Les Gens de bureau/XXXV

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Dentu (p. 220-222).
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XXXV


— Comment sortir de cette galère ? se demandait Caldas.

Et de fait il n’avait plus un instant à lui. Pour achever sa pièce et refaire le troisième acte, perdu dans le déménagement, Romain fut réduit à travailler le soir chez lui, sur les genoux de Mlle Célestine, ce qui était bien dur.

Autre malheur. Il avait plu à M. Izarn.

Caldas, qui n’avait pas acquis dans la petite presse la réputation d’un Bénédictin, se trouvait, sans faire le moindre effort, à la hauteur des travailleurs austères du bureau de l’Alimentation. N’ayant aucune chance de passer sous-chef, il songeait sérieusement à tomber malade.

À ce moment une grande nouvelle mit en émoi tout le bureau. Un chef de division voulait choisir un secrétaire parmi les forçats de M. Izarn. Romain se serait mis sur les rangs, sans les sages avis de M. Lorgelin qu’il était allé consulter.

— Vous voulez donc perdre votre avenir administratif ? lui dit celui-ci.

— Mais il me semble, répondit-il, que lorsqu’on s’approche du soleil…

— On se grille, répliqua M. Lorgelin. De deux choses l’une : ou vous ferez l’affaire de votre chef de division, ou vous ne la ferez pas.

— Je ne vois pas d’autre alternative, observa Caldas.

— Si vous faites son affaire, il vous confisque à son profit, et vous voilà devenu secrétaire perpétuel.

— Comme M. Villemain, mais sans les jetons.

— Si vous ne faites pas son affaire, il vous renvoie honteusement, et vous voilà noté d’incapacité ou de paresse pour le restant de votre vie.

— Je vous comprends, reprit Romain, vous me conseillez de ne pas m’enterrer : mais je suis enterré vif dans ce maudit bureau de l’Alimentation.

— Vous êtes sous la coupe d’Izarn ? fit M. Lorgelin.

— Oui.

— Et vous lui plaisez ?

— J’ai ce malheur.

— Vous avez donc travaillé ?

— J’ai commis cette imprudence.

— Alors, c’est fini, pourquoi me demandez-vous conseil ?

— C’est que je voudrais sortir à tout prix de cet étouffoir, je n’entends pas renoncer à l’avancement,

— Alors, ne faites plus rien.