cicérone marchait toujours.

— Ici, on se découvre… si l’on veut : c’est la chapelle. Elle est du seizième siècle. La voûte a des lignes très harmonieuses. Remarquez l’élégance de la tribune.

— Yes, yes, firent plusieurs voix.

— Nous entrons dans le salon de Catherine de Médicis.

— Oh yes ! Catherine, interrompit l’Anglais qui se croyait très en possession de notre histoire.

— Papa, dit miss Kate, laissez parler le monsieur, je vous en prie.

— La belle cheminée qui occupe le panneau, reprit le cicérone, est attribuée au fameux Germain Pilon.

— Pilon ? fit le baronnet.

— C’est un sculpteur de la Renaissance, dit M. Pascalet qui s’amusait beaucoup dans cette société exotique.

— Et voici le boudoir de la reine Catherine, déjà nommée, poursuivit le cicérone, en ouvrant une autre pièce dans laquelle tout le monde se précipita à sa suite : on ne voit pas tous les jours le boudoir d’une reine. Modeste Vidal guidait le vieux savant.

— Ce portrait est celui de cette reine. Au-dessus de la cheminée, contemplez je vous prie, dans ce buste, les traits d’Agnès Sorel. Nous allons entrer dans la bibliothèque de la reine Louise de Lorraine. C’est retirée dans cette salle que la veuve de Henri III passait en méditations le temps qu’elle n’employait pas à visiter les pauvres des environs, qui la connaissaient tous sous le nom de la reine Blanche, parce que dans ce temps-là les reines portaient le deuil en habits blancs.

— Pauvre princesse ! dit lady Tavistock.

— Maintenant nous entrons dans le salon de Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois.

Le baronnet s’embrouillait un peu dans nos annales.

— Avant la reine Catherine… ou après ? demanda-t-il.

Le cicérone ne sut que répondre, et il répéta :

— Duchesse de Valentinois.

— Avant Catherine, dit M. Pascalet. Diane installée ici souverainement du vivant de François Ier tenait ce château de la munificence de Henri II, mais Henri mort, Catherine, sa veuve, se fit rendre Chenonceaux et abandonna à la duchesse, Chaumont, qui ne lui plaisait plus.

Jean se rappela les spectres de ses fils que Ruggieri avait fait apparaître aux yeux de la reine mère.

— Et voici la salle du trône, interrompit le cicérone, qui, s’avançant vivement, ouvrit à deux battants la porte d’une vaste pièce ornée de portraits.

Les visiteurs marchaient sur ses talons, avec un grand bruit de pieds traînés. Le cicérone prit une attitude étudiée, attendit que le silence se fît, et toujours de sa voix glapissante il annonça :

— Le portrait de François Ier ! C’est une copie du Titien, faite par M. Gérard. — Gérard était encore M. Gérard à Chenonceaux. Messieurs et mesdames, continua le cicérone, nous allons monter au second étage de la galerie que je vous ferai visiter tout à l’heure.

De nouveau un grand bruit se produisit sur les pas du guide. On gravissait des marches ; on envahissait une salle longue.

— C’est le théâtre, dit le cicérone, où fut représenté pour la première fois le Devin du village de Jean-Jacques.

— Jack ? fit le baronnet pris au dépourvu.

Alors s’éleva autour de lui un concert discordant d’explications empressées. Tout le monde parlait en anglais. Lorsque cette sorte de croassement — qui ne manquait pas de douceur dans les bouches féminines — se fut apaisé, M. Pascalet intervint ; mais sir William ne voulait rien entendre : il avait compris ; il savait…

— Rousseau, disait-il, yes ; drôle ! tutafaite drôle !

— Laissez-moi vous dire, sir, insista le vieux savant, qu’au milieu et jusque vers la fin du siècle dernier l’hospitalité du fermier, général Dupin réunissait à Chenonceaux, dont il s’était rendu acquéreur, les plus illustres représentants de la société littéraire d’alors, Buffon, Mairan, Fontenelle, le comte de Tressan, Mably, l’abbé de Saint-Pierre, Condillac, votre compatriote lord Bolingbroke, Voltaire, et surtout Jean-Jacques Rousseau, qui fit un séjour à Chenonceaux, comme secrétaire de madame Dupin, femme de beaucoup d’esprit.

— Oh yes ! faisait l’Anglais, à qui revenaient en foule maintenant ses souvenirs de rhétorique du collège d’Éton.

La salle de théâtre étant suffisamment examinée, on descendit dans la galerie de Catherine de Médicis, édifiée par cette princesse sur le prolongement que donne au château le pont de neuf arches, qui va rejoindre la rive droite du Cher. Justement en ce moment cette galerie encombrée de tableaux était ramenée à son état primitif, sous l’intelligente direction de madame Pelouze.

Cette fois, miss Kate retint Jean un peu en arrière.

— Avez-vous des nouvelles du jeune M. Maurice du Vergier ? lui demandat-elle en rougissant un peu.

— Je l’ai quitté à Clermont-Ferrand, répondit Jean et il ne m’a pas encore écrit.

— Moi j’ai reçu une bonne lettre de lui… ce matin, de Mont-Dore les Bains.

— Vous êtes bien heureuse, mademoiselle.

— N’est-il pas vrai, qu’il vous a aidé à me retenir au bord du gouffre ?

— Certainement ! Il a beaucoup fait ! C’est grâce à lui aussi que le vertige ne m’a pas gagné.

— C’est ce que je dis à papa, murmura adorablement miss Kate.

— Et cependant vous ne lui avez pas donné votre montre, mademoiselle ?

— Non, mais je lui garde une place dans mon cœur, dit ingénument l’aimable enfant. Seulement, j’ai entendu dire à papa qu’il ne consentira jamais à donner une de ses filles à un Français — en eût-il douze à marier !

— C’est sans doute pour avoir le plaisir de vous garder auprès de lui, mademoiselle, dit le petit Parisien simplement. En tout cas votre père sait bien ce qu’il convient de faire pour votre avantage…

Miss Kate rougit, courroucée de cette froide réponse.

— Oh ! le méchant garçon, fit-elle en donnant une légère tape sur les doigts de Jean. Il ne comprend rien au « sentimente ».

C’était le premier mot qu’elle prononçait avec de l’accent.

S’apercevant enfin de l’extrême jeunesse de son confident, la charmante Anglaise lui sourit et s’appuya de nouveau sur son bras.

— Je lui écrirai demain, dit-elle, notre rencontre à Chenonceaux.

— Vous écrivez souvent à Maurice ?

— Tous les jours : mes impressions de voyage.

Jean, très étonné, regarda miss Kate, comme s’il avait mal entendu.

— Vous m’avez suivi de bien près en Touraine, dit-il pour dire quelque chose.

— Nous sommes venus à Tours par Bourges et Vierzon pour visiter les châteaux de la contrée.

— Comme cela se trouve bien !

— Aujourd’hui Chenonceaux, demain Azay-le-Rideau, et nous repartons.

— Et les autres châteaux ? Amboise, Chambord, Blois, Chaumont ?

— Nous les avons vus ces jours derniers.

— Alors il est surprenant que nous ne nous soyons pas rencontrés plus tôt, mademoiselle. Et, en quittant Tours… est-il indiscret de vous demander le chemin que vous comptez suivre ?

— Oh ! nullement ! Papa nous ramène à La Rochelle, où nous avons laissé notre joli yacht à vapeur. Nous avons fait le charmant projet de remonter les côtes de France jusqu’à…

— Jusqu’au Havre ?

— Mieux que cela ! Jusques à Calais ! Mais pourquoi parliez-vous du Havre ?

— C’est, dit Jean, que je ne pense qu’au Havre depuis que je suis sûr d’y entrer en possession des preuves de l’honorabilité de mon père, tué pendant la dernière guerre…

On quittait le château. Jean, en quelques mots, mit la jeune Anglaise au courant du grave motif de ses recherches, et parla de l’assistance que lui avait généreusement donnée M. Pascalet. Elle le plaignit beaucoup et le félicita de son énergie.

Sur la rive du Cher, la famille de sir William Tavistock retrouvait, reposés, les petits chevaux loués pour l’excursion à Chenonceaux. M. Pascalet était venu en voiture. On se sépara donc, mais en se donnant rendez-vous dans la soirée à Amboise.

— Surtout, c’est sans adieu ! Ne l’oubliez pas, Jean. En disant cela, j’ai mes raisons !

Ce furent les derniers mots de miss Kate.

Les raisons de miss Kate, le lecteur les devine sans doute : Jean les devinait bien ! La jeune fille songeait à obtenir de son père et du vieux savant l’autorisation de garder Jean, et de l’emmener à bord du yacht jusqu’au Havre où le petit Parisien tenait tant à se rendre.

Lorsqu’on se retrouva le soir, à Amboise, la chose fut discutée et accordée. M. Pascalet ayant pris une idée avantageuse de cette famille anglaise, pensait que Jean avait tout à gagner sous sa protection. Jean quittait le bon vieillard et l’ami Vidal avec regret, mais avec l’espoir de les revoir à Paris où l’historiographe comptait se rendre avant la mauvaise saison, le musicien ayant promis de l’y accompagner.

Une combinaison se présentait avant de se séparer : aller tous de compagnie à Azay-le-Rideau. Elle fut agitée ; mais M. Pascalet objecta qu’il tenait à visiter, vis-à-vis Amboise, le château de Pocé, important pour le plan de son ouvrage. Pocé est un ancien manoir seigneurial à mâchicoulis dont a pris possession une importante fonderie qui occupe cinq cents ouvriers.

Il fut donc décidé, non sans quelques serrements de cœur, que Jean partirait pour Tours le lendemain à onze heures, avec sir William et sa charmante famille. C’est un trajet d’une heure.

— Cette fois ce sera tout à fait en touriste, dit M. Pascalet à Jean, que tu visiteras Azay-le-Rideau. Fais-en ton profit, mon enfant, car c’est une belle chose.

Le château d’Azay est sur les rives de l’Indre, dans une fraîche vallée, à quelques lieues au sud de Tours. Il se cache derrière de beaux massifs d’arbres. C’est un des plus charmants produits de l’art français au seizième siècle ; un véritable joyau, que les gens de goût mettent au-dessus des œuvres les plus estimées de la même époque à cause de l’élégance de ses formes, de la pureté, de la délicatesse et de l’originalité de ses sculptures ; c’est la Renaissance en fleurs, semblant surgir d’un lac, comme le palais enchanté d’Armide.