Les Pleurs/Adieu !

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Adieu !.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 57-60).

ADIEU !

Ce soleil un instant voilera son visage,
Et sans la rallumer laissera son image
S’éteindre au fond de l’eau.

— JOSEPH DE LORME. —

X.

Partir ! tu veux partir ! ta voix chère et cruelle,
Qui m’atteint dans le cœur, m’a dit : Je vais partir !
Sais-tu… Non. Pour me plaindre il faut me ressentir,
Et tu doutes souvent, et toi seul es fidèle,
Et je ne t’aime pas ! tu le sauras un jour :
Crains de le trop apprendre : avance ton retour.

Ton retour ! Tu pars donc ? Oui, tu veux voir ton père :
Fais-lui de ma tristesse au moins un jour prospère ;

Les larmes ont un prix ; offre-les-lui pour moi ;
Va, j’attendrai ma vie… et tu sais que c’est toi !

Va dans tous les baisers d’un enfant qu’il adore,
Lui porter les baisers de l’enfant qu’il ignore ;
Mets sur son cœur mon cœur, mon respect, mon amour ;
Il est aussi mon père, il t’a donné le jour !

Partir !… que je voudrais, invisible et hardie,
M’asseoir sur tes genoux, près de ses cheveux blancs !
Les toucher de mes mains, et, sous tes bras tremblans.
Contempler le mortel à qui je dois ta vie !

Et la sienne sans toi s’effeuille… Quittons-nous !
Porte de frais parfums à sa saison austère,
Toi, la plus belle fleur qu’il sema sur la terre !
Mais, pour le demander, ne sois plus à genoux ;
Car, mon cœur est trop près de ton cœur qui soupire,
Et ce mot qui sépare… il faut enfin le dire !