Les Poètes du terroir T I/F. Jaffrennou

La bibliothèque libre.
Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 511-514).

FRANÇOIS JAFFRENNOU

(1879)

L’auteur de ce recueil émouvant : Barzaz Taldir ab Herninn, etc., François Jaffrennou, est né à Carnoët (Côtes-du-Nord), le 15 mars 1879. Il fit ses études de droit, puis se consacra exclusivement à la cause celtique. Fondateur, « avec quelques autres de sa trempe », de l’Union régionaliste, il dirige actuellement l’Imprimerie du Peuple, à Carhaix, en Cornouailles, et publie deux journaux en langue bretonne : Ar Bobl et Ar Vro. Outre le recueil cité plus haut, Barzaz Taldir, etc. (Les Poèmes de Taldir, texte et trad. française, préface d’Anatole Le Braz et Charles Le Goffic, Paris, Champion, 1903, in-16), on lui doit des poèmes divers et des ouvrages dramatiques donnés en représentations populaires, entre autres : An Hirvoudou et An Delen dir (Saint-Brieuc, Prud’homme, 1899, 2 vol. in-8°) ; Kanaouennou brezonek, chansons bretonnes (Vannes, Lafolye, 1900-1902, trois fasc.) ; Ar bourc’hiz lorc’hus, comédie en trois actes (Morlaix, Hamon, s. d., in-16) ; Nigoudem Berehar mestrskol, comédie en deux actes (Morlaix, Imprim. de la Résistance, s. d., in-16) ; Gwerziou, — en collaboration avec le barde Abhervé, — textes bretons et gallois (Saint-Brieuc, Guyon, in-16). François Jaffrennou prépare en outre un recueil d’études sur la poésie bretonne et les poètes de son terroir au xixe siècle.

« Jaffrennou, a écrit M. Charles Le Goffic, est l’homme de la tradition par excellence ; il plonge par toutes ses racines dans la cendre du passé ; le meilleur de son génie lui vient des vieux montagnards qui dorment sous les cairns de son pays natal, dans ces gorges solitaires où rôde le fantôme de Publius Crassus et qui furent les Thermopyles de la résistance armoricaine. »

Séparé de son milieu d’origine, il devient inexplicable. Il lui faut, pour exprimer son génie, « cet air large et tonique des sommets, ces longues articulations de rocs, échine géologique de la Bretagne, ces bois secrets, ces landes mornes, ces eaux vives des vallées, tout ce terroir spécial de Carnoët-Poher, åpre seulement à la surface et qui découvre au regard de l’analyste les plus magnifiques réserves de sensibilité…

« Jaffrennou vient à cette heure pour prêter son verbe de feu aux confuses aspirations de l’àme populaire, les ordonner et les manifester « à la face du jour », comme il est dit dans les Triades. Homme de tradition, il regarde vers l’avenir. C’est peu qu’il revendique pour son pays la plupart des libertés inscrites au pacte d’union de 1532 et dont la centralisation jacobine s’ingénie à lui arracher les derniers lambeaux : il veut la langue bretonne parlée par tous les Bretons, épurée, restaurée, rétablie dans ses droits de langue majeure, en possession d’une littérature, d’une morale et d’une sociologie ; il veut les mœurs uniquement réglées par la tradition, la famille fortement constituée et maîtresse de l’orientation intellectuelle de ses enfants. Nourri dans les villes, affublé de la triste livrée moderne, il n’hésite pas à reprendre l’éclatant et pittoresque costume cornouaillais, non par goût du clinquant, — il n’y a pas d’homme plus simple, — non pour se distinguer des « francisants » de Morlaix ou de Saint-Brieuc, mais pour prècher d’exemple, pour affirmer d’une manière plus concrète l’intransigeant particularisme de sa race. Il croit aux destinées de cette race, comme il croit en Dieu ; feuilletez ses livres : vous n’y trouverez pas une strophe, pas un vers qui trahisse le découragement. À d’autres de sonner le glas de la Bretagne ! Lui répète avec une énergic. farouche le vieux cri national des ancètres : Breiz da vinviken ! « Bretagne à jamais ! » Refaire une Bretagne ne lui suffit pas : le mirage du celtisme universel tremble par moments devant ses yeux, donne à certaines de ses paroles je ne sais quel tour augural et sybillin. Et qui sait jusqu’où peut percer le regard de ce voyant ?… »

Bibliographie. — Anat. Le Braz, Préface au Barzaz Taldir, etc. — Charles Le Goffic, ibid.