Les Chants du bivouac/À la Française !
À LA FRANÇAISE !
Il s’appelait de Kergolan,
N’admettait que le Drapeau blanc
Tant il était Légitimiste.
11 l’était comme ses Aïeux ;
Fier et têtu, pauvre comme eux
Et, comme eux aussi, fataliste !
Portait l’habit des anciens jours
Et mettait le même toujours,
Hiver, été, printemps, automne ;
Vint à Paris en bragou-braz[2]
Appuyé sur un grand penn-baz[3] :
À la Bretonne !
Cavalier souple aux clairs regards,
Il s’enrôla dans les Hussards
Dont il fut bientôt capitaine…
Devint la terreur des époux :
Eut deux, trois, quatre rendez-vous
Et puis les compta par douzaine ;
De tous les cœurs fut triomphant :
Du farouche qui se défend
Et du craintif qui se hasarde ;
Hop là ! tous ne faisaient qu’un saut :
Il vous les emportait d’assaut :
À la Houzarde !
Mais voilà qu’au dernier mois d’Août
L’orage éclatant tout à coup
De Kergolan part à la Guerre.
Il s’y bat gaîment, sans souci :
La Mort est une femme aussi
Le beau Breton ne la craint guère !
Or, au matin de Charleroi,
Nous ayant crié : « Suivez-moi ! »
Il s’élança dans la fournaise :
Y mourut parmi ses sabreurs
En embrassant les Trois Couleurs :
À la Française !