Le livre des petits enfants/16

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Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 68-76).


LA GAZELLE.


Vous avez vu quelquefois des Brebis, des Chèvres ; mais je crois que vous n’avez jamais vu des Gazelles. Ce sont de charmants animaux. On en trouve dans l’Arabie, le pays qui fut habité par Abraham, par Lot et par Moïse ; on en voit aussi en Égypte, où vous savez que Jacob alla trouver son cher fils Joseph.

Les Gazelles sont de la grandeur et de la grosseur des Chèvres, mais leur poil est court et d’une couleur fauve, c’est-à-dire jaunâtre ; sous le ventre, il est plus long et d’un beau blanc, ainsi que sous la queue, qui est courte et noire. Leurs oreilles sont grandes et ouvertes, et si vous les regardiez en dedans avec attention, vous découvririez comme une branche d’arbre qu’on y aurait peinte en noir. Leurs cornes sont fort belles ; elles sont recourbées en arrière, ou bien l’une vers l’autre ; celles des mâles sont plus fortes et ont des anneaux, ce qui les rend fort jolies. La Gazelle a les yeux très noirs et très vifs, et ils sont si beaux, que, dans le pays où l’on voit ce joli animal, pour dire à une femme qu’elle a de beaux yeux, on lui dit qu’elle a des yeux de gazelle. Elles n’ont de dents qu’à la mâchoire d’en-bas ; à la mâchoire d’en-haut, elles ont comme une petite scie qui les aide à casser les noyaux les plus durs, qu’elles m’ont paru quelquefois avaler. Leurs jambes sont très minces ; celles de devant sont plus longues que celles de derrière, ce qui fait qu’en montant elles courent plus facilement que les autres animaux.

Elles sont très légères, et, en courant et sautant, elles jettent un petit cri qui ressemble à l’aboiement d’un jeune chien. J’en ai vu courir pendant plusieurs minutes en poussant ce même cri, et j’ai remarqué que c’était une manière de montrer leur contentement. Elles marchent par troupeaux dans les pays où on les trouve. Les Tigres, les Lions, les Hyènes sont leurs ennemis, et cherchent à les dévorer. Aussi, dès qu’elles entendent le moindre bruit, elles prennent aussitôt la fuite. Elles sont fort timides, surtout les femelles. Elles s’effraient facilement, et tout ce qui est nouveau attire leur attention.

Le mâle est fort jaloux. J’en ai vu un qui était un tyran pour toute sa famille : il était égoïste, violent, comme le sont tous les hommes qui ne connaissent pas Dieu. Il voulait tout pour lui, et si les femelles ou les petits voulaient aussi avoir leur part de ce qu’on leur jetait, il les menaçait avec ses cornes, et les repoussait pour les empêcher de prendre ce qu’on leur apportait.

Vous trouvez comme moi, mes chers amis, que c’est être un bien mauvais père de famille ; ce n’est pas ainsi que fait votre Papa. Cependant j’ai surpris la femelle de ce méchant animal qui allait cueillir de l’herbe et l’apportait avec bonté au mâle, qui était couché.

Dès qu’une Gazelle a mis bas, son petit se lève sur ses quatre pattes, qui sont très hautes, et il vient de suite téter sa mère. Il se niche dans le gazon, et presque toujours au même endroit. À voir sa tête dans l’herbe, on le prendrait pour un Lièvre ou un Lapin. Au bout de quinze jours, il court de côté et d’autre avec sa mère. Tant qu’il tète, le père ne lui fait aucun mal ; mais quand il est plus fort, si c’est un mâle, il le poursuit souvent avec fureur, et lui fait de profondes blessures avec ses cornes. Une pauvre petite Gazelle mâle, de trois mois, est morte à la suite des blessures que lui a faites son père ; vous pourrez le voir empaillé au cabinet d’Histoire Naturelle de Lyon. Il s’appelait Gad.

La femelle est plus douce, et quand elle attaque ses compagnes, ce n’est que pour jouer avec elles. Le mâle n’oublie jamais le mal qu’on lui a fait. J’en ai vu un qui ne pouvait supporter la vue d’un homme qui l’avait autrefois maltraité, et dès qu’il l’apercevait il montrait une grande fureur.

Les Gazelles mangent beaucoup de choses ; elles se nourrissent avec de l’orge et les branches de jeunes arbres, comme le Charme, l’Acacia. Elles se régalent de certaines herbes, et elles aiment surtout les Roses, les Violettes et beaucoup d’autres fleurs. Elles sont friandes de dattes, de fruits secs, sucreries ; mais si ce qu’on leur présente a été trop touché ou entamé, elles n’en veulent plus. Elles trouvent aussi le tabac fort bon, et chaque jour on découvre quelque chose de nouveau à leur offrir.

En Afrique et en Asie, on mange les Gazelles comme nous mangeons le Mouton. Un de nos amis, qui est à Alger, nous a écrit qu’il avait donné un repas où l’on avait servi un gigot de Gazelle, que tout le monde avait trouvé excellent. C’est donc une ressource que Dieu a fournie aux habitants des déserts, qui sont entourés de bêtes féroces, et qui, sans cela n’auraient pas de quoi se nourrir.

Eh bien ! mes amis, ces peuples-là, au lieu d’adorer Dieu seul et de reconnaître sa bonté, ont adoré deux Gazelles d’or, placées dans leur temple qu’on appelle Mosquée.

On va à la chasse des Gazelles avec un mâle apprivoisé. On lui attache aux cornes une corde lâche dont les bouts sont noués sous le ventre. On le mène dans les endroits où il y a des Gazelles sauvages ; les autres mâles s’approchent (car, comme je vous l’ai dit, ils sont jaloux et très curieux ;) ils présentent leurs cornes pour frapper celui qu’on leur a amené, et ils s’embarrassent dans les cordes qui entourent la tête du mâle apprivoisé. Alors le chasseur, qui se tient caché près de là, arrive à l’instant et saisit bientôt la Gazelle sauvage, qu’il emmène dans sa tente pour s’en régaler avec sa famille.