Le véritable conducteur aux Cimetières/Préface

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PRÉFACE.


L’ouvrage que nous offrons aujourd’hui au public, manquait complètement dans les nombreux Conducteurs, ou Manuels de l’étranger à Paris : on avait bien, il est vrai, touché quelque chose, en passant, des quatre cimetières placés à quatre coins opposés de la Capitale ; mais ces notices d’une brièveté mesquine, ainsi que l’exigeait impérieusement l’abondance des matières de ces sortes d’ouvrages, sont bien loin de pouvoir être utiles à celui qui désire prendre une connaissance approfondie de ces empires de la mort ; et, cependant, rien n’offre un plus puissant intérêt que la description détaillée des monumens funèbres qui recouvrent les dépouilles mortelles des hommes célèbres. Que d’épitaphes pompeuses et mensongères dont on peut faire ressortir le ridicule et la vanité ! que de vertus publiques et privées qui n’ont jamais existé que sur le marbre de la tombe ! Nous n’irons jamais rechercher le contraste des fautes et des vices d’un mortel pendant sa vie, avec les hauts faits dont on l’enrichit quand il a cessé de vivre. On ne doit jamais troubler la cendre des morts, et c’est une maxime que nous suivrons avec un respect religieux ; nous nous contenterons de faire remarquer la boursoufflure, la sottise et la vanité de quelques-unes de ces épitaphes, sans les comparer aux mortels pour qui elles ont été faites ; heureux quand, pour nous dédommager, nous rencontrerons de ces inscriptions touchantes qui remplissent l’âme d’une douce mélancolie, ou de ces paragraphes piquans et spirituels qui amènent involontairement un sourire sur les lèvres. Quelquefois aussi, nous nous permettrons quelques lignes historiques sur les hommes distingués dont la France a pleuré la perte, persuadés du plaisir indicible que ces courtes notices procureront à nos lecteurs, surtout quand il s’agira de ces noms chers à Mars et au dieu des muses, noms sacrés qui, descendus dans la nuit des tombeaux au 19e siècle, ont laissé, dans tous les cœurs vraiment Français, une empreinte douloureuse dont la trace subsiste encore.

Nous nous sommes attachés avec un soin scrupuleux à éviter la confusion qui se glisse trop souvent dans ces sortes d’ouvrages. Il faut, nous nous sommes dit, que tous ceux qui auront recours à notre Conducteur, pour savoir où est situé tel ou tel tombeau, puissent sur-le-champ, à l’aide de l’itinéraire clair et exact que nous tracerons, et du plan du cimetière dont il s’agira, arriver au monument ou à la place que leurs vœux désirent : toutefois, on conçoit naturellement qu’il nous a été physiquement impossible, dans un simple in-18, de citer toutes les tombes renfermées dans l’enceinte des quatre cimetières de la Capitale. La simple nomenclature constituent au moins 2 vol. in-8o ; nous avons donc été forcés de nous borner aux tombes remarquables, soit par les inscriptions ou les ornemens qui les décorent, soit par la célébrité des mortels qu’elles renferment ; et de ces tombes remarquables, nous pouvons assurer que nous n’en avons omis aucune. Nous avons compulsé les archives de chaque cimetière : les gardiens de ces funèbres enceintes, à qui nous nous sommes adressés, se sont prêtés à nos investigations avec une affabilité et une complaisance sans bornes ; et nous profitons de la voie de l’impression pour les en remercier tous, et notamment M. de Wailly, vieux brave décoré de la croix d’honneur et de deux jambes de bois, et qui fait avec politesse et urbanité, à tous les visiteurs, les honneurs du cimetière Mont-Parnasse ; c’est lui qui nous a mis en relation avec tous ses collègues, nous n’avons eu qu’à nous louer de son infatigable activité en notre faveur, et nous lui en témoignons publiquement notre reconnaissance.

Plusieurs écrivains nous ont précédés dans la carrière que nous parcourons aujourd’hui, mais seulement dans ce qui a rapport au Père Lachaise. Nous citerons, entr’autres, MM. Chennechot et Marchand ; l’ouvrage du premier est tout d’imagination, celui du second est tout de faits. Tous deux nous ont été utiles en ce qu’ils ont donné de la fixité à nos pensées ; nous avons dû respecter leur propriété : aussi, notre ouvrage n’a-t-il aucun point de ressemblance avec le leur, si ce n’est dans l’insertion des inscriptions et épitaphes, dont on ne nous contestera pas sans doute le droit de faire notre profit, comme avant nous ont fait beaucoup de nos collègues.

Enfin, nous avons désiré que ce volume ne fût pas un catalogue aride, une sèche nomenclature ; nous nous sommes rappelé le vieil adage : miscere utile dulci, et nous nous sommes attachés à le justifier, en rendant agréable à nos lecteurs le peu de broderie qu’il nous était permis d’ajouter à des choses purement historiques. Ce désir, qui a été constamment le but vers lequel nous nous sommes dirigés dans le cours de notre travail, a-t-il été mis à exécution parfaite ? c’est ce dont nous n’osons nous flatter ; mais nous sommes cependant persuadés que le public ne saura méconnaître entièrement nos efforts, et nous osons croire qu’il aura la bonté de nous en savoir quelque gré, sachant depuis long-temps, par notre expérience, que loin d’être ingrat, comme le prétendent certains auteurs sifflés ou dédaignés, il tient compte à chacun des efforts plus ou moins heureux que l’on fait pour lui plaire ; et c’est dans cette douce et profonde conviction, que nous lui présentons aujourd’hui notre ouvrage.


les éditeurs,
RICHARD, E. DEB***,
C. LEP***.