Le Triomphe du Sexe/Épître dédicatoire

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À MADAME
GABRIELLE-ÉMILIE
LE TONNELIER
DE
BRETEUIL,
MARQUISE DU CHASTELET,

Vaſte & puiſſant Génie,
Minerve de la France, immortelle Émilie ;M. Volt.



Tout ce qui paroît à la gloire du Sexe vous eſt dû. Vous en faites, Madame, l’ornement, & vous êtes la preuve la plus convaincante de la bonté de ce petit écrit, dont je viens vous faire hommage. Il eſt né dans le ſein des plaiſirs champêtres, où la raiſon éloignée de tout ce qui peut la ſéduire, instruit l’homme qui la conſulte. Ce ſont les réfléxions qu’elle m’a dictées, que je produis au grand jour. Vous ne deſavoüerez pas, Madame, cet ouvrage qu’elle m’a inſpiré de vous dédier ; vous la connoiſſez, vous l’avez eû toujours pour maître, & la vérité ſa compagne, brille dans tous vos écrits :

Elle eſt ainſi que vous, noble, ſimple & ſans fard ;M. Volt.
Au-deſſus de l’éloge, au-dessus de mon art.

La Providence, en vous accordant cette variété de talens que nous admirons en vous, a voulu faire voir, qu’elle choiſit quelquefois dans le Sexe qui paroît le plus foible aux yeux des hommes, des ſujets capables de confondre leur orguëil, & de les inſtruire. Philoſophie, Belles-Lettres, Géométrie, votre génie comprend tout. Vos inſtitutions Phiſiques, vos Diſſertations ſur les forces vives ſont luës des Sçavans. Puiſſe votre exemple, Madame, animer les perſonnes de votre Sexe, leur apprendre à s’élever au-deſſus de cette timide indolence dans laquelle la malignité des hommes les entretient, & leur faire comprendre qu’elles ſont außi capables qu’eux, d’entrer dans le ſanctuaire des Sciences, & d’en pénétrer les myſteres. Heureux le mortel à qui il eſt donné de s’en inſtruire auprès de vous, de profiter de vos lumieres, & d’y vivre dans le ſein de la paix & de la vérité ſi peu connues des humains. Je ſuis avec un profond reſpect,

Madame,

Votre très-humble & très-obéiſſant Serviteur.
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