Les Vacances/8

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Hachette (p. 157-189).


LA MER ET LES SAUVAGES.


Le lendemain on se réunit plus tôt que d’habitude. Les enfants firent honneur à un premier déjeuner, que Paul mangea avec délices, s’extasiant sur la bonté du lait, l’excellence du beurre normand ; il retrouvait en chaque chose des souvenirs d’enfance, et il regardait avec bonheur et reconnaissance son cher commandant qui lui tenait lieu de père. L’excellent M. de Rosbourg, non moins heureux que Paul, répondait à ses regards par un sourire affectueux. Devinant un peu d’inquiétude dans les yeux de Paul :

« Ne crains pas que je te plante là, mon garçon, lui dit-il. Nous sommes de vieux compagnons et nous resterons bons amis. Tu es mon fils, tu le sais ; n’ai-je pas promis à ton pauvre oncle de Réan d’être ton père ? au lieu d’un enfant, j’en aurai deux ; c’est une nouvelle bénédiction du bon Dieu quand on les a de premier choix comme toi et ma petite Marguerite. »

On sortait de table ; Paul et Marguerite saisirent chacun une main du commandant et la couvrirent de baisers. Il en rendit un à Paul, une douzaine à Marguerite ; il fit un signe de tête amical à Sophie, et il offrit le bras à Mme de Fleurville pour la ramener au salon. La journée se passa à faire connaissance ; on mena Paul voir toute la maison, le potager, la ferme, les écuries, le parc, le village, le petit jardin et les cabanes. Puis on alla faire tous ensemble une visite à Lecomte. En apercevant son commandant, il faillit tomber à la renverse. M. de Rosbourg lui témoigna une grande amitié et lui promit de revenir le voir et de s’arranger de façon à l’avoir toujours près de lui. Après dîner les enfants demandèrent à Paul de leur raconter ses aventures. Tout le monde se groupa autour de lui, et il commença ainsi :

« Sophie vous a raconté notre naufrage ; mais elle ne sait pas comment il s’est fait qu’elle et moi nous soyons restés sur le vaisseau qui allait périr ; M. de Rosbourg me l’a expliqué depuis. Quand papa, maman, mon oncle et ma tante sont montés sur le pont, nous laissant en bas dans la chambre, on avait déjà mis à la mer les chaloupes : le commandant, voyant le vaisseau prêt à s’engloutir, fit partir le plus de monde possible sur la première chaloupe et ordonna à ses gens d’enlever les personnes qui restaient et de les sauver de gré ou de force en les faisant passer sur la seconde chaloupe. Des matelots enlevèrent maman et ma tante malgré leurs cris. Papa et mon oncle voulaient aller nous chercher ; on leur dit que nous étions déjà embarqués. Dans le tumulte et la frayeur d’un naufrage, c’était vraisemblable. On les jeta dans la chaloupe, où ils trouvèrent maman et ma tante qui nous appelaient à grands cris. Papa voulut s’élancer sur le vaisseau, on le retint de force ; mon oncle cria : « Attendez-moi ! » et remonta sur le bâtiment. Il ne me vit pas ; j’étais derrière le commandant ; mais il aperçut Sophie, il la saisit dans ses bras et courut à la chaloupe ; on avait déjà coupé la corde qui la retenait au vaisseau, et sans écouter ses supplications et les cris de ma pauvre tante, ils s’éloignèrent. Leur chaloupe trop chargée fut presque immédiatement engloutie par une vague énorme, avant que mon oncle la perdît de vue. Alors mon oncle voulut au moins me sauver ainsi que Sophie ; il me demanda au commandant, qui lui représenta l’imprudence de se risquer tous ensemble sur une planche ou un morceau de mât brisé. Le Normand proposa de mettre à la mer un grand baquet où mon oncle pourrait tenir avec Sophie. « Et Paul ! dit mon oncle, je ne partirai pas sans Paul. » Comprenant enfin que s’il me prenait avec lui, le baquet ne pourrait plus supporter le poids, il consentit à me confier au commandant, qui lui jura qu’il ferait tous ses efforts pour me sauver, qu’il me soignerait et m’aimerait comme si j’étais son propre fils. Mon oncle partit avec Sophie ; je pleurais, car je croyais bien qu’ils allaient s’engloutir comme les chaloupes. Le bon Normand et M. de Rosbourg ne perdirent pas de temps pour faire un radeau, sur lequel le Normand mit un petit tonneau d’eau et des provisions ; il passa une hache à sa ceinture et à celle du commandant, pensa aux rames, à la boussole, et je me trouvai sur le radeau, dans les bras du commandant. Il regardait son pauvre vaisseau d’un air aussi triste que mon oncle m’avait regardé en me quittant ; et quand le vaisseau acheva de se briser et fut enlevé par les vagues, je vis pour la première fois des larmes dans les yeux de mon cher commandant. Il se détourna, passa le dos de sa main sur ses yeux et reprit tout son courage. Je ne voyais plus le baquet de mon oncle ; les vagues étaient trop hautes. Pendant que le Normand ramait, M. de Rosbourg me posa sur ses genoux en me disant : « Dors, mon garçon, dors sur les genoux de ton père, tu seras à l’abri des vagues ; appuie ta tête sur ma poitrine. »


Je craignais de le fatiguer ; il me prit la tête et l’appuya de force sur son épaule. Je ne voulais pas m’endormir, mais je ne sais comment il arriva que cinq minutes après, je dormais profondément. Je m’éveillai au jour ; ce bon M. de Rosbourg n’avait pas bougé pour ne pas m’éveiller, et craignant que je n’eusse froid, il m’avait couvert avec son habit. En lui prenant les mains je sentis qu’elles étaient roides de froid. Je le priai de remettre son habit, l’assurant que j’avais bien chaud.

« Au fait, dit-il, voici le soleil qui commence à chauffer ; la lune était moins agréable, n’est-ce pas, le Normand ? cette diable de lune ne donne pas beaucoup de chaleur. »

Et me posant sur le radeau, il reprit son habit et le remit non sans quelque peine sur ses épaules glacées.

M. DE ROSBOURG, riant.

Tu exagères, mon garçon ; tu me fais meilleur que je ne suis ; la nuit avait été froide, mais pas autant que tu le dis.

PAUL.

Je ne dis que la vérité, mon père. Quant à vous faire meilleur que vous n’êtes, ce serait bien difficile, pour ne pas dire impossible.

Tout le monde ayant applaudi des mains et de la voix, M. de Rosbourg se leva en riant, salua de tous côtés, embrassa sa femme, Marguerite et Sophie, serra les mains de Paul et revint s’asseoir en disant :

« Je rends la parole à l’orateur ; les interruptions sont défendues. »

Paul reprit en souriant :

« Ce qui me fait rire maintenant me semblait bien triste alors. Je me voyais orphelin, séparé pour toujours de ceux qui m’aimaient et que j’aimais ; je n’espérais pas revoir Sophie ni mon oncle, et je me trouvais sur un misérable radeau, confié à la bonté de mon cher commandant, qui pouvait à chaque minute se trouver englouti avec moi au fond de la mer.

M. DE ROSBOURG.

Il est certain que la position n’était pas gaie.

PAUL.

Le vent nous poussait vers la terre ; mais nous eûmes de la peine à aborder, parce qu’il y avait des rochers contre lesquels les vagues venaient se briser, et il fallut toute l’habileté de M. de Rosbourg et du brave Normand pour que notre pauvre petit radeau ne fût pas mis en pièces. Enfin il entra dans une eau tranquille. Le Normand redoubla d’efforts avec ses rames, et nous nous trouvâmes sur le sable. Le commandant me prit dans ses bras et me porta sur le rivage à l’abri des vagues. Le Normand roula à terre le tonneau d’eau et le peu de provisions qu’il avait pu emporter sur le radeau. Il se mit à genoux près du commandant pour remercier le bon Dieu de nous avoir sauvés ! Je priais pour mes pauvres parents, pour toi, Sophie, et pour mon oncle, et je ne pus m’empêcher de pleurer en pensant aux dernières heures que nous avions passées sur la Sibylle et à ceux que je ne reverrais plus jamais, jamais. Le commandant me serra contre son cœur et me dit : « Paul, tu es mon fils ! je suis ton père, le seul qui te reste en ce monde ; et je jure que je serai ton père tant que je vivrai. » Il a bien tenu parole, ce bon et cher père ; vous le verrez bien par la suite de mon histoire.

M. DE ROSBOURG.

Paul, mon ami, tu racontes mal ; pourquoi diable vas-tu parler de moi quand nous étions trois sans abri, presque sans nourriture, et que tes amis attendent pour savoir comment le bon Dieu nous a tirés de là ?

PAUL.

Non, mon père, je raconte bien, car c’est mon cœur qui parle, et je serais un ingrat si je taisais toutes vos bontés pour moi.

— Papa, dit Marguerite, en se jetant à son cou, vous avez interrompu ; vous devez être mis à l’amende.

— C’est juste, dit M. de Rosbourg en l’embrassant ; que faut-il que je fasse pour ma pénitence ?

— Il faut que vous laissiez Paul parler de vous comme il l’entend et sans l’interrompre.

M. DE ROSBOURG, riant.

Diable ! la pénitence est rude ! mais c’est toi qui me la donnes ; je me soumets. Parle, mon garçon, parle ; ménage-moi, je t’en prie.

PAUL.

Non, mon père, je dirai la vérité, toute la vérité ; et j’en dirai bien d’autres, quand vous n’y serez pas.

M. DE ROSBOURG.

Eh bien ! ça promet. Merci bien, mon ami : tu veux donc me faire filer.

MARGUERITE.

Oh ! vous ne vous en irez pas, papa ; je vous tiens prisonnier et nous vous garderons tous.

Et elle s’installa sur les genoux de son père, qui la regarda avec tendresse et l’entoura de ses bras.

PAUL.

Après avoir fait un maigre déjeuner de biscuit et d’eau, nous allâmes tous les trois à la recherche d’un abri pour y déposer nos provisions. On apercevait dans le lointain des arbres qui paraissaient former un bois. Le soleil commençait à piquer ; le commandant craignait que l’eau du tonneau ne se gâtât avant que nous eussions découvert une source ; aidé du Normand, il le poussa à l’ombre d’un rocher un peu creusé par le bas. Il me proposa de me mettre là pendant que lui et le Normand iraient jusqu’au bois pour voir s’ils n’y trouveraient pas un ruisseau et des fruits ; mais je lui demandai de ne pas le quitter, et il m’emmena. Le chemin était difficile. Le Normand marchait en avant et brisait avec sa hache les joncs et les plantes piquantes qui l’empêchaient d’avancer. Je commençais à me repentir de les avoir suivis ; quand le commandant, voyant mes bras tachés de sang, me prit sur ses épaules malgré ma résistance. Le Normand voulut me porter, mais le commandant lui dit : « Tu as une tâche plus rude que la mienne, en marchant en avant et en me frayant un passage aux dépens de ta peau, mon brave Normand. Il n’est pas lourd, ce garçon ! Et puis, est-ce qu’un enfant pèse jamais trop sur les épaules de son père ? » Le Normand obéit et marcha en avant. Je me repentis bien plus encore de n’être pas resté sous mon rocher quand je vis mon pauvre père trempé de sueur et plier malgré lui sous mon poids. Je lui demandai de me laisser marcher ; il ne le voulut pas ; j’essayai de me glisser de dessus ses épaules ; il me retint d’une main de fer et me dit : « N’essaye plus, car je t’attache si tu recommences. » Nous avancions lentement ; nous mîmes plus d’une heure à arriver à cette forêt, car c’en était une. Le terrain y était assez doux et uni. Le commandant me posa à terre, nous nous assîmes à l’ombre de ces grands arbres, qui étaient des palmiers cocotiers et des palmiers-dattiers. Le Normand nous apporta quelques noix de coco et aussi des dattes tombées des palmiers. Le commandant ouvrit une noix avec sa hache ; il me fit boire l’eau ou plutôt le lait qu’elle contenait, c’était frais et délicieux ; puis il me fit manger la chair de cette noix : je la trouvai excellente et je regrettai amèrement que ma pauvre Sophie ne pût pas en goûter avec moi. Sophie avait toujours été de moitié dans tous mes plaisirs, dans tous mes projets, dans toutes mes sottises même, car j’exécutais ses idées qui n’étaient pas toujours heureuses, il faut le dire[1]. Et maintenant, je me la représentais dans ce vilain baquet qui sautait sur ces énormes vagues ; et je croyais bien qu’elle était engloutie par la mer, ainsi que mon pauvre oncle. (Sophie lui tend la main, il la serre et continue.) Je m’aperçus que mon père me regardait boire et manger, et ne mangeait pas lui-même : « Et vous, mon père ? lui dis-je. Prenez, prenez, vous avez chaud, vous avez soif. — Ne t’occupe pas de moi, mon cher enfant ; je suis un homme, un marin ; je sais supporter la faim, la soif, le chaud, le froid. Je suis content de te voir manger et boire de bon appétit. — Oh ! mon père, je n’ai plus ni faim ni soif si je ne vous vois pas partager ces provisions. Et le bon Normand, où est-il ? — Il est allé chercher d’autres noix, s’il peut en trouver. » Je refusai de toucher à ce qui restait, et je priai si instamment le commandant de le partager au moins avec moi, qu’il finit par y consentir. Je vis avec bonheur ses lèvres desséchées par la soif se tremper dans le lait si rafraîchissant des noix de coco. Quelque temps après, le Normand revint, apportant encore quelques noix et des dattes fraîches. Nous nous en régalâmes tous les trois. Je me sentais fatigué par la chaleur. Je voyais les yeux du commandant se fermer malgré lui. Le bon Normand paraissait aussi fatigué ; je demandai si je pouvais dormir. « Dors, mon ami, répondit mon père ; nous ferons bien aussi un somme ; la nuit a été rude et la chaleur est accablante. Allons, mon Normand, étends-toi près de nous et tâchons d’oublier en dormant. » Le Normand obéit ; il s’étendit à ma gauche ; le commandant s’était couché à ma droite. Deux minutes après, je dormais profondément. Je crois que j’avais dormi longtemps, car en m’éveillant je sentis la fraîcheur du soleil couchant. J’ouvris les yeux, j’étais seul. J’eus peur et je poussai un cri. Mon père accourut aussitôt, me demanda ce que j’avais. « Rien, lui dis-je ; je ne vous voyais plus, je croyais que vous m’aviez abandonné. » Jamais je n’oublierai l’air triste et affligé de mon pauvre père quand il entendit ces paroles. « Paul, mon fils ! dit-il d’une voix émue, comment as-tu pu avoir une telle pensée ? Tu ne crois donc pas que je suis ton père ; et quand as-tu vu un père abandonner son fils ? Paul, ne doute jamais de moi. — Pardon, pardon, mon père, mon seul ami, lui dis-je, en me jetant dans ses bras. C’est en m’éveillant !… Le premier mouvement ! Oh ! oui, je sais, je sens combien vous êtes bon pour moi, meilleur, bien meilleur que ne l’a été mon propre père, qui ne m’aimait pas et qui ne s’occupait jamais de moi. — Silence, Paul ! reprit le commandant ; respect aux morts ! Si tu n’as rien de bon à en dire, n’en parle qu’à Dieu, en priant pour eux. »

La faim se faisait sentir, je demandai à manger. « Nous t’attendions pour dîner, me dit mon père. Le couvert est mis, ici à côté ! Viens voir notre salle à manger. » Je le suivis ; il me mena dans un fourré où il avait fait, avec sa hache, aidé du Normand, et pendant que je dormais, un passage comme un corridor ; au bout il y avait comme une grande salle taillée aussi dans le fourré. Ils avaient étendu par terre d’énormes feuilles de palmier-dattier et de cocotier ; sur une de ces feuilles, larges comme une table, étaient plusieurs noix de coco ouvertes et une espèce de pommes de terre que le Normand avait fait cuire dans de l’eau de mer pour les saler ; une énorme coquille lui avait servi de casserole. Il avait été chercher aussi le tonneau d’eau et nos provisions, et avait rapporté en même temps la coquille et l’eau salée. Mon pauvre père, de son côté, avait travaillé à notre logement, au lieu de se reposer de ses fatigues. Je m’assis à terre entre eux, et nous mangeâmes tous avec un appétit qui faisait honneur au cuisinier. Comme nous achevions notre dîner, un bruit singulier se fit entendre. Mon père se releva d’un bond ; le Normand lui fit signe de ne pas bouger. Ils écoutaient avec une anxiété qui me fit peur. Je me serrai contre le commandant, il se baissa et me dit tout bas : « Ne bouge pas, ne parle pas ; ce sont des sauvages qui débarquent. » Ce mot de sauvages glaça mon sang dans mes veines ; je me voyais déjà mangé avec mon pauvre père et le bon Normand. Le commandant me voyant trembler, chercha à me rassurer par un sourire et me dit encore tout bas : « N’aie pas peur, mon ami ; tous les sauvages ne sont pas si méchants. Mais comme nous ne les connaissons pas, restons tranquilles pour leur échapper. Pendant que je te garderai, le Normand va tâcher de les reconnaître ; il saura bien de quelle tribu ils sont, et s’il faut les fuir ou nous montrer. » Pendant que le commandant parlait, je vis le Normand se mettre à plat ventre et se traîner ainsi dans le fourré en prenant les plus grandes précautions pour ne pas faire de bruit et pour ne pas être vu. Il rampa hors du bois ; mais, avant de sortir du fourré, il coupa des branches et des ronces et les piqua à l’entrée de notre allée pour la bien cacher à la vue des sauvages. Mon père me fit quitter la cabane et me traîna avec lui dans un massif de jeunes cocotiers ; à mesure que nous passions, il avait soin de relever les branches et les herbes foulées par nous, pour enlever toute trace de notre passage. Peu de temps après le départ du Normand, nous entendîmes les sauvages courir de côté et d’autre, et s’appeler entre eux ; le bruit approchait ; je me tenais tremblant tout près de mon père, qui me serrait contre son cœur et me faisait signe de me taire.

Un cri général des sauvages nous fit voir qu’ils avaient découvert notre allée ; l’instant d’après, ils se précipitaient dans la salle que mon pauvre père avait faite avec tant de peine. Je crus voir sur son visage une vive inquiétude ; le Normand ne revenait pas ; les sauvages l’avaient-ils découvert et fait prisonnier ? À chaque minute nous nous attendions à les voir apparaître. Une fois nous entendîmes craquer une branche si près de nous, que mon père, m’écartant doucement, saisit sa hache et se tint prêt à frapper. Pendant quelques instants, nous restâmes immobiles, osant à peine respirer. Le bruit cessa, les voix s’éloignèrent ; nous nous crûmes sauvés, lorsque je sentis tout à coup une main qui me saisissait la jambe ; je ne criai pas, mais je me raccrochai à mon père, qui me regarda avec surprise ; il ne voyait pas la main qui me tenait, et moi je me sentais entraîné. Une seconde main vint saisir mon autre jambe, et je serais tombé le nez par terre, si je ne m’étais retenu avec une force surnaturelle aux jambes de mon père. « Paul, qu’as-tu ? me dit-il tout bas et avec terreur. — Il me tire ! il me tire ! mon père, sauvez-moi ! » lui répondis-je bas aussi. Mon père regarda à terre, vit les deux mains ; il les saisit à son tour, et avec une force irrésistible, il tira violemment l’homme auquel appartenaient ces mains. Il amena un jeune sauvage, qui lui fit des gestes suppliants et qui finit par se jeter à genoux. Il avait l’air doux et craintif. Mon père lui fit signe de regarder, leva sa hache, et d’un seul coup abattit un arbre plus gros que le bras. Le sauvage regarda l’arbre, la hache, mon père, avec une surprise mêlée d’admiration ; il fit un bond, poussa un cri, baisa la main, toucha de cette main le pied de mon père, et s’élançant dans la direction de notre cabane, par le chemin que nous avions suivi pour nous cacher, il appela à grands cris ses compagnons. « Nous sommes découverts, dit mon père ; il ne s’agit plus de se cacher. Il faut à présent nous montrer hardiment et leur imposer par notre attitude. Que n’ai-je mon pauvre Normand ? où s’est-il fourré ? » Le commandant se dirigea vers la salle, me tenant par la main ; il tenait sa hache de l’autre. Il entra dans la salle qui se remplissait de sauvages ; à leur tête était le jeune garçon qui venait de nous quitter. « Arrière ! » cria le commandant de sa voix de tonnerre, en brandissant sa hache. Tous reculèrent. Le jeune sauvage approcha timidement, presque en rampant, baisa la main, toucha le pied du commandant et lui fit voir par gestes que ses compagnons voudraient bien voir la hache couper un arbre. Le commandant choisit un jeune cocotier et l’abattit d’un coup. Les sauvages vinrent l’un après l’autre examiner l’arbre, toucher craintivement la hache ; ensuite chacun, comme le jeune sauvage, baisait sa main et touchait le pied du commandant. Je n’avais plus peur. Je sentais l’empire que prenait sur eux cet homme si fort, si courageux, si résolu. Les sauvages se tenaient immobiles, le regardant avec curiosité et respect. Me tenant toujours par la main, il avança vers eux, leur fit signe avec sa hache de s’écarter pour nous laisser passer. Ils se retirèrent avec un effroi comique. « Suivez-moi ! » leur dit-il de sa voix de commandement, et il marcha, suivi de tous ces sauvages, jusqu’à ce qu’il fût sorti du bois. Là, il regarda autour de lui, et, ne voyant pas le Normand, il cria : « Mon brave Normand, nous sommes découverts. Montre-toi et viens à moi, car ton bras peut m’être utile. » Aucune réponse ne se fit entendre ; mais quelques minutes après je vis le Normand sortir du bois. Il regarda les sauvages, et dit au commandant : « Mon commandant, je n’ai pas répondu, parce que j’étais à plat ventre dans les herbes, et je ne voulais pas que ces peaux rouges pussent croire que je me cachais. Je suis rentré dans le bois en rampant. J’ai commencé mon évolution dès que j’ai entendu votre arrière retentissant.

— Crois-tu que ce soient des mangeurs d’hommes ?

— Pour ça non, mon commandant ; ils n’en ont pas la mine ; je n’en ai jamais vu de cette espèce. Ils ont l’air doux ; on dirait des agneaux.

— Eh bien et qu’allons-nous faire à présent ? quel est ton avis ?

— Comment, mon commandant, vous si résolu, et qui vous décidez comme qui dirait un éclair, vous me demandez un avis !

— C’est que je n’étais pas père, vois-tu, répondit le commandant en me caressant les cheveux. Seul, je serais déjà leur chef ; ils m’obéiraient. Mais ce que je ne crains pas pour moi, je le crains pour Paul.

— Oh mon père, m’écriai-je en baisant ses mains, faites comme si je n’y étais pas. Je vous suivrai partout. Ne songez pas à moi.

— Tu ne vois donc pas que je t’aime, Paul, et que je veux faire pour le mieux, à cause de toi ! »

Il réfléchit un instant. Son visage devint sévère ; il se retourna vers les sauvages, leur ordonna d’un geste impérieux de le suivre, et, marchant en avant, me tenant par la main et suivi du Normand, il se dirigea vers la mer, où il apercevait de loin les canots des sauvages. Tout le long du chemin, lui et le Normand se faisaient un passage en abattant avec leurs haches les herbes et les joncs piquants. À chaque coup de la hache, les sauvages se précipitaient pour voir ce qu’elle avait abattu. Ils entouraient le commandant, qui ne daignait pas leur accorder un regard ; le Normand, lui, les éloignait en brandissant sa hache. Quand nous fûmes arrivés au bord de la mer, le commandant ordonna au Normand de se tenir prêt à monter avec lui dans un des plus grands canots, et fit signe aux sauvages d’en amener un près du rivage. Ils obéirent, en approchèrent un ; le commandant y entra avec moi, suivi du Normand. Il fit signe de ramer, et nous partîmes, ne sachant pas où nous allions.

Le canot était grand ; il pouvait contenir dix à douze personnes. Une foule de sauvages se précipitèrent pour y entrer ; mais lorsque les quatre premiers y eurent grimpé, le commandant cria aux autres : Arrière ! et brandit sa hache ; les sauvages s’élancèrent tous dans l’eau et gagnèrent à la nage les autres canots, dans lesquels ils entrèrent et s’arrangèrent comme ils purent. Nos sauvages se mirent à ramer ; nous fûmes bientôt en pleine mer ; ils ramèrent longtemps ; il était nuit quand nous touchâmes à une terre, je n’ai jamais su laquelle, ni le commandant non plus.

— C’est vrai, dit M. de Rosbourg ; la tempête avait tellement fait dévier ma pauvre frégate, que lorsqu’elle toucha, après avoir perdu tous ses mâts, je me trouvai dans une mer qui m’était tout à fait inconnue. »

MARGUERITE.

Alors personne ne connaîtra jamais cette île, papa ?

M. DE ROSBOURG.

Peut-être, si j’y retourne, je la retrouverai.

MARGUERITE.

Oh ! papa, vous n’irez plus jamais sur mer, je vous en prie.

M. DE ROSBOURG, souriant.

Nous verrons cela plus tard, chère petite ; écoutons Paul. Il se souvient bien, ma foi ; voyons s’il ira de même jusqu’au bout.

PAUL.

Les sauvages voulaient me prendre dans leurs bras, mais mon père les repoussa d’un air de commandement qui les effraya, car ils se culbutèrent les uns les autres et firent un grand cercle pour nous laisser passer.

« — Le Normand, dit mon père, soyons prudents et ne nous engageons pas de nuit dans les terres ; trouvons un abri pour que Paul puisse dormir pendant que nous ferons la garde près de lui. Ils ont l’air de bons diables, mais il ne faut pas trop s’y fier. Le crocodile vous croque en deux bouchées avec son air doux et sa voix de petit enfant. Méfions-nous. »

« Le commandant marcha avec moi et le Normand ; nous trouvâmes promptement un rocher creux ; il y faisait noir comme dans un four. Il tira de sa poche une boîte d’allumettes, et, à la grande frayeur des sauvages, il en alluma une, ils firent tous une exclamation de surprise et d’effroi, et reculèrent de quelques pas. Mon père entra dans la grotte formée par le rocher, l’éclaira, et la voyant sèche et sans habitants dangereux, tels que serpents ou bêtes féroces, il m’y fit entrer et y entra lui-même avec le Normand, après avoir fait signe aux sauvages qu’il voulait être seul. Ils obéirent avec répugnance et ne s’éloignèrent pas beaucoup, à en juger par le bruit léger que nous entendions de temps à autre ; tantôt un chuchotement, tantôt un petit bruit de feuilles sèches tantôt un sifflement étouffé, comme de gens qui s’appellent. Mon père me mit au fond de la grotte, et s’assit par terre à l’entrée, lui d’un côté, le Normand de l’autre. Je fus réveillé au petit jour par un bruit extraordinaire. J’ouvris les yeux et je vis mon père et le Normand debout à l’entrée de la grotte, leur hache à la main. Mon père se retourna vers moi d’un air inquiet au moment où je m’éveillai. Je sautai sur mes pieds, je courus à lui, j’avançai ma tête, et je vis une multitude de sauvages qui se dirigeaient vers nous. Au milieu d’eux marchait un homme

Au milieu d’eux marchait un homme qui paraissait être le chef.
qui paraissait être leur chef ou leur roi. Tous les autres le traitaient avec respect, n’osant pas l’approcher

de trop près et lui parlant la tête baissée. Quand il fut à cent pas de nous, il dit quelques mots à deux sauvages, qui vinrent à nous et nous firent signe d’approcher du roi. « Allons, dit mon père en souriant. Aussi bien, nous avons besoin d’eux pour avoir de quoi manger et de quoi nous loger. » Je n’avais pas peur, car je voyais près du roi deux petits garçons à peu près de mon âge. Nous nous avançâmes ; les deux petits garçons accoururent et tournèrent autour de moi en touchant ma veste, mon pantalon, mes pieds, mes mains ; ils faisaient de si drôles de mines et des gambades si étonnantes, que je me mis à rire ; ils eurent l’air enchanté de me voir rire ; ils baisèrent leurs mains et me touchèrent les joues ; je leur en fis autant ; alors leur joie fut extrême ; ils coururent au roi, lui parlèrent avec volubilité, revinrent à moi en courant et me prenant chacun par une main, ils m’entraînèrent vers lui. J’entendis mon pauvre père appeler d’une voix altérée : « Paul, Paul, reviens. » Mais je ne pouvais plus revenir ; les petits sauvages m’entraînaient en répétant Tchihan, tchihane poundi[2]. Le roi me regarda, me toucha, puis il me prit dans ses bras, me toucha l’oreille de son oreille, me remit à terre et dit quelques mots à un sauvage. Celui-ci disparut et revint promptement, lui apportant deux petites lianes. Le roi en prit une qu’il noua légèrement au bras d’un des petits garçons ; il en fit autant à l’autre, puis il attacha les bouts opposés à mes bras, à moi, de manière que je me trouvai attaché à chacun des petits sauvages par le bras. Ils semblaient enchantés, ils faisaient des gambades et des cris de joie qui me faisaient rire comme eux ; je sautai aussi pour leur tenir compagnie et je me mis à chanter à tue-tête :

Te souviens-tu, brave enfant de la France, etc.


que chantaient souvent nos pauvres marins de la Sibylle. Aux premières paroles, les petits sauvages restèrent immobiles. Mais leur surprise et leur admiration fut partagée par le roi et ses sujets, quand mon père et le Normand m’accompagnèrent de leurs belles voix retentissantes. Quand nous eûmes fini, les sauvages, y compris les petits, tombèrent tous la face contre terre, ils se relevèrent d’un bond, coururent au commandant et au Normand, auxquels ils donnèrent tous les témoignages d’amitié qu’ils purent imaginer. Ils cherchèrent à imiter nos chants, mais d’une manière si grotesque que nous rîmes tous à nous tenir les côtes. Ils paraissaient enchantés de nous voir rire ; ils riaient aussi et faisaient des gambades comiques.

SOPHIE

Pardonne-moi si je t’interromps, Paul, mais je voudrais savoir pourquoi on t’avait attaché aux petits sauvages, et si tu es resté longtemps ainsi.

PAUL.

J’ai appris depuis, quand j’ai su leur langage, que c’était pour marquer l’affection qui devait me lier à mes nouveaux amis, et que nous devions à trois ne faire qu’un. Je n’osais pas défaire ces liens de peur de les fâcher, et en effet, j’ai su depuis que si je les avais défaits c’eût été comme si nous leur déclarions la guerre. Mon père me dit : « Tant qu’ils ne te feront pas de mal, mon garçon, laisse-les faire. Il ne faut pas risquer de les fâcher. Nous avons besoin d’eux. D’ailleurs ils n’ont vraiment pas l’air méchant. » Le roi fit alors signe à mon père d’approcher. Un sauvage apporta un autre lien ; le chef en attacha un bout au bras de mon père et lui donna l’autre bout en touchant son oreille de la sienne. Mon père prit le lien et l’attacha au bras du roi, dont il toucha aussi l’oreille. Le roi parut transporté de joie ainsi que tous les sauvages, qui se mirent à pousser des hurlements d’allégresse et à faire autour de nous une ronde immense. Les petits sauvages dansaient, je dansais avec eux, le roi dansa, mon père sauta aussi ; nous nous mîmes tous à rire ; ce rire gagna les sauvages et le roi ; le Normand gambadait tant qu’il pouvait.

M. DE ROSBOURG, riant.

Je me souviens en effet de cette danse absurde. Malgré toute ma tristesse, je me trouvais si ridicule, le pauvre Normand avait l’air si godiche, le roi avait l’air si bête, attaché à mon bras par ce lien et gambadant comme un gamin, que je fus pris d’un fou rire qui fut plus fort que moi. Je ris encore en y pensant.

PAUL, continuant.

Ce fut mon père qui donna le signal du repos en s’arrêtant et criant : « Halte là ! Assez pour aujourd’hui, sauvageons ! » Sa voix domina le tumulte, et tout le monde s’arrêta. J’avais faim ; je le dis à mon père, qui fit signe au roi qu’il voulait manger. Moune chak, s’écria aussitôt le roi. Pris kanine, répondirent les sauvages, et ils se dispersèrent en courant. Ils revinrent bientôt, apportant des bananes, des fruits qui m’étaient inconnus, des noix de coco, du poisson séché. Nous mangeâmes de bon appétit ; les sauvages s’assirent par dizaine, formant de petits ronds. Le roi et les petits sauvages mangèrent seuls avec nous.

Le roi, nous voyant tirer de nos poches des couteaux, regarda attentivement ce que nous en ferions. Quand il nous vit couper facilement et nettement les bananes, le poisson et d’autres mets, il témoigna une grande admiration. Mon père voulut lui faire essayer de couper une banane, mais il n’osa pas ; il retirait sa main avec effroi, et il regardait sans cesse les mains de mon père, celles du Normand et les miennes, s’étonnant qu’elles ne fussent pas coupées comme les fruits et le poisson. Régite, régite, répétait-il. Ce qui veut dire : « Ça coupe. »

Quand le repas fut fini, le roi se leva, marcha avec mon père attaché à son bras ; je suivais entre les deux petits sauvages, mes amis. Le Normand venait ensuite. « Ne perds pas Paul des yeux, lui avait dit mon père. Ma dignité me défend de me retourner trop souvent pour veiller sur lui ; mais je te le confie. Emboîte son pas et ne laisse pas les sauvages trop en approcher.

— Soyez tranquille, mon commandant, lui répondit le Normand. Je considère cet enfant comme le vôtre, et dès lors pas de danger tant que j’ai l’œil sur lui. » Nous marchâmes longtemps. Les petits sauvages m’apprirent quelques mots de leur langage, que je parlai en peu de temps aussi bien qu’eux-mêmes. Il n’était pas très-difficile, mais il leur manque une foule de mots ; nous leur apprîmes à notre tour le français, qu’ils prononçaient d’une manière très-drôle mais tout cela ne se passa que longtemps après.

« Nous arrivâmes enfin dans une espèce de village formé de huttes basses, mais assez propres. Un ruisseau coulait tout le long du village. Chaque hutte était partagée en deux ; une partie servait au chef de famille et aux fils ; l’autre aux femmes et aux enfants. Les garçons quittent la chambre des femmes à l’âge de huit ans, et ils ont alors le droit d’aller à la chasse, d’apprendre à tirer de l’arc, à se servir d’une massue, à faire les flèches et les armes, à préparer les peaux pour les vêtements des hommes, à bâtir des huttes, et autres choses que ne peuvent faire les femmes. Quand nous fûmes arrivés, nous vîmes une grande agitation se manifester parmi les sauvages. Ils avaient l’air de délibérer pendant que les femmes et les enfants sortaient de leurs huttes, nous entouraient, nous examinaient, nous touchaient. Mes deux amis ne laissèrent personne m’ennuyer de cet examen ; ils chassaient les importuns à coups de pied, à coups de poing ; je me mis de la partie, ce qui les fit rire aussi bien que les battus, qui applaudissaient les premiers à mes coups. Après une longue délibération des hommes, le roi fit comprendre par signes à mon père que chaque hutte étant pleine, on lui en bâtirait une quand le soleil se lèverait une autre fois, c’est-à-dire le lendemain et qu’en attendant il nous donnerait sa propre hutte et coucherait lui-même dans celle d’un chef ami qui était en visite pour quelques jours. Ensuite, il coupa avec ses dents le milieu du lien qui l’attachait à mon père, délia le bout qui tenait au bras de mon père, le baisa et se l’attacha au cou ; mon père, à la grande joie du chef, fit de même pour l’autre bout. Les petits sauvages firent la même chose pour nos liens à nous, et j’imitai mon père en dénouant, baisant et attachant à mon cou les bouts noués à leurs bras. Je ne fus pas fâché de me sentir libre. « Paul, me dit mon père, tu peux sans danger rester avec tes amis ; moi je vais avec le Normand couper du bois pour bâtir notre hutte. Je ne veux pas me faire servir par ces braves gens comme si j’étais une femme. Viens, mon Normand ; viens leur faire voir ce que peuvent faire nos haches au bout de nos bras. »

M. DE ROSBOURG.

Et voyez tout ce que peut faire l’éloquence de Paul. L’heure du coucher est passée depuis longtemps, et Marguerite a encore les yeux ouverts comme les écoutilles de ma pauvre frégate. Mais je crois qu’il serait bon de remettre la fin à demain. Qu’en dit la société ?

MADAME DE ROSBOURG.

Oui, mon ami, vous avez raison ; le pauvre Paul est fatigué ou doit l’être. À demain la suite de cet intéressant récit. Allez vous coucher, mes enfants.

M. DE ROSBOURG.

Et ne rêvez pas sauvages et naufrages.

Marguerite fit ses adieux à sa maman et à tout le monde, puis elle revint vers son père et lui prit la main.

M. DE ROSBOURG.

Et moi, ma petite Marguerite, tu ne m’embrasses pas ?

MARGUERITE.

Pas encore, papa. Tout à l’heure.

M. DE ROSBOURG.

Comment, tout à l’heure ? est-ce que tu ne vas pas te coucher comme tes amis ?

MARGUERITE.

Oui, papa ; mais vous allez me monter comme hier, nous ferons notre prière comme hier, et je m’endormirai comme hier en vous tenant les mains.

M. de Rosbourg, attendri, ne lui répondit qu’en l’embrassant et en la prenant dans ses bras. Il assista comme la veille à son coucher, pria avec elle, et comme la veille continua sa prière et son action de grâces près du lit de son enfant endormie. De même que la veille, il essuya les larmes de bonheur et de reconnaissance qui avaient coulé sur la petite main de cette enfant si chère, qu’il retrouvait si bonne, si tendre et si charmante.


  1. Voyez les Malheurs de Sophie, du même auteur. (Note de l’éditeur.)
  2. Viens, viens vite.