Les Derniers Adieux

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Les derniers Adieux.


Aux accens solennels des cloches ébranlées
Qui jettent dans les airs de funèbres volées,
Aux flots tumultueux de ce peuple empressé,
Apprenez que la mort a visité le trône,
Et sur un front qu’en vain protégeait la couronne
Vient de poser son doigt glacé.

Au fer de ces drapeaux inclinés vers la terre,
Au bruit de ces mousquets dont l’adieu militaire
Simule sur la tombe un reste de combat,
Dites : « Au lit d’honneur, au sein de la victoire,
» Un soldat est tombé dans l’orgueil de sa gloire :
 » Gloire à la cendre du soldat ! »

Un chant religieux de la colline antique
Descend-il jusqu’à vous, funéraire et rustique,
Mêlez vos chants aux chants des pâtres du hameau.
Car au dernier asile où reposent ses pères,
Un villageois porté dans les bras de ses frères
Va chercher un simple tombeau.

Aux marches de l’église, au feu mourant des cierges,
Voyez-vous ce cercueil qu’environnent des vierges
Que couvre un voile blanc jonché de blanches fleurs ?
Jeune et belle, au matin de sa belle journée,
Une vierge tomba ; la rose est moissonnée :
À la rose donnez des pleurs.


Parmi tous ces adieux que le trépas réclame,
Lequel plus doucement vient émouvoir votre ame ?
Est-ce le voile blanc, ou l’hymne villageois ?
Au brave qui n’est plus est-ce l’adieu des braves,
Ou les pleurs mensongers de ce troupeau d’esclaves
Qui suit la dépouille des rois ?


(Poésies inédites de M. Alexandre Dumas[1].)

  1. Les poésies de l’auteur de Stockholm et Fontainebleau vont paraître prochainement en 1 vol. in-8o, chez Charpentier, Palais-Royal.