Poème de la prison/Ballade LXVII

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 86-87).

BALLADE LXVII.

     Mon cueur dormant en Non Chaloir,
Resveilliez vous joyeusement,
Je vous fais nouvelles savoir,
Qui vous doit plaire grandement ;
Il est vray que presentement
Une Dame treshonnorée
En toute bonne renommée.
Desire de vous acheter,
Dont je suy joyeulx et d’accort ;
Pour vous, son cueur me veult donner
Sans departir, jusqu’à la mort
     Ce change doy je recevoir
En grant gré, tresjoyeusement :
Or, vous charge d’entier povoir
Si chier et tant estroittement
Que je puis, plus que loyaument
Soit par vous cherie et amée ;
Et, en tous lieux, nuit et journée
L’acompaigniez, sans la laissier,
Tant que j’en aye bon rapport ;
Il vous convient sien demourer,
Sans departir, jusqu’à la mort.
     Alez vous logier ou manoir
De son tresgracieux corps gent,

Pour y demeurer main et soir,
Et l’onnourer entierement.
Car, par son bon commandement,
Lieutenant vous veult ordonner
De son cueur, en joyeulx déport
Pensés de bien vous gouverner,
Sans departir, jusqu’à la mort.