Les Finances de la ville de Paris depuis la guerre

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Les Finances de la ville de Paris depuis la guerre
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 104 (p. 178-198).
LES FINANCES
DE LA VILLE DE PARIS

L’un des derniers préfets de la Seine, celui qu’emporta le coup de foudre de 1848, M. de Rambuteau, aimait à raconter qu’au moment où il quitta ses fonctions la comptabilité de la ville de Paris pouvait se réduire à des termes très simples : pas un sou de dettes, et dans les caisses 6 millions disponibles pour tout emploi dont l’urgence serait démontrée. « Cela ne s’est plus revu, » ajoutait-il avec une bonhomie qui ne manquait ni de finesse, ni d’amertume. En effet, cela ne s’est point revu, pas plus que le premier milliard du budget de l’état après 1830, auquel M. Thiers, quand ce milliard fut dépassé, adressait un salut ironique et un congé bien justifié. Le temps et les méthodes sont désormais tout autres. Viser à une balance en tout point régulière, maintenir les dépenses au niveau des recettes, c’est devenu trop élémentaire pour des raffinés comme nous, experts dans le maniement des chiffres, et qui, une fois à l’œuvre, en savent tirer si bien la quintessence. De là une habitude prise de dépenser plus qu’on n’a et de se mettre, en matière de finances, forcément ou volontairement, au régime des anticipations. C’est, depuis M. de Rambuteau ou depuis bientôt vingt-cinq ans, le cas de la ville de Paris.

Les circonstances, il est vrai, y ont amplement contribué. Nous avons eu, dans ce laps de temps, une révolution d’abord, puis une dictature, la république en 1848, l’empire en 1851, dont le passage a laissé dans la comptabilité municipale une double empreinte. Avec la république de 1848, on vit d’expédiens, le crédit souffre, l’impôt rend moins ; il y a chaque année insuffisance de ressources, et force est d’y pourvoir ; avec l’empire de 1851, les ressources, si abondantes qu’elles soient, ne peuvent suffire aux goûts de luxe et à l’esprit de dilapidation qui règnent. Comme des fils de famille arrivés inopinément à la fortune, on fait argent de tout. Dans l’un et l’autre régime, on a donc recours à l’emprunt sous deux formes et dans des proportions très inégales, pour des nécessités tant que dure la république, et, quand vint l’empire, pour des prodigalités. Ces prodigalités, notre génération en a été témoin et complice. Qui ne se souvient de ces heures de vertige, durement expiées ! Paris n’était plus alors qu’un chantier ; partout, sous la pioche des démolisseurs, s’ouvraient de larges trouées, converties presque à vue d’œil en avenues monumentales. Les projets d’écoles ne foisonnaient pas comme aujourd’hui ; en revanche que de parcs et de squares ouverts aux ébats populaires, et tous achevés avec leurs eaux et leur verdure ! Que de boulevards improvisés ! Que d’arbres transplantés à grands frais ! C’était de la féerie, mais c’était en même temps le retour de la dette que M. de Rambuteau avait vue s’éteindre, et qui reparaissait dans des termes plus onéreux que jamais malgré les déguisemens dont on s’efforçait de la couvrir.

Voilà où nous en sommes, et où nous ont conduits ces défis insensés jetés à la fortune. L’expiation a suivi de près l’enivrement ; aux prospérités artificielles ont succédé les ruines encore fumantes de la guerre étrangère et de la guerre civile. Le temps est donc venu de se recueillir et de compter strictement ce qu’ont coûté à la ville de Paris deux années calamiteuses. L’inventaire est assez triste. L’épargne publique, là où elle subsistait, a disparu ; les épargnes privées ont été profondément entamées ; il y a eu, dans l’ensemble des services, accroissement des charges et diminution de revenus, double cause de mécompte, et, pour comble, ces dommages essuyés coup sur coup ont notablement empiré par une contribution de guerre de 200 millions frappée sur la caisse municipale. Telle est la liquidation qui reste à faire et dont un projet de loi a saisi l’assemblée nationale.


I

Cette contribution de guerre avait été empruntée d’urgence à la Banque de France, qui aujourd’hui en est intégralement remboursée ; à son tour, la ville de Paris en a poursuivi le recouvrement des mains de l’état, comme droit d’abord, puis comme condition essentielle du rétablissement de ses finances. Le droit était des plus clairs, il résultait des termes mêmes auxquels avait été souscrite la contribution de guerre et des circonstances qui l’avaient accompagnée. Rien n’y indiquait un acte spontané et direct, un engagement municipal ; c’était une convention conclue le 28 janvier 1871 entre le gouvernement de la défense nationale et le gouvernement allemand, où la somme exigible servait de gage et de prélude à l’armistice général qui devait s’étendre à la France entière. En vain aurait-on objecté que la ville de Paris avait exécuté la convention, et qu’en l’exécutant elle avait ratifié l’engagement pris en son nom. Ce n’est pas la ville de Paris, c’est le gouvernement de la défense nationale qui, empruntant le nom de la ville de Paris, a exécuté l’article 11 de la convention, et il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler quelle était à cette époque l’administration de la ville de Paris.

La commission qui, sous l’empire, faisait fonction de conseil municipal avait été dissoute par la force des choses quand tomba le régime impérial ; trois jours après le 4 septembre 1870, M. Etienne Arago était nommé maire de Paris, et administrait sans conseil jusqu’au mois de novembre, où le gouvernement de la défense nationale, par un scrupule tardif, s’avisa qu’une mairie centrale ne pouvait relever que d’un titulaire pris dans ses rangs, tant que dureraient les conditions exceptionnelles du siège. A raison de ce motif et à ce titre, il nomma alors M. Jules Ferry, membre du gouvernement, administrateur délégué de la ville de Paris. N’était-ce pas témoigner ouvertement qu’entre le gouvernement et la ville la partie était étroitement liée, et que leurs intérêts se confondaient ? La ville n’avait ni une représentation particulière ni un agent distinct ; le gouvernement stipulait seul pour elle, et au su de tout le monde disposait de ses fonds et occupait ses locaux.

Le droit était donc fondé ; le besoin ne l’était pas moins, et il y avait lieu d’en fixer l’étendue comme base d’une transaction éventuelle. C’est ce que fit le nouveau préfet de la Seine, M. Léon Say, dès son entrée en fonctions. Avec une grande promptitude de coup d’œil, il porta la lumière dans une comptabilité qui semblait anéantie par une suite de dévastations, et parvint à en reconstituer les élémens. Son premier acte fut d’assurer par un emprunt le remboursement à la Banque de France et la marche régulière des services municipaux, puis, récapitulation faite des diverses annuités de la dette consolidée et des dettes flottantes, de s’en servir comme de chiffres à l’appui des répétitions de la ville vis-à-vis de l’état. Ce passif chargé des fautes du passé en résume éloquemment par les sommes la gravité et par les dates les auteurs. Il consiste en cinq emprunts qui sont à des échéances différentes : le plus ancien est de 1855, le suivant de 1860, tous deux seront amortis en 1897, celui de 1885 en 1929, celui de 1869 en 1909 et celui de 1871 en 1946, c’est-à-dire au bout de 25, 37, 57, et 75 ans. Ce n’est pas tout : en dehors de ces emprunts proprement dits, la ville a consenti au profit du Crédit foncier une annuité qui doit durer 37 ans, qui n’a pas été divisée en coupures, qui. est payée en deux fois, en janvier et en juillet. Comme annuités à échéances variées, voici donc ce que l’on trouve : pour les emprunts antérieurs à 1871 annuité de 30,278,470 fr., pour l’emprunt de 1871 annuité de 18,772,300 fr., pour le Crédit foncier annuité de 19,061,570 fr. en tout 77,112,320 fr., à quoi il faut ajouter d’autres annuités secondaires, les unes anciennes, d’autres récentes : pour rachat de diverses concessions 3,467,190 fr., pour bons de la caisse des travaux 2,866,905 fr., pour la dette immobilière 1,716,800 fr. pour la dotation scolaire 1 million, pour les travaux de la Vanne 1,170,000, enfin pour déficit en deux articles des budgets de 1871 et de 1872 3,256,000 fr. et 438,000 fr. ; soit comme chiffre d’ensemble pour les annuités consolidées ou flottantes 91,026,913 fr., en nombre rond 91 millions, ce qui équivaut à un capital de 1 milliard 630 millions de francs.

C’est fort de ces argumens et de ces états de situation que le préfet de la Seine, avec l’appui unanime de son conseil municipal, a présenté sa réclamation et vaincu les premières résistances. Il y en a eu en effet d’assez sérieuses de la part de la commission du budget, et qui répondaient aux dispositions d’une portion de l’assemblée, moindres de la part du gouvernement, frappé surtout de la justice de la requête. Il ne se rendit pas néanmoins sans combat, imposa un rabais et fit des restrictions avant de présenter un projet de loi. L’exposé des motifs a gardé les traces de cette négociation préliminaire. « Si malgré les termes de la convention, y est-il dit, l’équité commande de ne pas voir une contribution municipale dans l’impôt énorme qu’a dû payer la ville de Paris, il est juste aussi de reconnaître que cet impôt n’a pas frappé seulement la capitale de la France, mais qu’en tant que ville Paris a dû en supporter une partie, à l’exemple d’autres communes qui à ce point de vue n’avaient pas davantage été épargnées. » Le projet de loi n’est que la traduction de cet arrangement ; il réduit la créance de la ville, et sur cette portion réduite il frappe de nouvelles charges. Ce n’est plus 200 millions que l’état rembourse, et avec les intérêts et les frais on aurait pu dire 202 millions ; c’est 140 millions pour remboursement de la contribution de guerre payée aux Allemands. Ainsi dispose le premier article du projet ; le second autorise la ville de Paris à créer une taxe spéciale destinée à indemniser les personnes qui ont souffert dans les opérations de l’armée rentrant dans Paris et celles qui ont subi des pertes résultant des incendies et désastres occasionnés par la commune insurrectionnelle. Et pour que ce concours ne soit ni arbitraire, ni ambigu, le projet de loi en précise l’objet et l’affectation : c’est 1° le solde fixé à 20 millions des indemnités restant dues pour la réparation des dommages matériels causés à l’intérieur et l’entour de Paris par le fait des opérations militaires du second siège ; 2° le paiement des indemnités affectées à la réparation des dommages matériels soufferts par les propriétés mobilières ou immobilières de Paris et résultant de l’insurrection du 18 mars. En réalité, ce n’est plus là un remboursement, c’est un abonnement, et comme le disait M. Thiers avec sa netteté ordinaire, « la ville reçoit 120 millions sur la contribution de guerre et 20 millions pour être transmis purement et simplement aux créanciers de l’état. »

De ces calculs et des développemens qui en découlent, la ville de Paris tire la conclusion que les budgets municipaux ne pourront d’ici à bien longtemps être présentés en équilibre qu’en y comprenant à. la colonne des ressources celle qui doit provenir de l’annuité à dégager du projet de loi soumis au vote de l’assemblée nationale. Si en effet l’état rembourse à la ville, sur les 200 millions de la contribution de guerre, la part qu’il a fixée lui-même, c’est-à-dire 140 millions avec les intérêts en vingt-six annuités, soit 9,738,400 fr. pour chacune, cette somme ne figurera aux recettes municipales que comme l’équivalent du service de l’emprunt de 1871 destiné à faire face à la contribution de guerre. Comme preuve surabondante, le même chiffre se retrouve dans le déficit du budget de 1872, et comme prévision dans les propositions du budget de 1873. C’est donc trois démonstrations pour une qui établissent, comme une nécessité financière, la rentrée que la ville poursuit aujourd’hui contre l’état. Ajoutons que dans ce règlement de compte doivent se confondre d’autres répétitions pour des dépenses de diverses natures que la ville a faites pour l’état pendant la durée du siège quand les caisses étaient pour ainsi dire communes, et que le gouvernement puisait indistinctement dans celles qui se trouvaient le mieux à sa portée. Il y a là une note supplémentaire à payer dont, le relevé a été fait, et qui ne monte pas à moins de 10,294,730 francs.

Ce n’est pas la seule concession ni le seul sacrifice auxquels le conseil municipal se soit résigné. La deuxième partie du projet de loi contient l’abandon d’un droit formel ; elle a pour objet, comme on l’a vu plus haut, d’autoriser la ville de Paris à créer une taxe spéciale destinée à payer des indemnités affectées à la réparation des dommages matériels soufferts par les propriétés mobilières et immobilières de Paris résultant de l’insurrection du 18 mars 1871, dommages dont le montant est évalué à 75 millions environ. Or la loi du 10 vendémiaire an IV et une jurisprudence constante de la cour de cassation, consacrée par trois arrêts des 6 avril 1836,15 mai 1841 et 18 décembre 1843, mettent Paris à l’abri de toute réclamation de ce genre qui ne proviendrait de son propre consentement. Les arrêts surtout sont des plus explicites ; il y est dit « que Paris est le siège du gouvernement, que c’est le gouvernement lui-même et non un magistrat municipal qui veille à Paris à la conservation de l’ordre public, et qui dispose seul de tous les moyens de surveillance, de protection et de répression. » L’immunité est donc incontestable pour la ville ; en serait-il de même pour l’état ? Il est vrai que la controverse existe sur ce point, et que nos gouvernemens successifs n’ont jamais voulu reconnaître en principe que l’état dût être responsable des dégâts que l’insurrection pouvait commettre dans Paris ; mais en fait il a accordé à diverses reprises des indemnités à propos des événemens de février et de juin 1848, plus tard de 1851, en donnant à l’appui des motifs qui coïncident avec les arrêts de la cour de cassation. Dans tous les cas, le désistement du conseil municipal n’en est pas moins avantageux par les éventualités qu’il supprime et les voies qu’il ouvre à un accord. La charge est lourde, et, si l’accord aboutit, la ville liquidera toutes ces indemnités à ses frais et risques. Pour un autre objet et avec un concours relatif, la ville est encore venue en aide à l’état : elle figure pour une part très large dans les aggravations d’impôt que l’assemblée nationale a successivement autorisées au profit du trésor public. Ainsi du chef seul de Paris l’impôt sur les patentes supporte une augmentation de 14,445,388 francs, sur les alcools de 9 millions, sur les vins en cercle de 2 millions, sur les vins en bouteilles de 200,000 fr., enfin l’impôt nouveau sur les billards fournit un contingent de 335,580 fr. C’est en totalité 25,984,638 fr. versés en plus dans les caisses de la trésorerie ; pour les patentes, c’est près du tiers de la contribution générale de la France (45,532,609 fr.)

Telles sont les conditions dans lesquelles le projet de loi relatif à la contribution de guerre s’est présenté à la commission chargée de l’examiner.


II

Ici est survenu un incident qu’il était facile de prévoir. Concurremment avec la réclamation de Paris, les départemens avaient envoyé d’autres réclamations plus formidables encore. Ce n’était plus une somme facilement appréciable comme celle que Paris a versée entre les mains des Allemands après l’avoir empruntée à la Banque de France ; c’étaient, en grande partie du moins et à côté de quelques amendes et contributions en argent, des réquisitions en nature, des dépenses de logement et nourriture de troupes, des dommages résultant de vols, d’incendies, de faits de guerre et de charges d’occupation, tout cela évalué par des commissions départementales tantôt sur les témoignages de tiers, tantôt sur les déclarations des parties. Quoi de plus arbitraire, et le total le dit assez clairement : il ne s’agit de rien moins que de 720 millions ! Voilà à quel obstacle se heurta d’abord le projet de loi concernant la ville de Paris. Dans la commission du budget qui en a été saisie d’office, une opinion circula dont elle eut peine à se défendre, c’est que l’état ne pouvait régler ses comptes avec la ville de Paris au sujet des dommages de guerre sans les régler en même, temps avec les départemens. On devine avec quelle rapidité ce règlement simultané a fait du chemin sur les bancs de la chambre. En aucun temps ni sous aucun régime, les départemens et Paris n’ont, fait bon ménage, et les circonstances n’étaient pas de nature à modifier cette disposition habituelle des esprits. En vain quelques membres plus réfléchis faisaient-ils remarquer que les calculs de la ville étaient rigoureux, tandis que ceux des départemens auraient eu besoin d’un nouveau contrôle. Ils ajoutaient qu’à tout prendre les départemens n’avaient pas à se plaindre, et qu’avant Paris ils avaient reçu une satisfaction déjà fort raisonnable dans la loi du 6 septembre 1871. Cette loi accorde en effet un dédommagement de 100 millions à répartir plus tard entre les départemens envahis, et le remboursement immédiat de 53 millions d’impositions payées aux Allemands dans les localités autres que Paris, soit 153 millions reçus ou à recevoir. Les membres de la majorité ne se payaient pas de ces argumens ; pour eux, ce qui était réglé n’impliquait en rien ce qui restait à régler, et n’était pas un motif pour disjoindre les causes : quant aux évaluations des dommages, il n’y avait pas lieu de distinguer, force était pour les unes comme pour les autres de s’en remettre aux documens produits et de procéder par approximations.

Dans le cours de ces préliminaires, des amendemens au projet ont été présentés, un entre autres de M. Caillaux, qui a pour but de concilier, autant que possible, des intérêts prêts à se combattre ou tout au moins à se neutraliser. Pour cela, M. Caillaux fait un bloc des réclamations qui se sont élevées de part et d’autre, en réduit quelques-unes à une proportion déterminée, et les admet toutes, après justification et déduction faite des sommes déjà payées, à un remboursement en trente annuités égales et sans intérêt, à dater du 1er janvier 1874. Le seul intérêt à servir porterait, à raison de 5 pour 100, sur une somme de 22 millions payés par annuités à la ville de Paris pour les indemnités du second siège et toutes autres dépenses de guerre qu’elle réclame à l’état. L’annuité totale serait de 9,030,000 francs pour Paris et de 5,075,000 francs pour les départemens, ensemble 14,100,000 francs. Les dommages liquidés donneraient lieu à une indemnité de 30 fr. au moins et à des multiples de 30 fr. sans fraction, et, pour en acquitter le montant, le ministre des finances serait autorisé à créer pour 441,150,000 fr. de titres négociables, nominatifs ou au porteur, de 30 fr. au moins ou des multiples de 30 francs, ne portant pas intérêt et remboursables en trente années au moyen de soixante coupons semestriels dont le premier serait payable le 1er janvier 1874. Enfin comme ressource nécessaire pour couvrir à la fois la dépense à faire et la dépense déjà faite, il serait, à dater du 1er janvier 1874, perçu un décime de guerre sur le principal des trois contributions foncière, personnelle et mobilière, et des portes et fenêtres. Tel est dans les principaux détails l’amendement de M. Caillaux : discutable en beaucoup de points, il a du moins ce mérite, qu’on néglige trop souvent, c’est qu’en proposant une dépense il crée une ressource suffisante pour en assurer le paiement. Ce qu’il y faut remarquer encore, c’est que, par la création de titres négociables, il fournit à chacun le moyen de liquider sa créance. La ville de Paris n’aurait à en souffrir que pour un déplacement d’échéances ; elle ne recevrait qu’en 1874 ce que le projet de loi du gouvernement lui alloue dès 1872.

Il ne semble pas néanmoins que la commission du budget se soit sérieusement arrêtée à l’amendement de M. Caillaux. Peut-être a-t-elle reculé devant le raffinement des moyens et l’abaissement des coupures. Elle est d’ailleurs très partagée ; ce qui la trouble, c’est la nécessité de tenir la balance égale entre ces diverses prétentions. Elle ne voudrait pas être injuste pour Paris, mais en même temps elle craint de mécontenter la province, qui a le nombre, et qui se flatte de disposer du vote. C’est le sort de Paris d’être battu quand il n’a pas surabondamment raison. Plusieurs combinaisons ont été proposées sans qu’aucune ait été définitivement admise. Il en est une pourtant qui a failli aboutir, et qui avait l’avantage de ne confondre ni les titres ni les allocations. On y maintenait pour Paris toutes les conditions inscrites dans le projet de loi présenté par le gouvernement, les charges consenties, les annuités promises. La commission acceptait tout, sans contester les échéances anticipées pour les paiemens. Le vote même avait eu lieu par 16 voix contre 5. Quant aux départemens, le débat avait pris un autre tour : réflexion faite, on avait écarté pour eux le service des annuités comme trop précaire et ne répondant point à des besoins urgens. Se rejetant dans l’excès contraire, et faute d’avoir sous la main une échelle convenable et une forme appropriée pour les délais, on avait brusquement résolu de donner à la loi du 6 septembre 1871 une sanction immédiate en distribuant dans le courant de l’année les 100 millions qu’elle tient en réserve pour cette destination. Le vote avait eu lieu par 17 voix contre 6. Il est vrai que pour répondre à des scrupules tardifs il a été dit que la commission générale du budget aurait plus tard à délibérer sur le mode de répartition de ces fonds et les moyens de se les procurer. Il a été d’ailleurs entendu qu’avis serait donné des décisions prises aux deux gardiens naturels du trésor public, le président de la république et le ministre des ; finances.

Il est probable en effet qu’il y aura lieu de revenir sur ce dernier vote, qui dessaisirait le trésor à l’improviste de 100 millions dans les circonstances les plus inopportunes. Un membre de la commission a prétendu qu’on les trouverait à la Banque de France, à l’intérêt de 1 pour 100 par an. Qui garantit le fait ? Et si cela est, cet argent à bas prix ne manquerait pas d’affectations plus pressantes. N’est-il pas vrai que l’une des grandes préoccupations du pays est aujourd’hui l’évacuation définitive qui doit lui rendre une entière liberté de mouvemens et une indépendance politique, enchaînée à un certain degré par l’occupation étrangère ? N’est-il pas vrai encore que tout autre intérêt s’efface devant cet intérêt supérieur, et qu’il ne doit point y avoir de cesse tant que les derniers départemens envahis ne disposeront pas d’eux-mêmes ? Or ces 100 millions, que d’un bloc on distrairait de nos ressources, peuvent Revenir l’appoint nécessaire pour avancer l’heure de la délivrance d’un mois, de deux mois, de trois mois peut-être. Là-dessus on se récrie, on parle de Paris, on insiste pour être traité sur le même pied ; mais Paris a montré plus de patriotisme et moins d’exigence : il consent à être payé par à-comptes et non par une sorte de rafle exercée sur le trésor, et, quant à la nature des créances, c’est en espèces qu’est le gros de la sienne et non en évaluations recueillies dans les localités intéressées. Qu’on passe là-dessus, qu’on tienne les titres pour égaux quand ils le sont si peu, soit ; mais en tout état de cause il restera toujours à trouver un mode de remboursement successifs qui ne laisse point à sec les caisses publiques dans un moment où elles ont tant besoin de se ménager des réserves pour de prochaines et décisives éventualités.

C’est ce que M. Thiers a formellement déclaré dans la dernière entrevue qu’il a eue avec la commission du budget. Rien de plus ferme que ses paroles. « Je ne suis pas absolu, a-t-il dit ; mais, si vous me demandez 100 millions pour les départemens, je serai intraitable. » Il a en même temps, dans un rapide exposé, décrit au juste l’état de nos finances. L’équilibre existe et ne sera pas troublé, si la commission du budget y aide par sa sagesse. Point de condescendance et surtout beaucoup de vigilance. Il faut saisir l’esprit du compte de liquidation ; tout le secret de nos finances est là. Ce compte de liquidation n’a rien de commun avec les budgets extraordinaires du temps passé ; c’est le compte spécial des malheurs de la guerre. Il permet, sans mentir, de placer en dehors du budget ordinaire des dépenses indispensables, mais qui ne peuvent se reproduire, telles que la reconstitution de notre matériel de guerre, la construction d’une ligne déplaces fortes pour avoir des frontières, la restauration de certains de nos grands monumens à Paris détruits par la commune, l’entretien des troupes allemandes, l’indemnité pour les dépenses des mobilisés. Tels sont les motifs du compte de liquidation, qui s’élève déjà à 748 millions. Quelles sont les ressources ? Les annulations de crédit, les terrains à vendre dans Paris, les boni sur les frais de l’emprunt, une amélioration certaine dans les produits des impôts nouveaux. Ces ressources s’élèvent à 644 millions environ, et il n’y faut pas toucher sous peine de rouvrir le grand-livre.

Passant de là aux réclamations respectives de Paris et des départemens, M. Thiers n’hésite pas au sujet de Paris ; il lui paraît impossible de réduire l’allocation stipulée en sa faveur. La ville de Paris a payé pour la France, sa résistance a honoré la France entière ; il y a là une dette sacrée qu’il faut savoir acquitter. Le besoin est d’ailleurs pressant ; son budget est à bout de ressources. Quant aux départemens, leurs droits doivent être respectés, mais il faut qu’ils modèrent leurs prétentions, et que la même modération soit gardée par ceux qui les défendent ; il faut en outre qu’on imagine pour eux une combinaison qui ne charge pas à nouveau le compte de liquidation, sauvegarde de notre crédit. « Songez donc, messieurs, a ajouté M. Thiers en finissant, qu’avec 100 millions nous pouvons refaire nos frontières. » A son tour, le ministre des finances a justifié le projet relatif à la ville de Paris et la transaction qui est intervenue entre le gouvernement et le conseil municipal. Ce dernier a consenti d’emblée et spontanément à tous les sacrifices qu’il était possible de faire : les charges de la ville et les engagemens qu’elle a souscrits ne lui permettent pas d’aller au-delà. Sur ces deux communications, la commission du budget a ouvert un débat auquel ont pris part plusieurs de ses membres : quelques-uns ont appuyé Paris, mais il était évident que la province était on force, si bien qu’à un moment donné le président de la république se crut obligé de calmer ce flot de prétentions. « Je ne demande qu’à m’entendre, dit-il, mais il convient d’être modéré. Examinez avec soin, et ne faites que ce qui est juste. En défendant les finances de l’état, j’accomplis un devoir souvent pénible, mais je dois l’accomplir. » Enfin on va aux voix, et la commission décide ; 1° que le principe des indemnités de la ville de Paris et de l’état ne sera pas séparé, 2° que, dans le cas où l’indemnité de la ville de Paris serait diminuée, celle des départemens serait aussi diminuée proportionnellement, 3° que le gouvernement sera invité à faire connaître quelle diminution il entendrait faire dans le chiffre des indemnités proposées.

Est-ce là le dernier mot de la commission du budget ? On ne saurait en répondre ; il est d’ailleurs soumis à des conditions incidentes qui ne permettront pas avant quelque temps de le convertir en chiffres positifs. Un autre point reste encore en suspens au sujet des départemens envahis, c’est de savoir si les indemnités qui leur écherront, quelles qu’elles soient, seront acquittées en bloc ou par fractions ; M. Thiers a fortement insisté là-dessus, et la commission du budget ne lui a pas donné de réponse.

De ces divers incidens, il y a maintenant une conclusion à tirer. Que n’a-t-on pas dit de l’impression que les derniers événemens devaient laisser dans les âmes ? On nous dépeignait transformés, rougissant de nous-mêmes, touchés d’un repentir salutaire. C’était bien le moins après les rudes leçons qui nous avaient été infligées. Le démenti, hélas ! ne s’est pas fait attendre : à deux ans de date, nous voici redevenus à peu près ce que nous étions, ni plus sages, ni plus modérés. En est-il de meilleure preuve que l’animosité invétérée de la province contre Paris, ces susceptibilités qui, à un moment donné, l’ont frappé de séquestre, et qui s’attachent incessamment à ce qu’il veut, à ce qu’il fait, à ce qu’il demande ? Le mal est vieux, et tout prouve qu’il a empiré. On ne pardonne à Paris, on ne lui a jamais pardonné ni ce qu’il est, ni la place qu’il tient en France et en Europe, ni la grandeur qui survit à tous ses écarts. On ne lui tient pas compte de ce que son héroïque population a souffert pendant le siège, on se souvient seulement des dévastations que lui a fait subir, après l’abandon de toute force organisée, une poignée de bandits. C’est là, il faut le dire bien haut, un mauvais sentiment, une injustice criante, qui couvrent des griefs dont Paris, le vrai Paris n’est, à tout prendre, ni auteur ni complice. Mieux inspirés, dépouillons-nous au moins de ces préjugés qui ont si longtemps animé une portion de la France contre l’autre ! L’apologue de Ménénius Agrippa est toujours bon à rappeler quand il s’agit d’une capitale et de ses provinces ; puis les faits sont là et parlent d’eux-mêmes, si on leur donne un sens vraiment équitable. Il est vrai que c’est beaucoup demander à des corps délibérans qui ont toujours derrière eux et présentes à l’esprit les populations dont ils tiennent leur mandat, et qui, ayant dans les mains l’argument du nombre, trouvent plus expédient de ne pas recourir à de meilleures raisons. C’est une infirmité commune, et, malgré le traitement dont nous relevons à peine, il parait que nous n’en sommes pas bien guéris.

D’autres symptômes confirment celui-là. Le pays avait longtemps souffert de ces ligues d’intérêts qui, prenant pour point l’appui un groupe d’industrie, cherchaient à battre en brèche ou à réduire à merci d’autres industries concurrentes ou dépendantes. Dans les conditions d’une activité régulière, rien de plus fécond et de plus loyal que cette lutte, qui exerce le génie des inventeurs et développe le mouvement des capitaux. C’est à la fois le perfectionnement du produit et l’abaissement des prix, favorable aux consommateurs, qui sont les vrais cliens de la communauté ; mais ce n’était pas toujours le cas, et plus d’une fois le conflit avait eu lieu par un exhaussement des tarifs poussé jusqu’à la prohibition, c’est-à-dire dans les formes légales et en mettant la douane dans le jeu de l’une des parties. On citerait vingt exemples de ces exécutions officielles ; elles avaient cessé néanmoins par suite de règles de conduite plus sensées, et il n’était pas à croire qu’après nos désastres on les vît remettre en vigueur. Tout conseillait aux industries de se supporter les unes les autres, de concourir à un apaisement, à une sécurité dont chacune d’elles avait besoin, de ne pas se chercher chicane sur leurs moyens d’existence et les bénéfices qu’elles en peuvent tirer, à plus forte raison de ne pas ajouter à coups de majorité des ruines économiques à toutes celles dont nous avons à gémir. Tel est pourtant le spectacle que nous a donné le débat sur la loi des sucres, mettant aux prises la sucrerie et la raffinerie, l’agriculture et la manufacture.

Ce n’est pas tout ; il y a un autre combat en perspective et moins facile à vider. Entre l’Angleterre et la France existait un traité de commerce qui a été rompu un instant, puis signé de nouveau avec quelques amendemens. La Normandie et la Flandre avaient applaudi à la rupture, elles protestent contre l’accord intervenu et veulent en débattre les termes. On n’a pas tenu, à ce qu’elles prétendent, la balance égale entre les industries de l’un et de l’autre côté du détroit ; les proportions ne sont pas justes, les calculs ne sont pas exacts, c’est à revoir. L’Angleterre acquiesce, mais pour la France tout est à recommencer. Quand M. Thiers rompait la convention, il n’était pas suspect ; il l’est devenu depuis qu’il l’a modifiée et approuvée. Peu importe que l’acte soit politique autant que commercial ; ni la Normandie, ni la Flandre ne se paient d’un tel motif, et on le fera bien voir ! Voilà pourtant le langage que l’on tient dans le monde de l’industrie ; on n’y reconnaît d’autres gouvernemens que ceux qui s’en déclarent tributaires, obéissent au mot d’ordre et défendent avec un soin jaloux les privilèges du marché. Voilà encore un de ces maux dont nous nous croyions préservés et qui sévissent avec plus de force que jamais. Ainsi rien ne s’est amendé pour ce qui touche à la vie publique : dans les passions locales, dans les conflits d’intérêt, dans les compétitions personnelles règnent le même égoïsme et la même ténacité ; en multipliant les exemples, on trouverait également que, pour les mœurs et les habitudes, nous sommes restés ce que nous étions à peu près. Somme toute et quoi qu’on en dise, nous n’avons pas jusqu’ici gagné grand’chose à l’école de l’adversité.


III

Nous avons insisté jusqu’à présent sur ce qui forme le pivot pour ainsi dire des finances de la ville de Paris, le remboursement au moins partiel des 200 millions qu’elle a dû emprunter à la Banque de France. Il nous reste à jeter un coup d’œil sur le budget de 1873, qui donne en détail l’état des recettes et des dépenses, et, mis en regard de celui de 1869, permet de comparer les deux situations avant et après la guerre. Il y a des services dont les allocations ont augmenté, et dont les augmentations se justifient d’elles-mêmes, d’autres qui n’ont pas sensiblement varié, d’autres enfin qui ont été réduits et presque supprimés ; on peut prévoir lesquels.

L’une des premières tâches de M. Léon Say, quand il eut, après un long dépouillement, bien fixé la dette, fut de rechercher s’il ne serait pas possible de l’alléger par une de ces combinaisons où il pouvait s’inspirer d’études qui lui sont familières. Il venait de faire le compte des deux dettes, la dette fondée et la dette flottante, donnant un total de 1 milliard 630 millions en capital pour cinq emprunts principaux, et d’autres emprunts ou engagemens à diverses échéances, et de 88,200,000 francs de charge annuelle. Beaucoup d’états n’ont pas de plus gros chiffres ; 88 millions en nombre rond à prélever, pendant de longues années, sur les revenus municipaux, 88 millions de dépenses obligatoires, au premier chef irréductibles, de dépenses sur lesquelles l’administration n’a point d’action, tel était le legs du passé, lourde charge dont l’aisance publique, le progrès des richesses, le développement du travail peuvent seuls diminuer le poids. Dès lors pourtant M. Say entrevit dans l’avenir un allégement-possible au moyen de quelque opération de conversion de ces dettes, les unes sont à échéances longues, et les autres à échéances plus courtes, et l’amortissement pourrait, en étant réparti plus également sur les années lointaines, devenir moins onéreux dans le présent. Une annuité de 88,200,000 francs mise en regard d’un capital de 1 milliard 630 millions représente 5 fr. 41 c. pour 100, ou 5 fr. 30 cent, d’intérêt, et 11 centimes d’amortissement, si l’amortissement s’opérait en soixante-quinze ans. Or il n’est point impossible de prévoir, dans un avenir plus ou moins éloigné, que le taux de l’intérêt pourrait être abaissé à 5 ou même 4 1/2 pour 100. Dans l’un et l’autre cas, il serait possible d’imaginer des combinaisons qui procureraient une économie dont le maximum résulterait d’un écart d’intérêt, soit 4,500,000 francs par an dans le premier cas, et 12 millions dans l’autre cas. Les opérations de ce genre sont, il est vrai, bien plus difficiles quand il s’agit d’emprunts remboursables à primes comme les emprunts municipaux que s’il s’agit d’emprunts émis dans un type qui se rapproche du pair, et il serait imprudent de compter sur la réalisation intégrale de ces économies. Ce n’est point, suivant M. Say, qu’a ne sera pas opportun un jour, quand toutes les liquidations seront terminées, de chercher quelque combinaison, surtout en ce qui concerne l’unité quarantenaire du Crédit foncier ; mais on ne doit pas oublier que les conversions amènent toujours des déclassemens de titres et sont de nature à ébranler le crédit plutôt qu’à le fortifier ; il ne faut donc les faire qu’à bon escient et sans précipitation.

Ces premiers calculs ont été modifiés en quelques points par l’adjonction d’élémens nouveaux, et on a pu voir qu’en 1873 le total des deux dettes, fondée et flottante, représente une annuité de 91 millions au lieu de 88. En regard de la dette flottante, peut-être serait-il utile de mettre la valeur des propriétés que la ville de Paris pourrait vendre, et que la direction de l’administration générale fait figurer à la date du 20 novembre 1871 pour 71 millions, d’après une révision faite en 1870 ; mais ce chiffre reste sujet à une vérification plus rigoureuse. Plus de deux ans se sont écoulés depuis les expertises, et le temps apporte bien des modifications dans la valeur des choses. Quoi qu’il en soit, sans vouloir faire entrer cette ressource en ligne de compte, on peut y trouver le moyen de doter certaines opérations de voirie, soit par la vente, soit par l’abandon en nature de, terrains ou d’immeubles. Ce n’est pas là de l’argent en caisse ; c’est comme un portefeuille spécial qui contient des titres pouvant être donnés en subventions.

Ceci dit, nous voici en présence du budget municipal de 1873. Comme tous les budgets, celui-ci se compose de deux parties, le budget ordinaire et le budget extraordinaire, l’un avec des articles constans et qui aux chiffres près se renouvellent à chaque exercice, l’autre d’articles et d’opérations de passage qui, une fois menés à fin, ne sont pas susceptibles de se renouveler. Le budget ordinaire porte aux recettes 201,812,589 fr. 91 cent, et aux dépenses la même somme ; le budget extraordinaire porte aux recettes 63,500,000 fr. et la même somme également aux dépenses : total pour les « deux budgets, recettes et dépenses, 265,312,589 fr. 91 cent. En quelques mots et en quelques chiffres, telle est la situation, Nous avons vu quelles sont les dettes ; avec quelques supplémens qui s’y rattachent, on les trouve portées à 96 millions en nombre rond dans les deux budgets qui en rappellent les détails et en assurent le service. Si maintenant on désire jeter un coup d’œil aux chapitres de ces budgets, il suffit de s’arrêter à ceux qui ont quelque signification et d’en faire le rapprochement avec 1869 : l’octroi d’abord, cette ressource si précieuse de la ville et qui donne plus de la moitié de ses recettes. L’exercice de 1869 l’avait laissé à 110 millions ; il figure en prévision pour 113 millions environ au budget de 1873. C’est encore loin de répondre aux augmentations d’impôt qui ont frappé les alcools, les bières et le vin ; les entrées en fraude figurent probablement dans cette langueur relative des acquittemens, et exigent un redoublement de surveillance. D’autres articles d’ailleurs témoignent que les taxes susceptibles d’un contrôle entièrement efficace remplissent leur plein objet, témoin les droits de voirie, qui de 626,000 fr. en 1869 sont portés en 1873 à 2,600,000 fr., et l’exploitation des voiries, qui ne rendaient en 1869 que 622,000 francs et en rendront 2,600,000, soit 4 millions en plus sur les deux chapitres. Il en est de même des entrepôts, 700,000 francs en 1869, et en 1873 2,200,000 francs, des halles et marchés, qui donnent près de 3 millions de plus, des recettes diverses, qui sans autre spécification montent de 8 millions à 23 millions, accusant ainsi un énorme accroissement de 15 millions, — enfin les centimes communaux, qui, à trois années d’intervalle, de 5 millions ont été portés à 9 millions.

Tel est, dans un bref aperçu, l’état et la proportion des recettes pour les services qui ont éprouvé des variations ; les autres restent à peu près stationnaires : on ne dirait pas qu’une révolution a passé par là. Cet octroi, qui est la mesure la plus exacte des consommations, semble nourrir le même nombre de bouches et prélever la dîme des tarifs sur la même somme d’affaires. Tout habitant de Paris a pu voir de ses yeux ce qu’il était durant le blocus : c’est merveille comme il s’est relevé ; il a eu des défaillances alors, il n’en a plus. La recette est donc en bonnes mains : voyons la dépense ; elle va nous prouver une fois de plus que les révolutions sont un mauvais instrument d’économies. Certes le désir d’opérer des réformes animait tout le monde, préfet et conseil municipal, quand, après les deux sièges, on put voir clair dans les finances de Paris ; chacun se mit à l’œuvre avec la même ardeur, la même volonté de bien faire, et pourtant le résultat n’a pas été au niveau de l’intention. Le budget ordinaire en 1869 ne montait qu’à 148 millions ; il a été en 1872 de 194 millions, il sera en 1873 de 201 millions. Il est vrai qu’en 1872 et 1873 ce sont des budgets sincères, tandis qu’en 1869 c’était un budget rempli de fictions. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les chapitres sur lesquels portent les plus fortes augmentations. La dette 96 millions au lieu de 60, la préfecture de police (pour ordre) 20 millions au lieu de 16, la garde républicaine, la police de sûreté et le. recrutement 4 millions et demi au lieu de 3 millions, les services de perception 10 millions au lieu de 8, les établissemens de bienfaisance 14 millions au lieu de 12, voilà déjà 46 millions et demi que l’empire peut revendiquer comme un legs imposé à ses héritiers bénéficiaires. La république n’a ajouté de son chef à ce surcroît de charges que 3 millions de plus pour l’instruction primaire, 9 millions au lieu de 6, et 1 million et demi de réserve pour des dépenses imprévues, qui ne figurait pas au budget de 1869. Il est vrai qu’elle a porté le chapitre des travaux de Paris à 33 millions en 1873 au lieu de 30 en 1869 ; mais ici encore ce n’est pas son œuvre : aucun de ces travaux, si ce n’est les nouvelles maisons d’école, ne lui appartient ni par l’idée, ni par le plan, ni par l’exécution ; elle ne fait que solder les comptes et régler l’arriéré de cette décoration poussée à outrance, qui consistait à démolir pour rebâtir, à exproprier pour revendre, au prix de que les maltôtes, on ne le sait que trop, et qui eût consommé la ruine de la ville, si la guerre n’en avait interrompu le cours.

Il est pourtant parmi ces dépenses un chapitre sur lequel une réduction très ample a paru possible, et qui a permis au conseil municipal et aux nouveaux préfets de la Seine de bien marquer par un acte et un vote de finances ce qui sépare l’administration de M. Haussmann de celles de MM. Léon Say et Calmon : c’est le chapitre inscrit à la page 14 du budget municipal de 1873, sous le titre : Fêtes et cérémonies publiques. Le total pour 1869 était de 773,140 francs, sur lesquels, comme on le pense, pas un centime ne figure parmi les reliquats de l’exercice. Le détail en est curieux : il y a pour l’entretien du mobilier des fêtes et banquets 90,000 fr., pour l’entretien et la conservation des voitures et des habits de la livrée du corps municipal 60,000 francs, pour les réceptions à l’Hôtel de Ville 80,000 francs, pour les fêtes et les cérémonies publiques 440,000 francs, pour les actes de bienfaisance à l’occasion de ces fêtes 97,110 francs. D’un trait de plume, le conseil municipal et les préfets ont rayé cette série d’articles. Il y a bien eu, chez quelques membres du conseil, un regret pour les voitures de gala et peut-être pour la brillante livrée qui les montait ; c’est de la tradition, disaient-ils. Tradition ou non, un vote a coupé court à cette dépense somptuaire et décidé que ces reliques seraient vendues à l’encan. Il a paru que ce cérémonial jurait avec la simplicité de mœurs qui convient à une république. Une seule allocation. a été exceptée de cette mise à l’index, c’est une somme de 6,000 fr. pour l’entretien et le renouvellement du mobilier des réunions et des cérémonies publiques. Elle reste là comme une épave de ce naufrage et une tête de chapitre à l’usage de temps meilleurs.

Nous en avons fini avec le budget ordinaire ; quelques mots maintenant sur le budget extraordinaire. Il se compose en recettes, 1° de 10 millions, solde d’un emprunt contracté le 6 mai 1872 avec le Crédit industriel pour la dérivation des sources de la Vanne et pour l’utilisation des eaux d’égout dans la plaine de Gennevilliers ; 2° d’un emprunt à contracter de 53 millions pour la consolidation des diverses dettes de la ville de Paris. Ce dernier emprunt doit faire face aux dépenses suivantes : 14,004,000 francs pour remboursement du principal des bons de la Caisse des travaux échéant en 1873, de janvier à décembre ; 6,495,079 francs pour une partie de la dette immobilière échéant en 1873 ; 30 millions de francs pour une partie du déficit de 1871 ; enfin 2,500,000 francs, frais d’émission de l’emprunt de réalisation, de timbre et de premier coupon, — total 53 millions. Cet ensemble de travaux et de dépenses figure au budget extraordinaire sous des rubriques distinctes, opérations de voirie, opérations autres que celles de voirie, établissemens scolaires, entrepôt de Bercy, soit quatre groupes. Le premier groupe, opérations de voirie y est celui qui s’étend sur un moindre nombre d’années ; les derniers paiemens viennent à échéance en 1877. Il s’agît d’opérations de voirie terminées ou en cours d’exécution, faites avec des entrepreneurs dont les comptes sont à solder, ou d’acquisitions d’immeubles dont les prix sont à payer. Le second groupe, opérations autres que celles de voirie, ne s’étend en réalité que jusqu’en 1883, et ne figure au carnet d’échéances de 1884 à 1922 que pour une somme annuelle de 1,713 francs, qui doit être, jusqu’en 1922, payée par un terrain repris à la compagnie du canal de l’Ourcq, si la ville n’aime mieux se libérer par le paiement d’un capital de 34,263 francs. D’autres sommes dans ce groupe représentent le prix de terrains ou d’immeubles acquis à terme soit pour construire, soit pour installer des mairies, des presbytères, des marchés.

Le troisième groupe, établissemens scolaires, s’étend jusqu’en 1916, mais sur un total d’annuités s’élevant à 15,510,308 fr. il y en a pour 14,036,290 fr. qui sont renfermées dans les vingt-neuf premières années, et qui s’éteignent en 1901. Il comprend le prix de terrain et de construction des bâtimens scolaires, prix payable en général au moyen d’annuités plus ou moins étendues. Les opérations qui ont été liquidées de cette manière sont au nombre de quarante-trois, et les traités qu’elles comportent sont de nature différente. Pour les uns, des terrains ont été acquis payables en plusieurs années par fractions déterminées : tel est l’immeuble portant les numéros 32 et 34 rue de Clichy. Pour d’autres traités, le prix du terrain est payable en totalité à une échéance fixe, comme pour l’école de la rue de la Victoire, dont le terrain doit être payé 430,511 francs le 9 décembre 1874, et dont les constructions doivent être acquises au plus tard le 8 juillet 1888, pour 220,730 francs avec intérêts ou loyers jusqu’au jour du paiement. Dans d’autres traités enfin, le prix des constructions doit être acquitté en un certain nombre d’annuités, système ingénieux, mais qui ne doit être employé que dans les conditions que la loi elle-même a fixées, de façon que le prix par annuité ne prenne pas le caractère d’un emprunt. L’avantage du système, c’est que l’affectation des capitaux est absolue : on ne peut plus les détourner de l’emploi assigné ; si c’est une école, il faut que l’école se fasse. On ne peut plus réaliser un emprunt pour un objet, et par caprice ou par calcul l’appliquer plus tard à un autre.

Le quatrième et dernier groupe est intitulé Entrepôt de Bercy, opération dont l’importance est considérable et dont le chiffre s’élève, en dehors de l’échéance de 1872, à 16,850,360 francs. L’origine de cette dette est de notoriété publique. Il s’agissait d’organiser un entrepôt réel pour les vins, dans l’impossibilité où l’on était d’étendre l’entrepôt fictif à la ville entière. On avait en même temps pensé, et c’était une pensée juste, qu’on ne pouvait pas déplacer le centre du commerce des vins ; c’était donc à Bercy qu’on s’était proposé d’établir un entrepôt réel. Pour y arriver, on avait acheté des immeubles ; ces immeubles devaient être remis à une compagnie qui les aurait remplacés par des bâtimens nouveaux et qui aurait prélevé, sous forme de location et de magasinage, les sommes nécessaires au service des intérêts du capital d’acquisition et de construction. Un marché même avait été passé avant l’autorisation des chambres ; mais ce n’est qu’en 1870 que le corps législatif a été saisi de la question. Les événemens étant survenus, l’affaire en est restée là : le marché n’a pas été réalisé ; les terrains qui devaient être rétrocédés à la compagnie sont demeurés à la charge de la ville. Les échéances arrivent, il faut payer ; il y a des termes pour un grand nombre d’immeubles ; il y a même des annuités dues au Crédit foncier, et le bénéfice des délais a été passé à la ville. D’un autre côté, les loyers sont perçus. C’est donc là, pour le conseil municipal et le préfet de la Seine, non-seulement un embarras financier, mais encore une difficulté législative. Le ministre de l’intérieur, par une interprétation de la loi, a déclaré que les traités portant engagement d’annuités seraient soumis désormais au pouvoir législatif compte s’il s’agissait d’un emprunt. La conséquence à en tirer est donc que la dette concernant l’entrepôt de Bercy, et dont le total s’élève à 44,057,566 fr. 92 cent., devra être l’objet d’une délibération qui sera transmise au ministre pour devenir ensuite l’objet d’une loi ; c’est encore là un legs du régime qui nous a laissé tant de réparations à faire et de questions litigieuses à vider.

On le voit, la besogne ne manque pas au conseil municipal pour liquider tous ces engagemens et mettre un peu d’ordre dans cet arriéré. Bercy, les écoles, la dérivation de la Vanne, voilà bien la matière d’occupations immédiates, comme aussi la recherche des modes de libération les plus prompts et les mieux appropriés. La ville de Paris a eu dans ces derniers temps la bonne fortune d’avoir successivement à sa tête deux administrateurs qui ont vécu dans l’étude des maîtres, et pour qui la science des finances a peu de secrets. Déjà M. Léon Say a proposé pour les grandes et petites dettes une conversion et des amortissemens qui, à des combinaisons ingénieuses, unissent la solidité des calculs et semblent résoudre le difficile problème de soulager le présent en ne chargeant pas trop l’avenir. M. Calmon ne manquera pas de son côté d’émettre ses vues et d’exposer ses plans ; le conseil municipal aura à choisir entre ces propositions et probablement à les combiner ; mais de telles opérations sont des plus délicates, elles exigent une grande circonspection. Il n’y faut songer qu’à de certaines heures, suivant les circonstances, l’état du crédit, la marche générale des affaires. Ce qui est d’une application plus constante, c’est la modération dans la dépense, une vigilance de tous les instans, un contrôle sérieux dans les services ; c’est également le soin de regarder de près aux nouveautés et de se défendre contre les surprises. Les plus grands embarras de la ville proviennent d’affaires mal engagées, dont quelques mains intéressées ont presque toujours tenu les fils. Un autre écueil, c’est l’engouement qui parfois naît de courans d’opinions auxquels cèdent les meilleurs esprits, les cœurs les plus sincères.

On a pu le voir au sujet de la stagnation qui depuis la guerre sévit dans les travaux du bâtiment : pour les ouvriers longue interruption de travail qui a dévoré bien des épargnes, pour les entrepreneurs liquidations écrasantes, pertes sur pertes dans ce jeu de la construction, qui autrefois leur valait de si belles aubaines, dans quelques cas impuissance de satisfaire à des engagemens pris ; — voilà une cruelle revanche du sort et un revers de médaille bien triste. Ce sont là, il est vrai, des châtimens individuels, mais ce châtiment frappe tant de victimes que c’est presque l’équivalent d’un dommage public. Le conseil municipal s’en est ému, et il est naturel qu’il ait répété les mots qui reviennent à toutes les crises du même genre, « quand le bâtiment va, tout va. » Que tout aille lorsque la spéculation privée est seule en cause, aux risques et périls de qui de droit, soit ; mais si les caisses municipales sont mises à contribution directement ou indirectement, c’est autre chose ; il faut alors ouvrir un compte, au bâtiment, voir ce qu’il coûte et ce qu’il rapporte. Nos charges présentes prouvent comment ce compte s’est soldé jusqu’ici : l’expérience n’est pas encourageante. Le conseil municipal a pourtant insisté ; quelques-uns de ses membres sont même à diverses fois revenus à la charge et ont soutenu un débat qu’on pourrait nommer la campagne du bâtiment, avec la singulière théorie qu’un état, ou à défaut de l’état une commune, est dans l’obligation de procurer de la besogne aux bras qui en manquent. Ce n’était ni plus ni moins que le fameux droit au travail, renouvelé de 1848. Si touchée qu’elle fût de la situation des ouvriers, la majorité du conseil s’est défendue contre cette pression ; elle n’a cédé que sur un point et pour un principe moins suspect : c’est au sujet des écoles primaires. Le vote alors est devenu à peu près unanime. De nouvelles fondations ont été résolues : aux huit groupes de 1871, 5 en exercice, 3 à la veille d’y entrer, il a été ajouté 17 autres établissemens, dont 15 sont déjà ouverts ; les deux autres seront promptement aménagés. Ce sont des travaux qui se justifient, et pourtant même pour ceux-là, si urgens qu’ils soient, le poids est déjà lourd dans la balance des comptes. Les jours d’abondance sont passés, et plus on va, plus on reconnaît qu’il est plus aisé de vider les caisses que de les remplir[1].

Bien inspiré, le conseil municipal n’aura plus désormais qu’une règle de conduite : compter plus strictement que jamais, s’abstenir des dépenses, même légitimes, même profitables. Rien ne réussit aux gens qui se mettent dans la gêne. Avoir de bonnes finances, c’est l’essentiel ; le reste viendra par surcroît. Après quelques agitations qui n’ont pas duré, le conseil municipal de Paris est devenu ce qu’il devrait toujours être, la représentation indépendante d’une population qui, livrée à diverses carrières, a pourtant un besoin commun, l’ordre et la sécurité, et ne demande qu’à être honnêtement et libéralement administrée. Cette population, quoi qu’on ait pu dire, est un très bon juge des intérêts qui la touchent : ce qui l’effraie, ce sont les budgets en déficit, ce qui l’accommoderait, c’est que des budgets en excédant vinssent apporter des amortissemens imprévus qui aboutiraient ou à un amoindrissement de la dette ou à des dégrèvemens d’impôts. Ces succès vaudraient mieux que les fictions d’écritures et les raffinemens de comptabilité dont naguère on abusait tant. Pour obtenir ces budgets en excédant, trois moyens s’offrent en perspective, l’accroissement des produits par une répression plus active de la fraude qu’ont surexcitée les exagérations du tarif et dont le personnel s’est accru par l’appât inespéré et une impunité à peu près constante que lui ont ménagés les deux sièges. C’est déjà une marge considérable pour des augmentations dans les produits ; il en est une autre qui doit survenir des supplémens de taxe, des décimes accrus, des taxes nouvelles qui, stériles dans la période d’essai et sujettes à des tâtonnemens dans l’application, doivent fructifier avec le temps et un maniement plus habile.

Enfin le dernier moyen de relèvement, c’est le retour complet du mouvement de l’aisance, ordinairement si vif à Paris, et qu’ont ralenti des ébranlemens et des déclassemens de fortunes. Il n’y a pas là-dessus d’illusions à se faire ; pour des yeux attentifs, les signes d’une moindre aisance sont manifestes, comme ceux également d’une moindre activité. Le passant, l’étranger même, peuvent recueillir cette impression dans un premier aspect. Comment s’en étonner après tant de souffrances et d’ignominies ? C’est déjà un miracle que Paris soit redevenu ce qu’il est et qu’au moment où il sombrait dans l’abîme les mains qui l’ont sauvé n’aient pas désespéré de lui. Un miracle non moins grand est d’avoir vu quelques semaines après la rentrée de nos troupes la circulation se rétablir dans des rues la veille désertes ou hérissées d’obstacles, les maisons se repeupler, les panneaux des magasins se rouvrir, l’approvisionnement se reconstituer et la vie commerciale renaître. Depuis lors, ces symptômes des premières heures n’ont fait que grandir, assurer les progrès d’une convalescence rapide, on pourrait dire d’une résurrection, et n’est-il pas vrai que cette résurrection eût été plus prompte et plus complète, si l’assemblée nationale s’y fût mieux associée, si, renonçant à des préventions qu’aucun acte n’a justifiées, elle se fût rapprochée d’une ville qui ne demandait, après de cruelles angoisses, qu’à vivre en paix avec tout le monde ? Frappé d’une certaine disgrâce, Paris s’est recueilli, et n’a pris conseil que de lui-même, travaillant de son mieux, faisant le moins de bruit possible. Son génie l’a servi en cela ; il a eu également, à des heures marquées, pour compagnons et auxiliaires ces cœurs dévoués, ces volontés humbles ou puissantes qui, depuis près d’un siècle, l’ont assisté dans toutes ses crises : celle-ci, la plus rude sans contredit, prendra fin comme les autres. Le plus fort est fait, et de plus en plus les perspectives se dégagent. A quelques fluctuations près, les affaires tendent à regagner le niveau d’autrefois ; la confiance a moins d’éclipses, le crédit une meilleure assiette, et ce n’est pas quelques budgets en déficit ni quelques opérations de voirie mal engagées qui pourront troubler le bénéfice de cette reprise d’activité.


LOUIS REYBAUD.

  1. Rapport de M. Grêard, directeur de l’enseignement primaire, au préfet de la Seine (30 septembre 1872).