Le Triomphe du Sexe/Chapitre I

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LE TRIOMPHE
DU SEXE.

CHAPITRE I.

Dieu a créé l’homme & la femme également à ſon image. Il leur a donné du côté de l’ame les mêmes facultés, la même puissance.



Ê tre créé à l’image de Dieu, c’eſt être doüé d’une ame raiſonnable, libre, intelligente & immortelle ; c’eſt dans l’ordre S. Chriſoſt. ſur la Geneſ. Homel. 8 9. de la création, avoir reçu de lui une eſpèce de jurisdiction, de domaine & d’empire, pour être le chef & le ſouverain de toutes les créatures. Telles ſont les qualités que le ſouverain maître de l’univers a également accordées aux deux Sexes, compris ſous le nom générique d’homme. Il n’a mis aucun diſtinctif entre l’ame de l’un & celle de l’autre. Adam, dans le nom qu’il donne à ſa femme, reconnoît cette reſſemblance d’égalité ; il la nomme Iſcha, c’eſt-à-dire, l’humaine, celle qui vient de l’homme ; nom Hébreux qui vient de la racine Iſch, qui ſignifie Homme.

J’examine la conduite de Dieu dans la création. Adam qui ſe voit ſeul, ſoupire après une compagne. Ce ſoupir eſt une priere qui engage le Seigneur à l’exaucer ; il lui procure cette créature qu’il déſire, elle doit être ſon amie, ſa compagne, ſon épouſe. Ce ſoupir d’Adam, cet ordre que Dieu obſerve dans la création, nous montrent que c’eſt à l’homme à rechercher la femme, & non pas à elle à le prévenir. Geneſ. 2.Il n’eſt pas bon que l’homme ſoit ſeul (les créatures doivent naître de l’union des deux Sexes.) Faiſons à l’homme un aide ſemblable à lui. Sur la Geneſ. Hom. 15.Un aide, reprend S. Chriſoſtome, digne de lui, de la même ſubſtance que lui, & qui ne lui ſoit pas inférieur. Le Seigneur lui donne la même nature, la même liberté, il la forme également à ſon image. L’homme l’aimera comme lui-même, parce qu’elle eſt comme lui l’ouvrage de la Divinité. Dieu veut qu’il regarde cette femme comme la marque la plus ſenſible de fon amour ; il ne la diſtingue de lui que par le Sexe, diſtinction purement animale, & qui ne peut lui donner le droit de ſe prévaloir ſur un Être auſſi ſpirituel que lui-même. Placée comme Adam dans le Paradis terreſtre, Dieu lui communique la même autorité ſur toutes les créatures ; & cette égalité parfaite les unit par un amour réciproque. Adam aime cette compagne parce qu’il voit en elle ſon ſemblable ; amour naturel qu’il nous a tranſmis. De là cette inclination de ſe réunir, de produire ſon ſemblable, inclination légitime dont aucun dans tel état qu’il ſoit, ne peut étouffer en lui le ſentiment, quoique le déſir même ne lui en ſoit pas toujours permis. La femme paroît être formée d’une maniere plus particulière que l’homme. Celui-ci est formé d’une terre rougeâtre qui est désigné par son nom d’Adam. Mais celle-ci est produite de l’hõme ; Dieu qui est toujours admirable, toujours grand dans ses desseins, prend une côte déja formée, & il fait de cette portion un animal parfait. S. Chrisost. Homel. 15. sur la Geneſ.La matiere de fon corps n’est-elle pas d’autant plus noble, que l’homme est lui-même plus noble que cette terre dont il tire son origine. Cette précieuse différence ne nous est-elle pas marquée dans la génération ? S’ils en ont tous deux les mêmes principes, la femme n’y coopere-t-elle pas d’une maniere plus parfaite ? Ne forme-t-elle pas dans ſon ſein cette créature qu’elle nourrit de ſa ſubſtance, & à qui elle donne la perfection de l’humanité ? Combien eſt grande la miſéricorde de Dieu, Homel. 15. ſur la Geneſ.qui a pu faire, dit S. Chriſoſt. une ſi belle créature d’une ſi petite partie de l’homme, pour jouir enſemble des douceurs d’une agréable ſociété !