Les Amours du Saint-Pere/03

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Au Vatican, par ordre exprès du Saint-Pontife, l’an dernier du regne de la papauté [1797] (p. 17-27).

CONFÈRENCE SECONDE.

LE PAPE, à Louis XIV, roi de Treffle.

Qu’hommage soit rendu à Louis-le-grand, à ce vaillant roi de France, l’honneur des potentats de l’Europe.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Osez-vous me parler de cette manière, vieux juif, vous me nommez potentat de l’Europe, Ah ! que n’avez-vous quité votre Vatican, vos dignités romaines, votre thiare et vos momeries religieuses, pour faire un tour à Paris, vous y eussiez vu les statues de ce Louis-le-grand, de ce vaillant roi de France, ensevelies dans la boue et foulées aux pieds par la multitude, abhorrant jusqu’au souvenir de mon existence passée, et exécrant mon ambition.

LE PAPE.

Et Dieu ne foudroya pas cette populace aveugle et insensée ? Laissez-moi faire, mes bons amis, Maury, Bernis, Rohan, vont me dresser un bref que j’enverrai à ce peuple farouche.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Qui n’en fera usage que pour aller à la garde-robe ; croyez-moi, vieux pontife, ce peuple fut trop vexé et par vous, ministres détestables de la religion, et par nous, tyrans oppresseurs ; vous êtes en enfer, tenez-vous-y, car sur terre et notamment à Paris, si l’on vous tenoit et qu’on ne vous déguisat pas en Saint-Jean-Baptiste, en Saint-Denis, ou en Louis Capet, par le ministère de l’exécuteur des hautes-œuvres, il pourroit au moins vous en coûter les testicules ou les oreilles.

LE PAPE.

Y Pensez-vous, moi l’apôtre de Dieu.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Dites donc le disciple du Diable. Tenez ridicule patron, je vous le répète, les papes et les rois furent de tout temps adultères, incestueux et assassins ; et pour vous en convaincre, écoutez-moi, et une fois en votre vie rendez hommage à la vérité même.

LE RÊVE D’ADAM,

Conte sacré et profane.

Adam comme on le sait, fut notre premier père,
Pour ses menus plaisirs, Dieu l’envoya sur terre,
Et vous le plaça seul pour remplir son destin,
Dans un lieu où l’ennui, du soir jusqu’au matin,
Maîtrisoit sans quartier ce modèle des hommes,
Et lui, pour se distraire, examinoit des pommes,
Plantées en cet endroit sans qu’on sût trop pourquoi ;
Mais ainsi l’éternel en avoit fait la loi :
On dit qu’avec le diable il avoit fait gageure,
Que l’homme restant pur en cette conjoncture,
Se défieroit de lui, noir esprit tantateur,
Mais on sait le succès du démon séducteur,
Qui ne vit rien de plus propice qu’une femme,
Pour s’emparer bientôt et du corps et de l’ame
D’Adam ce bon humain, pour rire du bon Dieu,
Et nous faire griller en commun dans ce lieu.
Eve étoit, on le dit, aimable créature,
De ces pinceaux, Milton en traçant sa figure,
S’échauffe par dégrés et sur différens tons,
Dépeint son cul, sa motte, et ses reins, ses tetons,

Le souris enchanteur de sa bouche folâtre,
Ses fesses rebondies et sa croupe d’albâtre,
S’arrêtant à son con, il frémit de plaisir,
Sa main quitte la plume, et le plus chaud désir
Animant tous ses sens, il se branle et se pame,
En l’honneur des appas de la première femme.
Le bon Adam, docile aux loix de l’éternel,
Contemplant sa compagne, levoit les yeux au ciel,
Murmuroit de dépit, l’accusoit d’injustice,
Et disoit à part lui, quel est donc ce caprice ?
Cette femme est à moi et je n’en puis jouir,
Homme trop malheureux, je n’ai plus qu’à mourir.
Le diable dans un coin, pour surcroit de malice,
D’Eve se reposant présentoit la matrice,
Sa gorge, tour-à-tour, se haussoit, s’abaissoit
Aux élans des soupirs qu’en secret elle poussoit ;
C’étoit-là le moment de consommer l’ouvrage,
Et de mettre à profit son perfide langage,
Puis prenant d’un serpent la forme et le contour,
Il va réveiller Eve, en lui disant bonjour :
Tu sèches, pauvre femme, en ce lieu de délices,
Des fruits de cet endroit recueillant les prémices,
Toi seule méconnoit la route du plaisir,
Et Dieu pour s’amuser te condamne à languir.
Avare de ses dons, son injustice extrême,
À bien su te priver d’une faveur suprême,
C’est le plaisir de foutre, plaisir digne des dieux,
Connu par les élus au séjour des heureux,

En suivant mes conseils, jouissez de la vie,
Je veux en ce moment que votre ame ravie,
Éprouve les transports de la félicité,
Et se mette au niveau de la divinité.
Ainsi parla Satan, Eve mangea la pomme,
Foutit conséquemment avec Adam son homme ;
Son vit se dérouilla en cet instant fatal,
Il connut en foutant et le bien et le mal,
Le plaisir, le chagrin, le forfait, le mensonge,
Et Dieu pour le punir lui envoya ce songe,
Qui bien lui retraça de sa postérité,
Le tableau trop réel et point du tout flatté ;
De Caïn et d’Abel il découvrit la race,
Des bons et des méchans il atteignit la trace,
Caïn donna naissance aux papes et aux rois,
Abel forma les hommes organes de nos loix,
Les tyrans assassins, les prêtres sacrilèges,
Les fourbes déréglés de ces sacrés collèges,
Enfin ces scélérats qui tiennent l’encensoir,
Du premier fils d’Adam, enfans du désespoir,
Sur terre n’ont régné qu’à force de bassesses,
Ainsi donc scélérat vantes-nous tes prouesses.


LE PAPE.

Ce que vous dites est un peu fort, et c’est mal reconnoître les services que mes prédécesseurs vous ont rendu.

LOUIS XIV, roi de Treffle

Tes prédécesseurs, monstre, oses-tu bien en parler ; ils n’ont jamais su qu’égarer les hommes, les corrompre et en former des brigands et des meurtriers ; oui, à remonter au premier d’entre vous, qui se chaussa des saintes sandales. Saint Pierre, en un mot, dont vous vous énorgueillissez d’être les successeurs, je ne vois dans l’assemblage des ministres de la catholicité, que des scélérats, des fourbes, des parricides, des débauchés et des infâmes, indignes du nom d’homme : ah ! quelle réforme il y auroit à faire au paradis, si Dieu vouloit cesser d’exister en mauvaise compagnie.

LA VALLIERE, hypocritement

Ô Jésus ! mort sur la croix, fermez les oreilles à ces blasphêmes.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Taisez-vous bégueule, et ne faites pas tant la mijaurée, personne en votre siècle ne fut la dupe de votre dévotion, comme ma très-chère petite-fille, ce n’est que fatiguée d’avoir fait la putain sur la terre, que vous avez été ensevelir votre conasse méprisée au nombre de celles des Carmelites. Si je n’avois cessé de vous foutre, vous seriez morte sous moi ; la rage s’est emparée de vos sens, et vous avez été foutrailler avec des moines, voilà pourquoi ces gueux-là se sont empressés de faire votre éloge.

LA VALLIERE.

Ô prophête Elie ! ô Saint Bruno, fermez les yeux et priez pour moi ; préservez ma pudeur.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Ah ! oui, je vous le conseille, voilà encore de beaux jean foutre, pour réclamer leur intercession. Tenez putain convertie, plutôt par tempéramment que par sagesse, voilà ce que je pense de tous vos moines, de vos saints papes, et d’une partie de la légende.

COUPLETS ÉDIFIANS.

Saint Antoine aussi son cochon,
Sont de la même race,

L’un sous son sale capuchon,
Du vice aimant la trace,
Car au défaut d’une fanchon,
La faridondaine, la faridondon,
Ce bon saint se branloit le vit,
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami

Saint Clément pape, dans son lit
Marmotant ses bredouilles,
Par un jeune profès séduit,
Faisoit tâter ses couilles,
C’étoit sa plus chère oraison,
La faridondaine, la faridondon,
Il amusoit ainsi son vit,
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami.

Pour Saint Louis ce pauvre roi,
Dont on chome la fête,
Du Paradis suivant la loi,
Ce fut un saint Jean bête,
De Blanche dédaignant le con,
La faridondaine, la faridondon,

Jamais il n’y posa son vit,
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami.

Pourrai-je en étant bien en train,
Oublier Saint Ignace,
Ce moine assassin, ce vilain,
Ainsi que Saint Pancrace,
Lesquels en faisant fi d’un con,
La faridondaine, la faridondon,
Dans un cul vous campoient leur vit,
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami.

Que dira-t-on de Saint Simon,
Ce grand et digne apôtre,
Qui quand il approchoit un con,
Déchargeoit comme un autre,
Aussi foutit-il Madelon,
La faridondaine, la faridondon,
Car cette sainte aimoit le vit
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami.


LE PAPE.

Quel horreur ! si ton ame n’étoit dépouillée de son envelope terrestre, un poignard me feroit raison de tes profanes chansons.

LOUIS XIV, roi de Treffle.

Et ta rage effrenée, combleroit la mesure de tes exécrables forfaits, mais le dernier meurtre que tu viens de commettre, a mis des bornes à ta sainte fureur, trembles barbare, trembles, l’ombre de Baseville est en ces lieux.

LE PAPE.

Dieux ! grands Dieux ! où fuir pour me cacher,

(Il se sauve.)

LOUIS XIV, roi de Treffle, à la Maintenon.

Laissons-le s’échapper (à la Valiere), venez sainte Nitouche,
Coller en ce moment vos levres sur ma bouche,
Un souvenir heureux me raproche de vous,
Et de mon vit je vais vous présenter les coups,
Proffitez, croyez-moi, de cette rare offrande,
Peut-on la refuser quand c’est un roi qui bande.

LA MONTESPAN.

Ce vit, mon cher amant, est bien triste aujourd’hui,
Tout con bien affamé, n’a que faire de lui,

Surtout quand il s’agit de foutre une dévote,
C’est à la Maintenon qu’il faut trousser la cotte.

LA MAINTENON.

Laissons-là ces propos, Louis quinze entre en ces lieux,
L’odeur qui le poursuit, me l’annonce bien mieux,
Que l’appareil trompeur de sa grandeur passée,
Et la gloire des rois pour toujours éclipsée.

(Ils sortent.)