Le Tour de la France par deux enfants/038

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XXXVIII. — La Suisse et la Savoie. — Le lac de Genève. — Le mont Blanc. — Les avalanches. — Le lever du soleil sur les Alpes. — La prière du matin.

Les beautés de la nature doivent élever notre pensée vers Dieu.

Le lendemain, on quitta les Rousses dès trois heures du matin, car le patron voulait arriver à temps pour le marché de Gex, une des principales villes du département de l’Ain.

André enveloppa soigneusement le petit Julien dans son manteau : l’enfant, bercé par le balancement de la voiture et par le bruit cadencé des grelots sonores de Pierrot, ne tarda pas à dormir aussi bien que dans son lit.

Le clair de lune était splendide, la route lumineuse comme en plein jour ; mais l’air était froid, car il gelait sur ces hauteurs, et les noirs sapins avaient sur toutes leurs branches de grandes aiguilles de glace qui brillaient comme des diamants.

Après plusieurs heures de marche sur une route toujours montante, on traversa un dernier défilé entre deux montagnes. — Vous savez sans doute, mes enfants, dit alors M. Gertal, que nous sommes ici à deux pas de la Suisse, et nous arriverons bientôt au haut d’un col d’où l’on découvre toute la Suisse, la Savoie et les Alpes. Descendons de voiture, et nous regarderons le soleil se lever sur les montagnes : le temps est pur, ce sera magnifique.

Le petit Julien en un clin d’œil fut éveillé, il se hâta de sauter sur la route et courut en avant. Mais André l’avait devancé, et lorsqu’il fut au sommet du col : — Oh ! Julien, s’écria-t-il, viens voir. — L’enfant arriva vite.

Les deux frères se trouvaient placés au haut de la chaîne du Jura comme sur une muraille énorme, presque droite. À leurs pieds s’ouvrait un vaste horizon : la Suisse était devant eux. Tout en bas, dans la plaine, s’étalait, à perte de vue, le grand lac de Genève, le plus beau de l’Europe, dominé de toutes parts par des montagnes blanches de neige.

LE LAC DE GENÈVE, ou lac Léman, a 34 lieues de tour. Il est entouré par le Jura et par les Alpes. Dans sa partie sud, il touche à la France. À certains endroits sa profondeur est de 300 mètres. Il est parfois sujet, comme la mer, à des tempêtes redoutable. — Sur ses bords se trouve la ville suisse de Genève commerçante et industrielle, peuplée de 127.200 habitants.

— Comme ce lac brille sous les rayons de la lune ! dit Julien ; moi je l’aurais pris volontiers pour la mer, tant je le trouve grand. Mais dis-moi, André, comment s’appellent ces montagnes là-bas, si hautes, si hautes, qui enferment le lac comme dans une grande muraille ?

LE MONT BLANC ET LA MER DE GLACE. — Le mont Blanc (4,810 mètres) est la montagne la plus élevée de l’Europe.

— Ce sont les Alpes de la Savoie, dit M. Gertal qui arrivait. A nos pieds est la Suisse, mais à droite, c’est encore la France qui se continue, bornée par les Alpes. Dans la Savoie, en France, se trouvent les plus hautes montagnes de notre Europe. Ces neiges qui couvrent leurs sommets sont des neiges éternelles. Vois-tu, en face de nous, sur la droite, ce grand mont dont la cime blanche s’élève par dessus toutes les autres ? C’est le mont Blanc. Il y a sûrement sur sa cime glacée des neiges qui sont tombées depuis des siècles et que nul rayon du chaud soleil d’été n’a pu fondre.

— Quoi ! vraiment ? dit Julien, d’un air réfléchi, en poussant un soupir d’étonnement.

— Oui, continua M. Gertal, chaque hiver de nouvelles neiges recouvrent les anciennes. Aussi, aux endroits où la montagne en est trop chargée, il suffit d’un coup de vent, du pas d’un chamois, d’une pelote de neige qui grossit en roulant, pour ébranler des blocs de neige et de glace entassés ; ces blocs s’écroulent alors avec un bruit effroyable, écrasent tout sur leur passage, ensevelissent les troupeaux, les maisons, parfois des villages entiers. C’est ce qu’on appelle les avalanches.

— Que cela fait peur ! dit Julien : et cependant la montagne est si belle à regarder !

AVALANCHE DANS LES ALPES. — L’avalanche est une masse de neige qui roule du sommet des montagnes, entraînant avec elle les arbres et les rochers. C’est surtout en Suisse, en Suède et en Norvège que les avalanches sont terribles.

Au même instant, levant encore une fois la tête vers le vaste cirque de montagnes, il poussa un cri de surprise : — Voyez, voyez, dit-il, la jolie couleur de feu qui brille sur le mont Blanc : les neiges sont toutes roses ; qu’est-ce donc ?

— C’est l’aurore du soleil levant, petit Julien ; le soleil commence toujours par éclairer les plus hauts sommets ; aussi, dans tout ce pays, c’est le mont Blanc qui reçoit chaque matin les premiers rayons du soleil. Regarde encore.

— Oh ! mais voici tous les sommets des autres montagnes qui s’illuminent à leur tour ; il y a, sur les neiges, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : les unes sont violettes ou bleues, les autres lilas ou roses. On dirait une grande fête qui se prépare entre le ciel et la terre.

— Julien, c’est le jour qui commence. Vois : le soleil monte à l’horizon, rouge comme un globe de flamme ; devant lui, les étoiles s’effacent, et voici la lune qui pâlit à son tour.

— O mon Dieu, mon Dieu ! dit l’enfant en joignant ses petites mains, comme cela est beau !

— Oui, Julien, dit gravement M. Gertal, tu as raison, mon enfant : joins les mains à la vue de ces merveilles. En voyant l’une après l’autre toutes ces montagnes sortir de la nuit et paraître à la lumière, nous avons assisté comme à une nouvelle création. Que ces grandes œuvres de Dieu te rappellent le Père qui est aux cieux, et que les premiers instants de cette journée lui appartiennent.

Et tous les trois, se recueillant en face du vaste horizon des Alpes silencieuses, qui étincelaient maintenant sous les pleins rayons du soleil, élevèrent dans une même prière leurs âmes jusqu’à Dieu.