Les Avadânas, contes et apologues indiens/58

La bibliothèque libre.
Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 204-206).


LVIII

LE RICHI VICTIME DE SA VUE DIVINE.

(De ceux qui ne voient que la superficie des choses.)


Il y avait un Richi qui s’était retiré sur une montagne pour tâcher d’acquérir l’intelligence (Bôdhi). Il avait obtenu les six facultés surnaturelles, et était doué d’une vue divine qui pénétrait partout. Il pouvait voir clairement toutes les choses précieuses que l’on avait cachées dans le sein de la terre. Quand le roi en eut été informé, il fut ravi de joie et dit à ses ministres : « Comment faire pour que cet homme reste constamment dans mon royaume et n’aille pas ailleurs, et que mon trésor s’enrichisse d’une multitude de choses précieuses ? »

Un des ministres, dont l’esprit était fort borné, alla sur-le-champ trouver ce Richi, et lui arracha les deux yeux, puis il les apporta au roi et lui dit : « Comme je lui ai arraché les yeux, il ne pourra plus s’en aller et restera constamment dans ce royaume. »

Le roi lui dit : « Si j’ai désiré vivement que ce Richi restât dans mon royaume, c’était parce qu’il pouvait voir tous les trésors cachés au fond de la terre. Maintenant que vous lui avez arraché les yeux, qu’ai-je encore besoin de le faire rester ? »

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Pe-yu-king, ou du Livre des cent comparaisons.)