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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/08

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 292-297).
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saint Luc


CHAPITRE VIII


PARABOLE DE LA SEMENCE (Matth. xiii, 1 sv. ; Marc, iv, 2). — LAMPE SUR LE CHANDELIER (ibid.). — QUELS SONT LES PARENTS DE JÉSUS (Matth. xi, 46 ; Marc, iii, 31). — TEMPÊTE APAISÉE (Matth. viii, 23 ; Marc, iv, 36). — LÉGION DE DÉMONS CHASSÉE D'UN POSSÉDÉ (Matth. viii, 28 ; Marc, v, 1). — GUÉRISON DE L'HÉMORROÏSSE ; RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE (Matth. ix, 18 sv ; Marc, v, 21 sv.).


Ensuite Jésus allait par les villes et par les villages de la Galilée, annonçant la bonne nouvelle du royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui, et quelques femmes qu’il avait délivrées des esprits malins et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons ; Jeanne, femme de Chusa, intendant de la maison d’Hérode ; Suzanne et plusieurs autres, qui l’assistaient de leurs biens[1]. Or, le peuple s’assemblant en foule et accourant à lui des villes, il leur dit en parabole :

5 Celui qui sème sortit pour semer ; et pendant qu’il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, et elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Une autre partie tomba sur la pierre, et, aussitôt levée, elle se dessécha, parce qu’elle n’avait point d’humidité. Une autre tomba parmi les épines, et les épines, croissant avec elle, l’étouffèrent. Une autre tomba dans de bonne terre, et ayant levé, elle porta du fruit au centuple. En disant cela, il criait : Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Ses disciples l’interrogeant sur le sens de cette parabole, il leur dit : A vous il a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu, tandis qu’aux autres il est annoncé en parabole, en sorte que voyant ils ne voient point, entendant ils n’entendent point. Voici donc le sens de cette parabole : La semence, c’est la parole de Dieu. Le chemin qui a reçu la semence, ce sont ceux qui entendent la parole ; mais ensuite le diable vient, et l’enlève de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et ne soient sauvés. La pierre où est tombée la semence, ce sont ceux qui, entendant la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils ne la laissent pas prendre racine en eux : ils croient pour un temps, et succombent à l’heure de la tentation. Les épines où la semence est tombée, ce sont ceux qui ont entendu la parole ; mais les sollicitudes des richesses et des plaisirs de la vie l’étouffent peu à peu, et ils ne portent point de fruit. Enfin, la bonne terre qui a reçu la semence, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec un cœur bon et excellent, la gardent, et portent des fruits par la patience[2].

16 Personne[3], après avoir allumé une lampe, ne la couvre d’un vase, ou ne la met sous un lit ; maison la met sur le chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière. Car rien de caché qui ne soit découvert, rien de secret qui ne soit connu, et ne vienne au grand jour. Prenez donc garde comment vous écoutez : car on donnera à celui qui a ; et à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il croit avoir.

10 Sa mère et ses frères étant venus le trouver, et ne pouvant pénétrer jusqu’à lui à cause de la foule, on vint lui dire : Votre mère et vos frères sont là dehors, qui désirent vous voir. Il leur répondit : Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent[4].

22 Un jour, il monta sur une barque avec ses disciples, et leur dit : Passons de l’autre côté du lac. Et ils se mirent en mer. Pendant qu’ils naviguaient, il s’endormit ; et un vent impétueux s’étant élevé sur le lac, la barque s’emplissait d’eau, et ils étaient en péril. S’approchant donc, ils le réveillèrent en disant : Maître, nous périssons. Jésus s’étant levé, commanda auvent et aux flots agités, et ils s’apaisèrent, et il se fit un grand calme. Alors il leur dit : Où est votre foi ? Remplis de crainte et d’admiration, ils se disaient les uns aux autres : Qui pensez-vous que soit celui-ci, qui commande au vent et à la mer, et ils lui obéissent ?

26 Ils abordèrent ensuite au pays des Géraséniens[5], qui est vis-à-vis de la Galilée. Étant descendu à terre, il rencontra un homme qui était depuis longtemps possédé du démon, ne portait aucun vêtement et n’avait point d’autre habitation que les sépulcres. Aussitôt qu’il eut aperçu Jésus, il vint se prosterner à ses pieds, et s’écria à haute voix : Qu’y a-t-il entre moi et vous, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? De grâce, ne me tourmentez point. Car Jésus commandait à l’esprit impur de sortir de cet homme. Depuis longtemps, en effet, il était sous sa puissance, et quoiqu’on le gardât les mains et les pieds enchaînés, il rompait ses liens, et le démon l’entraînait dans les lieux déserts. Jésus lui demanda : Quel est votre nom ? Il lui dit : Je m’appelle Légion, parce que beaucoup de démons étaient entrés en lui. Et ces démons le priaient de ne pas leur commander d’aller dans l’abîme. Or, il y avait là un nombreux troupeau de porcs qui paissaient sur la montagne ; ils le prièrent de leur permettre d’y entrer, et il le leur permit. Sortant donc de cet homme, les démons entrèrent dans les pourceaux ; et le troupeau, prenant sa course, se précipita dans le lac par un endroit escarpé, et s’y noya. Ce qu’ayant vu, les gardiens s’enfuirent, et en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les villages. Plusieurs sortirent pour voir ce qui était arrivé ; ils vinrent à Jésus, et trouvèrent assis à ses pieds l’homme de qui les démons étaient sortis, vêtu et sain d’esprit ; et ils furent remplis de crainte. Et ceux qui avaient vu, leur racontèrent comment il avait été délivré de la légion. Alors tous les habitants du pays de Gérase le prièrent de s’éloigner d’eux, parce qu’ils étaient saisis d’une grande frayeur[6]. Il monta donc dans la barque pour s’en retourner. Et l’homme de qui les démons étaient sortis le priait de l’admettre à sa suite ; mais Jésus le renvoya en disant : Retournez en votre maison, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour vous. Et il s’en alla par toute la ville, publiant tout ce que Jésus avait fait pour lui.

40 Lorsque Jésus fut de retour, le peuple l’accueillit avec joie, car il était attendu de tous. Et voilà qu’un homme nommé Jaïre, qui était chef de la synagogue, vint se jeter aux pieds de Jésus, le priant d’entrer dans sa maison, parce qu’il avait une fille unique d’environ douze ans, qui se mourait.

43 Comme Jésus y allait, et qu’il était pressé par la foule, une femme affligée d’un flux de sang depuis douze ans, et qui avait dépensé tout son bien en médecins, sans qu’aucun eût pu la guérir, s’approcha de lui par derrière et toucha la houppe de son manteau. Aussitôt le flux de sang s’arrêta. Et Jésus dit : Qui est-ce qui m’a touché ? Tous s’en défendant, Pierre, et ceux qui étaient avec lui, dirent : Maître, la foule vous presse et vous accable, et vous demandez : Qui m’a touché ? Jésus dit : Quelqu’un m’a touché, car j’ai senti qu’une vertu était sortie de moi. Se voyant découverte, la femme vint toute tremblante, et, se jetant à ses pieds, raconta devant tout le peuple pourquoi elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie en un instant. Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a guérie ; allez en paix[7].

49 Il parlait encore, lorsque quelqu’un vint dire au chef de la synagogue : Votre fille est morte, ne donnez pas au Maître plus de peine. Jésus ayant entendu cette parole, dit au père de la jeune fille : Ne craignez point, croyez seulement, et elle sera sauvée. Arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, si ce n’est à Pierre, à Jacques et à Jean, et au père et à la mère de la jeune fille. Or tous pleuraient et se lamentaient sur elle. Mais il dit : Ne pleurez point ; la jeune fille n’est pas morte, mais elle dort. Et ils se riaient de lui, sachant bien qu’elle était morte. Alors, prenant sa main, il dit à haute voix : Jeune fille, levez-vous. Et son âme revint en elle, et elle se leva à l’instant ; et Jésus ordonna de lui donner à manger. Son père et sa mère étaient hors d’eux-mêmes d’étonnement, et il leur commanda de ne dire à personne ce qui était arrivé.

  1. Celui qui est la lumière et la vie des hommes, s’est humilie jusqu’à recevoir d’eux sa nourriture corporelle et à vivre des aumônes de la charité. Celui qui rassasiait des milliers d’hommes par une nourriture miraculeuse, ne retient pour lui que la pauvreté et ce que les siens lui fournissent par amour. Ce sont des femmes qui prennent soin de lui : par la femme, le péché était entré dans le monde ; J.-C. a voulu donner aux femmes une part glorieuse dans la destruction du royaume de Satan ; il les appelle à y contribuer par deux grands moyens : le soin des pauvres, et l’éducation chrétienne des enfants.
  2. C’est-à-dire par la fermeté d’une volonté constante, qui continue le bien commencé et triomphe des obstacles.
  3. Liaison : Vous avez entendu l’explication claire de la parabole. Rien dans ma doctrine ne restera obscur, prêchez-la à votre tour.
  4. « Il dépend de toi, ô fidèle, il dépend de toi de choisir à quel titre tu appartiendras, de quelle sorte tu seras uni au Sauveur des âmes. Jésus-Christ nous aime si fort, qu’il ne refuse avec nous aucun titre d’affinité, ni aucun degré d’alliance : fais la volonté de son Père, et tu peux lui être ce que tu voudras. Si le titre de frère te plaît, Jésus-Christ te l’offre ; si tu admires la dignité de sa mère, toute grande, toute éminente qu’elle est, il ne t’exclut pas même d’un si grand honneur. » Bossuet.
  5. Sur le pays des Géraséniens, voy. Marc, v, 1.
  6. Ils craignaient que la même chose n’arrivât à tous leurs troupeaux.
  7. Dans le grec : Ma fille, ayez confiance, votre foi, etc.