Les Jeux rustiques et divins/Le Passant

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Les Jeux rustiques et divins. Les Roseaux de la flûte
Mercure de France (p. 178).


LE PASSANT


Tu es belle d’avoir aimé secrètement
— Non comme les mortels qui parlent dans le vent
Et qui passent sans voir et qui n’écoutent pas
L’écho mystérieux qui répond à leurs pas —
Mais, attentive et toute en toi silencieuse,
La terre épanouie et la mer monstrueuse,
Les sillons de la houle et les vagues du blé
Et l’aurore indécise et le soir étoilé
Et le chemin qui fuit le long de l’eau qui passe,
La Vie en pleurs qui rit et s’endort et que lasse
La changeante saison ou le changeant amour
Et l’éternel adieu et l’éternel retour ;
Et ta bouche, à jamais souriante, est éclose
D’avoir été pareille au sang fleuri des roses,
Et tu es belle, ô douce Amie aux yeux d’espoir,
De toute ta douceur à jamais et d’avoir
Écouté, lentement, rire dans le bois frais
Une flûte d’argent derrière les cyprès.