Les Sciences occultes au XIXe siècles

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LES SCIENCES OCCULTES


AU XIXe SIÈCLE





LES TABLES TOURNANTES

ET LES MANIFESTATIONS PRÉTENDUES SURNATURELLES

CONSIDÉRÉES AU POINT DE VUE

DES PRINCIPES QUI SERVENT DE GUIDE DANS LES SCIENCES D’OBSERVATION.





I. Sighis and Sounds, the Mystery of the day, by Henry Spicer, Th. Bosworth, London 1853.— II. Facts and Fantasies, par le même. — III. Comment l’Esprit vient aux tables. — La Magie au XIXe siècle, par A. Morin, Paris 1853-1854. — IV. Quœre et Inrenies, Paris 1853. — V. Des Esprits et de leurs manifestations fluidiques, par le marquis Eudes de M... Paris 1853. — VI. Mémoire sur le Somnambulisme et le Magnétisme animal, par M. le général Noizet, Paris 1854. — VII. Mœurs et Pratiques des Démons ou des Esprits visiteurs, par le chevalier Gougemot Des Mousseaux, Paris 1854.





………. Ignari quid queat esse,
Quid nequeat ….. (LUCRECE)

Ils ne savent pas reconnaître ce qui est
possible et ce qui est impossible.


Lorsqu’à la fin de la période révolutionnaire du dernier siècle Delisle de Sales publiait son fameux ouvrage bizarrement intitulé : Mémoire en faveur de Dieu, il demandait très sérieusement pardon d’avoir choisi ou accepté une pareille cause : « Je sais bien, disait-il, que mon client n’est pas en faveur aujourd’hui. » (Quel client!) Je puis en dire autant en essayant de plaider en ce moment la cause de la raison. A voir le déchaînement de toutes les prétentions métaphysiques, théologiques, physiologiques et magiques contre cette pauvre raison, il y a de quoi désespérer de sa cause comme de Sales désespérait de la cause de l’Etre suprême, ci-devant Dieu (expression de 93). Quand on veut invoquer les lois bien établies du possible et de l’impossible, on trouve pour adversaire l’imagination, qui, toujours prête à tout admettre, ne laisse plus de place pour la saine logique, pour les déductions rigoureuses de l’expérience, enfin pour le simple bon sens.

I.

C’est en Amérique, dans le village de Hydesville, voisin de la ville d’Arcadia, comté de Wayne, état de New-York, qu’une maison précédemment habitée par Michel Weekman fut occupée par la famille Fox, venant de Rochester. Cet emménagement eut lieu le 11 décembre 1847, et ce fut à la fin de mars 1848 que commencèrent à se manifester les prodiges qui ont eu depuis un si grand retentissement dans les deux mondes.

On a souvent fait remonter les premières manifestations américaines à l’année 1847 ou même à 1846, parce qu’un soir dont on ne sait pas bien la date, M. Weekman, qui pendant ces deux années occupa la maison de Hydesville, entendit frapper à la porte de la rue, et, étant allé ouvrir, ne vit personne. Une seconde fois le même appel, s’étant réitéré, fut suivi du même résultat; mais le rusé M. Weekman, mystifié une seconde fois, s’avisa de tenir à la main la porte refermée, en sorte qu’au moment où l’on frappa pour la troisième fois il ouvrit subitement, mais ne vit encore personne. Cette anecdote revint à la pensée de M. Weekman après les éclatantes manifestations des esprits qui rendirent plus tard si célèbre la famille Fox, qui l’avait remplacé à Hydesville : elle n’a en soi rien de merveilleux, et ne peut établir pour cette maison la réputation d’une localité hantée par les esprits malins, car il est tout simple d’admettre que le gamin qui frappait à la porte du bourgeois deux fois mystifié, peut-être au moyen d’une balle de plomb attachée à une ficelle, avait bien prévu qu’il se tiendrait en embuscade pour la troisième fois, et si M. Weekman n’entendit pas des éclats de rire dans la rue, cela tient à l’essentielle différence qui existe entre le gamin français et le gamin anglais ou transatlantique, toujours largement pourvu de cet humour que l’auteur d’Atala aurait admirablement désigné par l’expression de gaieté triste[1].

Le 19 mars 1848 au soir commencèrent dans la maison d’Hydesville les bruits étranges qui persistèrent ensuite si obstinément. La famille Fox entendit un bruit qui semblait partir des chambres à coucher, et qui ressemblait à des coups frappés sur le plancher de ces chambres ou à ceux que produiraient des chaises déplacées. Quatre ou cinq membres de la famille étaient présens, et tous montèrent dans ces chambres pour reconnaître d’où provenait ce fracas. On visita la maison entière, mais on ne put rien découvrir. On éprouvait seulement un léger frémissement en plaçant la main sur les bois de lit, sur les chaises, ou même en se tenant debout sur le plancher. Le bruit se fit entendre cette nuit-là tant qu’il resta quelqu’un d’éveillé dans la maison. Le soir du jour suivant, ces sons se firent entendre comme auparavant, et ce ne fut que le lendemain de ce second jour, c’est-à-dire le 21 mars 1848 au soir, que les voisins furent appelés pour en être témoins. Voici le récit que faisait Mme Fox très peu de temps après le jour où cet événement avait eu lieu pour la première fois :

« Le lendemain de ces manifestations, nous résolûmes de nous mettre au lit de bonne heure et de ne nous laisser troubler par rien. Si le bruit se renouvelait, nous convînmes de ne plus y faire attention et d’essayer de goûter le repos d’une bonne nuit de sommeil. Mon mari, qui avait toujours été avec nous dans toutes les circonstances précédentes, entendit le bruit des coups frappés et se mit à la recherche de la cause. Il était de très bonne heure ce soir-là quand nous allâmes nous coucher, et la nuit était à peine close. Le motif était que nous avions été tellement privés de repos la nuit précédente que j’en étais presque malade. Mon mari, ainsi que je l’ai dit, n’était pas encore couché quand le bruit se fit entendre. Il commença comme d’ordinaire; je le reconnaissais parfaitement et le distinguais de tous les bruits quelconques que j’avais entendus dans la maison. Mes deux filles, qui couchaient dans l’autre lit de la même chambre, entendirent le bruit et essayèrent de produire le même son en faisant craquer leurs doigts. La plus jeune a environ douze ans. Aussitôt qu’elle faisait un bruit avec ses doigts ou en frappant ses mains l’une contre l’autre, on y répondait par un coup frappé dans la chambre. Ce bruit était le même que précédemment, il donnait seulement le même nombre de coups que l’enfant. Quand celle-ci s’arrêtait, les bruits étaient suspendus pour quelque temps. Mon autre fille, qui est dans sa quinzième année, dit alors en plaisantant : « Faites comme moi. comptez un, deux, trois, quatre, etc., » et en même temps elle frappait ses mains l’une dans l’autre. Ces coups furent reproduits comme d’abord. L’agent mystérieux semblait répondre en répétant chaque coup. Ce jeu ne fut pas continué. L’enfant commençait à s’étonner. Alors je pris la parole et dis au bruit : « Compte jusqu’à dix! » En effet, il se produisit dix chocs ou coups successifs. Alors je lui demandai l’un après l’autre les âges de mes différens enfans, et il frappa un nombre de coups correspondant à l’âge de chacun. Je demandai ensuite si c’était un être humain qui faisait ce bruit, et, s’il en était ainsi, de répondre par un choc. Il y eut un silence complet. Je demandai si c’était un esprit, et, s’il en était ainsi, de le faire connaître par deux coups. A peine les mots étaient-ils prononcés, que les deux coups se firent entendre. Je lui demandai s’il avait reçu quelque offense, et dans ce cas de le manifester par deux coups : ces deux coups furent très distinctement entendus; si c’était dans cette maison qu’il avait été lésé : sons affirmatifs; si l’offenseur était vivant : même réponse. J’appris, en continuant les mêmes interrogations, que sa dépouille mortelle était enterrée sous la maison, qu’il avait trente un ans, que c’était un homme, et qu’il avait laissé une famille de cinq enfans tous vivans. Sa femme était-elle vivante ? Silence négatif. Morte ? Affirmation. Depuis combien de temps ? Deux coups. »

Jusque-là les sons n’avaient répondu que par oui ou par non, ou par des coups réitérés désignant des nombres. Subséquemment néanmoins, l’attention étant éveillée et différens moyens ayant été imaginés pour s’entendre avec l’esprit, un des assistans eut l’idée d’interroger le faiseur de bruits par le moyen d’un alphabet. En conséquence on demanda à l’esprit si en prenant un alphabet ordinaire, il voudrait bien frapper un coup pour chaque lettre composant son nom à mesure qu’on promènerait la pointe d’une tige ou d’un crayon sur les lettres de l’alphabet. Cette convention ayant été adoptée, le nom de Charles Rayn fut épelé lettre par lettre. Plus tard, quand l’esprit était fatigué de répondre par l’affirmative ou la négative, il réclamait lui-même l’usage de l’alphabet, et cela par cinq coups frappés successivement. Tantôt c’était un alphabet écrit ou imprimé sur lequel on passait posément le doigt ou un indicateur quelconque; tantôt on récitait la série des lettres de vive voix, et quand on arrivait à la lettre désirée par l’esprit, un coup se faisait entendre et une lettre était épelée. En recommençant l’alphabet, on obtenait une seconde lettre, et ainsi de suite.

Nous n’avons pas besoin de dire que toute cette belle manifestation n’offrait rien de nouveau et qui ne traînât dans toutes les vieilles histoires de revenans, ainsi du reste que cela a été mis en évidence par tous les auteurs qui ont écrit là-dessus. Quelle que fût la cause naturelle ou surnaturelle que l’auteur assignât à la manifestation de Hydesville, comme des faits complètement analogues se sont passés plus récemment dans un village de Normandie, appelé Cideville, sans aucune connexion avec les prodiges américains et avant que ceux-ci fussent connus en Europe, les lecteurs qui ne seraient pas très au courant de cette démonologie (en grec démon veut dire esprit) sont avertis de ne pas faire de confusion. Au reste, comme la famille Fox se transporta plus tard dans la ville de Rochester, du même état de New-York, les manifestations portèrent plutôt le nom de cette ville que du village de Hydesville, où elles prirent leur origine. On trouvera l’histoire de Charles Rayn tout au long en fort bon style dans les lettres de Pline le Jeune, avec cette différence que les os du fantôme romain furent ensevelis convenablement (manes rite sepulti), tandis qu’après avoir un peu fouillé dans la cave pour trouver les restes du frappeur américain, on abandonna la besogne.

Si votre âme est en peine et cherche des prières.
Las ! je vous en promets et de toutes manières !

Ces prières, ces expiations aux mânes chrétiennes ou non de Charles Rayn n’ayant pas été accomplies, il arriva que l’une des demoiselles Fox, Margaretta, ayant suivi à Rochester une sœur aînée qui y était établie et déjà veuve, les sons mystérieux l’accompagnèrent comme si on les eût empaquetés dans sa garde-robe de voyage. Elle avait alors environ quatorze ans. J’ai demandé à plusieurs de ceux qui font des évocations avec les tables et qui conversent avec Napoléon Ier, avec Washington, avec Socrate, avec Molière, avec tous les héros et les hommes éminens de tous les âges, de vouloir bien évoquer ce malicieux Charles Rayn et lui demander pourquoi il ne s’est pas tenu tranquille, et si c’est pour se venger du peu d’activité qu’on a mis à retrouver ses restes qu’il a occasionné tout le mouvement qui a suivi sa manifestation. Je n’en ai eu aucune nouvelle! Le sournois rit dans sa barbe de tout ce vacarme américain et européen qu’il a excité avec la vieille friperie des vieux prodiges de mécanique et de ventriloquie, relégués jusqu’ici en France sur les théâtres de Comte et de Robert Houdin, successeurs de Fitz-James et de Borel.

Pour suivre l’historique des manifestations dites de Rochester, où des assemblées publiques et deux comités avaient été nommés pour rechercher la cause des nouveaux miracles, nous dirons que dans d’autres maisons que celle habitée par la jeune Margaretta Fox et sa sœur aînée, les manifestations se produisirent, et que dans une troisième ville du même état de New-York, Auburn, la plus jeune des demoiselles Fox, Catherine, âgée d’environ douze ans, se trouvant en visite, les bruits l’accompagnèrent aussi. Depuis lors les manifestations se produisirent sur un si grand nombre de points, qu’il serait trop long d’en faire l’énumération. New-York, la ville de huit cent mille âmes, qui avait été la quatrième localité où s’étaient montrés les prodiges, fut immédiatement suivie de trente autres villes telles que Boston, Cincinnati, Saint-Louis, Buffalo. La seule cité de Philadelphie compta trois cents cercles ou sociétés occupés de ces manifestations d’esprits. Chaque société avait son medium, c’est-à-dire une personne dont la constitution spéciale se prête plus favorablement à des relations avec les esprits : c’est ce qu’on appelle un sujet dans le langage du magnétisme animal. Ce mot de medium, d’après son étymologie, signifie un intermédiaire, comme le magicien ou la pythonisse l’étaient autrefois entre l’interrogateur et l’oracle. Ce sujet ou medium peut être un homme ou une femme, mais le plus communément c’est une dame ou une demoiselle. On cite plusieurs mediums américains comme étant d’une rare beauté, circonstance qui peut rendre les esprits sceptiques un peu moins rebelles à la foi réclamée. Telle ou telle complexion n’est pas exclusivement préférable. Dans les grandes villes de l’Union, comme par exemple à Boston, il se rencontrait quarante ou cinquante sujets. Enfin, au mois de septembre 1852, on estimait que dans toute l’étendue des États-Unis le nombre des mediums s’élevait à plus de trente mille, et que le nombre des personnes qui avaient été témoins des manifestations dépassait cinq cent mille. Comme l’état de medium conduit, suivant une expression anglaise, à empocher des dollars, il n’est point étonnant que tant de personnes se soient lancées dans cette facile profession. Je suis même fort étonné que l’on n’ait pas fait parler aux esprits le langage ordinaire des hommes, et qu’on se soit borné à provoquer des réponses par des coups frappés indiquant des nombres, des lettres, ou des affirmations et des négations. Sans doute on n’a pas voulu se trop rapprocher de nos ventriloques, qui font le plus aisément du monde frapper à une porte, mais qui de plus font, en langage ordinaire, appeler du dehors, réclamer du secours du fond d’un puits ou du haut d’une cheminée, de même qu’ils prêtent la parole à une poupée, à un chien, à un mouton, qu’eux-mêmes ou d’autres personnes tiennent entre leurs bras. L’antiquité, le moyen âge, l’Europe, le monde entier et les soirées de M. Comte ont leurs arbres rendant des oracles, leurs animaux parlans. Il n’y a rien sous le soleil de nouveau que ce qui ne l’est pas[2]. Tout ce qui se présente à l’observation calme ou passionnée des hommes a dû se renouveler déjà bien des fois dans le cours des siècles. Ce qui n’est pas plus nouveau que les faits actuels, c’est l’amour du merveilleux, qui se réveille tout aussi vivace dans les siècles modernes que dans ceux des premiers âges de l’humanité.

L’ouvrage anglais de M. Henry Spicer, intitulé Sights and sounds, the Mystery of the day (Ce qu’on voit et ce qu’on entend, ou le Mystère du jour), contient tous les détails désirables sur la vaste extension que ces manifestations prétendues surnaturelles ont prise aux États-Unis, et l’on sait qu’elles sont arrivées en Europe par Brême, Hambourg et l’Allemagne, en 1852, d’où, en 1853, elles ont passé en France et en Angleterre.

En Europe, les manifestations ont eu principalement pour interprètes le mouvement des tables ou des objets susceptibles de tourner sur eux-mêmes. On ne sait pas bien comment on a passé des coups frappés d’une manière invisible aux coups produits par le soulèvement des pieds d’une table, et ensuite au mouvement en rond de la table elle-même. Nous observerons qu’il est infiniment plus facile de dissimuler l’impression produite par les doigts sur un objet mobile que les évolutions de l’organe de la voix qui produisent les effets de la ventriloquie. Quant à l’énergie que peuvent acquérir les impulsions concordantes de plusieurs personnes agissant de concert, on peut affirmer, d’après la mécanique et la physiologie, que ces forces sont plus que suffisantes pour produire tous les effets observés. Il ne reste d’obscurité que sur l’accord qui s’établit entre la pensée des opérateurs et les mouvemens qu’ils impriment au corps mobile. Sous ce point de vue, les tables européennes sont bien plus curieuses que les grossiers frappemens américains.


II.

Avant de considérer les tables comme des êtres intelligens ou recevant momentanément le don de l’intelligence, le plus merveilleux effet en apparence, c’était de voir se produire un mouvement soi-disant par l’action seule de la volonté. C’est encore la prétention de ceux qui ne veulent pas admettre que les doigts imposés à la table exercent sur elle une pression, même à l’insu de ceux qui la touchent, et qu’ainsi il se produit un véritable effet sans cause, puisque l’expérience a établi que tout mouvement exige une force agissant au moyen d’un corps doué de masse, de poids, de substance matérielle enfin, et qu’en admettant la thèse contraire on arriverait tout de suite au mouvement perpétuel, lequel exige une création continuelle de mouvement pour compenser les pertes et l’emploi de la force. On a cité comme un fait avéré l’exemple de la fille électrique, Angélique Cottin, qui agissait, a-t-on dit, sur des corps mobiles pour les mettre en mouvement par sa seule volonté. Voici les faits, comme ils ont été constatés par les académiciens chargés de s’occuper des prétendus prodiges magnétiques de cette fille, d’une nature somnolente, petite de taille, mais assez robuste de corps, et en apparence d’une apathie extrême au physique et au moral. Aucune parole ne sortait de sa bouche, et sa pensée paraissait aussi engourdie que sa langue; mais comme, suivant le proverbe, il n’est tel sot qui n’ait sa ruse, on va voir ce qui fut reconnu, et j’avouerai qu’en voyant admettre comme chose positive les manifestations de la fille électrique, j’ai conçu une grande défiance pour mille autres procès-verbaux de séances surnaturelles racontées par des témoins prévenus ou trompés. Remarquons qu’à cette époque la presse, au lieu de donner, comme aujourd’hui, le signal de la crédulité aveugle à la société, qui refuse de la suivre sur ce terrain, professait un scepticisme complet.

Sur l’exposé fait à l’Académie des Sciences par M. Arago lui-même, une commission fut nommée pour vérifier les faits. Notez que M. Arago n’avait pas le droit de refuser de porter devant le corps savant dont il était secrétaire les faits prétendus qu’on voulait soumettre à un examen scientifique. De même, la nomination de la commission était de droit. Jusqu’ici, il n’y a rien qui fasse autorité pour les prodiges annoncés. Or, les membres de la commission n’ayant pu vérifier aucune des particularités annoncées, il n’y eut point de rapport fait, et les parens d’Angélique, gens d’une probité exemplaire, s’en retournèrent avec elle dans leur pays. La bonne foi des époux Cottin et d’un ami qui les accompagnait m’avait fort intéressé, et j’aurais voulu pour tout au monde trouver quelque réalité dans les merveilles annoncées. Ainsi on prétendait que la jeune Angélique distinguait au toucher le pôle d’un aimant renfermé dans son étui. Il n’en était rien, et même en lui présentant l’étui sans aimant, la sensation prétendue était la même. Un tourniquet léger, formé de feuilles de papier portées sur un pivot, ne fut jamais mis en mouvement par le prétendu fluide électrique de cette fille, malgré toutes les assertions contraires d’essais préalables. J’ai dit ailleurs[3] que la seule évolution remarquable qu’elle exécutât, c’était, en se levant le plus paisiblement du monde d’une chaise où elle était assise, de lancer cette chaise en arrière avec une force telle que souvent la chaise allait se briser contre un mur; mais l’expérience capitale, celle où, suivant ses parens, se révélait le miracle de produire du mouvement sans toucher les objets, était la suivante. On la plaçait debout devant un léger guéridon recouvert d’une mince étoffe de soie; son tablier, formé aussi d’une soie très légère et presque transparente, posait sur le guéridon, mais cette dernière condition n’était pas de rigueur; alors, quand la vertu électrique se manifestait, le guéridon était renversé, tandis que la fille électrique conservait sa stupide impassibilité ordinaire.

Je n’avais jamais été témoin d’aucune réussite dans ce genre, ni moi, ni mes confrères de la commission de l’Institut, ni les médecins, ni quelques écrivains qui avaient suivi avec beaucoup d’assiduité toutes les séances indiquées au domicile des parens. Pour moi, j’avais dépassé toutes les bornes d’une complaisance bienveillante, lorsqu’un soir ceux-ci vinrent me prier, au nom de l’intérêt que je leur avais témoigné, de leur donner encore une séance de plus, et que la vertu électrique venait de se déclarer de nouveau avec une grande énergie. J’arrivai vers huit heures du soir à l’hôtel où logeait la famille Cottin. Je fus désagréablement surpris, dans une séance destinée à moi seul et à ceux que j’avais amenés, de trouver la salle envahie par une nombreuse réunion de médecins et de journalistes attirés par l’annonce des futurs prodiges qui allaient reprendre leur cours. Après les excuses faites, je fus introduit dans une chambre du fond qui servait de salle à manger, et là je trouvai une immense table de cuisine, formée d’épais madriers de chêne d’une grosseur et d’un poids énormes. Au moment du dîner, la fille électrique avait, par un acte de sa volonté, renversé cette table massive, et brisé par suite toutes les assiettes et bouteilles qui se trouvaient dessus; mais ces excellentes gens ne regrettaient pas cette perte, ni le mauvais dîner qui en avait été la suite, par l’espérance que les propriétés merveilleuses de la pauvre idiote allaient se manifester et devenir officielles. Il n’y avait pas moyen de douter de la véracité de ces honnêtes témoins. Un vieillard octogénaire, le plus sceptique des hommes, M. M.., qui m’avait accompagné, crut à ce récit comme moi ; mais étant rentré avec moi dans la salle où la réunion était nombreuse, cet observateur défiant resta, malgré le froid, dans la porte d’entrée même, en prétextant la foule qui remplissait la pièce, et il se plaça de manière à voir de côté la fille électrique avec son guéridon devant elle. Cette fille faisait face à ceux qui occupaient en grand nombre le fond et les côtés de la salle. Après une heure d’attente patiente, rien ne se manifestant, je me retirai en témoignant de ma sympathie et de mes regrets. M. M... resta obstinément à son poste : il tenait en arrêt, de son œil infatigable, la fille électrique, comme un chien couchant le fait d’une perdrix. Enfin, au bout d’une autre heure, mille préoccupations ayant distrait l’assemblée et de nombreuses conversations s’y étant établies, tout à coup le miracle s’opéra, le guéridon fut renversé. Grand étonnement, grand espoir! On allait crier : Bravo! lorsque M. M.., s’avançant avec l’autorité de l’âge et de la vérité, déclara qu’il avait vu Angélique, par un mouvement convulsif du genou, pousser le guéridon placé devant elle. Il en conclut que l’effort qu’elle avait dû faire avant dîner pour renverser une lourde table de cuisine avait dû occasionner au-dessus du genou une forte contusion, ce qui fut vérifié et trouvé réel.

Telle fut la fin de cette triste histoire où tant de gens avaient été dupes d’une pauvre idiote, assez maligne cependant pour faire illusion par son calme même. Si l’on voulait assimiler toutes les narrations de faits merveilleux à l’histoire d’Angélique Cottin, on arriverait bientôt à l’incrédulité la plus absolue. Tous ceux qui lisent dans les Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences les propriétés merveilleuses que les membres de la commission étaient appelés à examiner voudront bien faire attention que l’annonce de ces merveilles n’en était pas la constatation. Et dans bien d’autres cas :

On commence par être dupe.
On finit par être dupant.

Il est encore question dans le même recueil d’une commission nommée pour vérifier des faits singuliers observés près de Rambouillet chez un propriétaire manufacturier dont tous les vases éclataient en mille pièces au moment où on s’y attendait le moins. Des chaudières et des vases en fonte de grande dimension volaient de même en éclats au grand préjudice du propriétaire, dont les embarras cessèrent par le renvoi d’un domestique qui s’entendait avec celui qui devait occuper l’usine pour l’obtenir à meilleur marché. Cependant il est regrettable que l’affaire se terminât avant qu’on eût pu savoir à quelle poudre fulminante on avait eu recours pour produire ces effets si curieux, si nouveaux, et en apparence si bien constatés.


III.

Le Mémoire sur le Somnambulisme de M. le général Noizet, qui forme un ouvrage considérable de plus de quatre cents pages, contient une note sur les tables tournantes, où j’ai vu avec plaisir, je dirais même avec fierté, que je m’étais rencontré avec cet excellent esprit sur la cause des rotations observées dans les tables et sur la production de ces effets même à l’insu des opérateurs. M. le général Noizet saisit avec beaucoup de supériorité l’analogie qui se trouve ici entre la cause involontaire de la rotation des tables et le mode d’action semblable du magnétisme animal, sans que pour cela il soit nécessaire d’admettre qu’un fluide particulier émane de nos corps et vienne accidentellement animer une substance inorganique. L’auteur ajoute : « Cette explication, que je crois en tout point la véritable, si elle enlève le merveilleux des faits, ne fait pas qu’ils ne soient extrêmement remarquables. »

On a depuis longtemps remarqué qu’en considérant le magnétisme animal (dont nous n’avons pas du reste à nous occuper ici) comme un moyen de chercher dans la pensée des choses qui y étaient pour ainsi dire à son insu, on ne pouvait jamais tirer d’une faculté pensante que ce qui y avait été déposé antérieurement. De même, en admettant qu’à leur insu les expérimentateurs produisent involontairement dans les tables des mouvemens qui répondent à certaines indications, ces indications ne pourront sortir du cadre des faits et des pensées qui forment te domaine intellectuel de ces expérimentateurs. On tire de là un critérium infaillible pour juger bien des cas de charlatanisme par une réduction à l’absurde aussi commode qu’infaillible, et l’on explique en même temps pourquoi, malgré le prétendu merveilleux de ces manifestations qui nous ont mis soi-disant en rapport avec le monde des esprits, la science, même la science psychologique, a si peu bénéficié par la conquête de ces nouveaux procédés d’observation tant vantés et en réalité si stériles. Les oracles des esprits frappeurs et des tables parlantes ont appris tout ce que l’on savait dans chaque société et dans chaque nation où on les consultait, comme on devait s’y attendre d’après le grand principe qu’il n’y a point d’effet sans cause.

Je remarquerai à l’honneur de la société française que l’intérêt pécuniaire a été étranger à cette crise de crédulité publique, d’amour du merveilleux, de curiosité de l’avenir, passions qui créent à l’ordinaire une grande quantité de marchandises qui ne se pèsent point à la balance, mais qui pour cela n’en sont pas payées moins cher. Les mediums ou sujets français n’ont point eu pour but en général l’emboursement des dollars. Si la bonne foi n’a pas toujours été rigoureusement respectée, ç’a été souvent le désir d’avoir raison, plutôt que celui de tromper, qui a guidé les contrevenans. Il est bien difficile, quand on soutient passionnément une thèse contestée, de ne pas vouloir triompher à tout prix. L’entraînement de la discussion amène dans l’expérimentation, comme dans les pratiques religieuses, ce qu’on désignait autrefois sous le nom de fraudes pieuses ; mais là, comme partout, on peut poser des principes et amener les prétendans au surnaturel à répondre par oui ou non aux épreuves indiquées.

Nous avons déjà dit que pour l’imagination il n’est point de règles, point de principes, point d’impossibilité. Dans le monde fantastique de cette sœur étourdie de la calme raison, on se figure aisément îles animaux parlans, des lions ailés, des rochers suspendus dans les airs, des chênes qui rendent des oracles, enfin tout ce que la mythologie et la poésie de toutes les nations ont mis en jeu pour l’agrément de la pensée. Les légendes du moyen âge, les histoires de fées, de revenans, de magiciens, les contes des Mille et une Nuits ont bercé notre enfance, et nous ont habitués à ne pas trop nous révolter contre tout ce qui semble déroger aux lois de la nature. De là à croire à un vrai dérangement dans l’ordre de l’univers il n’y a qu’un pas; mais ce pas, considérer à la chose sous tous les points de vue, est infranchissable. Admettez-vous la grande idée de la puissance créatrice qui a produit et coordonné l’univers, vous y trouvez que la toute-puissance qui en a fixé les lois est elle-même esclave de ces lois qu’elle a fixées, car autrement il faudrait admettre en elle une imprévoyance ou une ignorance qui répugnent au plus simple sens commun. Dieu, suivant la belle expression de Sénèque, a parlé une fois, et depuis il s’obéit toujours à lui-même. Semel jussit, semper paret ! Admettez-vous la nature s’organisant elle-même sous l’empire des propriétés innées de la matière éternelle et de la vie : alors qui peut commander une dérogation aux lois qui résultent de ces propriétés, puisqu’il n’y a aucun pouvoir directeur, aucun donneur d’ordre pour suspendre ou contredire la marche fatale des faits ? Je n’examine pas ici le cas d’un miracle absurde, immoral ou ridicule, que le sens commun rejette dans toutes les hypothèses.

Nous voilà donc autorisés à établir des principes qui, pour les lois de la nature, doivent être exclusivement tirés de l’observation des faits. Pour savoir ce qui est, il faut observer. Les collections de faits conduisent à des inductions qui, vérifiées dans tous les cas où peut atteindre l’observation, deviennent des lois, des principes qui ont toute la certitude que comporte le sujet. Ainsi on a reconnu que tous les corps sont pesans, mobiles, résistans, électriques, agissans sur les organes du tact, de l’ouïe, de la vue. Au lieu de chercher théoriquement avec Descartes à deviner les propriétés qui font l’essence de la matière, on a reconnu et mesuré expérimentalement avec Bacon toutes les propriétés physiques de la matière. Par exemple, au lieu de se consumer en vains efforts pour comprendre ce que c’est que l’élasticité, on a emprisonné dans le fer la vapeur élastique de l’eau produite par le feu, et on a obtenu la machine à vapeur. L’exposé des résultats des sciences d’observation est donc le véritable code de la nature, code qui peut être incomplet, mais qui n’admet point de loi fausse. C’est donc ce code, produit de la méthode d’induction, de l’observation patiente et de la logique mathématique, qu’admet la raison comme un ensemble de lois irréfragables auxquelles toute contravention sera une véritable réduction à l’absurde.

Prenons un exemple dans notre sujet. Tous les corps sont pesans, tous non soutenus se précipitent vers la terre. Ici, point d’exception ni même de variété dans l’exercice de cette propriété, la plus générale de toutes. Un kilogramme de pierre, d’argent, de fer, d’eau, un kilogramme d’huile, d’air même, pèsent tous de la même manière. Il n’y a ni plus ni moins dans cette force, il n’y a ni intermittence, ni spécialité. Or on vient me dire que les sujets ou mediums, dans les manifestations américaines, font mouvoir des objets sans les toucher et maintiennent en l’air et sans support des corps matériels immobiles. Dès lors je reconnais l’impossibilité du fait énoncé et l’erreur ou l’imposture du narrateur. Je ne parle pas seulement du cas où l’on a vu des hommes soulevés de manière à toucher le plafond avec leur tête et qu’on ramenait en bas en les tirant par les pieds; mais si seulement on pouvait faire tenir en l’air une petite pièce d’or, un dollar américain, ou la pareille petite pièce française de cinq francs, alors on gagnerait créance pour toute manifestation surnaturelle que l’on voudrait faire adopter. Je n’ai pas besoin de dire que nous en sommes à attendre ce miracle positif, et que sans aucun doute nous l’attendrons éternellement[4]; et remarquez à quels embarras vous ouvrez la porte par vos prétentions au surnaturel ! Vous obtenez, je l’admets pour un moment, un effet contraire aux lois bien établies : on vous demandera d’expliquer le motif de ce trait de folie de la nature; on vous dira qu’il répugne à la raison, à la plus simple intelligence d’admettre qu’à la volonté d’un individu tout l’édifice si bien coordonné du monde physique soit contrarié, et on vous pressera de tant d’argumens irrésistibles, que vous serez moins embarrassé de croire à une erreur, à une illusion de votre part qu’à une inconséquence dans le système du monde. Certes un astronome qui verrait la lune aller éclipser l’étoile polaire n’en croirait pas ses yeux. Rien d’impossible comme un miracle absurde, et notez bien ici que dès que vous dites miracle ou fait surnaturel, vous impliquez tacitement l’idée d’une renonciation volontaire à l’ordre de choses général. Or cette dérogation doit avoir une cause, qui est alors un motif, puisqu’il y a contradiction aux lois ordinaires. Vous voilà tenu de légitimer ce motif; votre fait prétendu surnaturel vous conduit à devenir logiquement responsable de l’intention qui l’a produit, et alors gare les motifs insuffisans, vulgaires ou ridicules !

Ouvrez tous les livres qui rapportent des faits miraculeux et notamment les miracles des convulsionnaires de Saint-Médard au tombeau du diacre Pâris, vous y verrez la thèse des miracles mal faits examinée à fond et admise sans réserve. L’auteur parle des faiseurs de difficultés qui se révoltent d’une manière si indécente et qui nient tout net que l’opération de Dieu puisse se trouver partout où ils s’imagineront trouver du puéril, du bas, de l’indécent. Que ferait de pis contre la puissance divine le plus acharné sceptique ? Et tout cela pour arriver à conclure que les jansénistes avaient raison contre les molinistes! Le livre est de 1732. Quelle pauvreté! On voudra bien me dispenser de citations de même force tirées d’ouvrages publiés en 1852, 1853 et 1854 !

Avant de quitter cet ordre de questions, je mentionnerai avec éloge les travaux d’érudition des auteurs qui ont recherché dans tous les écrits de l’antiquité sacrée ou profane ce qui se rapporte aux faits prétendus surnaturels. Je n’y ai point vu cependant cette indication de saint Hilaire et de plusieurs écrivains sacrés, savoir que la suppression de l’action de la pesanteur est un caractère miraculeux. « Les tombeaux des saints, dit saint Hilaire, guérissent les maladies, et c’est une œuvre digne d’admiration d’y voir les corps soulevés sans corde qui les hisse. » Que les adeptes du mystère du jour (mystery of day) nous montrent le corps pesant dont parle saint Hilaire suspendu sans corde et sans mouvement, et nous reconnaîtrons tout de suite un miracle réel.


IV.

Plusieurs âmes timorées, du reste de la plus louable bonne foi et de la plus évangélique bienveillance, paraissent craindre que l’examen critique des prétendus miracles nouveaux ne conduise à attaquer ceux qu’admettent nos dogmes chrétiens ; c’est ce sentiment général qui en Amérique, où pullulent mille sectes chrétiennes, a accueilli les vieux prodiges remis à neuf. L’évêque de Saint-Louis a même lancé contre eux les foudres de l’église : c’était, comme dans l’Enéide, frapper à vide sur des fantômes.

Irruit et frustra ferro diverberat umbras.

Le clergé français a été bien plus digne et bien plus sage ; il n’en a appelé qu’à la raison, et tout le monde a applaudi.

On pense bien que cent fois on a dû me demander mon avis sur toutes ces matières. Ici comme ailleurs, je n’ai nulle envie de cacher mon opinion ; voici donc ce que je réponds. La science ne doit jamais être agressive, et la question des miracles est une question de controverse religieuse épuisée depuis longtemps, où tout a été dit pour ou contre par les coryphées de l’esprit humain. Sous ce point de vue, la science des faits, la science positive n’a rien à y voir ; mais si au moyen de prétendus miracles récens des esprits primesautiers (expression de Montaigne, qui signifie, en bon français, étourdis) viennent attaquer les principes qui ont assuré les progrès des sciences d’observation, il faut défendre énergiquement ces principes fondamentaux de la raison pratique, et montrer aux agresseurs imprudens que la hache à laquelle on veut faire couper le fer ne peut plus ensuite entamer même le bois. C’est ce que disait hardiment Kepler aux théologiens qui prenaient si légèrement l’initiative et la mission d’attaquer la doctrine physique de Copernic et de Galilée. Dans la dédicace de son ouvrage au pape, Copernic avait traité ces gens-là de parleurs à tort et à travers sur des matières qu’ils ignorent. « Les livres de science, ajoute-t-il, sont écrits pour être lus par les savans ; mathematica mathematicis scribuntur. » La science moderne, en se popularisant, suivant l’expression reçue, a ouvert la porte à bien des savans sans titre officiel ou rationnel, et c’est du côté de ceux-ci que sont passés maintenant les prétentions et le pédantisme dont les écoles et les académies avaient autrefois le privilège exclusif.

Mais, dira-t-on, ceux qui ne croient pas aux miracles reconnus par les diverses sectes chrétiennes devraient les attaquer dans l’intérêt de la vérité et de la raison, sauf à laisser aux théologiens des divers rites le droit de les défendre. — Tout cela a été fait et refait. En supposant d’ailleurs qu’il y eût à cela l’utilité qu’y semblent reconnaître les précepteurs sceptiques des nations, ne devraient-ils pas avoir un peu de condescendance pour la masse immense de ceux qui peuvent y croire ? Et, s’ils les regardent comme aveugles, ce serait une preuve de bon goût, je dirais presque de charité, de ne pas trop se moquer de leur infirmité, surtout en ayant si peu de chances de la guérir.

Beaucoup de théologiens sérieux et parfaitement orthodoxes ont tâché, on l’ignore peut-être, d’assigner des causes naturelles aux miracles reconnus authentiques. L’étoile même qui conduisit les rois mages au berceau du Christ au moment où commence notre ère a été identifiée tantôt avec une comète, tantôt avec une de ces étoiles temporaires qui, comme la fameuse pèlerine (peregrina) de 1572, brilla d’un éclat sans rival pendant quelques mois pour s’éteindre sur place et sans doute pour reparaître plus tard. Ces théologiens ne voient le miracle que dans la circonstance, suivant eux non fortuite, qui amène le phénomène naturel juste au moment où arrive l’événement historique qu’il est destiné à marquer du sceau du merveilleux. C’est ainsi que dans un village des environs de Poitiers, au moment d’une plantation de croix, sur la tête d’une nombreuse procession en plein air, au soleil couchant et au moment où on entonnait les chants de la consécration du pieux monument, la croix aérienne d’un bel anthélie météorologique apparut au-dessus de toutes les têtes et fut un vrai miracle pour les nombreux assistans. M. Bravais nous a donné depuis peu d’années la théorie, longtemps inutilement cherchée, de ce curieux et rare météore. On voit dans la relation du miracle de Migné, publiée par le clergé pastoral de Poitiers, l’indication expresse que le merveilleux consistait dans l’apparition du phénomène au moment précis de la consécration de la croix de mission. Je pourrais citer mille exemples semblables, mais là-dessus je n’ai rien à dire : ce n’est pas mon affaire ni celle des principes scientifiques que l’on attaque aujourd’hui.

Quant aux corps suspendus en l’air, sans cordes, sans nœuds et sans lacs qui les soutiennent (elevata sine laqueis corpora), ce seraient là les plus miraculeux de tous les miracles, puisqu’ils contrediraient la première des lois de la création. Ces miracles sont mentionnés par bien des auteurs. Saint Hilaire, saint Jérôme, saint Paulin et Sulpice Sévère les donnent comme ordinaires aux tombeaux des saints et des martyrs en général, et spécialement à ceux d’Élysée, du prophète Abdias, de saint Jean-Baptiste, de saint Martin et de saint Félix. Mais ces miracles, comme on va le voir, n’ont rien de commun avec le miracle que je somme les thaumaturges modernes de nous faire, à savoir : de nous montrer une petite pièce d’or de cinq francs, qui ne pèse pas deux grammes, soutenue en l’air et immobile à quelques centimètres au-dessus d’une table, celle-ci fût-elle environnée des soixante mille mediums américains mâles ou femelles. En effet, il est expressément dit dans les quatre historiens de ces miracles que c’étaient des corps vivans d’hommes ou de femmes qui étaient (ou qui paraissaient) ainsi suspendus en l’air. Ils ajoutent que, chose étonnante, les vêtemens des femmes ainsi renversées et marchant les pieds en l’air ne retombaient pas cependant sur leur tête qui était en bas, et que ce second miracle était pour faire enrager le diable, qui aurait bien voulu que le miracle blessât la pudeur. Satan est bien plus vexé quand l’honnêteté n’est pas compromise ; — illæso gravius torquetur honesto. — Ce complément du miracle, ces jupes non retombantes sur la tête paraissent tout à fait indispensables à l’auteur janséniste des Miracles de Saint-Médard; autrement, dit-il, ce ne serait qu’un prodige d’indécence et d’immodestie ! Je suis tout à fait de son avis, quoique je ne sois pas janséniste.

Le miracle en question est de ceux qui font partie de la collection bien connue des prestiges de ce qu’on appelait autrefois magie blanche et qui étaient même pas un péché véniel, tandis que la magie diabolique était un péché pis que mortel, et classé par les casuistes dans la catégorie des cas réservés. Rien n’est plus facile à expliquer ou même à reproduire que cette apparence curieuse. Tout le monde sait que les Grecs avaient étudié à fond l’effet des miroirs; tout le monde a vu sur une eau tranquille les arbres et les hommes placés sur la rive opposée se refléter la tête en bas dans le poétique miroir des eaux. Eh bien! étendez-vous à demi couché sur un canapé dans une chambre un peu obscure, de manière à porter commodément vos yeux au-dessus de vous vers une glace placée horizontalement sur votre tête et attachée au plafond par des cordes qui la soutiennent de niveau, le côté étamé en bas : alors si une figure quelconque, un homme, une femme ou un animal, est placée dans un grand jour vis-à-vis d’un fond très noir, on verra dans ce miroir cette figure marcher la tête en bas et les pieds en haut. Si le miroir est incliné à quarante-cinq degrés, un homme debout, et qui tient un oreiller sur sa tête, apparait comme un homme couché. Voyez les ouvrages intitulés : Description d’un cabinet de physique, et vous direz : « Connu, connu ! Passons à d’autres tours de force ! » En fait de miracles :

Il nous faut du nouveau, n’en fût-il plus au monde!


V.

L’objet de cette étude est de considérer les phénomènes nouveaux ou renouvelés des siècles précédens au point de vue des principes de la science expérimentale, principes méconnus et attaqués par un grand nombre de ceux qui n’ont été guidés que par l’imagination dans ce qu’ils ont écrit sur les tables tournantes et leurs manifestations métaphysiques. Il nous est donc interdit d’entreprendre l’examen des faits curieux qui ont prêté à la magie, à la superstition, à la fourberie morale un dangereux appui. Le somnambulisme et le magnétisme, qui deviendront dans peu une belle et positive science physiologique, — en prenant pour guide les principes de la science inductive, quand on ne demandera à cet ordre de lois de la nature que ce qu’il peut donner, — ont avec la cause des effets produits sur les tables des analogies que je dois renoncer à poursuivre en détail. Je me bornerai à dire que, tandis que dans le magnétisme on observe l’action mystérieuse d’un être animé sur un être animé transmise d’une manière que l’on peut dire occulte, on pouvait espérer quelque chose de plus simple dans la transmission de l’action d’un corps vivant à un corps inanimé. Tout indique que la transmission se fait à l’insu de l’opérateur et par une action dont il n’a pas la conscience; mais croire avec M. Charles Jullien[5] « que l’influence magnétique indubitable que le magnétiseur exerce sur son somnambule par sa seule volonté mise en rapport sans contact avec son somnambule, que cette influence, dis-je, se transmettra de même sans contact de l’opérateur aux tables, » c’est méconnaître en ce point la question à résoudre, puisqu’on admettant l’action magnétique il suffit au magnétiseur d’agir sans contact sur la pensée de son somnambule, laquelle pensée guide ensuite les actions dudit somnambule, tandis que dans le cas de la table supposée impressionnée autrement que par le contact, où serait le principe dirigeant qui, recevant cette action sans contact, la transmettrait à la table ? — Mais, dira-t-on, une portion de la volonté de l’opérateur peut momentanément se loger dans la table et la faire obéir. « La même force, dit M. Jullien, qui entraîne et dirige les personnes, produit absolument les mêmes résultats sur des objets inanimés. » Or voilà ce qui est impossible et rompt toutes les analogies. Pour que la volonté du magnétiseur fasse agir le somnambule, elle doit se transmettre à la pensée de celui-ci, laquelle pensée a ensuite pour se faire obéir l’admirable appareil du cerveau, des nerfs et des muscles. Si vous imaginez que la pensée de l’opérateur se fixe dans la table de manière à lui communiquer une sorte d’instinct vital, il faudra encore faire naître dans cette table le système obligé d’un cerveau, d’un fluide électrique conduit par les nerfs de la force et les nerfs de la sensibilité, et enfin de muscles contractiles, de tendons, de parties solides, agissant comme leviers pour obéir aux nerfs comme ceux-ci obéissent au cerveau, comme celui-ci lui-même est soumis à l’empire de la volonté. Voilà le possible; voilà aussi l’impossible. Le possible est ce qui est ; l’impossible est ce qui est en contradiction avec ce qui est, c’est-à-dire avec les faits. Or ici les faits parlent hautement : vous ne pouvez agir sur la substance matérielle que par la matière elle-même. Le choc ou l’action d’un corps sur un autre faiblit d’autant plus, que le corps choquant ou agissant devient de plus en plus petit, en sorte qu’avec un moteur minime l’action serait presque nulle. Si l’on réduit l’être agissant à n’avoir point de masse, comme la volonté, la pensée, l’effet produit sur la matière sera parfaitement nul. Tels sont les principes nettement posés et pleinement confirmés dans le monde entier. Archimède se vantait avec un point d’appui de mettre la terre en mouvement : Δος που στω, ϰαι την γην ϰινησω.. D’accord. Il soulèvera la terre, mais de combien ? Le calcul indique qu’il ne la soulèverait pas de l’épaisseur d’une feuille de papier en plusieurs milliers d’années. Alors il peut rester tranquille et dispenser la nature de lui fournir le point d’appui réclamé si orgueilleusement dans la vue d’un si mince résultat !

Mais s’il est absurde d’espérer que, contrairement aux lois physiques, les tables et les objets massifs obéissent à la volonté, il n’est pas moins à regretter que cette puissance ait été refusée à l’homme et à sa pensée seule. N’ayant pas un tel pouvoir, il faut donc nous borner à étudier avec soin toutes les actions curieuses que, par le moyen de nos organes, l’imagination et la volonté de l’homme peuvent produire sur les objets animés ou sur les objets matériels. Je renouvelle ici la question de savoir comment il se fait que la volonté, transmettant son action par les mouvemens naissans, très énergiques, produise dans la table des mouvemens dont les opérateurs n’ont pas la conscience ni pour le sens du mouvement, ni pour l’intensité ? D’où vient cette fascination qui leur fuit croire qu’ils sont entraînés par la table que réellement ils guident ? Peut-on développer magnétiquement dans des êtres doués de volonté, mais non de raison, savoir dans les animaux, les mêmes phénomènes d’action sans conscience que l’on observe dans les hommes ? Si l’on pense aux faits bien constatés de fascination, de terreur, de penchant instinctif, cette action peut se faire sentir à distance et sans contact comme dans le somnambulisme humain. Les animaux, et notamment les chiens de chasse, sont comme les hommes agités par des rêves : sont-ils susceptibles de somnambulisme ? Bien loin de rabaisser le mérite de pareilles recherches et de rétrécir le cercle de l’investigation, il faut l’étendre le plus possible. Il faut même sacrifier sans peine des opinions trop légèrement admises pour des opinions mieux fondées; mais il faut suivre une voie qui conduise à des résultats positifs et ne pas tourner constamment dans le même circuit de circonstances reproduisant toujours les mêmes points de vue. « Toute la difficulté de la philosophie de la nature, dit Newton, paraît consister à constater par un certain nombre de phénomènes les lois de la nature et ensuite à démontrer au moyen de ces lois le reste des phénomènes. » Lorsque cette marche sage et sûre aura été suivie dans les phénomènes des tables tournantes, nous saurons quelque chose sans l’intervention des esprits, sans merveilleux, sans surnaturel. Ce sera bien moins beau, bien moins poétique, bien moins transcendant, mais ce sera bien plus sûr. Je regretterai plus que tout autre de renoncer à un commerce avec les esprits de l’humanité entière, lequel commerce jusqu’ici ne nous a pas appris grand’chose; mais je me consolerai de cet échec en pensant qu’il vaut mieux ne rien savoir que de savoir des choses fausses, et que dans l’étude de la nature, la première de toutes les sciences, c’est de savoir ignorer !


VI.

Je ne puis laisser passer sans un plus grand développement ce que j’ai dit de l’impossibilité de mettre en mouvement des corps matériels et lourds par la seule action de la pensée. Sans recourir ici à la raison d’effet sans cause ou de création de mouvement impossible à comprendre, observons ce qui est. De cette manière, nous n’aurons à craindre aucune erreur de métaphysique.

Dans tous les animaux, la volonté (nous sommes ici bien loin de l’âme) produit le mouvement par la série d’actions que voici. Le cerveau ou, pour mieux dire, les diverses parties du cerveau envoient le fluide électrique nerveux par l’intermédiaire des nerfs, tant de ceux de la sensibilité que de ceux du mouvement, jusqu’aux muscles, qui, sous l’empire de l’électricité, se contractent ou se relâchent. Les tendons, les os et les parties solides du corps servent ensuite de cordes et de leviers pour transmettre et modifier mécaniquement cette force produite par l’impulsion originaire du cerveau. On peut suivre, dans les beaux travaux de M. Magendie, le fractionnement des diverses facultés à mesure qu’on paralyse telle ou telle partie du cerveau. La partie antérieure étant paralysée, l’animal ne peut plus reculer; il marche en avant. Est-ce la partie postérieure ? l’animal recule sans cesse. Dans d’autres cas, il ne peut se mouvoir qu’en tournant à droite ou à gauche, en sautant, en rampant, ou même en se roulant sur lui-même. On tient le fil par lequel le cerveau transmet ses ordres. On peut aussi suppléer, dans plusieurs cas, aux communications nerveuses, en remplaçant les nerfs par des fils ou des conducteurs métalliques de l’électricité. Je passe mille autres faits aussi curieux qu’importans.

Et on voudrait nous faire croire que tandis que les êtres vivans sont obligés d’employer un appareil si savant, si compliqué, si délicat, si bien coordonné, pour faire du mouvement matériel avec la volonté, ou, pour mieux dire, aux ordres de la volonté, on obtiendra directement, sans intermédiaire, sans aucun des moyens employés par la nature, des mouvemens en opposition avec toutes ses lois : c’est vouloir gagner à la loterie sans avoir pris de billets[6].

Abordons maintenant le côté soi-disant religieux de la question des manifestations prétendues surnaturelles. Je dirai d’abord que je ne partage nullement la crainte que le démon, le principe du mal, attende les fidèles au coin d’une table mobile comme un assassin au coin d’un bois, et ne tende, de cette bizarre position, des embûches fatales à leur foi et à leurs principes religieux et moraux. Cependant j’approuve fort les écrits pleins de haute sagesse par lesquels les chefs de notre clergé pastoral ont prémuni les chrétiens contre les dangers de la superstition. Ces mandemens, dignes en tout point de la position élevée du clergé séculier français, ne me laissent rien à dire sur ce sujet. Il n’est peut-être aucun acte de ce corps, dont la puissance directrice est si étendue, qui ait provoqué une plus unanime approbation et une absence si complète de réclamations intéressées.

Maintenant, si dans les campagnes comme dans les villes les tables tournantes sont interrogées avec persévérance, consultées avec confiance sur les affaires de la vie ou sur les espérances de l’avenir, si même des inconvéniens graves peuvent résulter de l’autorité que peuvent s’arroger les mediums de bas ou de haut étage qui font parler les tables, réfléchissons que l’amour du merveilleux, la curiosité et l’espérance, l’impatience d’attendre l’événement, sont des élémens qui entrent dans l’âme humaine. Ne songeons pas à supprimer, mais bien à éclairer les penchans du cœur, et laissons à la loi le soin de réprimer les actes de captation ou de spoliation prévus par le code dans les cas bien définis d’exercice de la sorcellerie, de la magie ou des manifestations surnaturelles. S’il était besoin d’une expérience de plus pour connaître combien le cœur humain est accessible à l’ascendant du merveilleux, il suffirait de jeter un coup d’œil sur l’effet qu’a produit dans les vastes provinces de l’Union américaine une manifestation dont l’origine a été le jeu d’une enfant ventriloque qui s’amusait, par des coups en apparence frappés au mur, à la porte, à la vitre de la chambre, au bois du lit, à répondre aux battemens de mains de sa sœur ou aux siens propres, en feignant d’ordonner à l’esprit de suivre ses indications. Cette jolie petite scène de M. Comte, de Robert Houdin et de cent autres, interprétée au gré du désir des esprits les plus positifs, mais les plus indépendans du monde, savoir les habitans des États-Unis, devient un immense événement. Elle passionne les habitans d’une contrée plus grande que l’Europe et peuplée à peu près comme la France. Trente mille sujets ou mediums correspondent avec les esprits frappeurs. Le nombre actuel de ces mediums est évalué à soixante mille. Des vapeurs légères, des lueurs phosphoriques apparaissent et suivent les esprits. On converse avec les âmes de ses aïeux et avec celles des grands hommes qui ont été par la pensée et par l’action les aïeux de l’humanité entière. Enfin cette épidémie morale, cette frénésie se soutient pendant plusieurs années et envahit plus tard l’Europe entière. Quelle cause! quel effet! surtout quand on pense qu’il n’y a rien de neuf dans tous les prestiges américains !

D’autres exemples que les exemples d’actions physiques prouvent assez d’ailleurs que l’imagination ne connaît pas d’impossibilités. Ainsi, après la révolution de 1830, un grand nombre d’hommes sérieux sont occupés de questions religieuses et des moyens de rappeler à des pratiques qu’ils jugent utiles un grand nombre d’esprits élevés. On songe à introduire en France la grave unitarianisme anglais, à élever des temples à Dieu seul, soli Deo. On rêve la fraternisation de tous les cultes et l’admission du nouveau culte en le rapprochant du catholicisme autant que possible et en lui interdisant tout prosélytisme. Plusieurs personnes prononcent le nom de déisme chrétien : c’est la religion naturelle avec l’Évangile, c’est enfin tout ce qui paraît de mieux adapté aux lumières du siècle. Les événemens marchent, et ce qui sort du mouvement religieux de 1830, c’est le saint-simonisme, c’est cette saturnale philosophique, politique et religieuse qui se heurte à tous les élémens constitutifs de lame humaine, et qui cependant trouve des adeptes dans les classes les plus éclairées de la société ! Plus tard la prétendue liberté conquise par la révolution de 1848 enfante des projets d’organisation politique moins applicables encore à l’homme que les projets des saint-simoniens. Avec les tables tournantes et en admettant même toutes les prétentions des partisans des manifestations, je trouve que la société d’aujourd’hui en est quitte à bon marché; mais enfin j’aimerais mieux le bon sens pur et simple.

VII.

Quelles sont donc, en résumé, les règles de raisonnement qui doivent nous guider pour la recherche expérimentale des lois dans les sciences d’observation[7] ? Nous ne sommes plus au temps où l’on attribuait à l’action immédiate de la Divinité tout ce qui paraissait extraordinaire dans la nature. Les astres, les météores, étaient guidés par des pouvoirs supérieurs. Jupiter présidait à la pluie, au temps serein, et surtout au tonnerre. Chaque météore donnait un nom à la Divinité : on avait Jupiter pluvieux, Jupiter amonceleur de nuages, Jupiter tonnant, Jupiter serein. Déjà la philosophie des anciens avait admis comme règle qu’il ne fallait recourir à l’action immédiate des dieux que quand il était bien constaté qu’aucune cause naturelle ne pouvait expliquer les phénomènes. Je ne pense pas que personne aujourd’hui soit tenté de raisonner autrement. Dès qu’une cause plausible d’un effet observé se présente sans exiger un agent surnaturel, il est absurde de recourir à celui-ci, et même, dans les cas où, sans pouvoir préciser les effets d’une cause présumée, on trouve l’indication de cette cause à côté du fait qui peut s’y rapporter, on peut attendre sans trop d’impatience que les rapports qui les unissent se développent de plus en plus par des observations subséquentes. Ainsi, après avoir entrevu que les marées étaient en rapport avec la position du soleil et de la lune, on a été conduit enfin à la théorie complète des mouvemens périodiques de la mer dus à ces deux causes, et cela par une série de progrès non interrompus de l’observation et de la théorie, qui montraient de plus en plus la liaison du mouvement des eaux terrestres avec la marche des deux corps célestes qui en étaient la cause et l’origine.

Dans la question qui nous occupe, une table que l’on presse de ses doigts prend un mouvement. A qui persuadera-t-on que la table ne reçoit pas de mouvement des mains qui posent dessus, et si cette action est admise, comment irait-on chercher un effet surnaturel pour expliquer un effet si simple et si ordinaire ? Évidemment ce qu’il y a à chercher ici, c’est la manière dont le mouvement se transmet de la main à la table, et non pas ce qui est la cause du mouvement. En admettant que ce fût un esprit, est-on bien sûr qu’un esprit, chose en général regardée comme très légère et très peu compacte, aurait assez de force, assez d’impulsion, assez de choc, pour mouvoir une lourde table ? Mais, dira-t-on, si Dieu le veut ? Alors je n’ai plus rien à dire quant à la possibilité; mais convenons qu’il sera d’un bien meilleur goût à la pauvre petite espèce humaine de chercher une cause un peu moins transcendante, que d’aller importuner et déranger la suprême puissance en faveur d’une société bourgeoise endimanchée qui veut prendre la récréation des tables tournantes. En vérité, si Dieu est bien bon, les hommes sont bien exigeans!

« C’est une nécessité, dit Lucrèce, de concevoir la nature des dieux comme jouissant de leur immortalité dans le calme d’une paix profonde, séparés par une distance immense des affaires humaines, et y restant tout à fait étrangère; car ne redoutant aucune douleur, au-dessus de tous les périls, puissante de ses propres avantages, et n’ayant aucunement besoin des mortels, la Divinité ne se laisse ni séduire par les hommages intéressés, ni courroucer par les ressentimens. » Voilà ce que disait un païen de l’âge qui précéda le siècle d’Auguste. Avis aux chrétiens sur tes tables tournantes !

Mais, dira-t-on, puisque c’est une illusion agréable que de faire comparaître à sa volonté les esprits des grands hommes pour leur jeter à la tête quelques pauvretés dans le style des Dialogues des morts de Lucien ou de ceux de Fontenelle, au moins vous nous permettrez de déranger ceux-là; ils ne sont pas si grands seigneurs, et peut-être, comme le fameux Amadis de Gaule, ils s’ennuient un peu d’être séquestrés de l’humanité. C’est leur procurer une distraction agréable. — Eh bien! passons sur l’évocation des âmes des morts, et tant que durera votre croyance aux manifestations des esprits, conversez avec eux. Ce sera, je pense, fort innocent. — Monsieur Bouvart, disait une dame de la cour de Louis XVI au fameux médecin de ce nom, ne croyez-vous pas que je ferais bien de prendre de l’infusion de fleurs d’aubépine rose ? — Prenez-en, madame, et hâtez-vous tandis que le remède guérit encore! — Tandis que les tables parlent encore par les esprits, hâtons-nous de converser avec eux, mais tâchons, s’il est possible, que ces esprits soient un peu spirituels.

Après le mouvement des tables, le phénomène le plus curieux est celui des coups frappés par les esprits. Conçoit-on l’étonnement d’un homme qui entend frapper quelques coups à sa porte et qui ouvre sans voir personne ? L’auteur de l’écrit intitulé Comment l’esprit vient aux tables, ouvrage d’un grand mérite pour le fond (et ici le fond est tout), paraît attribuer les sons perçus, le bruit de la grêle et de la pluie qui fouettent les vitres, à des hallucinations des témoins des opérations surnaturelles. Cette supposition, trop difficile à admettre, sera facilement écartée si on hasarde le mot de ventriloquie timidement prononcé en Angleterre et aux États-Unis, où l’on s’applique cependant à ne provoquer aucun rapprochement entre les manifestations des esprits et les tours des légers-de-main ou escamoteurs. Ainsi dans ces manifestations on n’a eu garde de faire figurer les scènes bien connues de M. Comte et de ceux qui prêtent leur voix aux animaux et aux êtres inanimés. Les corbeilles et les petites tables écrivantes ont leur spécialité et un certain air de nouveauté. Mais, indépendamment de ce que les tables magiques ont été retrouvées dans l’antiquité, les pierres qui arrivent on ne sait d’où, les pincettes qui dansent, et changent de côté de cheminée avec les pelles et les pokers, les tableaux qui se décrochent ou dont les figures s’animent, les horloges qui chantent, enfin tout le vieil arsenal des visions ne vaut-il pas aussi la peine qu’on le remette à neuf ? N’est-il pas plus étonnant de voir retirer d’un chapeau qu’on remet à un escamoteur une omelette ou un gros lapin vivant que de produire un mouvement dans une table légère, en réunissant sur elle les efforts d’une demi-douzaine de personnes à qui un ennui nerveux finit par donner des trépidations concordantes ? Allons, espérons, les manifestations surnaturelles n’ont pas dit leur dernier mot; mais convenons qu’au lieu de renvoyer les faiseurs de miracles fluidiques à l’examen des académies, il vaudrait mieux les renvoyer aux théâtres des physiciens. C’est du reste à quoi ressemblent fort les réunions américaines avec leurs mediums bien payés, leurs coups frappés bien distinctement, et dont les empreintes se marquent sur le bois, enfin toute la performance habilement conduite qui distrait un instant nos frères transatlantiques de leurs affaires d’intérêt, de leurs constructions, de leur colonisation intérieure, de leur activité maritime, et enfin de leurs ambitieux projets politiques. Quoi qu’il en soit, on peut rendre cette justice à une nation qui dans peu sera au premier rang sur la terre : c’est qu’elle a cultivé aussi sérieusement les hautes sciences, les mathématiques, l’astronomie, la météorologie et la géographie, qu’elle a peu sérieusement prêté son attention à tous les esprits frappeurs manifestés à l’appel d’un medium gagé.

Je ne finirai pas sans rappeler que, puisque nous avons des moyens de produire des sons qui semblent partir d’un point donné quelconque, il est inutile de chercher la cause des bruits des esprits frappeurs ailleurs que dans un jeu d’acoustique parfaitement connu.


VIII.

Que dire en définitive de tous ces faits observés ? Y a-t-il des coups frappés ? Oui. — Ces coups répondent-ils à des questions ? Oui. — Quand on passe le bout du doigt ou la pointe d’un crayon sur un alphabet, les coups frappés correspondent-ils à des lettres choisies par l’intelligence qui répond à l’interrogateur par le moyen du sujet ou medium ? Oui. — Ces lettres forment-elles un sens ? Oui, presque toujours; mais la portée de ces morceaux d’éloquence surnaturelle n’est jamais très élevée. — Qui est-ce qui produit ces sons ? Le medium. — Par quel procédé ? Par le procédé ordinaire de l’acoustique des ventriloques. — Mais on avait supposé que les craquemens des doigts ou des orteils pouvaient donner ces sons ? Non, car ils partiraient en apparence toujours du même point, ce qui n’est pas[8]. — Les tables se meuvent-elles par l’imposition des mains suffisamment prolongée ? Oui. — Quelle est la cause des mouvemens souvent très énergiques ainsi produits ? C’est la simultanéité d’action de tous les efforts conspirans, quand ces efforts, très petits en étendue, sont à l’état que j’ai appelé naissant. — Les tables se soulèvent-elles d’un côté ? Oui, par une inégalité de pression. — Peut-on, après avoir agi sur une table, la soulever et la maintenir en l’air, en repos et sans qu’elle soit lancée ? Non, cent fois non ! — Les indications de la table sont-elles intelligentes ? Oui, car elle répond sous l’influence intelligente des doigts imposés. — N’y a-t-il donc rien de surnaturel dans ces évolutions ? Non. — N’y a-t-il rien de nouveau, de curieux, d’intéressant ? Il y a beaucoup de tout cela, et nous sommes encore loin de connaître tous les détails de la transmission des effets de la volonté du chef de la chaîne dite magnétique à la table qui obéit à tous les ordres. — Que faut-il faire pour le progrès de cette branche de connaissances ? Il faut bien observer tout ce qui peut se rapporter au cas où en apparence la table semble se mouvoir sans contact immédiat, et si, par impossible, on pouvait soulever et maintenir en l’air une table ou un corps en repos, on pourrait se flatter d’avoir fait la première de toutes les découvertes du siècle. Newton est immortel pour avoir reconnu la pesanteur universelle. Celui qui, sans action mécanique, saurait soustraire un corps à cette pesanteur aurait plus fait encore : il est vrai qu’alors tout croulerait dans la nature; mais qu’importe ? Je déclare, malgré tout ce qu’on peut attendre de la science nouvelle, que je suis pleinement rassuré sur le sort futur des lois de l’univers, en dépit de tous les exorcistes de tables et de tous les esprits frappeurs.

Peut-être le ton de ces conclusions paraîtra-t-il un peu tranchant dans un sujet encore si controversé. Sachant qu’une question bien posée est à moitié résolue, j’ai tenu surtout à établir nettement ce qu’on aura désormais à infirmer ou à défendre. Les admonestations en style peu charitable que m’ont prodiguées les organes de la presse crédule auraient dû cependant me rendre plus modeste. J’ai dit ailleurs que j’avais été surpris et péniblement affecté de voir des esprits de premier ordre se faire un jeu de défendre tous les préjugés que nos pères avaient secoués avec tant de supériorité. Faut-il que je me confesse vaincu ? Soit : je crois à la fois aux démons frappeurs et encaqués dans le bois, aux esprits fluidiques, à l’âme de l’univers, fort à l’étroit dans une planche, à l’éther, à l’électricité, au magnétisme, à tout ce qu’on voudra; je renonce à toutes les notions scientifiques exactes; enfin je passe dans le camp ennemi avec armes et bagages. Mais voilà un grand embarras : dans lequel de ces camps vais-je passer, puisqu’il y a autant de camps que d’auteurs différens ? Me voilà en péril d’être tiré à quatre systèmes, ce qui est pis que d’être tiré à quatre chevaux !

Pour parler sérieusement, je dois une mention particulière à l’ouvrage intitulé : Quære et invenies, comme tableau fidèle d’expériences exposées dans leur native simplicité. On y verra des esprits ou mediums sans gêne qui écrivent en toutes lettres sous un tiroir renversé, et des coups frappés si vigoureusement que la trace du marteau reste perceptible après le choc. Les réponses mal faites et le merveilleux avortant y sont manifestes. Quant à l’essai de théorie que contient l’ouvrage, elle ne semble pas encore amenée à maturité.

L’auteur d’un autre écrit intitulé : Comment l’esprit vient aux tables, lequel, avec raison, n’admet pas les esprits agissans, me semble avoir négligé dans ses explications les effets acoustiques, et avoir trop donné à l’influence morale, dont je reconnais avec lui l’énergique coopération. Il a produit par l’influence morale seule les effets ordinaires du magnétisme et des manifestations. C’est là un important résultat. On reconnaît ici la même puissance qui en médecine produit des miracles avec l’imagination pour auxiliaire[9]. L’auteur du livre en question me reproche de lui avoir emprunté sa théorie, qui n’admet pas de causes surnaturelles, et, suivant son expression, de m’en être noblement fait une chaussure à mon pied[10]! Je pourrais bien relever dans les pages qu’il me consacre quelque chose de peu gracieux, et même, le dirai-je, d’un peu hargneux ; je pourrais relever aussi de singulières théories dynamiques, mais j’aime mieux reconnaître pleinement le mérite de quelques-unes des vues de M. A. Morin sans accepter le reproche de plagiat. Il me semble que tous ceux qui n’admettent pas les esprits comme cause des mouvemens des tables doivent se rencontrer en ce qui touche au côté principal de la question. Je n’hésite donc pas, sans rancune comme sans amitié, à finir par une citation de M. Morin, en reproduisant quelques lignes d’une profession de foi où, après avoir reconnu les effets obtenus sur les tables et avec les sons, il continue ainsi en termes un peu crus :

« Je ne crois pas que les tables tournent, marchent ou lèvent le pied poussées par un être immatériel.

« Je ne crois pas qu’après avoir eu l’esprit de se débarrasser des entraves du corps humain, une âme soit assez bête pour se fourrer dans un morceau de bois, et manifester sa présence par des exercices d’équilibre aussi absurdes qu’indignes de la supériorité que s’arroge à juste titre l’intelligence sur la matière.

« Je ne crois pas que si vous avez des parens morts ou des amis qui vous sont chers, — en supposant même qu’ils veuillent ou puissent communiquer avec vous, — ils aient choisi un aussi pauvre moyen de vous parler; car si vous employez le jour à vos affaires personnelles, ils ont au moins la nuit pour vous souffler leurs pensées à l’oreille, ou même pour vous apparaître.

« Les fantômes qui peuplaient les campagnes de nos pères, les revenans qui hantaient les ruines des vieux châteaux, s’ils n’étaient pas plus vrais que ceux des tables, savaient au moins imposer un certain respect.

« Les esprits de notre siècle, si tristement affublés de noyer, d’acajou ou de palissandre, n’inspirent que du mépris, et feraient désespérer à jamais d’élever une barrière contre la démagogie de l’ignorance superstitieuse et l’oligarchie détestable de ceux qui voudraient alimenter la superstition pour l’exploiter à leur profit, si l’excès même du ridicule des esprits ne devait pas leur donner le dernier coup ! »

Ces paroles sont rudes : durus est hic sermo! Seront-elles entendues ? Dans tous les cas, la stérilité des vieux prestiges rajeunis en dégoûtera le public à la longue, et les reléguera où ils étaient avant la crise actuelle. Les gens à imagination se trouveront avoir perdu leur temps à courir après des chimères, et les esprits sérieux pourraient bien avoir perdu le leur à démontrer la vanité des espérances nouvelles, en les jugeant au point de vue des méthodes rigoureuses d’investigation qui ont déterminé les progrès de toutes les sciences ayant pour base l’observation des faits.


BABINET, de l’Institut.

  1. Voir la joie triste de Chactas dans l’Atala de Chateaubriand.
  2. Cest ce qu’on lit dans Ovide comme dans Salomon; mais le dernier ajoute : « Quid est quod futurum est ? — Hoc, quod factum est anteâ. »
    Que sera l’avenir ? — Ce que fut le passé.
  3. Voyez la livraison du 15 janvier 1854.
  4. J’ai dit plus haut que tout expérimentateur avait le droit, sinon écrit, du moins tacitement reconnu, de venir provoquer un examen de l’Académie des Sciences sur un résultat quelconque obtenu par une observation consciencieuse. Les portes de l’assemblée sont libéralement ouvertes au public à toutes les séances du lundi, et un expérimentateur quelconque peut demander la parole pour faire connaître ses travaux par la lecture d’un mémoire explicatif. Eh bien! qu’un de ceux qui n’admettent pas les principes déduits des faits connus jusqu’ici arrive avec l’annonce qu’au moyen de tant de mediums qu’il voudra, mais sans contact aucun et à distance, il suspend en l’air, sans autre support que la volonté, un corps pesant plus compacte que l’air et tout à fait en repos : si son assertion est reconnue vraie, il sera proclamé le premier des savons du monde entier.
  5. Voyez un excellent article dans le Journal du Calvados du 18 mars 1854.
  6. Cette idée de chercher le critérium de la vérité dans l’observation, idée qui a si heureusement guidé les bons esprits dans les sciences physiques, n’a pas moins d’importance dans bien d’autres branches de nos connaissances. Un écrivain qui aimait à rapprocher les questions morales des questions scientifiques l’avait appliquée à l’organisation sociale. « Voulez-vous régler la société ? disait M. Aimé Martin ; étudiez l’homme tel qu’il est, tel qu’il doit être, tel qu’il peut être; faites des lois et des plans d’éducation d’après les instincts des masses que vous voulez gouverner. L’homme est un être sociable, faites-le jouir des avantages de l’association et de la mise en communauté des efforts de tous pour le bien-être général. D’autre part, l’homme a le sentiment de l’indépendance; ne lui demandez donc que le sacrifice de la part de libre action nécessaire au maintien de la société, et qui doit payer les avantages qu’il retire de l’association à laquelle il est affilié. Evitez comme contraire à la nature de l’homme, et il despotisme social qui confisque l’indépendance individuelle au profit de la société trop exigeante, et l’anarchie qui détruit la société au profit mal entendu de l’indépendance individuelle. Observez les lois de la nature pour faire les lois de la société. » — De nombreux exemples viennent à l’appui de ces sages conseils. S’il est un droit contesté par un grand nombre d’utopistes, c’est celui de la transmission de la propriété de la terre par hérédité. Eh bien ! cette non-transmissibilité, en éloignant les populations des travaux agricoles dans les domaines de main-morte, a dépeuplé la Turquie, la Grèce, l’Asie-Mineure, la Syrie, l’Arménie, la Perse, l’Arabie, l’Egypte et les pays barbaresques. Dans ces états, il n’y a de propriété que les valeurs mobilières, et ce n’est pas travailler pour les siens et pour soi que de cultiver et d’améliorer les produits de la terre. On voit comment la méthode expérimentale peut servir dans bien des cas à justifier les principes sur lesquels se base la forte organisation de celles de nos sociétés modernes qui sont en prospérité.
  7. Je demande pardon aux expérimentateurs et aux écrivains qui ont bien voulu me communiquer leurs observations et leurs ouvrages de ne pas présenter ici l’analyse complète de leurs travaux. Le cadre scientifique de la Revue, en ce qui me concerne, ne comprend que la partie des observations positives qui sont susceptibles de conduire à des conclusions précises sur des faits, indépendamment de toute vue étrangère à la science proprement dite. A mesure que les faits se développeront, je réclamerai peut-être l’aide de ceux qui ont bien voulu me faire des offres de concours et de renseignement précis; mais d’ici à longtemps je ne prévois pas pouvoir rien ajouter à ce que j’ai déjà dit, à moins de sortir de la circonscription où je me limite. Les conclusions auxquelles je suis amené me paraissent devoir justifier pleinement cette présomption.
  8. Je connais personnellement des individus qui produisent à volonté ces deux sortes de craquemens.
  9. Un seigneur musulman se plaignait à moi que nos médecins ne fussent pas hakims, comme en Orient, ce qui veut dire qu’il leur reprochait de n’être pas un peu magiciens. Je n’ose pas énoncer que le charlatanisme médical qui administre au malade la thérapeutique de l’espérance et l’hygiène de la foi peut être souvent très efficace.
  10. Dans le premier numéro d’un journal intitulé : La Magie au dix-neuvième siècle.