Les Démoniaques dans l’art/p91

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LES « DÉMONIAQUES CONVULSIONNAIRES » D’AUJOURD’HUI


Pour clore cette Étude sur les représentations des anciens démoniaques, il nous paraît utile de mettre sous les yeux du lecteur une description sommaire de la grande névrose telle que nous l’observons aujourd’hui, et plus particulièrement de la grande attaque convulsive qui est une de ses principales manifestations.

Il ne faudrait pas conclure, tant s’en faut, de ce rapprochement que l’hystérie ait été le seul état morbide dissimulé dans les cas de possession ; on y retrouve d’autres névroses, telles que l’aliénation mentale sous ses diverses formes (démonopathie), l’épilepsie, l’hypochondrie, etc. Mais il n’en est pas moins vrai que de toutes les affections nerveuses, l’hystérie est celle qui dans l’espèce parait avoir joué presque toujours le rôle le plus considérable et que les agitations et contorsions des anciens démoniaques représentés par les artistes ont été empruntées à la symptomatologie de l’hystérie.

De récentes études nous ont permis de donner de la grande attaque hystérique une description méthodique en la subdivisant en plusieurs phases et périodes nettement caractérisées. Nous avons démontré l’existence d’une règle fixe et immuable, là où les auteurs n’avaient vu jusqu’ici que désordre et confusion. Autour d’un type qui représente l’attaque hystérique dans son entier et complet développement, nous avons groupé les variétés résultant de la prédominance ou de l’atténuation de l’une ou de plusieurs des périodes qui la composent. Parmi ces variétés il en est une qui mérite plus particulièrement d’attirer ici notre attention. Nous y trouverons les modernes « possédés », et nous n’avons pu trouver de plus juste dénomination pour la désigner que celle d’attaque démoniaque.

Il est parfaitement démontré aujourd’hui, par des observations dont le nombre augmente chaque jour, que l’hystérie n’est point spéciale au sexe féminin. Les jeunes garçons, les hommes de tout âge, et parmi eux des ouvriers, des manœuvres dont la nature intellectuelle est bornée, et dont l’extérieur n’a rien d’efféminé, peuvent devenir la proie de la grande névrose. Les plus grandes ressemblances existent entre les symptômes dans l’un et l’autre sexe. Nous signalerons chemin faisant quelques différences de détail.

Notre description sera aussi succincte que possible, nous y introduirons pour plus de clarté et de facilité un certain nombre des figures qui illustrent Touvrage spécial de l’un de nous sur la question.


PÉRIODE ÉPILEPTOÏDE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Représentation des grands mouvements de la phase tonique.

L’attaque hystérique complète et régulière se compose de quatre périodes ; elle est précédée le plus souvent de signes précurseurs qui permettent aux malades de prévoir le moment où ils vont tomber en état de crise.

Ces prodromes apparaissent quelquefois plusieurs jours à l’avance. La malade, quand c’est une femme est prise de malaises, d’inappétence, parfois de vomissements. Elle devient taciturne, mélancolique ou au contraire est en proie à une surexcitation extrême.


PÉRIODE ÉPILEPTOÏDE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Phase tonique. Variété des grands mouvements toniques. La malade se trouve ramassée en boule et fait tour complet sur elle-même.

Les hallucinations de la vue sont fréquentes ; elles consistent surtout en des visions d’animaux, des chats, des rats, des vipères, des corbeaux, etc.. On voit parfois survenir des crampes, du tremblement limité à un membre ou des secousses de tout le corps accompagnées de vertige. Bientôt se montrent les phénomènes douloureux de l’aura hystérique qui précèdent immédiatement l’attaque et qui apparaissent en général dans l’ordre suivant : douleur ovarienne,


PÉRIODE ÉPILEPTOÏDE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Phase tonique. Attitude tétanique.


PÉRIODE ÉPILEPTOÏDE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Phase de résolution.


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contortion. — Arc de cercle.

irradiations vers l’épigastre, palpitations cardiaques, sensation de globe hystérique au cou,

sifflements d’oreille, sensation de coups de marteau dans la région temporale, obnubilatioa de la vue. Puis la perte de connaissance marque le début de l’attaque qui se déroule ainsi qu’il suit :


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsion. Arc de cercle (chez l’homme [1]).

le Période épileptoïde. — Cette période ressemble à s’y méprendre à l’attaque d’épilepsie vraie : convulsions toniques, cloniques, puis stertor. Il y a donc lieu de la subdiviser en trois phases : la phase tonique, la phase clonique et la phase de résolution.


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Variété de l’arc de cercle.

La phase tonique débute le plus souvent par quelques mouvements de circumduction des membres supérieurs et inférieurs en même temps que surviennent la perte de connaissance, l’arrêt momentané de la respiration, la pâleur puis la rougeur du visage, le gonflement du cou, la convulsion en haut des globes oculaires, la distorsion de la face et quelquefois la protrusion de la langue. Cette phase tonique se termine par l’immobilisation tétanique de tout le corps dans une attitude dont la plus fréquente est l’extension du tronc et des membres, mais qui peut varier. L’écume se montre aux lèvres.

Puis on voit bientôt les membres roidis être animés d’oscillations brèves et rapides dont l’amplitude augmente par degrés et qui se terminent par de grandes secousses généralisées ; c’est


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsion. — Variété de l’arc de cercle.


la phase clonique. Les muscles de la face animés des mêmes mouvements rendent la physionomie horriblement grimaçante.

Enfin les mouvements s’apaisent, et la phase de résolution commence, pendant laquelle la face demeure bouffie et souillée d’écume, les yeux sont fermés, et tous les muscles dans la résolution la plus complète. En même temps la respiration devient stertoreuse.

Cette première partie du drame, qui constitue l’attaque de grande hystérie, s’est déroulée dans


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsion (chez l’homme).


un espace de temps assez court. Les deux premières phases ne durent pas au delà d’une minute ; la phase de résolution se prolonge parfois deux ou trois minutes.

2e Période des contorsions et des grands mouvements ou période de clownisme. — Après un moment de calme assez court qui suit le stertor, la seconde période commence. Elle est constituée par deux ordres de phénomènes distincts : les contorsions et les grands mouvements, qui par des procédés différents répondent à un même principe dominant toute cette période et cherchant un même résultat, celui d’une dépense exagérée de force musculaire. Il n’est pas trop


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Variété de la contorsion (chez l’homme).


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Grands mouvements. Salutations.

de dire que les malades se livrent alors à de véritables tours de force, et le nom de clownisme par

lequel nous la désignons également nous semble pleinement légitimé.

Pendant les diverses phases de cette période les malades montrent une souplesse, une agilité, une force musculaire bien faite pour étonner le spectateur et souvent, chez la femme, en opposition complète avec les apparences chétives du sujet. Ces phénomènes avaient vivement frappé les premiers observateurs témoins des agitations des possédés, et nous trouvons, dans le Rituel des exorcismes[2] qu’un des signes de la possession démoniaque consistait dans le développement des forces physiques supérieures à l’âge et au sexe de la personne chez laquelle elles se manifestent. Chez les hommes cette période arrive parfois à un degré de violence qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer.


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Cris de rage.

Les contorsions consistent en des attitudes étranges, imprévues, invraisemblables. Parmi ces attitudes que nous avons également qualifiées d’illogiques, pour les distinguer des attitudes de la troisième période dont il sera question tout à l’heure {attitudes passionnelles) qui sont toujours la représentation d’une idée ou d’un sentiment, il en est une pour laquelle les malades semblent avoir une préférence marquée ; elle se reproduit aussi bien chez les hommes que chez les femmes et à peu près de la même façon ; elle mérite le nom d’arc de cercle. Le malade est fortement courbé en arrière, les pieds et la tête reposent seuls sur le lit, le ventre parfois météorisé formant le sommet de la courbe. L’arc de cercle varie d’aspect suivant que le sujet, au lieu de se soutenir sur le dos et les pieds, porte sur les côtés du corps ou seulement sur un point du ventre.


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Grands mouvements. — Variété remarcable par l’étendue du mouvement ; la malade passe successivement par trois positions figées ci-contre.


Enfin la contorsion peut immobiliser le patient dans les attitudes les plus variées. Si nous devions à ce sujet marquer une différence entre les deux sexes, nous dirions que chez les hommes


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Expression et geste de la rage.


les altitudes d’extension prédominent, pendant que chez les femmes ce sont les attitudes de flexion.


PÉRIODE DE CLOWNISME DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Attitude de supplication.

Les grands mouvements consistent le plus souvent en des oscillations rapides et étendues de toute une partie du tronc ou des membres seulement. Le plus fréquent des grands mouvements est celui-ci : le malade se redresse comme pour se mettre sur son séant ; la tête s’abaisse jusqu’au niveau des genoux, puis elle se renverse brusquement en arrière en heurtant violemment l’oreiller.


PÉRIODE DES ATTITUDES PASSIONNELLES DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Attitude d’attente extatique.

Ce mouvement se répète un grand nombre de fois de suite, simulant une série de salutations exagérées. Ces grands mouvements revêtent parfois un caractère particulièrement acrobatique ;


PÉRIODE DES ATTITUDES PASSIONNELLES DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Attitude de crucifiement.

ce sont des culbutes, des sauts de carpe, etc. Mais ils ont toujours ce caractère de se répéter un certain nombre de fois de suite. Ils sont souvent précédés ou interrompus par des cris automatiques, dont le timbre perçant^rappelle le sifflet du chemin de fer.

Enfin d’autres fois aucun rhythme ne préside à ces grands mouvements. Ils sont complètement désordonnés. Le malade semble lutter contre un être imaginaire, il cherche à rompre les


PÉRIODE TERMINALE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contration généralisée.


liens qui les retiennent. C’est une véritable crise de rage contre lui-même ou contre les autres ; ce sont des cris sauvages, des hurlements de bête fauve. Il cherche à mordre et à frapper.


PÉRIODE TERMINALE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contration généralisée.

Il met en pièces tout ce qu’il peut atteindre, les draps, les vêtements ; les femmes s’arrachent les cheveux à pleines mains.

Dans un cas rapporté par M. Bourneville et Dauge, un garçon de treize ans tordait les barreaux du lit, les rampes d’escalier, il soulevait un lit monté et le jetait sur un autre. L’exagération et la prédominance de cette période constituent la variété démoniaque de la grande attaque hystérique.

3e Période des attitudes passionnelles. — L’hallucination préside manifestement à cette troisième période. Le malade entre lui-même en scène et par la mimique expressive et animée à laquelle il se livre, les phrases entrecoupées qui lui échappent, il est facile de suivre toutes les péripéties du drame auquel il croit assister et où il joue le principal rôle. Lorsque c’est une femme deux ordres d’idées bien différents se partagent ordinairement les hallucinations ; ce tableau a deux faces, l’une gaie, l’autre triste.

Dans l’ordre gai, la malade se croit par exemple transportée dans un jardin magnifique, sorte d’Éden, où souvent les fleurs sont rouges et les habitants vêtus de rouge. On y joue de la musique. La malade y rencontre l’objet de ses rêves ou de ses affections antérieures et les scènes d’amour suivent quelquefois. Mais cette partie érotique manque souvent et dans tous les cas ne joue, ainsi qu’on le voit, qu’un rôle absolument secondaire au milieu des manifestations si nombreuses et si variées qui constituent la grande attaque hystérique. — Les tableaux tristes sont des incendies, la guerre, les révolutions, des assassinats, etc., presque toujours il y a du sang répandu.

Chez les hommes, ces visions lugubres et terrifiantes occupent presque à elles seules toute la troisième période. Les hallucinations gaies sont pour ainsi dire exceptionnelles.

4e Période terminale. — Après la période des attitudes passionnelles ou poses plastiques, on peut dire, à proprement parler, que l’attaque est terminée. La connaissance est revenue, mais en partie seulement, et pendant un certain temps la malade demeure en proie à un délire dont le caractère varie ; il est entrecoupé d’hallucinations et accompagné parfois de quelques troubles du mouvement. Ce délire constitue une quatrième période par laquelle passe la malade avant de retrouver son équilibre normal. C’est comme un reste de l’attaque qui s’épuise, et les accidents qui se présentent alors sont justement comparables et, parfois même, identiques à ceux qui précèdent l’attaque et lui servent en quelque sorte de prélude.

Parmi les troubles du mouvement que l’on peut alors observer nous signalerons des contractures généralisées fort douloureuses, et imprimant aux membres les positions les plus étranges. Les malades qui ont alors repris connaissance, en partie du moins, ne peuvent s’opposer aux sortes de crampes qui tordent leurs membres sur lesquels leur volonté n’a plus aucune prise. Comment ne pas croire qu’un mauvais génie les torture. Elles poussent alors des cris arrachés inconsciemment par la douleur, et offrent le tableau le plus mouvementé et le plus lamentable. L’attaque régulière, l’attaque type, ainsi composée de ses quatre périodes, emplit une durée moyenne de un quart d’heure ; mais elle peut se répéter pour constituer des séries d’attaques dont le nombre varie de vingt à deux cents et plus. Il se produit alors une sorte d’état de mal qui peut se prolonger plusieurs heures et même au delà d’une journée.

Ainsi que nous l’avons déjà dit, diverses variétés de l’attaque hystérique découlent logiquement du type que nous venons de décrire, soit par l’isolement d’une période, soit simplement par son exagération avec atténuation des autres. C’est ainsi que la première période donnera naissance à la variété épileptoïde, la deuxième à la variété démoniaque, la troisième à la variété extatique et la quatrième à la variété délirante.

Nous dirons quelques mots ici de la variété démoniaque. Les différentes périodes décrites plus haut s’y trouvent modifiées de la façon suivante.

Première période. — Dans ces sortes d’attaques, la période épileptoïde est toujours facilement reconnaissable. Elle n’évolue pas régulièrement, elle est modifiée par la prédominence de la contracture, ou amoindrie par la suppression de quelqu’une de ses phases. Mais les phénomènes


VARIÉTÉ DÉMONIAQUE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsions.


épileptoïdes sont assez nettement caractérisés, pour qu’il soit impossible de les méconnaître.

Le plus souvent la période épileptoïde est représentée ainsi qu’il suit. Les grands mouvements toniques du début sont exagérés, les bras, les jambes et tout le corps se contournent étrangement. La respiration est suspendue, la gorge gonflée ; la face, congestionnée et bouffie, est affreusement grimaçante, les yeux convulsés ne laissent voir que le blanc de la sclérotique ; la bouche est ouverte et la langue sortie. Le tétanisme survient dans les attitudes les plus bizarres, et le clonisme est marqué par le battement des paupières, l’ondulation du ventre et un tremblement partiel, limité à un côté du corps ou généralisé. La respiration reprend péniblement, elle est sifflante et entrecoupée de hoquets. Il y a des bruits pharyngiens, des mouvements de déglutition bruyants. L’écume apparaît certaines fois.

Quelques inspirations ronflantes représentent le stertor, mais la résolution musculaire ne survient pas, les membres demeurent contractures en diverses situations, et la phase épileptoïde semble se confondre avec la période des contorsions qui la suit.

Deuxième période. — Les contorsions sont ici dans leur plus large développement. Les figures représentées ci-contre en donnent une idée. Les membres contractures dans l’extension s’élèvent perpendiculairement au lit, ils s’entrecroisent souvent par une adduction forcée ; les jambes, parfois fléchies, se croisent diversement ; les bras se contournent et se placent derrière le dos ; les mains ont une attitude à peu près constante, le poignet est fléchi fortement, les trois premiers doigts, pouce, index et médius, étendus et écartés, les deux derniers fléchis. Enfin


VARIÉTÉ DÉMONIAQUE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsions.


tout le corps se contorsionne d’une façon qui échappe à toute description. La face revêt alors le masque de l’effroi ou de la colère ; les yeux démesurément ouverts, la bouche tiraillée en divers sens ou bien ouverte, la langue pendante.

Les grands mouvements s’exécutent avec une violence épouvantable. La malade cherche à se mordre et à se déchirer la figure ou la poitrine, elle s’arrache les cheveux, se frappe violemment, pousse d’affreux cris de douleur ou des hurlements de bête féroce. Elle se démène comme une forcenée ; une de nos malades la nommée Ler…, dans ces attaques, ne peut conserver aucun vêtement, et a bientôt mis tout en pièces. Elle se donne avec le poing des coups si violents, qu’on est obligé d’interposer un coussin pour amortir le choc : elle secoue la tête, cherche à mordre, saisit une compresse qu’on lui présente et l’agite violemment avec de sourds grognements de rage.

Troisième période. — Les attitudes passionnelles n’existent pas à proprement parler. L’hallucination peut survenir, mais la contracture qui persiste souvent gêne les mouvements de la malade. On la voit sourire, appeler un être imaginaire ou lui faire la grimace, lui cracher au visage pendant que ses membres sont diversement immobilisés par la contraction musculaire. Mais cette phase est courte en général et manque parfois complètement.

Quatrième période. — Alors la malade revient à elle, mais la contracture ne disparaît pas ; des crampes contournent ses membres et lui arrachent des cris de douleur déchirants ; elle supplie les assistants de la soulager.


VARIÉTÉ DÉMONIAQUE DE LA GRANDE ATTAQUE HYSTÉRIQUE
Contorsions.

En résumé, on voit que ces sortes d’attaques sont particulièrement caractérisées par’la prédominance de la contracture douloureuse, par le développement des attitudes illogiques ou contorsions, qui leur donne l’aspect effrayant des anciens possédés ; enfin par la persistance de la douleur, dont l’acuité ramène promptement la connaissance, et en arrachant des cris affreux à la malade, imprime à toute l’attaque un cachet de souffrance tellement horrible que les assistants, même les plus habitués, ne peuvent se défendre d’une pénible émotion.

La description qui précède s’applique surtout aux malades que nous avons eues sous les yeux, elle est en quelque sorte le résumé des observations prises à leur lit, et peut être considérée comme l’expression la plus complète de la variété de la grande attaque que nous étudions ici.

Mais l’attaque de contorsion n’existe pas toujours avec ce degré de violence qui lui a mérité le nom d’attaque démoniaque. Les traits en peuvent être atténués. Dans les descriptions que nous ont laissé les témoins oculaires des convulsions des anciens

démoniaques, il est facile de retrouver la plupart des traits sur lesquels nous venons d’insister. Mais il ne faudrait pas croire que tous les possédés présentaient de semblables crises. Si ce sont elles surtout qui ont donné aux anciennes possessions démoniaques leur caractère particulièrement terrible et effrayant, elles ont été remplacées parfois par des crises moins tapageuses et qui n’en relevaient pas moins de la grande attaque hystérique. Nous ne saurions entrer ici dans de plus long détails à ce sujet. La question a d’ailleurs été étudiée par l’un de nous dans des notes historiques relatives aux possessions [3].

C’est ainsi que nous avons démontré que la grande hystérie jouait un grand rôle dans les anciennes possessions démoniaques et qu’on peut l’y retrouver sous les formes les plus variées, attaque épileptoïde, attaque de contorsion ou de grands mouvements, attaque d’extase, attaque de délire, attaque de léthargie, attaque de somnambulisme, attaque de catalepsie, etc, sans oublier la forme non convulsive caractérisée par les anesthésies, les hyperesthésies spéciales, les i paralysies, les contractures, etc., etc.

On comprendra que nous bornions ici notre description, notre intention ayant été seulement de rapprocher des œuvres d’art qui retracent les convulsions des anciens démoniaques, les crises hystériques qui s’en rapprochent le plus.

Néanmoins il est une autre variété de la grande attaque, qui à cause de son côté plastique et du rôle qu’elle a joué parfois dans les épidémies de possession, mérite d’attirer ici, ne serait-ce qu’un instant, notre attention. De même que nous voyons l’attitude passionnelle se mêler aux autres symptômes de la grande attaque, de même nous observons parfois l’extase revêtir des caractères hystériques indiscutables. Nous terminerons donc notre travail en disant quelques mots des attaques d’extases, des extatiques et de leur représentation dans les arts.

  1. Leçons de M. Charcot, Progrès médical, 1885.
  2. Cité par L. Figuier, Histoire du Merveilleux, page 29.
  3. Études cliniques sur la grande hystérie. Notes historiques, p. 798, 2e édition, par le Dr Paul Richer.