Le sorcier de l’île d’Anticosti/À la recherche de l’or/Chapitre II

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II

TERRE DE DÉSOLATION

Douze cent cinquante lieues séparent Montréal de Dawson City, cette jeune capitale du pays de l’or.

L’époque la plus favorable pour prendre la voie de terre, en faisant l’ascension du Chilkoot, montagne éblouissante de neige, est le mois de mars ; c’est en juin, juillet, août et septembre, qu’on peut efficacement se livrer à l’extraction du métal.

Bien que très suivie, cette route ne laisse pas d’être dangereuse et fatigante.

Jetons maintenant un coup d’œil rapide sur le pays.

L’Alaska occupe une superficie de 600, 000 milles carrés, dont 40, 000 milles seulement sont considérés comme terrains aurifères.

Ce vaste territoire n’était habité jusqu’ici que par quelques tribus disséminées d’indiens chrétiens, et les employés et les chasseurs de la compagnie de la Baie d’Hudson.

Son climat est un des plus rigoureux du globe. Pendant l’hiver, dont la durée est d’environ neuf mois, le thermomètre tombe parfois à 56 degrés centigrade au-dessous de zéro ; la nuit polaire ajoute encore sa tristesse.

Le printemps, l’été et l’automne se fondent ensemble pour ne faire qu’une seule saison de dix à douze semaines. La chaleur devient alors excessive et d’autant plus pénible qu’elle a succédé rapidement au froid.

Le sol ne dégèle jamais complètement, et, dans la mousse épaisse qui le recouvre, s’épanouissent des fleurs aux couleurs vives, mais privées de parfum. On voit, sur cette latitude glacée, réchauffée momentanément par un soleil ardent, les plantes de nos pays, tels que roses, pavots, saxifrages, etc.

Les arbres sont peu nombreux et consistent surtout en bouleaux, pins et autres conifères ; encore le déboisement s’opère-t-il d’une façon rapide. Les mineurs ayant continuellement besoin de bois pour alimenter le feu, coupent sans pitié les arbres qui bordent le Klondyke.

Quant aux chasseurs, ils se trouvent dans un véritable paradis, où leurs goûts cynégétiques peuvent se donner libre carrière. Le gibier à plumes abonde ; les renards, les martres, les lynx constituent un revenu considérable à la compagnie de la Baie d’Hudson ; les ours gris et noirs sont communs, mais leur rencontre est souvent funeste au chasseur qui les attaque.

À celui qui veut affronter le pays de l’or, plusieurs choses sont nécessaires.

La première, c’est d’être doué d’une santé assez robuste pour supporter un climat meurtrier ; la connaissance de la langue anglaise est également requise.

Il faut, de plus, une avance de quelques centaines de piastres, afin de se procurer des outils et des vivres pour un an, et par dessus tout, une énergie et une persévérance indomptables, car, à chaque instant, on aura besoin de ces deux qualités.