Le Tour de la France par deux enfants/053

La bibliothèque libre.


LIII. — Les monts d’Auvergne. — Le puy de Dôme. — Aurillac. — Un orage au sommet du Cantal.

Il y a peu de pays aussi variés que la France : elle a tous les aspects, tous les climats, presque toutes les productions.

Peu de temps après cette aventure, nos voyageurs quittèrent le Bourbonnais et entrèrent en Auvergne. On se rendait à Clermont-Ferrand. Il faisait une belle journée d’automne, le soleil brillait dans un ciel sans nuages. Comme la route montait beaucoup, nos amis étaient descendus et ils gravissaient la côte à pied tous les trois, afin de soulager un peu Pierrot. Julien se dégourdissait les jambes en sautant de çà de là, tout joyeux du beau temps qu’il faisait. Bientôt pourtant il se rapprocha de M. Gertal et d’André, et du haut d’une grande côte d’où la vue dominait l’horizon, il leur montra une chaîne de montagnes ensoleillée.

AUVERGNE ET LIMOUSIN. — L’Auvergne est une contrée très montagneuse, avec une population laborieuse et pauvre. Les vallées sont très fertiles et charmantes d’aspect. Outre Clermont (52.900 hab.), Aurillac et Thiers, il y a un assez grand nombre de petites villes industrieuses, telles que Riom, Ambert, Issoire et Saint-Flour. — Le Limousin est comme l’Auvergne couvert de montagnes, mais moins élevées. Le département de la Haute-Vienne renferme la grande ville de Limoges (84.100 hab.) ; dans la Corrèze se trouvent Tulle, qui a donné son nom à un tissu de coton très léger et transparent, et Brives-la-Gaillarde (18.100 hab.), dont le nom seul indique la prospérité.


— Qu’est-ce donc, je vous prie, demanda-t-il, que ces monts qui sont là tout entassés les uns auprès des autres ? Voyez ! il y en a qui ressemblent à de grands dômes ; d’autres sont fendus, d’autres s’ouvrent par en haut comme des gueules béantes. Voilà des montagnes qui ne sont point du tout pareilles aux autres que nous avons vues.

— Julien, ce sont les dômes et les puys d’Auvergne. Le plus élevé que tu aperçois là-bas, c’est le puy de Dôme.

— Tiens, s’écria l’enfant, j’ai vu à l’école dans mon livre de lecture une image qui montre les volcans éteints de l’Auvergne ; alors les voilà donc devant nous, monsieur Gertal ?

— Justement, mon enfant, toutes ces montagnes ont été autrefois d’anciens volcans.

— Oh ! monsieur Gertal, cela devait être bien beau, mais aussi bien effrayant à voir, quand toutes ces grandes bouches lançaient du feu et de la fumée. L’Auvergne devait ressembler à un enfer. C’est égal, je préfère que ces volcans-là soient éteints, et qu’il y ait de belle herbe verte au pied.

PUYS D’AUVERGNE. — On nomme puy en Auvergne d’anciens volcans éteints dont on voit encore le cratère ouvert au sommet. Le puy de Dôme a donné son nom à un département. Il y a aussi une ville qui s’appelle le Puy, et qui est le chef-lieu de la Haute-Loire, dans le Languedoc.


— Petit Julien, regarde bien à ta gauche, à présent. Vois-tu cette plaine qui s’étend à perte de vue ? C’est la fertile Limagne, la terre la plus féconde de France. Elle est arrosée par de nombreux cours d’eau et produit en abondance le blé, le seigle, l’huile, les fruits.

— Alors, monsieur Gertal, l’Auvergne est donc, comme la Côte-d’Or, bien riche ?

— Petit Julien, la Limagne ne couvre pas tout le territoire de l’Auvergne ; elle n’occupe que vingt-quatre lieues carrées. En revanche la montagne ne produit que des pâturages et des bois ; l’hiver y est bien long et rigoureux.

— Oui, oui, dit l’enfant ; c’est comme dans le Jura et la Savoie. Y a-t-il aussi bien des troupeaux par là ?

BŒUF DE SALERS (Auvergne). — La race de Salers, d’une couleur rouge acajou, est la meilleure pour le travail ; elle est intelligente, docile, infatigable au labeur, et s’acclimate partout ; mais sa viande n’est pas très estimée.


— Certainement ; dans le département voisin, le Cantal, il y a même une race de bœufs très renommés, la race de Salers, et l’on fait de bons fromages dans le Cantal.

— Le chef-lieu du Cantal, c’est Aurillac, n’est-ce pas, monsieur Gertal.

— Tout juste, une jolie ville aux rues bien propres, arrosée par des ruisseaux d’eau courante. Le Cantal est un département pauvre ; ses habitants sont souvent obligés d’émigrer, comme on fait en Savoie, pour aller gagner leur vie ailleurs : ils se font portefaix, charbonniers, et souvent chaudronniers. Le métier de chaudronnier est un de ceux que les Auvergnats préfèrent, et Aurillac est un des grands centres de la chaudronnerie. Mais, petit Julien, puisque tu es savant en géographie, sais-tu ce que c’est que le Cantal ?

— Oh ! dame, monsieur Gertal, je ne sais pas tant de choses, moi ; mais je pense que cela doit être une rivière, comme l’Allier que j’ai vu à Moulins.

— Allons donc ! c’est une montagne. Le Plomb du Cantal a près de 1.900 mètres de hauteur, il y a de la neige sur le sommet une bonne partie de l’année. Pour moi, je n’oublierai jamais le Cantal, vois-tu, parce que j’y suis monté.

— Vraiment, monsieur Gertal ? Est-ce que c’est difficile d’aller là comme au mont Blanc ?

CHAUDRONNERIE D’AURILLAC. — La chaudronnerie est l’art de fabriquer tous les ustensiles en métal qui servent à faire chauffer l’eau et les aliments. La petite chaudronnerie fabrique les chaudrons de cuisine, les casseroles, les poêlons, etc. La grosse chaudronnerie fabrique les énormes chaudières des locomotives ou des bateaux à vapeur, les cuves des teinturiers, etc. L’Auvergne et la Normandie sont les centres de la chaudronnerie.


— Oh ! non, certes ; seulement l’orage nous prit au haut : il pleuvait à verse, il soufflait un vent effroyable, et il n’y avait qu’un petit bout de rocher abrupt pour tout abri ; l’orage dura quatre heures, et nous avons grelotté tout le temps sur ce sommet, mes amis et moi.

— Oh ! dit Julien, moi, je serais descendu bien vite en courant pour me réchauffer.

— Toi, petit, tu aurais dû faire comme les camarades, attendre. Quand un brouillard ou une pluie couvre les montagnes du Cantal, si l’on est au sommet, il faut bon gré mal gré y rester jusqu’à la fin, ou risquer des chutes dangereuses. On voit au-dessous de ses pieds une mer de nuages noirs sillonnés par la foudre ; ce n’est pas le moment de descendre.

— Certes, dit André, je comprends cela. Et Julien a-t-il donc déjà oublié combien les brouillards sont terribles sur la montagne ?

— Non, mon frère, dit le petit garçon. Je me rappellerai toujours les Vosges, et cette nuit où tu m’as réchauffé dans tes bras et où je me suis endormi en priant Dieu d’avoir pitié des deux orphelins à l’abandon.

— Et Dieu t’a exaucé, enfant, dit le patron, puisque vous voilà à moitié de votre long voyage et en bon chemin.