Les Conséquences politiques de la paix/00

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Nouvelle librairie nationale (p. vii-viii).


AVANT-PROPOS



Ce n’est pas parce qu’un auteur anglais a écrit les Conséquences économiques de la paix que nous avons composé cet ouvrage. Ce livre n’est pas une réponse à Keynes. On le verra tout de suite. Nous voulons marquer seulement, à l’introduction de ces pages, un contraste singulier.

Après une guerre qui a mis en jeu les forces et les ressorts des principaux États du monde, l’idée même de politique est tombée dans le discrédit. Peut-être faisait-elle mal à la tête ? Il est vrai que jamais matière aussi vaste et aussi confuse ne s’était offerte à des conducteurs de peuples chargés d’établir une grande paix. Raison de plus pour réfléchir et pour prévoir beaucoup. Le calcul pouvait être fatigant. Faute de calcul, une part énorme de l’avenir a été livrée à l’inconnu et au hasard, une part qui dépasse à l’excès les limites que rencontrent les intelligences les plus profondes lorsqu’elles s’appliquent à diriger le cours des grandes affaires.

Dans un siècle où l’on croyait au progrès indéfini de l’esprit humain, Fontenelle avait dit : « Il est certain, et les peuples s’en convaincront de plus en plus, que le monde politique, aussi bien que le physique, se règle par nombre, poids et mesure ». Pauvres peuples ! Tout s’est fait en leur nom et ils n’ont plus qu’à subir. À quel moment ont-ils vu que la paix violait les lois de la phy­sique ? Mais le nombre, le poids et la mesure ne se négligent pas impunément. Et les peuples ne comprendront même pas pourquoi ils auront encore à payer un jour.

J. B.