Le Vigneron dans sa vigne/L’Habile Vendeuse

La bibliothèque libre.
Le Vigneron dans sa vigneMercure de France. (p. 204-205).



L’HABILE VENDEUSE


Marie-Madeleine se dandine derrière sa table de bois blanc et, le sourire engageant, elle gesticule avec ardeur, elle bavarde, elle offre carottes, navets, poireaux, tomates, petits pois fraîchement écossés au fond d’un mouchoir, et volailles dans leur cage.

On marchande : bonne femme, elle marchande, inlassable et suit d’un œil vif le manège des doigts qui tâtent pour choisir, prête à les écarter lestement comme des mouches gourmandes.

Or de ses jupes on entend partir tantôt un cri rauque, tantôt un violent bruit d’ailes. Marie-Madeleine se penche afin que tout le poids de son corps porte sur une seule jambe.

— Il veut lutter, dit-elle, mais nous avons le temps. Je ne le brusque pas, ça lui gâterait le sang. Je pèse en douceur, et je m’arrête, quand ses ailes ne battent plus et qu’il meurt trop vite. Si j’abîmais sa tête, on le refuserait. Alors j’ôte mon sabot. Tenez.

Marie-Madeleine relève un peu ses jupes et montre le bec du canard qu’on vient de lui acheter et que sous son pied, gardant ses mains libres pour la vente, elle étouffe.