Les Frères Zemganno/29

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G. Charpentier, éditeur (p. 155-157).

XXIX

À la suite des six nuits de Hull, où ils réussissaient complètement, les deux frères allaient étoiler douze nuits à Greenock en Écosse, puis ils étaient engagés toujours comme « étoiles », selon l’expression anglaise, dans un café-concert de Plymouth. Et leur engagement de Plymouth terminé, pendant dix-huit mois, perpétuellement sur les chemins de fer et les bateaux à vapeur, ils donnaient des représentations dans presque toutes les grandes villes des Trois-Royaumes. Un jour cependant, leur notoriété de trapézistes leur permettait de refuser les engagements, où il y avait des frais trop considérables de voyages : Gianni voulant que son frère et lui vécussent de ce qu’ils gagnaient, parcimonieux de l’argent de la vente de la Maringotte, et cherchant à le garder pour un cas imprévu, pour un de ces accidents arrivant si souvent dans leur profession.

Cette dure vie avec la fatigue de ces incessants et conditionnels déplacements avait un but : elle permettait aux deux frères, par ces attachements volants de quelques jours, par cette succession de séjours dans des troupes différentes, d’étudier le travail de presque tous les gymnastes comiques de l’Angleterre. Au moyen de leur engagement comme trapézistes il était donné à Gianni et à Nello de s’approprier la singularité, l’originalité, la blague gymnastique de chaque clown aux côtés duquel ils vivaient une semaine ou deux, de pénétrer en un mot le genius intime et particulier de l’art dans toutes ses manifestations diverses chez des individus différents. Et tous deux s’exerçant dans le secret, cherchant, préparant de petites inventions drôlatiques, étaient des clowns — des clowns ayant d’avance dans leurs malles leurs costumes — des clowns tout prêts à faire leur apparition dans le ring, quand le hasard leur en fournirait l’occasion.