Poème de la prison/Ballade LXVI

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Poème de la prison
Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 85-86).

BALLADE LXVI.

     Le beau souleil, le jour saint Valentin
Qui apportoit sa chandelle alumée,
N’a pas long temps, entra un bien matin
Privéement en ma chambre fermée.
Celle clarté, qu’il avoit apportée.
Si m’esveilla du somme de Soussy
Où j’avoye toute la nuit dormy
Sur le dur lit d’Ennuieuse Pensée.
     Ce jour aussi, pour partir leur butin
Des biens d’Amours, faisoient assemblée
Tous les oyseaulx, qui parlans leur latin,
Crioyent fort, demandans la livrée
Que Nature leur avoit ordonnée.
C’estoit d’un per, conime chascun choisy
Si ne me peu rendormir, pour leur cry,
Sur le dur lit d’Ennuieuse Pensée.
     Lors en moillant de larmes mon coessin,
Je regrettay ma dure destinée.
Disant : Oyseaulx je vous voy en chemin
De tout plaisir et joye désirée ;
Chascun de vous a per qui lui agrée,
Et point n’en ay, car Mort, qui m’a trahy,
A prins mon per, dont en dueil je languy
Sur le dur lit d’Ennuieuse Pensée.


ENVOI

     Saint Valentin choisissent ceste année
Ceulx et celles de l’amoureux party ;
Seul me tendray, de Confort desgarny,
Sur le dur lit d’Ennuieuse Pensée.