Les Trente-six Dédicaces pour les trente-six quatrains à Madame

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ALBERT MÉRAT Trente-six Dédicaces POUR Les Trente-six Quatrains à Madame PARIS CHIEZ L’AUTEUR 15, Rue de Vaugirard, 15 1903


I


A L’AUTEUR


Ne cherche, dans aucun cas,
A charmer un imbécile :
C’est presque aussi difficile
Que de plaire aux délicats.

II

AU POÈTE

Nié poète, c’est ton lot ;
Tous les temps ont mêmes allures :
On a pris pour des gravelures
Ces vignettes de Gravelot.




III


AU MÊME


Par le sourire et le baiser
Grandis ton rôle de poète,
Et qu’en un ciel clair se reflète
Ta devise : ne pas raser.


A DES BERGÈRES

Dans les Trianons bocagers
Feuilletez-moi d’un doigt paisible,
Plutôt que de lire la Bible
A l’ombrage des Bérengers.

LES TRENTE-SIX DÉDICACES

9

V

A CLAUDINE

Cet hommage m’eût été doux :
Je voulais par humeur badine
Vous offrir ces quatrains, Claudine ;
Mais ils sont bien lades pour vous.

VI

A MON AMI HENRI BEAUCLAIR

Ma muse n’est pas refroidie,
Elle s’échauffe même un peu.
Buvons, Champagne et Normandie,
Et vive le trou du milieu !


AU Vte  ALAIN DE LORGERIL

J’eus peur d’avoir suivi la trace
Des poètes licencieux :
Le suffrage m’est précieux
D’un homme d’esprit et de race.


VIII

A UN MYOPE

C’est moi qui prends en défaut,
O critique, vos sornettes :
Pour regarder des vignettes
Vous n’avez pas l’œil qu’il faut.

IX

A TARTUFE

Ne prenez pas, Monsieur, ces mines de bégueule ; Le talon rouge est ma chaussure, tous mes mots Sont choisis, même quand je m’adresse à des sots Ne me contraigniez pas à vous dire… ta bouche !


X

A MON AMI RAOUL GINESTE

Le poète des chats, vous l’êtes, et j’envie
Cette appellation qui plait aux délicats.
Heureux si je parus, un instant dans ma vie,
Etre, autrement que vous, le poète des chats.


A PLUSIEURS

Ami cocu, je te dédie
Ce frivole onzième quatrain ;
Tu demeures le boute-en-train
De notre humaine comédie.


XII

A UN HOMME DE POIDS

Cet hommage, je vous le dois,
Mais ce sont des feuilles légères ;
Elles vous seraient étrangères :
Vous êtes unkomme de poids.


CONTRE L’ENNUI

Certains vers me font aboyer,
J’excepte les miens et les vôtres…
Tout est là : ne pas ennuyer,
Ne pas faire aboyer les autres.


XIV

A MADAME B.C.

Les lilas tardent à fleurir,
Nous n’avons que des fleurs de givre ;
L’air sourit en ce petit livre :
Permettez-moi de vous l’offrir.


AUX QUARANTE

Ma muse a l’air d’être endormie,
Elle veille tout en dormant :
J’ai fait ces vers évidemment
Pour être de l’Académie.


XVI

A MON AMI PAUL DE FRICK

Puissiez-vous, vous plaisant à l’art
Des petits livres d’étagères,
Trouver dans ces feuilles légères
Une esquisse de Fragonard !

XVII

A MON AMI THÉODORE MAURER

Les vers ennuyeux, c’est la pluie :
On a beau paraître endurant.
Il pleut déjà six mois durant !
Que ce petit livre t’essuie !


XVIII

A MON AMI JACQUES MURRAY

Mon ami, qui m’avez donné
Le joli titre de ces pages,
Souriez à leurs badinages
Sur un sopha capitonné.

LES TRENTE-SIX DÉDICACES


XIX

AU POÈTE ACHILLE PAYSANT

Un joli siècle qui fut grand
Aima ces légères escrimes…
Votre esprit m’est un sûr garant
Que vous vous plairez à ces rimes.

XX

A MON AMI PAUL GODÉLIER

En ce temps d’ennui souverain
Où si peu de France surnage,
Sois clément à plus d’un quatrain
Que j’écrivis par badinage.

LES TRENTE-SIX DÉDICACES


XXI

A RENÉ SAMUEL

A vous qui comprîtes ce jeu,
J’offre ces quatrains à Madame ;
Entre l’hommage et l’épigramme
Ils gardent un juste milieu.

XXII

A MON AMI JOSEPH UZANNE

Vers qu’on peut lire
Sans ennuis longs ;
Pièces à dire
Dans les salons.

XXIII

AU POETE CHARLES RECULOUX

Certes, la chair ne vaut pas cher,
Mais ne dis pas qu’elle est infâme.
Sais-tu même où serait ton âme
Sans la guenille de ta chair ?


XXIV

A MON AMI ERNEST D’HERVILLY

Cherchant les vieux amis, pas tous,
Demeurés indulgents pour elle,
Par une pente naturelle
Ma pensée est allée à vous.



A LÉON MARLET

A ce blâme je me résigne
Si vous trouvez, mon cher ami,
Que ce livre est chaste à demi,
Vous « mettrez la feuille de vigne.


XXVI

A MON AMI LE DOCTEUR REY

Docteur, je vais être jaloux :
(Je pense aux œillets de Marcelle) ;
Ma muse, sans être pucelle,
N’ose resler seule avec vous.

XXVII

A MOX AMI F. A. CAZALS

A ce petit livre il fallait
Une toilette bien plus fine.
Caressez-le malgré sa mine :
Il est joli, bien qu’il soit laid.


XX VIII

A MON AMI HENRI MARÉCHAL

Tout en allant et venant,
Trouvez à ces vers frivoles
Des oreilles bénévoles :
« Pas un mot inconvenant ! »


A MADEMOISELLE PUGET

Sans que s’offense d’un autre art
La majesté de votre ancêtre,
En lisant ces vers, veuillez être
Mademoiselle Fragonard.


XXX

AUX FAMILLES

Bien qu’on puisse avec quelque honneur
Me recevoir dans les familles,
Ce livre n’a pas ce bonheur
D’être écrit pour les jeunes filles.



A MON AMI FÉLIX RÉGAMEY

Où sont les petites Mousmés,
La fleur d’ambre de leur haleine,
Et leurs lèvres de porcelaine
Aux coins roses et parfumés ?


XXXII

A.MON AMI É.MILE BLÉMONT

Jadis, férus du même amour,
Nous allâmes en Italie :
A Trianon que l’on oublie
Venez avec moi faire un tour.

XXXIII

A UN IMPRUDENT

De grâce, n’allez-pas, mon cher, grossir le chœur.
A jeu léger main lourde ou sotte, c’est tout comme ;
Vous savez ce qui dort dans le cœur de tout homme :
N’éveillez pas celui qui dort en votre cœur.


XXXIV

A MON AMI GUY-VALVOR

La vie atroce serait pire
Si l’on ne souriait un peu ;
J’accepte que le ciel soit bleu,
Et je m’efforce de sourire.

XXXV

AUX GENS D’ESPRIT

Soyez mes anges tutélaires,
Les autres ne me sont pas doux ;
Je crains de manquer d’exemplaires :
Dites-moi, combien ètes-vous ?

XXXVI

AUX AUTRES

Ils sont trop ! qu’es-tu malheureux
Contre ces flots intarissables ?
O tous les grains de tous les sables,
Vous n’êtes pas aussi nombreux.

Mai 1903. TABLE Page:Mérat - Les Trente-six Dédicaces pour les trente-six quatrains à Madame, 1903.djvu/52 Page:Mérat - Les Trente-six Dédicaces pour les trente-six quatrains à Madame, 1903.djvu/53