Les Médailles d’argile/Aube d’automne

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 59-60).

AUBE D’AUTOMNE


Le cygne m’a guidé le long du fleuve clair.
Le chemin s’interrompt et le sentier se perd,
Mais la colombe douce et l’agneau lent qui bêle
M’ont conduit pas à pas et me furent fidèles,
Et, lorsque vint le soir, l’étoile s’est levée,
Solitaire, au détour de la route trouvée,
Et j’ai senti l’écho, à l’oreille, tout près,
M’appelant d’arbre en arbre à travers la forêt
Et que la source vive et la fraîche fontaine
Me parlaient, que le saule gris et le blanc frêne
Se penchaient pour me voir au-dessus de la haie…
Le doux vent m’apporta l’odeur des roseraies,
Le parfum des jardins et le goût des fruits mûrs,
Et l’espalier en croix et la treille du mur
Me firent signe aussi de marcher vers l’aurore.
Le ruisseau me riait de son courant sonore ;
La ronce s’écartait, l’herbe devenait lisse ;

Le caillou dévalait sur la pente complice,
Et la grotte, entr’ouvrant sa gueule, me dit : Entre !
Nymphe ! je t’ai trouvée en l’ombre, au fond de l’antre,
Debout et nue ; et le jour vint et nous sortîmes
Et, là-bas, par delà les berges et les cimes
Du fleuve radieux et de l’âpre forêt,
Mystérieusement à qui tu souriais,
Nous voyions se mêler, dans le ciel rose et mauve,
Les cygnes de l’aurore aux colombes de l’aube.