Les Petits poèmes grecs/Homère/Fragmens

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Traduction par Ernest Falconnet.
Les Petits poèmes grecs, Texte établi par Ernest Falconnet, Louis-Aimé MartinDesrez (p. 102-105).

FRAGMENS.

I.

AUX HABITANS DE NÉOTYCHOS,
Colonie de Cyme.

Ayez pitié d’un malheureux sans asile et qui n’a pu trouver l’hospitalité, ô vous qui habitez cette belle cité, fille aimable de Cyme, et buvez aux pieds du mont Sédène, à la haute chevelure, l’eau divine de l’Hermus aux gouffres immenses qu’enfanta l’immortel Jupiter.

II.

EN REVENANT DANS LA VILLE DE CYME.

Que mes pieds me reportent avec rapidité dans cette ville où demeurent des hommes vénérables : leur âme est remplie de sagesse et de bienveillance.

III.

ÉPITAPHE DE MIDAS.

Je suis une vierge d’airain placée sur le tombeau de Midas. Tant que les eaux suivront leur pente, que les arbres élevés porteront des fleurs, que le soleil en se levant brillera dans les cieux ainsi que la lune éclatante, tant que les fleuves couleront à pleins bords et que la mer baignera ces rivages, je resterai sur cette triste tombe pour annoncer aux passans que Midas repose en ces lieux.

IV.

CONTRE LES HABITANS DE CYME.

A quelle terrible destinée le puissant Jupiter a-t-il permis que je fusse en proie ! moi dont l’enfance fut nourrie sur le sein d’une mère chérie. Par la volonté du dieu de l’égide, les peuples de Phriconis l’entourèrent de murs. Habiles guerriers, habiles à dompter les coursiers, brûlant d’une ardeur martiale, ils habitent dans le sein de l’éolienne Smyrne, voisine de la mer, battue par les vagues, et que traversent les ondes limpides du divin Mélès. C’est de là que vinrent les filles de Jupiter, vierges aimables qui m’inspirèrent de célébrer la terre divine et la ville des Héros ; mais ces hommes ignorans dédaignèrent ma voix sacrée et mes chants illustres. Qu’ils souffrent le malheur à leur tour, ceux dont la méchanceté a médité ma perte. Moi cependant je me résignerai à cette destinée qu’un dieu me réserva lors de ma naissance, et je la supporterai avec une âme patiente ; mes pieds ne me porteront plus dans les vastes rues de Cyme ; tout mon désir est de me rendre chez un peuple étranger, quelque obscur qu’il soit.

V.

CONTRE THESTORIDE.

Thestoride, entre toutes les choses voilées aux mortels, nulle n’est plus impénétrable que l’esprit de l’homme.

VI.

A NEPTUNE.

Puissant Neptune, qui régnez sur le vaste et fertile Hélicon, écoutez-moi. Envoyez un vent favorable, accordez un heureux retour aux pilotes qui dirigent le navire ; accordez-moi d’aborder au pied de la montagne élevée de Mimas, d’y rencontrer des hommes justes ; vengez-moi de celui qui, trompant mon esprit, offensa Jupiter, protecteur des étrangers et de la table hospitalière.

VII.

A LA VILLE D’ERYTHRÉE.

Terre illustre et féconde, qui nous versez une douce félicité, vous êtes bienveillante aux hommes que vous aimez ; mais vous devenez âpre et stérile pour tous ceux qui vous irritent.

VIII.

CONTRE DES NAUTONIERS
Qui refusèrent de le recevoir comme passager.

Nautoniers qui sillonnez les mers, semblables à la terrible Até, vous qui supportez une vie pleine de périls, même pour les plongeons, respectez le formidable Jupiter, protecteur des étrangers ; la terrible vengeance de Jupiter hospitalier atteint celui qui l’offense.

IX.

A UN PIN.
O pin, il est un autre arbre qui porte un fruit meilleur que le tien, sur le sommet de l’Ida, montagne aux nombreux vallons, montagne toujours battue des vents. C’est là que les hommes trouveront le fer de Mars lorsque les Cebréniens habiteront cette contrée.
X.

A GLAUCUS.

Glaucus, berger de ce troupeau, je vais donner à ton esprit un sage conseil : Avant tout, offre le repas à tes chiens devant la porte de ta cabane ; c’est la plus sage précaution, car le chien est le premier à entendre l’homme vagabond et le loup qui se précipite dans la bergerie.

XI.

CONTRE UNE PRÊTRESSE DE SAMOS.

Divinité de la jeunesse, exaucez mes vœux : faites que cette femme repousse l’amour et les caresses des jeunes gens ; qu’elle ne se plaise qu’avec les vieillards dont l’âge a brisé les forces et que le désir ranime encore, mais en vain.

XII.

A LA MAISON.DES AMIS.

Les enfans sont la couronne de l’homme, les tours, la couronne d’une cité. Les coursiers sont l’ornement de la plaine, les vaisseaux sont l’ornement de la mer ; les richesses accroissent une maison ; les rois vénérables assis en assemblée sont pour le peuple un spectacle auguste : mais ce qui me plaît encore davantage, c’est une maison où brille le foyer pendant les rigueurs de l’hiver quand Jupiter répand la neige.

XIII.

LE FOURNEAU OU LA TERRE A POTIER.

Accordez-moi une récompense, ô potier, et je ferai entendre mes chants : venez en ces lieux, Minerve ; protégez ces fourneaux de votre main puissante ; faites que les vases et les corbeilles se colorent d’une teinte brunâtre, qu’ils cuisent à point, qu’ils se vendent bien, qu’ils aient un grand débit soit au marché soit dans les rues, qu’ils rapportent beaucoup ; et qu’ils me rapportent aussi à moi, puisque je chante. Mais, ô potier, si vous me refusez un salaire en me trompant, j’invoquerai contre vous tous les dieux funestes aux fourneaux : Santribe, Smarages, Asbrétos, Sabactée, Omodamon, qui causent de grands dommages aux potiers ; je les prierai d’abattre ce portique et cette maison ; qu’en même temps tout le fourneau soit détruit au milieu de vos cris d’alarmes. Comme frémit un cheval furieux, qu’ainsi le fourneau frémisse et que dans l’intérieur les vases fracassés soient éparpillés en éclat. Venez, fille du Soleil, enchanteresse Circé, répandez vos funestes poisons, perdez-les eux et leurs ouvrages. Venez aussi, Chiron, venez avec tous vos Centaures, ceux échappés aux bras vengeurs d’Hercule et ceux même qui ont péri ; que ces travaux soient indignement brisés, que le fourneau s’écroule et qu’eux-mêmes, au milieu de gémissemens inutiles, contemplent ces tristes exploits ; moi, je me réjouirai de ce malheureux désastre. Enfin si quelque imprudent s’approche trop pour regarder ces ravages, que son visage soit la proie des flammes, afin que tous apprennent à respecter la justice !

XIV.

LE RAMEAU.

Nous sommes arrivés devant la maison d’un riche ; il peut de grandes choses : il jouit d’une grande félicité. Portes, ouvrez-vous ! de nombreux trésors sont dans cette demeure ; avec les richesses y brillent aussi la joie et la douce paix. Que les amphores soient toujours pleines, que dans les vases le feu cuise sans cesse le gâteau délicat de sésame qui flatte l’œil. L’épouse de votre fils montera sur sa couche pour y reposer ; des mules aux pieds robustes la conduiront à la maison. Elle tissera la toile en appuyant ses pieds sur une escabelle ornée d’ambre. Oui, je reviendrai, je reviendrai chaque année, comme l’hirondelle aux pieds délicats revient sous ces portiques. Aidez-nous promptement, si vous voulez être généreux avec nous : autrement nous ne séjournerons pas ici, car nous ne sommes pas venus pour y habiter.

XV.

A DES PÊCHEURS.
HOMÈRE.

Pêcheurs d’Arcadie, qu’avons-nous fait ?

LES PÊCHEURS.
Nous laissons tout ce que nous avons pris ; nous emportons ce que nous n’avons pu prendre.
HOMÈRE.

Je le vois : vous êtes bien les enfans de vos pères, qui ne possédaient ni de grandes richesses ni de nombreux troupeaux.