Les Écuries royales de Versailles, 1789 - An III

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LES ÉCURIES ROYALES DE VERSAILLES

1789 — An iii

I

Le 6 octobre 1789, lorsque la famille royale eût quitté Versailles, entraînée à Paris par les hordes de Maillard et les gardes nationaux de Lafayette, qui comptaient dans leurs rangs le sergent-major Lazare Hoche ; lorsque, dans les lointains de l’avenue de Paris, eût disparu le sinistre cortège dans lequel les Gardes-du-Corps démontés suivaient les têtes de leurs camarades, portées au bout des piques, cette conclusion imprévue d’événements si inopinément et si rapidement accomplis plongea la ville dans une profonde stupeur. « Le Roi n’eût pas plus tôt quitté cette ville, pour venir faire sa résidence à Paris, dit une publication de l’époque, que tous les habitants furent frappés d’un étonnement difficile à décrire. On eût dit que Versailles venait de se transformer en une vaste solitude. »

Cette impression ne correspondait pas à la réalité. Dans son Traité de l’Administration des finances imprimé en 1784, Necker évalue la population de Versailles à 60, 000 âmes. Dans ce chiffre était compris ce qu’on appelle aujourd’hui la population flottante, qui se composait de 8, 000 à 9, 000 personnes, attirées par le séjour de la Cour. C’est cette population flottante qui disparut après le départ de la famille royale, pendant les derniers mois de l’année 1789. Le recensement du 28 janvier 1790 accuse une population de 51, 085 habitants.

À un siècle de distance, il semble qu’on éprouve encore aujourd’hui une sorte d’illusion d’optique et qu’on aperçoive, dans cette journée du 6 octobre 1789, les Palais de Versailles, du Grand-Trianon et du Petit-Trianon, les Grandes-Écuries et les Petites-Écuries, les Écuries de la reine et celles des princes, toutes les dépendances de la splendide ville royale qui dominait la cité roturière, abandonnés subitement par leur population de courtisans, de pensionnés, d’employés, de serviteurs de tout rang, laissant derrière eux l’immense vide d’une monarchie disparue.

Et cependant, jusqu’au 10 août 1792, Louis xvi eût pu rentrer au Château de Versailles, et Marie-Antoinette à Trianon ; on y était resté prêt à les recevoir.

Une très petite partie de la domesticité, des chevaux et des équipages avait suivi la famille royale à Paris, lors du départ précipité du 6 octobre, qu’on ne croyait point être un départ sans esprit de retour. Pendant longtemps encore, la population versaillaise espéra ce retour et le sollicita à maintes reprises. Le 11 octobre 1790, le bruit s’étant répandu que le roi avait donné l’ordre de démeubler complètement Versailles, une députation de la Municipalité vint trouver aux Tuileries Louis xvi, qui lui dit : « Je sais qu’il y a encore de bons citoyens à Versailles, et je suis étonné qu’ils prennent l’alarme sur quelques arrangements particuliers pour mes meubles. »

Les quatre compagnies des Gardes-du-Corps du roi, que les ordres de Louis xvi avaient condamnées à l’inactivité dans la journée du 5 octobre, avaient quitté Versailles dans la matinée du 6, pour n’y plus revenir ; elles avaient laissé dans leur hôtel de la rue Royale quelques gardes et une quarantaine de chevaux.

Mais les Cent-Suisses gardaient encore le Château et les Trianons ; dans la ville était restée la garde invalide qui avait remplacé, en 1788, les Gendarmes de la garde, réformés par mesure d’économie. Les Gardes-du-Corps de Monsieur et les Gardes-du-Corps d’Artois n’avaient pas quitté Versailles. Les pages du roi habitaient toujours les Grandes-Écuries, et les pages de la reine les Écuries de la reine. Des centaines de chevaux, un nombre considérable de voitures et de chaises à porteurs, des harnachement à profusion occupaient les Grandes-Écuries, les Petites-Écuries, celles de la reine, de Monsieur, de la comtesse de Provence, du comte et de la comtesse d’Artois, où logeait encore tout le personnel des piqueurs, des cochers, des porteurs, des palefreniers, des valets de pied, des postillons, des éperonniers, des armuriers, gardiens de sellerie, sous-piqueurs, bourreliers, maréchaux, charrons, peintres, etc.

Si les gardes-chasses eurent alors une rude besogne, et furent impuissants à défendre les « plaisirs du roi » contre les braconniers qui se jetèrent sur le gibier dès que la Cour fut partie, et qui bientôt, au nombre d’environ trois mille, se livrèrent à un véritable brigandage dans le Grand-Parc, le service de ce qui restait à Versailles de la Maison du roi et de sa domesticité fut très doux au Château, où les appartements étaient sans hôtes, aux Écuries, où chevaux et voitures étaient inoccupés.

Au commencement de l’année 1789, les Écuries royales de Versailles comprenaient encore un personnel considérable d’officiers et d’employés de toute sorte.

Le Grand-Écuyer de France était le prince de Lambesc. Le Premier Écuyer de la Grande-Écurie était le marquis de Briges. Le comte de Larboust était Écuyer commandant les chevaux d’attelage. Le chevalier de Goursac était Écuyer ordinaire commandant les chevaux de selle. Puis, venaient dix Écuyers cavalcadours et quatre Écuyers aux Manèges, dont deux ordinaires et deux cavalcadours.

Les pages du roi étaient au nombre de cinquante, dont trois « premiers » et un « à Monseigneur le Dauphin ». Ils avaient pour gouverneur M. de Romainville, et quatre sous-gouverneurs, dont un honoraire, un précepteur et un aumônier.

Douze « maîtres pour enseigner les pages » leur apprenaient les mathématiques, le dessin, l’escrime, la voltige, la danse, les exercices de guerre, la langue allemande, l’écriture, la connaissance du cheval. Les pages avaient pour leur service un Maître d’hôtel et deux « Premiers valets ».

Les pages de la reine étaient au nombre de douze, dont un « premier ».

Aux Écuries du roi appartenaient encore : M. d’Hozier de Sérigny, Juge d’armes de France ; M. d’Hozier, neveu, de la noblesse de France, un Secrétaire général des Écuries, Haras et Livrées de Sa Majesté, un Commissaire de la Maison du roi en ses Écuries, dont le bureau était à Paris, rue Saint-Honoré, à la Grande-Écurie du roi, deux fourriers, deux chefs des Grands-Valets de pied, dont un « chargé des Affaires » ; quatre cochers du corps, un cocher du roi près M. le Grand-Écuyer, quatre maréchaux par quartier, un maréchal pour panser et médicamenter les chevaux, les chevaucheurs et courriers du cabinet, dont cinq à la suite du roi, un à la suite des Affaires étrangères, un à la suite de la Marine, un à la suite de la Guerre, un à la suite de la Maison du roi, un à la suite du Contrôle général des Finances, un à la suite de M. le Grand-Écuyer.

Servaient aux Grandes Cérémonies, le Roi d’Armes de France, onze hérauts d’armes, trois Porte-épée de Parement, dont un Porte-manteau, douze trompettes, douze Grands-Hautbois de la Chambre et des Écuries, sept fifres et tambours.

Les « officiers de santé » se composaient de trois médecins, quatre chirurgiens, dont un ordinaire des pages, et deux apothicaires.

Bientôt l’émigration fit des vides dans les plus hauts rangs du personnel de la Cour resté à Versailles, sans que, d’ailleurs, ces départs eussent été provoqués par des démonstrations hostiles de la population versaillaise. Ni le fameux banquet des Gardes-du-Corps, ni les conflits des journées des 5 et 6 octobre, n’avaient fait naître en ville de mauvaises dispositions contre ce qui touchait à la Cour. Au mois de novembre 1789, lorsqu’on apprit que les Gardes-du-Corps allaient reprendre leur service auprès du roi, la Municipalité de Versailles répondait au vœu public en demandant à Louis xvi de faire revenir ses Gardes à Versailles.

La population du Château et des Écuries vivait en bonne intelligence avec celle de la ville, avec laquelle, d’ailleurs, elle avait fini par contracter de nombreux liens de famille : elle prenait chaque jour plus de part à la vie locale, qui se développait et se modifiait sous l’influence des idées et des lois nouvelles.

Il est assez curieux de voir alors incorporer dans la Garde nationale de Versailles, non seulement les employés des Écuries royales, du Château et de Trianon, mais aussi des officiers et des hommes appartenant à cette partie de la Maison militaire qui faisait encore son service dans les demeures royales désertées. Sur les contrôles figurent, par exemple, comme simple fusiliers, M. Testard, chirurgien du roi aux Grandes-Écuries, M. de Goursac, écuyer du roi aux Grandes-Écuries ; M. Gontier, ancien officier des pages du roi aux Grandes-Écuries ; des piqueurs des Grandes et Petites-Écuries, des Écuries de la reine et du Chenil, des palefreniers et valets de pied, à côté de M. de Caumont, commandant des Suisses, de Brindelet, suisse aux Grandes-Écuries. En face des noms de ces soldats en partie double, une annotation indique parfois qu’ils ne font leur service dans la Garde nationale que lorsqu’ils ne sont pas retenus par « le service du Roi ».

Dans les mêmes compagnies, on voit aussi les noms aux formes italiennes de quelques gondoliers vénitiens du Canal, logés aux Grandes-Écuries.

II

Si le maintien à Versailles du personnel des Écuries ne provoquait aucunes défiances, il n’en fut pas de même de la présence des chevaux et des voitures.

La famille royale était, en réalité, tenue prisonnière aux Tuileries. À chaque instant se répandait le bruit qu’on préparait sa fuite, que le roi allait être conduit à la frontière, au milieu de ses partisans émigrés. Une surveillance était exercée autour des chevaux et des voitures des Écuries de Versailles.

Les défiances étaient entretenues surtout par le club des Jacobins ; et les instruments de sa surveillance devaient être les Sociétés des Amis de la Constitution qui se créaient, de tous côtés, sous son impulsion et à son image, qui allaient bientôt former une très puissante affiliation et précipiter le mouvement révolutionnaire.

À Versailles, une Société des Amis de la Constitution s’était formée le 2 août 1790. Le 29 janvier 1791, deux membres du club des Jacobins, Bonnecarrère et Louis Fontaine, assistent à une séance de cette Société convoquée extraordinairement. Ils ont été envoyés de Paris pour constater la vérité des bruits qui s’y répandent relativement à des projets d’enlèvement du roi et de la famille royale, et au départ de Mesdames Adélaïde et Victoire.

Des membres du club versaillais déclarent alors qu’il y a à Versailles, en ce moment, plus de chevaux de cavalerie que de coutume, notamment à l’hôtel des Gardes-du-Corps ; qu’aux Petites-Écuries du roi, on préparait des voitures pour « courre la poste ».

Les Amis de la Constitution prennent l’initiative de rondes, d’enquêtes, de perquisitions dans la ville et ses environs : ils visitent les Écuries du roi, celles de ses frères, l’hôtel des Gardes-du-Corps. Absolument illégales, et très vertement blâmées quelques jours plus tard par la Municipalité, ces mesures de police établissent que rien ne justifie les bruits répandus.

Cela n’empêche pas Bonnecarrère et Fontaine de faire aux Jacobins, dans la séance du 29 janvier, un rapport dans lequel, donnant comme des faits certains les indications qui ont été reconnues fausses en leur présence, ils affirment qu’il y a à Versailles, dans les différentes écuries des Gardes ou du Château, près de sept cents chevaux, tandis qu’il n’y en avait que soixante-dix le mois précédent ; que les voitures de la Cour paraissent être disposées pour un départ ; des malles étaient chargées, et les armes de ces voitures effacées.

Quels pouvaient être, en présence de l’abaissement et de l’asservissement de la famille royale, les sentiments du personnel des Écuries du roi, dans lequel la Cour avait de très anciens et très fidèles serviteurs ? Des plus bas degrés de la domesticité, le régime qui tombait vit souvent sortir ses plus féroces ennemis. À ceux qui restaient dévoués, la prudence commandait un silence qui ne put pas toujours les protéger contre les dénonciations et les persécutions.

Les pages, avec l’impressionnaibilité de leur âge, devaient être profondément troublés par les événements politiques que condamnaient leurs croyances et qui les blessaient dans leurs affections. Comme les écoliers de tous les temps, ils confiaient leurs réflexions aux livres classiques sur lesquels ils écrivaient aussi leurs noms et la date de leur passage aux Grandes-Écuries.

On retrouve ces notes au dos des cartes de géographie de leurs atlas. Les préoccupations de quelques-uns de ces jeunes gens sont encore des gamineries que la politique n’attriste pas. M. de Cantwel, « page du Roi aux Grandes-Écuries en 1789-90-91 », a écrit : « Mépriser sa femme est sottise » ; et la main d’un camarade à ajouté : « Vous estes une bête. » M. de Longueval a écrit en tête de son atlas : « Longueval, page en 1790 » ; une autre main a biffé le mot « page » et l’a remplacé par celui de « cochon » ; une autre main encore a écrit : « Le puant ». Étaient-ce des divergences d’opinions politiques qui se manifestaient dans la grossièreté de ces épithètes ?

D’autres inscriptions sont de très nettes professions de foi. M. Lancelot de Turpin de Crissé, « page du Roi en l’an 1791 aux Grandes-Écuries », a écrit :

Ô mon roi, mon cher Louis, tu gémis dans les fers.

Un peu plus bas, les mêmes regrets s’expriment dans ces trois vers :

Ô jour infortuné, ô malheur imprévu,
Mon roi abandonné, le throne abattu,
Infortunés Français connoissez la tristesse.

M. de Querhoent, « page du Roi 1791 », fait appel à l’empereur Léopold dans ce quatrain :

Léopold soit nous propice,
prête nous cent mille autrichiens,
et que notre rage sasouvisse
dans le sang des miliciens.

D’une autre écriture est le quatrain suivant, écrit à côté du précédent :

Je suis aristocrate,
J’aime ma reine et mon roi,
Je hais les démocrates,
Ils sont sans foi ni loy.

Et au-dessous ces deux lignes :

« La liberté est devenue licence, le soldat ne connoit plus de subordination. »

Mais les rangs des pages s’éclaircirent assez rapidement : un par un, ils rentraient dans leurs familles, qui se réfugiaient dans leurs châteaux ou qui émigraient. Ceux qui s’étaient trouvés dans l’impossibilité de rejoindre leurs familles restèrent seuls à Versailles, en très petit nombre, sous la surveillance et la protection de leur gouverneur.

La surveillance exercée sur les Écuries de Versailles n’empêcha pas la famille royale de s’enfuir vers la frontière, le 20 juin 1791. Cet événement, cause de violentes colères chez les uns, de peurs non moins violentes chez les autres, rendit la situation plus difficile pour les gens de la Maison du roi restés à Versailles. La Société des Amis de la Constitution commença à les signaler comme suspects. Ils ne furent cependant pas inquiétés et continuèrent leur service jusqu’au 10 août 1792.

Les événements du 10 août vinrent brusquement rendre très précaire le sort de tout le personnel de la Maison du roi.

L’Assemblée nationale décrète, le 10 août, que « le chef du pouvoir est provisoirement suspendu de ses fonctions, jusqu’à ce que la Convention nationale ait prononcé sur les mesures qu’elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l’égalité….. Le paiement de la liste civile demeurera suspendu jusqu’à la décision de la Convention nationale. » Aux termes d’un autre décret, en date du même jour, « la liste civile cesse d’avoir lieu ».

Si le règlement, au point de vue financier, de la situation des employés des Écuries du roi, comme de tous les employés de la liste civile, préoccupa tous les gouvernements qui se succédèrent jusques au cours de l’Empire, le plus pressé, après la journée du 10 août, fut de pourvoir à la sécurité des personnes.

Les Suisses couraient de grands dangers : la vue d’un habit rouge excitait la fureur de la populace depuis la résistance des Gardes-Suisses aux Tuileries. Une assemblée qui siège à la Maison commune, et qui se compose de la Municipalité, des administrateurs du Département et de ceux du District, fait conduire et protège dans l’ancien hôtel des Gardes-du-Corps les Suisses restés à Versailles ; on donne le même abri et la même protection aux Suisses laissés à Saint-Cloud, et qui sont amenés à Versailles.

En même temps, on fait apporter à l’Hôtel de Ville les armes des Cent-Suisses et vingt-deux fusils que les pages avaient aux Grandes-Écuries. Tous les chevaux que les Gardes-du-Corps avaient laissés à Versailles sont réunis dans leur ancien hôtel ou dans les Petites-Écuries. Des postes veillent à ce qu’il ne sorte pas un cheval des Grandes et Petites-Écuries.

Enfin, quelques jours plus tard, l’Assemblée adresse à l’Assemblée législative des pétitions pour l’intéresser au sort de tous les employés que la suspension de la liste civile laisse sans aucunes ressources et que la Municipalité versaillaise n’a pas les moyens de secourir. L’Assemblée signalait aussi à l’Assemblée législative les personnes dont la présence la gênait et l’inquiétait, et entre autres les pages du roi.

Le ministre Roland crut devoir écrire à Versailles pour s’informer de la situation faite aux pages. Il n’y en avait plus que six aux Grandes-Écuries. Le gouverneur répondit au Ministre qu’il n’avait jamais reçu l’ordre de les dissoudre et que les six qui restaient ne savaient où aller, leurs familles étant dispersées dans le royaume.

Par un décret du 23 août, l’Assemblée législative charge la Municipalité de Versailles de dresser, sans délai, un état nominatif « de toutes les personnes qui étaient attachées à la maison de Louis xvi, soit en qualité de gens à gages, soit en qualité de pensionnaires pour cause de domesticité, avec brevet sur la liste civile ou sur la cassette ». L’Assemblée devait, sur le vu de cet état, fixer les secours qui seraient accordés provisoirement à chaque individu, jusqu’à ce que la Convention nationale eût statué définitivement sur le sort des personnes ci-devant attachées au service de Louis xvi

Mais les meilleures intentions restaient longtemps sans effet, par suite du désarroi et de la détresse des finances publiques. Et puis, ce n’était pas seulement aux besoins du personnel de la ci-devant liste civile qu’il fallait pourvoir : les dépenses d’entretien se représentaient chaque jour, sans qu’il y eût de crédits réguliers pour y faire face ; et les réclamations se produisaient incessantes, et pour les plus minces détails. Au mois d’octobre 1792, le personnel de la Vénerie royale signale à la Municipalité de Versailles qu’on ne pouvait plus nourrir les vingt chiens du chenil ; et la Municipalité, très pauvre elle-même, et incapable de soulager toutes les misères qui l’entouraient, recommandait les infortunés quadrupèdes à l’attention du Ministère.

Un décret du 2 octobre 1792 mit une somme de 350, 000 livres à la disposition du Ministre des Contributions, pour le paiement des dépenses courantes à la charge de la liste civile. La Convention ne devait pas tarder à prendre d’autres mesures pour supprimer cette source de dépenses.

Une des premières dépenses qui disparurent fut celle que nécessitait l’entretien des chevaux qui existaient aux Grandes et Petites-Écuries.

Le 6 septembre 1792, la Convention avait décrété que tous les biens faisant partie de la liste civile seraient régis provisoirement par l’Administration générale des biens nationaux ; cette régie devait se faire sous la surveillance du Ministre des Contributions publiques pour les biens compris sous la dénomination de Domaine de la Couronne.

Couturier, qui était, avant la Révolution, commis principal du Domaine de Versailles, et qui faisait partie de la Municipalité, comme officier municipal, depuis 1790, devint, en 1792, administrateur du même domaine ; il avait, en même temps, les fonctions de Procureur de la commune. Nous allons le voir agir à la fois en cette double qualité ; et il semble que cette confusion de pouvoirs se soit étendue de sa personne à la Municipalité dont il faisait partie, au moins en ce qui concernait les chevaux, les équipages, les selleries des Grandes et Petites-Écuries.

Toutes les mesures relatives à ces objets vont, en effet, être prises par la Municipalité de Versailles, agissant par son Bureau municipal, sorte de Commission exécutive dans laquelle passaient, à tour de rôle, les officiers municipaux et les notables.

III

Le 10 août 1792, il y avait aux Grandes-Écuries cent quarante-cinq chevaux formant « l’Équipage des coureurs ».

Huit armées s’organisaient alors pour défendre les frontières menacées de toutes parts ; les états-majors avaient besoin de chevaux et de harnachements : on puisa dans les Écuries de Versailles.

Cependant, les trois premiers chevaux de l’Équipage des coureurs qui sortirent des Grandes-Écuries, le 12 septembre 1792, le Fortuné, la Perle et le Pèlerin, furent donnés à Couturier.

Le 19 septembre, Couturier se faisait délivrer par le garde-meuble de la Petite-Écurie « une selle de velours garnie de ses équipages, une housse de drap cramoisi bordée d’or et une croupe de soie également bordée d’or, plus une bride à bossettes d’argent », le tout, dit-il dans le reçu qu’il signe comme Procureur de la commune, en vertu de l’ordre qui lui avait été donné de prendre des chevaux équipés pour son service de la Régie du Domaine.

Le 15 septembre, un cheval, le Daim, est envoyé à Paris, au citoyen Santerre, commandant général de la Garde nationale. Le 20 septembre, on envoie la Corneille à Paris, pour le citoyen Servan, ministre de la Guerre ; le 26, le Consolant est également conduit à Paris, « pour la chaise du ministre Servan ». Le 20 septembre, Servan s’était fait remettre par la Petite-Écurie, et sur la décharge du Bureau municipal, un cheval, le Rustaut, « une selle de velours garnie de ses équipages, une housse en botine (sic) de drap bordée en or, une croupe de soie bordée d’or, une bride à bossettes d’argent, un bridon d’or à boucles d’argent et un caveçon ».

Le 21 septembre, c’est au citoyen Brume, inspecteur général des chevaux de la Nation, qu’on envoie quatre chevaux, le Bréant, le Serviteur, le Lièvre et l’Intègre. Au lieu de « citoyen Brume », faut-il lire « citoyen Brune », et s’agit-il du futur maréchal ? Brune, qui avait alors vingt-neuf ans, avait été étudiant en droit, puis journaliste. Il avait été, avec Danton, un des fondateurs du club des Cordeliers ; plus tard, après une mission en Belgique, il entra dans l’armée.

Le 26 septembre, part le premier cheval dirigé sur les armées ; c’est le Sopha, envoyé au général Kellermann, qui venait de concourir au succès de Valmy. Le 18 novembre, un ordre du Ministre faisait encore envoyer à Kellermann, qui commandait l’armée de la Moselle, six chevaux, la Vestale, le Camard, le Courageux, le Marquis, le Volage et le Racoleur. Le 27 septembre, la Petite-Écurie avait délivré pour le général Kellermann « trois selles de velours, trois housses galonnées en or, trois brides complètes et bossettes en argent, plus trois licols ». Le 18 novembre, la Petite-Écurie lui fournissait encore « six housses en bottine de drap cramoisi bordées en or, neuves ».

Le 26 septembre, l’Assuré est mis à la disposition du colonel Westermann. Ancien sous-officier de cavalerie, Westermann avait, le 10 août, conduit les Marseillais et les Brestois à l’attaque des Tuileries. Nommé adjudant général par le Conseil exécutif, il avait été envoyé par Danton, avec une mission secrète, auprès de Dumouriez, lors des négociations de ce général avec Brunswick, après Valmy. Le 15 octobre, on expédiait un autre cheval, le Canapé, à Westermann.

Le 15 octobre, les Grandes-Écuries envoyaient à Dumouriez quatre chevaux, la Bergère, la Comère, la Renarde et le Gaillard. Le même jour, on expédiait à Paris, à destination de Dumouriez, un cheval, le Coquet, qui ne figurait pas dans l’Équipage des coureurs et qui paraît provenir des Petites-Écuries, plus « une selle de velours, une bride à bossettes d’argent, une housse en botine de drap bordée d’or, une croupe d’émouchoir en soie bordée d’or, une couverture d’écurie, un licol, un caveçon ».

Le 14 octobre, le Garçon et le Blondin sont envoyés au général Ligonier, pour qui partent encore, le 6 novembre, quatre chevaux, le Chérubin, l’Emballé, le Caressant, l’Astrologue. Le 6 novembre également, les Petites-Écuries expédient au général Ligonier « une selle de femme en chamois, une housse de velours à frange d’or, trois selles de velours ras neuves tout équipées, trois housses de drap bordées d’or, quatre brides à doubles panneaux d’argent, quatre croupes d’émouchoirs de soie bordées d’or, quatre bridons d’or et leurs boucles d’argent, six caveçons neufs, une bride de suite et son mors à bossettes jaunes, six housses de main de drap bleu bordées en or, six couverture d’écurie de hasard (sic), et deux paires de bottes ».

Le nom de Ligonier, paraît-il, n’était qu’un nom d’emprunt. Simple soldat à la bataille de Lawfeld, il aurait fait prisonnier le général Ligonier, qui commandait la cavalerie anglaise, et lui aurait pris son nom. Le Ministre de la Guerre lui fait une belle part dans les dépouilles des Écuries royales. Les effets de harnachement qu’on lui donnait avaient une assez grande valeur : les housses de drap bordées d’or étaient estimées 120 livres pièce, les croupes d’émouchoir de soie bordées d’or, 180 livres.

Le 17 octobre, le Limaçon et le Pierrot sont donnés pour le général Morton. Le 29, la Divine et l’Entreprenante sont envoyées au général Schauembourg, qui commande une division de l’armée de la Moselle, et qui devait prendre le commandement provisoire de cette armée après le départ de Houchard. Le 15, l’Effronté est mis à la disposition du général de la Morlière, qui commanda l’armée du Rhin. C’était le général de la Morlière qui, en 1753, avait capturé, sur le territoire de Savoie, le fameux bandit Mandrin.

Le 6 novembre, on envoie au maréchal de camp La Genetière, « employé à l’armée des Pyrénées », trois chevaux, le Sansonnet, la Rivale et la Présidente, et « trois selles de velours neuves tout équipées, deux selles de veaulaque (veau laqué) bonnes équipées, une selle de suite bonne tout équipée, trois housses en botine de drap bordées d’or neuves, deux housses en botine de drap bordées de soie neuves, trois croupes d’émouchoirs de soye bordées d’or neuves, trois brides à boucles et à trois passants d’argent, bossettes et poitrails de même, trois bridons d’or neufs à boucles d’argent, deux brides à bossettes de cuivre, les cuirs neufs, trois coussinets de veau à flancs, quatre caveçons neufs, trois housses de main de drap bleu bordées d’or neuf, une paire de bottes fortes de courrier neuve, une selle de poste neuve ». Le tout, non compris les trois chevaux, valait plusieurs milliers de livres.

Lamoureux de la Gennetière, qui avait quitté l’armée avant la Révolution, avec le grade de capitaine, avait repris du service pendant la Révolution. Il venait d’être nommé maréchal de camp et envoyé à l’armée des Pyrénées, lorsqu’il fut monté et équipé par les Écuries de Versailles. Peu de temps après, il était capturé au combat de Blanc-Pignon et resta, deux années, prisonnier en Espagne.

Le 10 novembre, les Grandes-Écuries fournissent trois chevaux à l’adjudant général Joly de Sailly, de l’armée du Centre, l’Obéissant, l’Éclatant et le Postulant.

Le même jour, les Petites-Écuries lui donnent « trois selles de velours neuves, trois housses en botine de drap bordées d’or neuves, trois brides garnies de cuir neuf et leurs bossettes d’argent, trois caveçons neufs, trois couvertures de laine dites camails, trois housses de main dites caparaçons, trois couvertures d’écurie ». Les états-majors des armées de la République étaient, on le voit, brillamment équipés.

Le 8 décembre, deux chevaux, le Novice et l’Orgueilleux, sont fournis à l’adjudant général de Saint-Fief, qui, nommé maréchal de camp le 8 mars 1793, fut suspendu comme noble le 4 août de la même année.

Le 11 novembre, le citoyen Duclos, aide de camp du général Dayat, reçoit des Grandes-Écuries un cheval, l’Agile, et des croupes d’émouchoir de soie idem bordée d’or, une housse en botine de drap cramoisi neuve bordée d’or, une couverture d’écurie de hasard, une bride de hasard et son mors à bossettes d’argent ».

Le 17 octobre, on avait envoyé à l’aide de camp du Gazon le cheval le Conseiller. Le 13, l’aide de camp Blaissimare avait reçu le cheval l’Infante.

Le citoyen O’Moran, « général d’armée », qui se distingua au siège de Dunkerque, ce qui ne le sauva pas de l’échafaud, ne reçut pas de chevaux, mais, sur la recommandation du conventionnel Le Cointre, le Bureau municipal lui fit donner, le 12 novembre, par les Petites-Écuries, « quatre selles rases de velours neuves tout équipées, quatre housses en botine de drap cramoisi bordées d’or neuves, quatre croupes d’émouchoirs de soie bordées d’or neuves, quatre caveçons neufs, quatre housses de main de drap bleu bordées d’or de hasard, quatre brides garnies de boucles d’argent à un passant idem et leurs mors à bossettes d’argent et les poitrails à boucles d’argent et passants idem, quatre bridons d’or de hasard à boucles d’argent très bons ».

On donne un cheval au conventionnel Merlin, un cheval au conventionnel Le Cointre, un cheval à Merlin le jeune.

Sur l’ordre du Ministre de la Guerre, deux chevaux des Grandes-Écuries sont donnés, le 21 octobre, au citoyen Victor-Amédée de Saint-Huruge. Sur le même ordre, le garde-meuble des Petites-Écuries lui délivre, « pour le service de la nation », deux housses de drap cramoisi bordées d’or qui sont retirées d’une armoire sous scellés dans « la sellerie du rang du Roi », après quoi les scellés sont réapposés par les officiers municipaux.

La Fage, marquis de Saint-Huruge, avait été l’un des plus ardents agitateurs du Palais-Royal ; il figurait dans les bandes qui avaient envahi le Château de Versailles le 6 octobre 1789 et avait joué un rôle plus actif dans la journée du 10 août 1792. Il avait donc des titres à revendiquer sa part dans les dépouilles de la royauté ; et il importait de l’équiper convenablement, en prévision de nouvelles journées révolutionnaires où il pouvait être appelé à monter à cheval pour le service de la nation.

Le 4 novembre, « par ordre du ministre », le citoyen Charles de Flers, qui n’est pas plus amplement qualifié, reçoit des Grandes-Écuries trois chevaux, la Comtesse, le Pinçon et le Passecampagne, et des Petites-Écuries cinq harnachement de prix.

Un cheval est donné pour le Commissaire ordonnateur des guerres, quatre au citoyen Gosset, régisseur général des Domaines de Fontainebleau, deux au régisseur des Domaines de Rambouillet, un au citoyen Charmat, commissaire des guerres, un au citoyen Dumas, un au citoyen Grolleau, gendarme national, un au citoyen Beauregard, « de l’ordre du ministre », un au citoyen Cheiney « par ordre signé Boursault », un au citoyen Mongin dit Rousseau, sous-lieutenant de cavalerie.

Vingt chevaux sont indiqués « sortis de l’Écurie pour la Gendarmerie ». On augmentait alors l’effectif de la gendarmerie à cheval. Huit chevaux sont « envoyés à Paris pour l’armée, par ordre du ministre Servan ».

Trois chevaux sont « envoyés à Paris, à l’hôtel Soubise, chez le citoyen Daveine », par ordre du Commissaire général du Pouvoir exécutif. Un cheval est indiqué « à Paris, de la part du citoyen Brume ». Deux sont « envoyé à Paris, pour le citoyen Boursault ». Les 22 et 24 novembre, dix-huit chevaux sont « envoyés à Paris par ordre du citoyen Boursault ».

Acteur et auteur dramatique, Boursault s’était jeté à corps perdu dans la politique. Nommé électeur de Paris, il devint député suppléant à la Convention. On le retrouve dans tous les mouvements populaires. Au mois de mars 1792, il était venu à Versailles, avec Théroigne de Méricourt et plusieurs membres des Jacobins, comme délégué des Sociétés patriotiques de Paris, pour surveiller les préparatifs de la fête donnée aux Suisses de Châteauvieux. Au moment où il recevait des chevaux provenant des Écuries de Versailles, il était entrepreneur des charrois militaires. Il gagna beaucoup d’argent dans cette entreprise. Lorsqu’il mourut à Paris, en 1842, il laissa une fortune de trois millions.

Le 25 novembre, six chevaux sont « conduits à Paris ».

À cette datte, la dispersion de l’Équipage des coureurs est complète : il n’en reste plus aux Grandes-Écuries que cinq ou six chevaux, dont un étalon, l’Oiseau. Deux chevaux détachés au haras de Viroflay furent vendus par le District de Versailles, le 28 janvier 1793. Deux chevaux détachés à l’écurie de Sèvres avaient été mis à la disposition des bataillons de volontaires ; ils devaient toujours rentrer à l’écurie de Sèvres, mais, après le départ des bataillons, « il s’était trouvé un cheval de parti soit-disant pour les frontières », et on en rendait responsable la Municipalité de Sèvres.

Après la dispersion de l’Équipage des coureurs, il devait rester aux Grandes-Écuries quelques chevaux provenant probablement des Petites-Écuries. L’organisation du Manège des Grandes-Écuries avait été conservée.

Le 17 mai 1793, cinq palefreniers de la Grande-Écurie, partant pour la Vendée, demandaient à être payés de leur traitement, et, dans le projet d’arrêté en réponse à leur demande, il est dit que « l’établissement du manège était resté intact », qu’il avait continué « à avoir son activité » et que « le projet approuvé des ministres de la guerre et de l’intérieur d’établir sur ses débris une école d’équitation était actuellement sous les yeux de la Convention ».

L’école d’équitation proprement dite, pour la cavalerie, ne fut établie aux Grandes-Écuries que sous le Directoire. Mais un Manège national y fut conservé pendant quelques années. Le 6 germinal an iv, un sieur Jardin prend le titre d’instructeur au Manège national à Versailles. Le 19 vendémiaire an v, un tapissier de Versailles réclame ce qui lui est dû par le général Verdière, inspecteur du Manège national établi à Versailles, pour l’emménagement de ce général dans le logement qu’il occupe aux Grandes-Écuries.

Des Écuries de Versailles dépendait celle de Saint-Cloud, où se trouvaient, le 10 août 1792, cinquante chevaux et trois mulets.

Le 17 septembre, quinze chevaux avaient été enlevés par ordre du général Santerre. Dans le courant de novembre, quatre chevaux furent envoyés à Valenciennes pour le général Dumouriez. Le 9 novembre, on en remit quatorze « au citoyen Allais, par ordre du citoyen Boursault ». Le 21 novembre, Couturier prit deux chevaux d’attelage. Cinq furent vendus à un marchant de chevaux de Versailles. Deux chevaux et les trois mulets furent amenés à Versailles. Les autres chevaux reçurent différentes destinations ou restèrent à Saint-Cloud pour le service du régisseur.

Parmi les chevaux des Petites-Écuries, il s’en trouvait qui étaient propres à la selle. Quelques-uns passèrent aux Grandes-Écuries pour être fournis à la remonte de l’armée. Le 4 novembre 1792, il en passa onze aux Grandes-Écuries ; et le garde-meuble des Petites Écuries fournit onze équipages complets, selles de velours, brides à bossettes d’argent, housses galonnées d’or, couverture d’écurie et licols.

On continuait à mettre à contribution les selleries des Petites-Écuries.

Le 28 septembre, le citoyen Daveine, sous la surveillance de qui paraissent avoir été réunis les chevaux formant la réserve des officiers généraux, se faisait remettre par le garde-meuble des Petites-Écuries « dix selles de velour, dix housses en botine de drap bordées d’or, deux brides à bossettes d’argent, une bride à bossettes de cuivre, six caveçons, onze couvertures d’écurie et onze licols ». Le même jour, quinze housses en botine de drap bordées d’or étaient extraites par un officier municipal, « pour le service de la guerre », du garde-meuble des Petites-Écuries, « appelé le garde-meuble du rang dauphin ».

Le 2 novembre, les Petites-Écuries fournissaient trois douzaines de longes pour les chevaux des ci-devant Gardes-du-Corps qui étaient toujours restés à Versailles.

Les chevaux d’attelage des Petites-Écuries durent disparaître en même temps que les coureurs des Grandes-Écuries, et être aussi envoyés aux armées, où l’on avait tant de peine à organiser le service des charrois.

À la fin de 1792, le locataire d’une ferme appartenant au Domaine, à Viroflay, dont on avait retiré douze arpents pour les haras des Écuries du roi, demandait au District de Versailles la permission de reprendre la jouissance de ces douze arpents ; mais le District lui défendait de « s’immiscer dans la culture » de cette partie de la ferme avant qu’il n’eût été, sur le vu de son bail, pris une décision à ce sujet.

IV

Au commencement de 1793, les bâtiments des Grandes et des Petites-Écuries étaient à peu près complètement occupés ou prêts à être occupés par d’autres services.

Aux Petites-Écuries, cependant, étaient encore remisées, en nombre considérable, les voitures des Écuries royales, de celles des princes, et les voitures saisies chez les émigrés.

Quelques-unes des voitures provenant des Écuries royales furent affectées à des services publics, service de la Municipalité ou de la régie des Domaines nationaux.

Pendant les mois de septembre, octobre et novembre 1792, le peintre Guillaume, dit Emeri, fit à une quinzaine de voitures les modifications nécessaires. Ce travail fut fait « pour le service et par les ordres de messieurs de la Municipalité de Versailles », sous la surveillance de Sorel, piqueur aux Petites-Écuries, « chef des chevaux de chaise », et qui avait été constitué « gardien des voitures de la Petite-Écurie et autres effets de sellerie des attelages du ci-devant roi ».

Les chiffres et armoiries du ci-devant roi sont effacés et remplacés par les bonnets rouges de la liberté ; au-dessus du bonnet est peint un ruban tricolore dans lequel sont écrits les mots : « Liberté, Égalité ». Sur une chaise à deux places, ces mots sont remplacés par l’inscription : « Domaine national de Fontainebleau ». Au nombre des voitures ainsi utilisées sont : « la chaise à deux places des Petites-Écuries pour le service des chirurgiens de quartier », trois chaises à deux places venant du Chenil, « le tape-cul des Petites-Écuries », la berline à quatre places « servant ci-devant pour le service des femmes de chambre », le cabriolet de « Mesdames ci-devant » et « la litière fond gris de la reine ci-devant ».

On comprend qu’on ait employé pour le service des armées les chevaux des Écuries royales ; mais une idée au moins étrange fut de vouloir faire servir au transport des troupes les voitures de luxe. Trente-deux voitures provenant de la liste civile et des émigrés avaient été sorties des remises pour être envoyées à l’armée du Nord, d’où elles devaient transporter en Vendée des bataillons de volontaires. Cet acte de vandalisme souleva des protestations.

Par arrêté du 14 mars 1793, le Département de Seine-et-Oise chargea une commission, composée de membres du Département, du District et de la Municipalité, d’examiner les voitures qu’on voulait sacrifier.

Le 15 mars, les commissaires procédèrent à leur mission. Parmi les voitures qui furent l’objet de leur examen, figuraient notamment « une voiture en forme de berline, les panneaux dorés en plein, et l’intérieur garni et couvert en velours ciselé galonné en or….. une berline, panneaux fond vert à guirlandes de fleurs, garnie intérieurement en damas vert galonné en or….. une voiture allemande, panneaux en or, l’intérieur garni en velours ciselé cramoisi galonné en or….. une calèche, panneaux fond blanc à bouquet de fleurs, garnie en étoffe de soie fond bleu sablé….. une voiture, panneaux fond puce, garnie en drap blanc….. une berline, panneaux fond d’or, garnie en velours bleu galonné en or….. une calèche, panneaux en or, galonnée de même….. deux calèches garnies en damas et galonnées en or….. ». Les autres voitures étaient à l’avenant. On devine ce qu’il en fût advenu avec les volontaires indisciplinés et pillards.

Aussi, les commissaires terminent-ils ainsi le rapport sur leur visite : « Toutes lesquelles voitures cy-dessus indiquées nous avons reconnu être très précieuses, et que ce seroit une perte et un préjudice, tant pour la République que pour les créanciers des émigrés, de les sacrifier en les confiant à des conducteurs et postillons inexpérimentés, et que d’ailleurs plusieurs d’entre elles ne nous ont point paru de nature et de condition à supporter les fatigues de la route. En conséquences, nous les avons fait rentrer dans leurs remises respectives. » Elles y restèrent jusqu’à la vente du mobilier de Versailles.

Le personnel des Écuries royales n’avait pas disparu en même temps que les chevaux. Si la plupart des postillons et palefreniers avaient rejoint les armées, soit dans les régiments de cavalerie, soit dans les ambulances, emmenant avec eux ceux de leurs fils qui était en âge de s’enrôler, il en restait encore beaucoup, en possession de leurs logements, où ils menaient une vie assez précaire avec leurs familles.

Le 27 novembre, la Convention avait décrété que tous les traitements, gages, appointements, gratifications et autres émoluments, de quelque nature qu’ils fussent, attribués aux personnes employées par le ci-devant roi, dans les maisons et domaines de la ci-devant liste civile, cesseraient entièrement au 31 décembre suivant.

Jusqu’à cette date, tous les gages et traitement étaient ramenés uniformément au taux de 600 livres par an. À la même époque, toutes personnes qui avaient leurs logements dans les maisons et domaines de la ci-devant liste civile devaient les évacuer et remettre les lieux en bon état, tels qu’ils leur avaient été livrés.

Il fut impossible d’appliquer rigoureusement ces dispositions qui, à si bref délai, allaient plonger dans la misère de nombreuses familles laissées sans emploi, sans logement, sans mobilier, presque tous les employés des Écuries ayant reçu leurs meubles du Garde-Meuble, auquel on les mettait en demeure de les restituer.

La date du 31 décembre arriva : si les employés virent supprimer leurs traitements, ils restèrent encore, pour la plupart, en possession de leurs logements et de leurs meubles, opposant aux injonctions administratives une résistance passive, ou des supplications et des demandes de secours, dont la Municipalité de Versailles se fit plus d’une fois l’interprète, et qui obtenaient, en partie, gain de cause auprès de la Convention.

Le 6 février 1793, le Ministre des Contributions publiques écrivait au Directoire du District de Versailles :

« … Je n’ignore pas que les gens de la Grande et Petite-Écurie opposent une résistance personnelle à la remise de leurs lits. Le Ministre de l’Intérieur m’en a déjà prévenu pour ceux de la Grande, dont le mobilier fait partie du Garde-Meuble national. Il m’a même engagé à ne rien payer à ces gens, jusqu’à ce qu’ils eussent justifié de la remise des effets qui leur ont été délivrés ; à quoi je tiendrai la main. Je prendrai le même parti pour les gens de la Petite-Écurie, et ils ne recevront ni gages, ni pensions, qu’ils ne représentent le certificat du nommé Paulmier, garde-meuble de leur Écurie, qu’ils ont remis la totalité des effets qui leur ont été confiés ; car, enfin, je ne leur connois aucun droit de s’emparer de ce dont ils n’avoient que la simple jouissance. »

Le mobilier mis à la disposition des employés des Écuries royales était assez considérable. La literie destinée au personnel de Versailles, Paris, Sèvres, Meudon, Marly, Saint-Germain, Rambouillet, Fontainebleau, Limours, se composait encore, au mois de janvier 1793, de neuf cents matelas, autant de couvertures et traversins, une très grand quantité de couchettes et paillasses, lits de sangles, baldaquins, etc., avec treize cents paires de draps.

Le Ministre des Contributions publiques ne tint pas la main à l’exécution de ses menaces. Par un décret du 24 mars 1793, la Convention accorda aux palefreniers, postillons et garçons d’écurie attachés au ci-devant roi ou à ses frères, la jouissance provisoire de leurs logements et meubles. Cette disposition ne devait pas être étendue aux ouvriers attachés au service des Écuries, ni aux écuyers et piqueurs : quelques-uns d’entre eux en bénéficièrent cependant.

Le 8 mars 1793, le Ministre de l’Intérieur Garat avait fait savoir au Département de Seine-et-Oise que le Ministre de la Guerre demandait qu’on mît à sa disposition les bâtiments nationaux des Grandes et Petites-Écuries pour y caserner des troupes, et il avait chargé le Département de lui faire un rapport sur cette question. À cette date, le Ministère de la Guerre était déjà en possession d’une partie des Petites-Écuries, où il avait installé l’ambulance des hôpitaux militaires.

En ce qui concernait le personnel encore logé aux Grandes-Écuries, le District de Versailles proposa de le transporter dans les bâtiments du Grand-Commun. Ce déménagement eut-il lieu et à quelle époque ?

En l’an iii, on trouve encore aux Grandes-Écuries des restes du personnel des Écuries royales, et entre autres le sieur Huet, « ancien entrepreneur de la nourriture des cy-devant pages », devenu sous-lieutenant de la Garde nationale. À cette date, les Grandes-Écuries se ressentaient du passage de l’armée révolutionnaire dont les hordes y avaient, pendant leur séjour, causé de nombreuses dégradations qu’on achevait de réparer.

Aux Petites-Écuries, il y avait, au mois de mai 1793, dix-neuf cochers, huit piqueurs, deux sous-piqueurs, quatre porteurs, un porteur de chaise, un élève, un postillon, un maître de voltige, cinq palefreniers, un gardien de sellerie, trois garçons de sellerie, un délivreur, trois valets de pied, un armurier, un éperonnier, un peintre, un sellier, trois charrons, deux maréchaux, un bourrelier, un balayeur, soit : soixante et un employés, ouvriers ou domestiques, avec trente-huit femmes et cinquante-six enfants, au total : cent cinquante-cinq personnes.

Dans ce personnel figuraient de fidèles serviteurs, devenus des vieillards au service de la Cour. Deux cochers comptaient quarante ans de services, un autre trente-six ans, un palefrenier trente-huit ans, un maréchal cinquante ans, un armurier cinquante-trois ans, un piqueur soixante-trois ans.

Des décrets de la Convention des 27 janvier et 11 mars 1793 avaient accordé des secours à ce personnel pour remplacer provisoirement les traitements supprimés ou lui permettre d’attendre le paiement de l’arriéré et la liquidation des pensions. La liquidation des offices de la maison de Louis xvi, et des secours ou pensions à accorder aux gagistes et anciens pensionnaires de la liste civile, fut faite par un décret de la Convention du 27 août 1793. Les gagistes obtenaient des pensions calculées d’après leurs appointements et leurs années de service, et, en outre, des secours fixés sur les mêmes bases ; des secours leur étaient également donnés pour leurs enfants. Étaient comptés de même les pensions et secours accordés « aux personnes attachées, à titre d’office, à la domesticité intérieure de la chambre et garde-robe du ci-devant roi et de sa femme ».

En même temps qu’on faisait face aux dépenses de liquidation de l’ancienne liste civile, on songeait à tirer parti des biens qui la composaient.

Dès le 24 octobre 1792, un décret de la Convention avait autorisé le Ministre de l’Intérieur à faire vendre, sans délai, le mobilier qui se trouvait dans le château des Tuileries et autres maisons ci-devant royales. Depuis la fin du mois d’août, les scellés étaient apposés au Château de Versailles, aux Trianons, au Garde-Meuble de la Couronne rue des Réservoirs, aux Garde-Meubles des Grandes et Petites-Écuries.

On louait les parties de bâtiments qui n’étaient pas données ou destinées à des services publics. Les Grandes et Petites-Écuries étaient réclamées et déjà occupées en partie par l’Administration de la Guerre. On en loua les dépendances détachées sur divers points de la ville.

On put faire quelques locations à des particuliers dans les Écuries de la reine, rue de la Pompe (aujourd’hui rue Carnot). Les scellés y avaient été apposés au mois de septembre 1792 sur les selleries et les voitures. Les pages de la reine, qui y avaient leurs logements et leur chapelle, étaient partis. Les chevaux avaient disparu, comme ceux des Grandes et Petites-Écuries du roi.

La Municipalité de Versailles s’y était emparée, pour l’installation du Bureau de conciliation, de l’appartement du « citoyen Raymond, ci-devant aumônier des Pages de l’épouse de Louis Capet », qui, en mars 1793, demandait qu’on lui permît de retirer de cet appartement quelques boiseries et autres effets lui appartenant.

Pendant les derniers mois de l’année 1792, une partie des Écuries de la reine avait servi de Maison d’arrêt. Le 9 septembre 1792, quatorze prisonniers y furent massacrés par la populace et par les volontaires nationaux.

Tout le côté gauche des bâtiments de la grande cour, sur la rue de la Pompe, avait été affecté au service de la manutention des farines destinées à l’alimentation de Versailles.

En l’an iii, on mit les bâtiments du côté droit de cette cour et les bâtiments du côté gauche dans la deuxième cour à la disposition des citoyens Lenchère père et fils, entrepreneurs généraux des équipages d’artillerie. On réunissait alors à Versailles un nombre considérable de chevaux pour le service des charrois militaires.

Le citoyen Robert, gardien des scellés apposés aux Écuries de la reine, avait remis au magasin de la vente du mobilier de la ci-devant liste civile de Versailles tous les objets de sellerie et de bourrellerie, les voitures, chaises à porteurs, tapis de voiture en drap, les galons d’or et d’argent et l’argenterie pesant 234 marcs 4 onces 3 gros, et divers autres effets, tel que le tout avait été inventorié le 13 septembre 1792.

Le 8 avril 1793, l’Administration du District avait fait transporter et vendre dans les Écuries de la reine quinze voitures, chariots et guinguettes retirés de chez les frères Gallerand, qui avaient été vaguemestres de la Maison du roi, c’est-à-dire entrepreneurs des roulages pour la Cour.

En 1795, les Écuries de la reine furent données à la Guerre qui les possède encore.

À partir de l’an iii, les Grandes et Petites-Écuries furent mises à la disposition de la Guerre.

Le 12 vendémiaire an iv, trois jeunes tambours du 49e régiment d’infanterie, âgés de quatorze, quinze et douze ans et demi, et leur camarade tambour dans le 2e  bataillon de l’Orne, âgé de seize ans, dont les compagnies étaient casernées aux Grandes-Écuries, s’introduisirent dans une cave sous leur casernement. « En jouant, dit un rapport, ils ont trouvé de petits pots de fayence, ce qui a estimulé leur curiosité ; ayant fait alors des perquisitions, ils avaient enfin trouvé un sac pourri qui s’est crevé en le levant de terre, contenant des pièces d’or de quarante-huit et vingt-quatre livres. » La trouvaille se montait à 5, 232 livres. Conformément à la loi, les jeunes tambours reçurent pour leur part 260 livres 10 sols.

Les caves des Grandes-Écuries cachent-elles encore quelques trésors oubliés par les émigrés ? Nous nous en voudrions de créer cette légende.

V

Nous avons vu qu’un décret de la Convention, du 24 octobre 1792, avait ordonné la vente du mobilier des maisons ci-devant royales. Un autre décret, du 10 juin 1793, réglementa le mode de vente de ce mobilier.

La vente du mobilier de Versailles, et par conséquent du matériel des Grandes et Petites-Écuries, commença le dimanche 25 août 1793, pour se terminer le 24 thermidor an ii (11 août 1794).

Les premières vacations de la vente se firent au Château de Versailles, « dans un logement en faisant partie, situé cour dite des Princes, occupé par la ci-devant princesse Lamballe ». Elles étaient dirigées par Musset et Delacroix, membres de la Convention, « commissaires pour la vente des meubles et immeubles de la ci-devant liste civile, section de Versailles ». Les premiers meubles et effets mobiliers vendus provenaient du Petit-Trianon.

Dès le mois de février 1793, les frères Touchard, qui « élevaient une ménagerie au Chenil, avenue de Paris, qu’ils avaient loué à cet effet », avaient acheté « une partie des voitures provenant des charrois du ci-devant roi », c’est-à-dire « une berline à quatre places, un chariot d’osier servant à conduire la viande à Rambouillet, un chariot idem nommé chariot de poste, un chariot idem nommé chariot des Suisses, une guinguette d’osier servant pour le rôt, une diligence à quatre roues servant au bureau du cy-devant, une chaise à deux roues », le tout estimé 2, 400 livres.

Les retards apportés à la vente des objets sous scellés inquiétaient leurs gardiens. Le 2 mai 1793, on écrivait, des Petites-Écuries aux administrateurs du District de Versailles : « Les nommés Cieters et Dumont, ayant la surveillance des voitures et de plusieurs selleries appartenant à la ci-devant liste civile aux Petites-Écuries ; ils vous observent que depuis la fin d’août quatre-vingt-douze que les scellés y ont été apposés, qui seroit urgent que l’administration voulut bien y faire faire une visite pour voir si plusieurs effets qui sont renfermés ne dépérissent point… »

Ce fut le 7 brumaire an ii (28 octobre 1793) que la première voiture provenant des Écuries royales fut mise aux enchères : c’était une « diligence sans glaces montée sur ses quatre roues et doublée de velours d’Utrecht cramoisi » ; elle portait le numéro 4, 018 de la vente, qui comprit 17, 182 numéros. Tout ce qui venait des Grandes et Petites-Écuries, voitures, selles, harnais, etc., avait été réparti dans toutes les vacations de cette vente qui dura un an.

On vendit huit diligences, quatre gondoles, vingt berlines, sept cabriolets, huit calèches, sept voitures diverses, huit chaises, deux guinguettes, trois tape-cul, deux voitures de chasse, quatre chariots, deux fourgons, deux diables, trente-sept chaises à porteurs, quatre cent vingt-deux selles, cinq cent quatre-vingt-douze caparaçons, trois cent trente-quatre croupelins, six cent quarante et un chasse-mouches ou émouchoirs, trente-neuf peaux d’ours, cent treize housses de pied, de selle, de cheval et de siège, onze petites carrioles de jardin, un nombre considérable d’attelages, de harnais, de couvertures, de bottes, de lots de pompons, de bossettes, de bouffettes, de fouets, de porte-manteaux, de rubans, de cocardes, de clous dorés et argentés, de cordons et de stores de voiture, de coussins, de marchepieds, de paniers et de cages à gibier, de surfaix, de sangles, de mors, d’étriers, de fontes de pistolets, d’éperons, des « bonnets de chevaux en toile », des flambeaux de voitures, des réverbères, des « crinières et fausses-queues », des débris de toute sorte.

On retira de la vente, les enchères n’ayant point atteint le prix d’estimation, « un carrosse de cérémonie servant aux ci-devant ambassadeurs, garni en velours ciselé cramoisi ». La voiture qui atteignit le prix le plus élevé fut « une voiture à flèche à six places, garnie de velours ciselé vert et or, broderies et galon d’or, garnie de ses glaces, stores et rideaux ». Elle fut adjugée pour 6, 500 livres. Il faut tenir compte de ce que les paiements se faisaient en assignats.

Après, vient « une voiture allemande à douze places, doublée de damas bleu, sur son train à quatre roues, avec quatre glaces et une caisse renfermant lesdites glaces », pour 2, 700 livres. Une « gondole à douze places, doublée de drap rouge, la caisse peinte en gris et à six glaces, sur son train à quatre roues », est venue 1, 999 livres 19 sols.

Les berlines sont les voitures qui se vendent le mieux ; suivant leurs dimensions, leur luxe, leur état de conservation, le prix atteint jusqu’à 2, 000 livres, pour descendre jusqu’aux environs de 500 livres.

Les calèches n’arrivent pas à une moyenne de 800 livres. Une « petite calèche d’enfant » est vendue 200 livres ; elle avait, sans doute, promené les Enfants de France dans le Parc et les jardins de Trianon.

Les diligences sont également peu disputées.

Une « chaise à porteurs en velours cramoisi avec broderie relevée en bosse, une impériale de pareille broderie garnie de franges, glands, rideaux brodés aussi en or, avec ses trois glaces », est venue 5, 142 livres.

Une autre chaise à porteurs, « caisse en bois verni et peint, doublée en soie blanc et or, garnie de trois glaces, crépis et glands d’or », est poussée jusqu’à 1, 395 livres 19 sols. Les autres restent bien au-dessous de ce chiffre : le chiffre le plus bas est celui de 45 livres. Une chaise à porteurs « en fauteuil de promenade de canne dorée, garnie en dedans de poult de soie vert, avec impériale », est vendue 72 livres.

Les selles d’homme et de femme sont, pour une grande partie, en velours cramoisi ; quelques-une sont galonnée d’or. Les prix varient beaucoup : les moins chères se vendent 10 à 12 livres.

Une selle « en velours cramoisi, ornée de broderies, galon et frange d’or », est vendue 615 livres. Une autre, désignée de même, est vendue 450 livres. Une selle « fond argent, brodée or et argent », se vend 412 livres 1 sol. Une selle « fond argent, brodée et à frange aussi d’argent », est vendue 350 livres. Une selle « en velours cramoisi richement brodée, avec galon et frange en or », atteint le prix de 483 livres 1 sol. Deux « petites selles d’enfant » en velours sont vendues pour quelques livres.

Une « superbe housse en velours bleu richement brodée et à franges d’or » est adjugée pour 1, 042 livres, « à charge de faire disparaître les signes de la féodalité ». Deux autres sont vendues 1, 200 livres chacune. Une « housse de pied en velours cramoisi richement brodée et garnie d’une frange d’or » est adjugée pour 465 livres. Une autre « en velours vert avec broderie et frange d’or » est vendue 419 livres 17 sols.

Les croupelins, pour la plupart en velours cramoisi avec broderie et frange d’or, se vendent relativement assez cher. L’un d’eux, « en velours cramoisi avec broderie très riche et frange à torsades en or », est vendu pour 594 livres.

Les caparaçons sont presque tous en drap bleu brodé d’or et d’argent. La moyenne de leur prix est d’environ 40 livres.

Un « attelage à huit complet, garni de brides, mors, guides, à fontes dorées et glands d’or fin », est adjugé pour 912 livres. Trois autres attelages à huit atteignent les prix de 915 livres, 920 livres, 951 livres.

Quant aux émouchoirs ou chasse-mouches, les plus beaux semblent avoir été envoyés aux états-majors de l’armée ; ceux qui restent ont peu de valeur : ils sont en soie cramoisie ou en « fil jaspé ».

Deux fouets « à viroles d’or » sont vendus 450 livres ; un fouet « à virole d’or, cordon et glands d’or », est payé 180 livres.

On vend à vil prix les harnais de mulets garnis de grelots, les quatre-vingt-six mors de brides de deuil, les vaches d’impériale de voiture destinées aux bagages, les fouets aux viroles dorées et argentées, les bottes fortes des postillons, les boîtes de chaises à porteurs, les paniers de cantine, les chaperons de fonte de pistolets, les porte-crosse, les lots de harnais ou de morceaux de harnais, un vieux cheval de bois payé 10 livres.

La vente de tous les objets provenant des Grandes et Petites-Écuries produisit environ 212, 000 livres. Payée en assignats, cette somme était loin de représenter la véritable valeur des objets vendus.

Pendant le premier Empire et la Restauration, les Grandes et Petites-Écuries revinrent à leur destination première. Elles furent successivement Écuries impériales et Écuries royales. Puis, différentes destinations leur furent données jusque vers le milieu du siècle dernier, époque depuis laquelle elles n’ont plus cessé d’appartenir à l’Administration de la Guerre.

Georges Moussoir.



SOURCES

Archives départementales de Seine-et-Oise : Série L 1r et Série Q (passim). — Archives départementales de Seine-et-Oise : Bibliothèque historique. — Archives municipales de Versailles. — Almanack de Versailles pour l’année 1789.