Les Médailles d’argile/Le Captif

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 80).
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LE CAPTIF


Moi que courbent le fouet et la rame servile,
Captif, ma tête est blanche et je songe à la Ville
Debout jadis et haute autrefois sur la mer.
La lame bat toujours le rivage désert
Où le sable marin reste mêlé de cendre ;
Mais l’eau du Simoïs et l’onde du Scamandre
Ne désaltèrent plus ma bouche, et l’âpre vin
Du maître, à l’outre bu en secret, fait en vain
Chanter mon désespoir et rire ma tristesse,
Lorsque je crois encore en sa menteuse ivresse
Fouler le sol natal et toucher du talon
La pierre de la route et l’herbe du vallon
Et, quand à l’Occident l’or du soleil rougeoie,
Voir s’empourprer au ciel le fantôme de Troie !