Les Échos (Adolphe-Basile Routhier)/8

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P.-G. Delisle (p. 83-87).


LE CHRIST VIVANT




Après trois jours passés dans l’ombre et le mystère,
Son sépulcre soudain rayonne et resplendit ;
Ses gardes éperdus sont tombés contre terre :
Il est ressuscité, comme il l’avait prédit !

Dans la nuit de la mort la Vie incorruptible
En sa chair est venue allumer son flambeau ;
Et, rouvrant le linceul, son bras irrésistible
A levé sans effort la pierre du tombeau !

Il est ressuscité ! Sur sa chair virginale
La douleur n’aura plus d’empire désormais !
Il est ressuscité, sa victoire est finale,
En tous lieux il vivra glorieux à jamais !


Lui partout ! Lui toujours ! Il remplira le monde !
Dans le sein paternel, perpétuellement,
Sa génération merveilleuse et féconde
S’opère, et s’opérait dès le commencement !

Il est, et sa parole a créé toutes choses,
Il faisait tout hier, il fait tout aujourd’hui ;
Il est dans les effets, il gît au fond des causes,
Et rien de ce qui vit n’a de vie hors de lui !

Il reste parmi nous, même en sa chair sacrée.
L’Église que sur terre il est venu bâtir
Des siècles remplira l’éternelle durée,
Car dans son corps mystique il ne peut plus mourir !

Dans l’espace infini, du couchant à l’aurore,
Partout où l’Évangile au monde est annoncé,
Il est une famille, un peuple qui l’adore,
Et dont le front s’incline à son nom prononcé.

C’est pour ou contre lui que les forces humaines
Poursuivent ici-bas leur terrible duel ;
Il soulève partout les amours et les haines,
Et pour lui le combat sera perpétuel.


Foyer de toute vie, et centre où tout converge,
De toutes les grandeurs fondement et sommet,
Il tient tous les pouvoirs frémissants sous sa verge,
Et quand l’humanité résiste, il la soumet.

C’est lui dont la voix parle au fond des consciences,
Éveillant le remords, enseignant le devoir ;
Il est le dernier mot de toutes les sciences :
Qui ne le connaît pas n’a pas le vrai savoir !

Les peuples qui s’en vont s’éloignant de la route
Qu’il est venu tracer lui-méme au genre humain,
Sout bientôt envahis par les ombres du doute,
Et de la décadence ont trouvé le chemin !

C’est lui que le poète et toute âme choisie
Doivent chercher toujours dans leur amour du Beau ;
Car en lui toute grande et sainte poésie
A véritablement sa source et son flambeau.

La vierge le contemple au sein de son extase,
L’artiste véritable en lui voit l’idéal ;
De toute vérité son symbole est la base,
Et de toute croyance il est le mot final.


L’Église l’a nommé Verbe dans son symbole,
Et lui seul peut porter ce nom mystérieux ;
Car il possède en lui l’éternelle Parole,
Qui retentit sans fin sur terre et dans les cieux !

Fallait-il donc qu’il prît l’existence terrestre
Pour nous prouver su vie et sa réalité,
Lorsque tout l’univers est comme un grand orchestre
Qui chante nuit et jour sa grâce et sa beauté ?

La nature et les cieux, tout me parle du Verbe,
Et tout ce que j’admire et tout ce que je vois.
La mer et les grands bois, l’étoile et le brin d’herbe ;
Tout bruit harmonieux me rappelle sa voix.

Sa voix ! Elle mugit au milieu de la nue,
Lorsque dans la nuit noire étincelle l’éclair ;
Elle gronde au sommet de la montagne nue,
Aux flancs de la colline elle chante dans l’air.

Je l’entends murmurer au sable de la rive,
Dans la brise qui pusse et dans le flot mouvant ;
Quelquefois elle pleure, et quand l’orage arrive,
De douleur elle crie, et se plaint dans le vent.


De quoi vous plaignez-vous, voix suave et divine ?
Hélas ! Je le sais trop ; c’est que vous nous aimez,
Et qu’à ce grand amour qui vers nous vous incline,
Qui nous poursuit partout, nos cœurs restent fermés !

Ouvrez-les, ô Jésus ! Allumez-y vos flammes,
Attirez tout à vous par vos charmes puissants,
De vos douces clartés illuminez les âmes,
Et faites de nous tous des fils obéissants.

Que toute voix se joigno au grand concert des mondes !
Que dans votre bercail les peuples réunis
Renoncent à jamais aux voluptés immondes,
Et que la terre enfin devienne un paradis !



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