Les Hirondelles (Esquiros)/La Couronne mystique.

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Eugène Renduel (p. 159-163).



LA COURONNE MYSTIQUE.



Plus bela que bel jorn de mai.
Troubadour.



La couronne mystique.


BALLADE.


à charles nodier.


Le silence régnait dans la nature vide ;
La lune dans les cieux pâlissait par degrés ;
La nuit devant le jour fuyait d’un pied timide ;
Et l’aube, secouant sa chevelure humide,
Arrosait les champs altérés.


Au fond d’un val riant que de hautes collines
Couronnent de forêts, de lacs et de rochers,
Sous des berceaux mouvans de pins et d’églantine,
S’élève une chapelle où des voix argentines
Font frémir le toit des clochers.
 
La madone à l’autel ouvre ses bras de pierre ;
Berthe, sainte du lieu, la priait à genoux ;
Sous ses doigts blanchissans glissait un long rosaire,
Et son sein, où pendait une croix tutélaire,
Gonflait sous son voile jaloux.

Ses bras modestement croisent sur sa poitrine,
Le monde, sous ses pieds, bientôt s’évanouit,
Et pour récompenser sa foi qui tout devine,
À chaque ave qui meurt sur sa bouche divine
Une rose s’épanouit.

Les anges la cueillaient sur sa lèvre entr’ouverte,
Enlaçaient sous leurs doigts un chapelet de fleurs,
Caressaient en volant les blonds cheveux de Berthe,
Soulevaient son long voile, et sur leur aile alerte
De ses yeux recueillaient les pleurs.


Et puis ils parsemaient le voile de Marie
Avec ces diamans éclos sur de beaux yeux ;
Et quand Berthe eut fini sa dixaine chérie,
Déposèrent du doigt la couronne fleurie
Au front de la reine des cieux.


Céans, des pèlerins vont prier à l’aurore,
Et sous leurs doigts pieux pend un long chapelet ;
Car des étés brûlans le souffle qui dévore
Et l’aile des hivers n’ont pu faner encore
Ces roses, doux présent que l’amour fit éclore
Sur une bouche qui priait.

Août 1833.