Les Heures claires, 1896/15

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chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 35-36).


Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,

Mes plus douces pensées,
Celles que je te dis, celles aussi
Qui demeurent imprécisées
Et trop profondes pour les dire.

Je dédie à tes pleurs, à ton sourire
À toute ton âme, mon âme,
Avec ses pleurs et ses sourires

Et son baiser.

Vois-tu, l’aurore naît sur la terre effacée,
Des liens d’ombre semblent glisser
Et s’en aller, avec mélancolie ;
L’eau des étangs s’écoule et tamise son bruit,
L’herbe s’éclaire et les corolles se déplient,
Et les bois d’or se désenlacent de la nuit.

Oh ! dis, pouvoir un jour,
Entrer ainsi dans la pleine lumière ;
Oh ! dis, pouvoir un jour
Avec toutes les fleurs de nos âmes trémières,
Sans plus aucun voile sur nous,
Sans plus aucun mystère en nous,
Oh dis, pouvoir, un jour,

Entrer à deux dans le lucide amour !