Les Tendresses premières/Convalescence

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Convalescence


Tel soir de l’autre mois
Ma tante — oh les craintes que trahissait sa voix ! —
M’avait, en son grand lit, blotti,
Et depuis lors, l’âme engourdie,
Les jours, les nuits, j’avais senti,
Sur mes yeux clos et sur mon front, passer
Tous les moites et blancs baisers
Des maladies.

Et le docteur dont j’avais peur
Était venu et revenu,
Avec son bâton noir et ses lunettes d’or,
Dire des mots mystérieux
Et les redire encor ;
Et j’avais vu ses mains, son front, ses yeux
Errer, autour de ma torpeur.


Et puis j’avais langui
Des jours, des jours et des semaines ;
On avait fait des vœux ardents et des neuvaines
Et même le curé avait prié pour moi.
Ç’avait été des temps d’inoubliable émoi,
Jusques à l’heure où l’on sentit venir,
Par les chemins des renaissants désirs,
S’asseoir enfin, avec douceur et complaisance,
Près de mon lit
Tout à coup clair et embelli,
La pâle mais déjà rose convalescence.


Oh ! les bons jours que je vécus alors !
Ma chambre était joyeuse et sa tiédeur légère,

Et mon ami Jésus, avec son manteau d’or,
M’y souriait, du haut de l’étagère.


Les blancs après-midi d’été,
À travers les rideaux, y tamisaient leur violence ;
L’horloge s’y taisait, son pendule arrêté ;
Un vol de mouche y bourdonnait dans le silence.


Mon oreille écoutait les fers tumultueux
Du forgeron, chanter dans le village ;
Les foins passer, pesants et montueux,
Les fouets claquer autour des attelages ;


Et les jeudis, venant de loin, de loin,
Le cri du vieux marchand de sable,
Son pas boiteux quand il tournait mon coin,
Sa voix cassée et son refrain intarissable ;


Et les cloches à l’aube et les messes servies
Par des enfants de chœur, devant l’ostensoir d’or,
Si bien que j’entendais toute la vie
Venir à moi, avant de la revivre encor.

Et j’étais doux et patient toujours
Ne boudant plus les médicaments fades ;
Je me sentais content et pendant de longs jours
Je fus vraiment heureux d’être encore malade.