Les Médailles d’argile/L’Adieu

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 99).

L’ADIEU


Si la mer prend un jour mon corps en ses tempêtes
Et ne l’apporte pas aux rives où vous êtes,
Roulé dans son écume et ses algues, c’est bien,
Oubliez-moi, ou si peut-être on se souvient
De celui qui partit jadis, à son aurore,
Battant le flot docile à sa rame sonore,
Qu’on se dise tout bas mon nom dans les veillées
Où, sur l’escabeau fruste et les ancres rouillées,
Assis à l’âtre, on parle à mi-voix des absents.
Mais si, dans ma maison, morose et chargé d’ans,
Le destin, satisfait de ma tâche remplie,
Veut que terrestrement je termine ma vie,
Construisez, pour brûler, selon l’antique usage,
Avant l’obscure escale et le sombre passage,
Ma dépouille longtemps errante, un clair bûcher
Fait d’épaves en haut de quelque haut rocher
Et d’où toute la mer verra la flamme énorme !
Et pour qu’au noir séjour tranquillement je dorme,
Dans mon urne d’argile ou mon urne d’airain,
Mêlez ma cendre humaine à du sable marin.