Le naufrage de l’Annie Jane/Le récit/1

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Le fidèle messager (p. 1-5).


CHAPITRE PREMIER.

LE DÉPART.


Monsieur Jean Vernier, pasteur, et agent de la Société missionnaire franco-canadienne de Montréal, partit de la Pointe-aux-Trembles, près de cette dernière ville, en mars 1853, dans le but d’aller chercher en Europe de nouveaux missionnaires. Il arriva à Glay, en France, au mois de juin de la même année. Ce village où, par les soins de monsieur Jaquet, homme dévoué, plein de foi et d’ardeur, un établissement a été fondé pour former des instituteurs chrétiens, des évangélistes et des colporteurs bibliques, est situé dans le département du Doubs, à l’est de la France. Monsieur Vernier lui-même avait été élevé dans cette institution et y avait passé plusieurs années. Ce fut là qu’il goûta la paix du Seigneur, et résolut de se consacrer au ministère. Il alla terminer ses études à Genève avec cette intention, et ce fut dans cette ville que monsieur le pasteur J. E. Tanner retint ses services au nom de la Société franco-canadienne, il y a douze ans (1844). Monsieur Vernier était natif de Glay, et demeurait au village de Meslières où vivaient encore sa mère, ses deux sœurs et plusieurs autres de ses parents, lors de son départ pour le Canada.

En venant à Glay, monsieur Vernier espérait trouver à l’Institut quelques personnes disposées à se livrer à l’œuvre des missions ; son attente ne fut point déçue. Il me fit accepter la position d’instituteur au collège de la Pointe-aux-Trembles, et à monsieur Lammertz van Buren, un Hollandais qui était à Glay pour y apprendre le français, celle d’évangéliste. D’autres auraient été disposées à s’unir à nous, mais en furent empêchées par les circonstances. Après avoir passé quelque temps à Glay, tant pour visiter ses parents que pour nous mettre au courant de notre travail futur, monsieur Vernier partit pour Genève afin de trouver encore, si possible, quelques ouvriers pour la vigne du Seigneur, par le moyen de la Société évangélique de cette ville. Il lui fallait des pasteurs et des évangélistes. À son passage à Neûchatel, il persuada à monsieur Kempf, qui était marié et père de deux enfants, et à monsieur Schaffter, de Berne, de venir au Canada. Monsieur Schaffter cependant ne devait partir que plus tard.

La saison était avancée, et le moment du départ approchait. Monsieur Vernier nous avertit qu’il fallait que nous fussions tous à Londres pour le 15 août. Après une visite à Genève, ma ville natale, et après avoir dit adieu à mes parents et à mes amis, je retournai à Glay, où monsieur Cornu, une des recrues de la société évangélique de Genève, vint me trouver, et nous nous rendîmes tous deux à Londres. Monsieur Cornu était accompagné d’un jeune homme nommé Häberli, je crois, qu’il avait été chargé de faire passer en Amérique. Au jour fixé, nous étions réunis dans la grande métropole anglaise, et y passâmes cinq jours à en visiter les principaux endroits, après quoi, nous partîmes pour Liverpool.

Le vaisseau sur lequel nous devions faire le voyage était un magnifique trois-mâts, neuf, solide, et, à ce qu’on nous assurait, un fin voilier. Il s’appelait l’Annie Jane.

Le 26 août 1853, nous mîmes à la voile pour Québec. Le vent était favorable, le ciel était pur, tout respirait la vie et la gaieté.



Le 26 août 1853, nous mîmes à la voile pour Québec.



Sous de tels auspices, nous pensions faire une belle et agréable traversée. Le bateau à vapeur qui nous remorquait jusqu’en pleine mer, nous quitta le soir, et nous comptions sur un heureux voyage.