Les Gammes/Spleen d'hiver

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Les GammesChez Vanier (p. 43-46).




SPLEEN D’HIVER




Voici venir l’ennui nocturne des hivers
Et les neiges roulant aux râles des tempêtes :
Voici venir le gel qui met un joug aux mers

Avec le chœur caduc des souvenirs amers.
Adieu les floraisons, les feuilles et les fêtes,
Et les nids gazouillant au sein du vert des faîtes !

C’est la morne saison où du val et des faîtes
S’en viennent en maraude ours et loups des hivers
Le meurt-de-faim grelotte à la lueur des fêtes
Et sent en lui gronder la rage et les tempêtes !
Le lointain marinier plein de pensers amers
Invoque Notre-Dame en naviguant les mers.

La nuit le meuglement monotone des mers
Et la bise sifflant dans les sapins des faîtes
Soulèvent le vol noir des nuages amers,
La voix des vieux roseaux, orchestre des hivers,
S’exhale au long du fleuve au souffle des tempêtes,
Et, ô les glas de fer sonnant le deuil des fêtes !


Nostalgiques regrets du printemps et des fêtes,
Vous submergez mon cœur comme un brouillard des mers :
Et je rêve à l'aurore en un ciel sans tempêtes,
Aux orangers dont l’or fait osciller les faîtes,
Aux vallons à l’abri des frimas des hivers,
Où croissent dans les rocs les cytises amers.

Arrière, ô souvenirs que les réveils amers
Traquent comme le deuil à la suite des fêtes !
Non ! ce n’est pas pour vous, ô somnolents hivers,
Le sourire en bouquets de la terre et des mers :
Mais à vous l’ouragan qui hurle sur les faîtes,
Et le long des écueils l’écume des tempêtes.

Oh ! la neige tournoie aux remous des tempêtes,
Et ma raison se meurt sous les regrets amers.
La neige s’amoncelle aux flancs glacés des faîtes,
Et j’écoute en mon cœur pleurer les vieilles fêtes.
La neige avec horreur s’engouffre dans les mers,
Et ma perte me tente en l’ombre des hivers :


Me tente dans l’hiver, tandis que les tempêtes
Sur les mers mêleront leurs râlements amers
Et qu’en sanglots les cieux engloutiront les faîtes.