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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/14

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 324-327).
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saint Luc


CHAPITRE XIV


HYDROPIQUE GUÉRI LE JOUR DU SABBAT. — CHOISIR LA DERNIÈRE PLACE. — PARABOLE DU FESTIN. — PORTER SA CROIX (Matth. x, 37). — SEL AFFADI (Matth. v, 13 ; Marc, ix, 50).


Un jour de sabbat, Jésus étant entré dans la maison d’un chef des Pharisiens pour y prendre son repas, ceux-ci l’observaient. Et voici qu’un homme hydropique se trouvait devant lui. Et Jésus, prenant la parole, dit aux Docteurs de la Loi et aux Pharisiens : Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? Et ils gardèrent le silence. Lui, prenant cet homme par la main, le guérit et le renvoya. Puis il leur dit : Qui de vous, si son âne ou son bœuf tombe dans un puits, ne l’en retire aussitôt le jour du sabbat ? Et ils ne surent que lui répondre.

7 Ensuite, ayant remarqué l’empressement des conviés à choisir les premières places, Jésus leur proposa cette parabole : Quand vous serez conviés à des noces, ne prenez pas la première place, de peur qu’un autre plus considérable que vous, ayant été convié aussi, celui qui vous a invités l’un et l’autre ne vienne vous dire : Cédez-lui la place, et qu’alors vous n’alliez avec confusion occuper la dernière place. Mais lorsque vous serez convié, allez vous mettre à la dernière place, afin que, quand viendra celui qui vous a invité, il vous dise : Mon ami, montez plus haut. Alors vous serez honoré devant tous ceux qui seront à table avec vous[1]. Car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé.

12 Il dit aussi à celui qui l’avait invité : Lorsque vous donnerez à dîner ou à souper, n’appelez ni vos amis, ni vos frères, ni vos parents, ni vos voisins riches, de peur qu’ils ne vous invitent à leur tour, et ne vous rendent ce qu’ils auront reçu de vous. Mais, lorsque vous faites un festin, appelez les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles : et vous serez heureux de ce qu’ils n’ont rien à vous rendre, car vous en recevrez la récompense à la résurrection des justes[2].

15 Un de ceux qui étaient à table avec lui, ayant entendu ces paroles, lui dit : Heureux celui qui aura part au festin dans le royaume de Dieu[3] l Jésus lui dit[4] : Un homme fit un grand festin et convia beaucoup de gens. A l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés de venir, parce que tout était prêt. Et tous, comme de concert[5], commencèrent à s’excuser. Le premier lui dit : J’ai acheté une terre, et il faut que j’aille la voir ; je vous prie de m’excuser. Le second dit : J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer ; je vous prie de m’excuser. Et un autre dit : J’ai pris une femme, et c’est pourquoi je ne puis venir. Le serviteur étant revenu, rapporta tout ceci à son maître. Alors le père de famille irrité dit à son serviteur : Allez vite dans les places et les rues de la ville, et amenez ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. A son retour, le serviteur dit : Seigneur, il a été fait comme vous l’avez commandé, et il y a encore de la place. Le maître dit au serviteur : Allez dans les chemins et le long des haies, et pressez d’entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui étaient conviés ne goûtera de mon souper[6].

25 Une grande foule de peuple marchant avec lui[7], il se retourna vers eux et leur dit : Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple[8]. Et celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. Car qui de vous, voulant bâtir une tour, ne s’assied pas auparavant pour supputer la dépense nécessaire, et voir s’il a de quoi l’achever ? De peur qu’ayant posé les fondements, et ne pouvant conduire l’ouvrage à sa fin, tous ceux qui le verront ne viennent à se railler de lui, disant : Cet homme a commencé à bâtir et il n’a pu achever. Ou quel roi, allant faire la guerre à un autre roi, ne s’assied d’abord pour se demander s’il peut avec dix mille hommes faire face à un ennemi qui se présente avec vingt mille. S’il ne le peut, tandis que celui-ci est encore loin, il envoie des ambassadeurs lui demander la paix. Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède, ne peut être mon disciple. Le sel est bon, mais si le sel s’affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur ? Inutile et pour la terre et pour le fumier, on le jettera dehors. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

  1. Sous cette règle de conduite à suivre dans un festin, se cachait un sens plus général et plus élevé, savoir, la nécessité, pour les disciples de Jésus-Christ, d’être petits et humbles en toute circonstance (vers. 11).
  2. Ce conseil du Sauveur était exactement suivi par le pape saint Grégoire le Grand, qui avait ordinairement douze pauvres à sa table. Saint Louis, roi de France, en nourrissait chaque jour un bien plus grand nombre, et souvent il les servait lui-même et leur lavait les pieds.
  3. Et sans doute, ainsi que tous les Juifs, cet homme se croyait du nombre de ces heureux.
  4. S. Matthieu (xxii, 2 sv.) rapporte à peu près la même parabole, mais dans des circonstances et avec une signification tout à fait différentes.
  5. Meyer, de la même manière.
  6. L’homme, c’est Dieu (Jésus-Christ) ; le festin, c’est l’Église même de Jésus-Christ ; le serviteur qui est envoyé, ce sont les prédicateurs de l’Évangile ; les premiers invités sont les Juifs, les derniers invités sont les Samaritains et les païens. Allioli. « Cela regardait les Juifs, mais cela nous regarde aussi, dit Bossuet. Nous sommes à présent les invités, et nous devons apprendre ce qui empêche les hommes de venir à ce céleste festin. La cause la plus générale, c’est l’occupation et, pour ainsi dire, l’enchantement des affaires du monde. » Les saints Pères font encore l’application de cette parabole au banquet de la sainte Eucharistie, dédaigné par les hommes orgueilleux et sensuels ; mais recherché avidement par les petits et les humbles. Allioli.
  7. Sans doute au sortir de la maison du Pharisien (vers. 1).
  8. Haïr est mis ici pour aimer moins, comme Notre-Seigneur l’explique lui-même (Matth. x, 37). Liaison : C’est un grand bonheur que d’avoir part au festin du royaume de Dieu (aux biens spirituels qui sont dans l’Église, et ensuite à la gloire du ciel) ; mais pour être mon disciple, il faut beaucoup de renoncement et de mortification ; qu’on y réfléchisse bien avant de s’y engager, car il serait honteux d’abandonner ma doctrine après l’avoir embrassée, de devenir un sel affadi (vers. 34).