Les chemins de fer de la Haute-Loire

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LES CHEMINS DE FER
DE LA HAUTE-LOIRE


Délibération et vœux de la Commission municipale du Puy, approuvés par le Conseil municipal dans sa séance du 28 février 1878.

Présidence de M. le docteur MOREL, maire, chevalier de la Légion d’honneur.


L’an 1878, le 16 février, la commission nommée par le conseil municipal, s’est réunie à l’Hôtel de ville « pour s’occuper, aux termes de la lettre de convocation de M. le Maire, de défendre les intérêts de notre département, au point de vue des lignes ferrées qui sont en projet ».

Sont présents : M. Coumes, ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite ; MM. les conseillers municipaux, Chappuis, Chaurant, Gratuze, Rouillard ; M. Aymard, archiviste de la Haute-Loire, président du Comité départemental de l’exposition universelle.

M. le Maire ouvre la séance en invitant la commission à nommer un secrétaire-rapporteur et un vice-secrétaire. MM. Aymard et Rouillard sont désignés pour remplir ces fonctions.

M. le Président expose que, sur le rapport de M. de Freycinet, ministre des Travaux publics, M. le Président de la République a rendu un décret, en date du 2 janvier dernier, qui a pour objet de compléter le réseau national des chemins de fer et d’opérer le classement des lignes d’intérêt général et d’intérêt local, suivant un ordre de priorité pour chacune de ces deux catégories de chemins. D’autres décrets ont institué des commissions supérieures auprès des ministères des travaux publics et de la guerre, lesquelles auront à coordonner tous les éléments d’une sorte de vaste enquête aux différents points de vue technique et stratégique, ainsi que sous le rapport des intérêts des populations desservies par les chemins de fer.

Ce grand travail, dont personne ne méconnaît l’urgence, devra être terminé prochainement. Déjà six commissions régionales techniques composées d’ingénieurs, ont tracé les principales lignes à construire ; et le tableau des voies projetées a été communiqué au ministère de la guerre, chargé de l’examiner en vue de la défense nationale. À cet effet une commission spéciale fonctionne en ce moment ; et bientôt, un conseil supérieur procèdera à l’étude des vœux émis par les municipalités.

On évalue approximativement à 17,000 kilomètres le trajet des voies à construire et à trois millards environ le chiffre des dépenses. 9,000 kilomètres seront proposés comme lignes nouvelles ou bien empruntées à des voies d’intérêt local ; le surplus comprendra celles votées en 1875 et qui ne sont pas concédées, ainsi que certaines lignes déterminées par des lois antérieures.

Dans ces circonstances exceptionnelles qui impliquent l’accomplissement plus ou moins rapide d’une œuvre considérable et définitive, notre commission municipale n’a pas seulement à provoquer l’attention de l’État sur les lignes qui concernent le département, et en particulier la ville chef-lieu ; elle devra également, à l’exemple des précédentes commissions locales de 1853 et 1862, faire toutes les démarches nécessaires au succès des résolutions du Conseil, qui, dans ce but, lui a conféré une sorte de mandat de permanence.

M. le Maire ajoute que les municipalités de notre région se sont préoccupées de la désignation des lignes ferrées qui les intéressent, et nous ne tarderons pas, sans doute, à recevoir des copies de leurs vœux, qu’elles ont spontanément offert de transmettre à l’un de nous. Le premier, M. Aurenche, maire d’Aubenas et conseiller général, s’est empressé d’envoyer un numéro du journal le Réveil de l’Ardèche, contenant une délibération du conseil municipal de cette ville, en date du 30 janvier, ainsi qu’une copie du procès-verbal d’une réunion de la Chambre de commerce de cette ville, documents qui concernent la création d’une voie ferrée du Puy à Aubenas, de façon à constituer, au moyen de tous les tronçons précédemment construits, un chemin de fer continu, et l’un des plus directs de Paris à Nîmes et à Marseille.

M. le Président donne ensuite la parole à M. Aymard qui, après avoir produit un dossier de nombreuses pièces manuscrites ou imprimées et de cartes et plans relatifs à nos voies ferrées, déploie une carte officielle des chemins de fer français exploités ou en construction ou bien concédés éventuellement.

Dans le réseau des lignes qui y sont tracées soit en traits pleins, soit en tirets et pointillés, sont figurées les voies suivantes qui intéressent la Haute-Loire :

1o Chemin de fer de Lyon à Bordeaux, nommé jadis Grand-Central ; il est exploité dans notre département ;

2o Chemin de fer d’Alais par la vallée de l’Allier, qui se détache de la précédente ligne à la station dite de Saint-Georges-d’Aurac. Celui-ci est également en exploitation ;

3o Chemin de fer de Lyon à Toulouse. Il existe deux lacunes non encore concédées et dont nous aurons à parler, l’une entre les villes du Puy et de Mende, et l’autre, beaucoup moindre entre Carmaux et Rodez ;

4o Série de tronçons qui, après la construction des deux lacunes entre Ambert et le Puy, et de cette ville à Aubenas, constituera, comme l’a dit le Conseil municipal d’Aubenas, une ligne directe de Paris à Marseille ;

5o Série de sections suivant une ligne presque droite, correspondant à peu près au 45e degré de latitude, et qui, pour former un chemin de fer continu de Bordeaux à Grenoble, n’aurait plus qu’à relier les deux villes du Puy et d’Annonay, au moyen d’une dernière section du Puy à Dunières, par Yssingeaux ;

6o Enfin, chemin de fer d’intérêt général décrété de Firminy à Annonay, par Dunières.

La commission, après avoir approfondi les questions qui se rattachent à ces différentes voies, eu égard aux nécessités de la défense nationale, aux productions agricoles et industrielles des régions desservies, aux courants commerciaux, ainsi qu’à l’importance des centres de population, a donné son approbation au mémoire suivant, pour être soumis au conseil municipal à titre de projet de délibération[1].

Le conseil, ayant pris connaissance, avec un vif intérêt, des rapports de M. de Freycinet, ministre des travaux publics et des décrets de M. le Président de la République, insérés au Journal officiel, et relatifs au classement de toutes les lignes du réseau national des chemins de fer et à leur achèvement ;

Émet le vœu que les conceptions élevées et libérales qui ont inspiré ce grand projet, reçoivent une application prochaine.

Le conseil exprime aussi l’espoir, que dans le classement des lignes d’intérêt général, soient comprises toutes celles qui vont être désignées et qui, traversant le département de la Haute-Loire, ont réellement pour objet principal de relier entre elles, au double rapport commercial et stratégique et d’une frontière à l’autre de la France, d’importantes cités telles que Paris, Nîmes et Marseille, Lyon et Toulouse, Lyon et Bordeaux, Bordeaux et Grenoble, etc.

Il n’est pas douteux surtout qu’en ce qui concerne la défense nationale, nous offrirons là un exemple des efforts à faire en France pour atteindre la hauteur de l’Allemagne dont le système des lignes de fer est si bien combiné pour la guerre[2] ; nous en avons eu la preuve en 1870 où, contrairement aux mesures prises par nos ennemis, ainsi que l’a dit avec tant de raison M.  de Freycinet, (La guerre en province pendant le siège de Paris) « l’expérience a démontré l’insuffisance de nos moyens de transport et la nécessité de l’établissement de chemins de fer stratégiques ».

Les centres de population intermédiaires aux grandes villes qui viennent d’être nommées, apporteront, sans aucun doute, aux mêmes voies des éléments de trafic de plus en plus notables à mesure que ces voies entreront dans la période normale d’exploitation. Les profits en seront certainement très-lucratifs, comme ils l’ont été à l’égard du Grand-Central, après que les deux sections de ce chemin dans notre pays eurent été soudées l’une à l’autre, ainsi qu’à d’autres lignes.

Mais il est à peine nécessaire de produire cette considération de lucre. En faisant appel à l’État et aux sacrifices qu’il aura à s’imposer, on peut sûrement invoquer ici l’autorité de l’éminent ingénieur, M. le sénateur Krantz, au sujet « de l’accroissement d’activité et de richesses que les voies ferrées développent dans le pays et sur lequel l’État prélève sa part. Voilà, ajoute-t-il, où il faut chercher leur véritable utilité économique etc. »[3].

Sous le rapport de la priorité d’exécution des lignes d’intérêt général dans la Haute-Loire, le conseil propose de les classer dans l’ordre suivant :

1o Chemin de fer du Puy à Mende. — Cette partie de la grande ligne de Lyon à Toulouse ayant été soumise à une enquête favorable du 20 juin au 1er août 1877, dans les deux départements de la Haute-Loire et de la Lozère, n’attend plus, pour être décrétée, que la déclaration d’utilité publique. Cette enquête n’a provoqué que quelques réclamations de détail concernant le tracé particulièrement aux abords des villes de Pradelles et du Puy, et qui mériteront d’être examinées lors des projets définitifs[4].

La voie emprunte une très-réelle importance à sa direction qui est celle de la route nationale no88, direction tellement ancienne que les plus vieux documents de nos archives lui donnent constamment la qualification significative d’estrade ou grand chemin. Au delà même du moyen âge la science ne peut préciser son antique origine que nous sommes portés à considérer comme préhistorique.

L’achévement de toute la ligne est, en outre, unanimement sollicité par les départements qu’elle traverse de Lyon à Toulouse ; ils l’obtiendront, sans nul doute, car il n’y a plus à décréter que deux lacunes, entre le Puy et Mende et entre Carmaux et Rodez.

La voie ferrée s’assimilera donc, en leur imprimant un nouvel essor, les mêmes relations commerciales, les mêmes facilités de défense du territoire dans les Cévennes et sur ces monts du Velay et du Gévaudan qui, suivant un axiome stratégique, sont « comme une citadelle dont le Rhône serait l’avant-fossé[5] ». Par son raccordement à la ligne de l’Allier vers Langogne, elle établira des communications entre le département du Gard et les grandes cités manufacturières de Saint-Etienne et de Lyon, et, au delà, jusqu’à Besançon et à la frontière de l’est ; d’autre part, elle remplacera, au moyen de cette même ligne de l’Allier et de la section entre Langogne et le Puy, l’antique estrade devenue route nationale, no 106, de Nîmes à Moulins.

2o Chemin de fer du Puy à Aubenas par les vallées de la Loire et de l’Ardèche. — Le classement de cette ligne s’adapte aussi bien aux conditions économiques de notre époque et au régime des voies ferrées qu’à toutes les convenances des temps antérieurs. En effet, elle se dirigera du Puy à Aubenas suivant le plus court trajet possible, parallèlement à toute la partie de la route nationale no 102, comprise entre ces deux villes. Celle-ci avait elle-même remplacé une antique et principale voie qui, d’après le témoignage de Strabon, invoqué par Amédée Thierry et M. Henri Martin, existait déjà au commencement du premier siècle (environ l’an 30) « établie entre la côte de la Méditerranée et la haute Loire, en traversant les Cévennes, route la plus fréquentée de toutes, etc.[6] » C’est pourquoi elle a reçu, dans les siècles postérieurs, les désignations de grande estrade, de chemin ferré et chemin royal.

Les deux villes du Puy et d’Aubenas qui entretiennent ainsi d’immémoriales relations de commerce, demandent avec instance, depuis longtemps, la création d’une ligne de fer qui puisse desservir directement, comme par le passé, une assez vaste région du midi, de Marseille à Aubenas et de cette ville au Puy, d’où elle conduira, comme il sera dit plus loin, à Paris par Ambert et Saint-Germain-des-Fossés[7].

MM. les ingénieurs de l’Ardèche et de la Haute-Loire, conformément aux désirs des conseils généraux, ont fait depuis longtemps des études de ce chemin de fer. L’exécution de la ligne par les vallées de la Loire et de l’Ardèche ne présente pas de sérieuses difficultés, ainsi que l’avait constaté un projet conçu par un éminent ingénieur, M. Combier, d’Aubenas, aujourd’hui ingénieur en chef du contrôle au ministère des travaux publics et membre de l’une des commissions techniques supérieures.

Les avantages de cette voie importante ne furent pas moins vaillamment établis, en 1861, auprès du Conseil général des ponts et chaussées et, en 1862, auprès du Conseil d’État, par une délégation de la ville du Puy chargée de défendre les intérêts de notre département dans la question du chemin de fer d’Alais[8]. Des considérations qu’il est inutile de rappeler, rendirent alors ces démarches infructueuses. Mais, fondées sur des droits traditionnels, elles n’ont point prescrit et, récemment encore, au mois d’août 1877, lors de l’enquête sur le projet de chemin de fer de Lyon à Toulouse au sujet de la section du Puy à Mende, la commission départementale instituée à cet effet, exprimait le vœu « qu’en amont de la station de Solignac, il y eût sur la ligne du Puy à Langogne un raccordement ultérieur d’une voie ferrée qui, se prolongeant jusqu’à Prades et Aubenas, donnerait amplement satisfaction à un certain nombre de communes, ainsi qu’à la ville du Puy qui, depuis longtemps, réclame des communications directes avec l’Ardèche par la vallée de la Loire ».

De leur côté, le conseil municipal et la Chambre de commerce d’Aubenas, dès la première nouvelle de la haute initiative de M. le Ministre des travaux publics pour l’achèvement du réseau national, c’est-à-dire le 30 janvier dernier, énonçaient aussi l’espoir que « grâce aux circonstances exceptionnellement favorables à l’établissement du chemin de fer du Puy à Aubenas par les bassins de la Loire et de l’Ardèche, cette nouvelle voie ferrée serait comprise dans le réseau d’intérêt général. »

Comme témoignage de l’importance qu’Aubenas attache au classement de la ligne, les deux délibérations insistent fortement pour qu’elle ait la priorité sur tous les autres chemins de fer de l’Ardèche. « En effet, y est-il dit, la grande ligne de Paris à Marseille sera abrégée par l’établissement de cette voie passant par Saint-Germain-des-Fossés, Ambert, le Puy et Aubenas ».

Répétons aussi, avec le conseil municipal d’Aubenas que, stratégiquement, la voie offre « de grands avantages pour la défense nationale », puisqu’elle est suffisamment distante de la vallée du Rhône et protégée par les hautes cimes du Mézenc, du Meygal et par les autres grands monts du même massif. En vain objecterait-on que le chemin de fer de l’Allier peut remplir un but pareil. Mais ne sait-on pas que ce chemin à une seule voie, établi dans des conditions très-difficiles, serait, à lui seul, bien insuffisant pour des transports de troupes et du matériel de guerre ?[9]

Sous le rapport du transit, le chemin de fer d’Aubenas donnera satisfaction à de nombreuses relations commerciales alimentées par les différentes lignes les unes convergeant au Puy, d’autres rayonnant dans le midi, principalement celle qui devra former le prolongement de la nôtre, d’Aubenas à Marseille, par le chemin de fer de la rive droite du Rhône, avec bifurcation à Aubenas vers Privas et Lavoulte. À cet égard, on évalue en moyenne à plus de 80,000 tonnes le tonnage annuel qui provient en grande partie de Marseille, arrivant au Puy par les routes de l’Ardèche, sans compter le mouvement des voyageurs dont l’extension est toujours en rapport avec le transport progressif des marchandises.

Quant au trafic local, on peut prévoir qu’il sera assez largement rémunérateur, d’après la productivité agricole de l’assez vaste région que la Loire et l’Ardèche sillonnent et qui comprend des chefs-lieux de communes et même de cantons et un certain nombre de villages. Mentionnons en particulier des exploitations de forêts, en partie domaniales ; l’élevage et le négoce des bestiaux qui constituent dans ce pays une source de richesse. Des filons métallifères pourront être mis en valeur dans la vallée de la Loire où le fleuve et ses affluents fourniront, en outre, des forces hydrauliques considérables pour des usines nouvelles qu’y fera naître la voie ferrée et que favorisera le très-bon marché de la main d’œuvre, l’une des causes principales qui a contribué au grand développement de la fabrication des dentelles dans notre pays et en a fait la manufacture de ce genre la plus considérable qui existe au monde.

Dans tous les cas, cette industrie des dentelles, dans la Haute-Loire et la haute Ardèche, entretient sur tous les points de la même région un mouvement continuel que, sans aucun doute, la voie ferrée aura pour effet de favoriser.

Dans l’Ardèche, le chemin de fer sera aussi très-avantageux sous tous les rapports agricole et industriel. La viticulture, la sériciculture, la production des marrons et châtaignes, celle des fruits de tous genres lui fourniront un contingent d’abondants transports. « Les stations hydrominérales de Vals et de Neyrac déjà fréquentées par un nombre considérable de malades, attireront un mouvement de voyageurs, et l’on peut être certain que dans un avenir assez rapproché, on verra ces établissements décupler d’importance. » Malades, touristes et savants avides de distractions, de récréations ou d’études scientifiques, y viendront de plus en plus nombreux admirer les sites très-pittoresques et accidentés, et les imposants vestiges d’antiques embrasements volcaniques qu’ont rendus célèbres les écrits d’illustres géologues.

Citons également « les anthracites de Prades et de Jaujac dont la puissance remarquable permettrait une très-large exploitation si leurs produits pouvaient être facilement transportés… Les minerais de fer des environs d’Aubenas… les carrières de pierres de taille et de marbre, les chaux hydrauliques, etc. ». On a compté, en 1861, « dans la vallée de l’Ardèche ou aux environs d’Aubenas cent soixante-deux moulinages et douze filatures de soie »[10], auxquelles il faut ajouter d’autres manufactures telles que papeterie, etc., toutes non loin d’Aubenas, ville que l’on sait être aussi un centre très-important du négoce des soies et à laquelle est réservé, sous tous les rapports, un brillant avenir.

Ajoutons que la longueur de la voie à décider est réduite aujourd’hui par deux tronçons dont un déjà concédé est en cours d’exécution, d’Aubenas à Prades, et l’autre, du Puy à Solignac et même au-delà vers le Brignon, sera emprunté à la ligne du Puy à Langogne.

Ainsi amoindrie d’environ une trentaine de kilomètres, la partie à construire jusqu’à Prades ne saurait être bien notable ni pour la longueur du trajet ni pour la dépense.

À la vérité, il serait question, nous a-t-on dit, d’un autre tracé qui, sacrifiant la brièveté de parcours et l’intérêt de nos populations, réaliserait peut-être quelque économie de dépense. La ligne du Puy à Aubenas, au lieu de suivre la plus courte direction par la Loire, emprunterait la section du Puy à Langogne et de là elle conduirait, par une voie nouvelle, à Prades et Aubenas.

Si l’on jette les yeux sur une carte, on voit bien vite la défectuosité d’un tel chemin formé par la jonction de deux branches sous un angle presque droit. C’est une sorte de grand arc dont le tracé par la Loire est évidemment la corde. Or, en présence de l’intérêt capital de la défense nationale, n’est-il pas d’absolue nécessité d’abréger les distances ? C’est là, sans contredit, une considération de premier ordre qui milite suffisamment en faveur de la ligne de la Loire, sans que nous ayons à réclamer, encore une fois, cette ligne pour les nombreux bourgs et villages échelonnés aux abords de la Loire et de l’Ardèche, aussi bien que dans l’intérêt du commerce et des voyageurs.

Que l’État veuille donc reconnaître cette ligne d’intérêt général, et nous verrons enfin accomplis les vœux souvent formulés depuis vingt-quatre ans par la Société d’agriculture du Puy, le Conseil général du département et notre Conseil municipal.

3o Chemin de fer de Bordeaux à Grenoble, section du Puy à Dunières. — Cette ligne, bien qu’elle ne paraisse pas avoir reçu jusqu’à ce jour une semblable désignation, n’existe pas moins presque à l’état de fait accompli par suite d’une heureuse coïncidence de différentes sections de chemins de fer, toutes presque parallèles au 45° degré de latitude qui correspond aux trois villes de Bordeaux, du Puy et de Grenoble. D’une part, la ligne est faite, ou en construction, ou bien décrétée, de Bordeaux au Puy, par Bergerac, Aurillac, Arvant, etc., sauf qu’il ne serait pas absolument impossible d’abréger encore son parcours au moyen d’un embranchement allant droit de Murat à la station de Saint Georges-d’Aurac[11], d’autre part, cette même ligne est exploitée d’Annonay à Grenoble.

On n’a donc plus, pour la constituer en ligne continue, qu’à relier le Puy par Yssingeaux avec Annonay. Or, un chemin de fer d’intérêt général de Firminy à Annonay déjà décrété et, à ce titre, figuré en pointillé sur la carte officielle des chemins de fer, après avoir suivi une direction nord-sud, s’infléchit sensiblement à l’est vers la station de Dunières pour conduire à la ville d’Annonay. Cette dernière partie de la ligne fournit ainsi un appoint assez notable à celle que nous signalons, c’est-à-dire au grand chemin de fer transversal de Bordeaux à Grenoble.

Il resterait ainsi à décider le classement sollicité avec raison par Yssingeaux, — chef-lieu d’un arrondissement intéressant au triple rapport des productions agricoles, industrielles et minérales, — d’un tronçon conduisant du Puy à cette ville et de là à la station de Dunières. C’est à titre d’intérêt local que cette section est demandée. Mais il n’est pas douteux qu’en considération de l’importance de toute la ligne, l’État ne fera aucune difficulté de la classer d’intérêt général, d’autant plus qu’elle remplacera la route nationale no105 du Puy à Annonay par Yssingeaux, ainsi que l’ancienne route nationale no103 (ou estrade) du Puy au Rhône par Saint-Agrève.

Cette importance de la voie revêt, en effet, un caractère stratégique de premier ordre, à cause des deux villes principales situées aux extrémités de la ligne : Bordeaux, qui peut être abondamment ravitaillé au moyen de transports sur mer, et expédier de tous les points des bassins de la Gironde et de la Garonne, des secours de troupes et de matériel de guerre au travers de nos régions inexpugnables ; Grenoble, grande ville confinant la frontière d’Italie, qui communique elle-même par chemin de fer au-delà des Alpes avec Turin et la haute Italie[12]. Ajoutons que la même voie sera, au besoin, une ligne de secours pour Saint-Étienne et Lyon. Son parcours est à une distance de ces villes convenablement stratégique. Elle conduira également à Clermont, siége du quartier général de notre 13e région militaire, par la bifurcation d’Arvant. Dans ces conditions, il semble inutile de faire valoir aussi les avantages incontestables qui, sous le double rapport du trafic et des voyageurs, résulteront de l’achèvement de ce chemin de fer.

4o Chemin de fer d’Ambert au Puy. — À première vue, l’établissement d’un chemin de fer d’Ambert au Puy peut sembler d’un ordre secondaire, si l’on ne considère que l’intérêt de ces deux villes. Mais si l’on examine la carte du réseau des voies ferrées, on est frappé de l’importance de cette section d’après son parcours en prolongement de la grande artère qui, de Paris à Saint-Germain-des-Fossés, à Vichy, Thiers et Ambert, a été construite ou décidée par sections successives, comme si on eût eu l’intention de la conduire au Puy, d’où par une concordance de directions, sa continuation, facile entre cette ville et Aubenas, s’identifie ensuite avec certains tronçons existants ou projetés jusqu’au littoral méditerranéen.

Il n’est pas douteux que l’État se préoccupe des compléments d’une ligne qui est appelée à jouer un rôle prépondérant dans le système national des railways. En effet, notre Conseil général, dans sa dernière session, a été informé par M. le Préfet que M. le Ministre des travaux publics a disposé d’un crédit pour l’étude préliminaire d’un tracé entre Ambert et le Puy. Nous savons aussi que, d’après le vœu du Conseil, deux reconnaissances comparatives viennent d’être envoyées au ministère, sans qu’il soit encore possible de prévoir auquel des projets on donnera la préférence. C’est là, d’ailleurs, une question d’art qu’il ne nous appartient pas d’aborder. MM. les ingénieurs de la commission supérieure sud-est la résoudront beaucoup mieux que nous ne le ferions nous-mêmes.

Quelle que soit sa direction, la voie desservira une assez vaste zône de la Haute-Loire, parallèlement à la route nationale no106 qui, dans la pensée du gouvernement, a toujours eu pour objectif de relier, par la ligne la plus courte, le nord au sud de la France. En outre, celle-ci, sauf quelques rectifications modernes, n’était autre que l’un de nos antiques grands chemins, peut-être préhistoriques, dont la ville du Puy — successivement oppidum gaulois, emporium ou grand marché, colonie romaine et capitale du Velay — avait été, depuis très-longtemps, un centre principal de rayonnement.

Le chemin de fer satisfera donc aux mêmes besoins économiques que ces routes, avec cette différence que les progrès de la civilisation et les nécessités militaires assureront à la voie ferrée un plus grand courant de marchandises et des transports de guerre plus considérables qu’à aucune autre époque.

On peut se faire une idée du mouvement de transit qu’à mesure de son achèvement, la ligne tout entière recevra dans son long parcours du nord au sud de la France. Mais ce qu’on ne saurait trop répéter, c’est son utilité sous le rapport de la défense nationale, car elle desservira sept à huit régions de corps d’armée en établissant une communication directe de l’Océan à la Méditerranée[13].

La voie déjà favorisée dans la majeure partie de son trajet par sa position médiane, presque à égale distance des frontières de l’Est et de l’Ouest, sera surtout protégée dans la Haute-Loire contre des entreprises hostiles par un triple rempart de hauteurs dont deux, presque parallèles, séparent dans le sens longitudinal, les vallées du Rhône et de la Loire et celles de la Loire et de l’Allier, et l’autre forme comme une barrière transversale entre le vaste bassin du Velay et celui du Forez ; sans omettre, comme moyens de défense, bien d’autres massifs de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Lozère.

Au cas également d’une des ces guerres stratégiques auxquelles il a été déjà fait allusion, quel secours ne lui prêterait pas la topographie si accentuée de la région, où, comme Napoléon le disait un jour à l’île d’Elbe, il lui eût été possible, au delà de la Loire, de savourer à son aise la guerre des montagnes[14] ! N’était-ce pas aussi en prévision d’une semblable éventualité que, lors de la deuxième Restauration, quand le sol de la France était couvert de douze cent mille soldats ennemis, la ville du Puy et les plateaux dominés par nos deux chaînes longitudinales des monts et encaissent la vallée de la Loire, furent fortement occupés par de nombreux détachements autrichiens[15] ?

Il n’est peut-être pas sans utilité d’évoquer aussi les douloureux souvenirs de la guerre de 1870, au sujet de laquelle un décret du gouvernement prescrivant la formation de camps retranchés ou stratégiques, amena le préfet de la Haute-Loire, M. Lefort, à constater que ce département offrirait, sous ce rapport, de remarquables éléments de défense[16]. Enfin, il semble que c’était principalement au massif du plateau central que M. Louis Blanc faisait allusion, lorsqu’à la séance mémorable de l’assemblée nationale du 1er mars 1871, relative à la ratification du traité de paix, il proposait de prolonger la lutte, disant, après un exposé des ressources militaires : « Nous avons encore pour servir de refuge, de protection, les montagnes, l’Océan, la Méditerranée, la flotte. »

Il est remarquable, en outre, que notre contrée montagneuse, si l’on en croit des connaisseurs, serait favorable, non-seulement aux combinaisons militaires de stratégie, mais aussi aux guerres tactiques, telles que tendent à les modifier surtout les fusils à tir rapide, joints à l’établissement des chemins de fer. « Ces guerres, en effet, seront toujours diversifiées par ce qu’on pourrait appeler la guerre stratégique, à laquelle les montagnes continueront à fournir des expédients les plus imprévus et les plus redoutables[17] ».

Les considérations d’ordre supérieur qui viennent d’être développées à l’occasion de la ligne de Paris à Marseille par Ambert, le Puy et Aubenas, ne s’appliquent pas moins aux trois autres grandes voies ou artères de Lyon à Bordeaux, de Lyon à Toulouse et de Bordeaux à Grenoble. Celles-ci seront aussi d’une utilité considérable par leur croisement au chef-lieu de notre département où elles appelleront, dans sa véritable sphère d’activité, le mouvement industriel et la vie commerciale et centraliseront, comme en une place forte, des moyens puissants de défense ou, du moins, d’appui militaire.

L’exploitation de ces voies sera facilitée incessamment par les gisements houillers qui sont situés non loin de cette ville, sur trois des lignes de rayonnement, à Firminy, Langeac et Brassac et à Prades, c’est-à-dire à l’est, à l’ouest et au sud. Quant aux éléments de trafic que fournira ce même centre commercial, l’un des plus notables du groupe immense de montagnes qui s’élèvent vers le milieu de la France, leur énumération dans le rapport de la Commission locale des chemins de fer de 1853[18], a surabondamment démontré l’importance du mouvement des marchandises en importations, exportations et transits. Il suffira de rappeler, d’après le même écrit, comme une preuve de la prospérité manufacturière et agricole du pays, le chiffre de la population spécifique de la Haute-Loire.

Probablement plus élevé encore aujourd’hui par suite des perfectionnements agricoles, ce chiffre avait été fixé en 1852, dans l’Annuaire du bureau des longitudes, à 61 habitants par kilomètre carré ; d’où il résultait que la population du département était « à peu près égale à celle de la Gironde et de l’Hérault et plus dense que celle de trente-neuf départements, parmi lesquels on compte ceux d’Indre-et-Loire, du Loiret, de la Nièvre, de la Côte-d’Or, de l’Allier, etc. »

C’est là, sans contredit, un signe certain de prospérité d’autant plus remarquable que la Haute-Loire exporte une assez grande quantité de ses denrées en céréales, légumes, bestiaux, etc. La production agricole tend même à s’accroître par une incessante plus-value de terrains due principalement aux améliorations de la grande et de la petite viabilité. En aucun autre département, ce bienfait n’est plus fortement ressenti, puisque des rapports officiels ont cité le nôtre en première ligne parmi ceux où le syndicat est le plus en faveur. On a ainsi l’assurance que l’agriculture y recevra une nouvelle et puissante impulsion par l’exécution de la loi déjà votée au Sénat sur le syndicat obligatoire appliqué aux chemins ruraux. Que sera-ce encore lorsque les voies ferrées, en même temps qu’elles faciliteront le transport des produits de nos campagnes, auront pour effet de stimuler l’activité industrielle du pays ? Certaines manufactures y sont déjà nombreuses, ainsi qu’il avait été dit dans le rapport précité. L’Exposition universelle a permis aussi de le constater par les adhésions nombreuses parvenues au Comité départemental, mais à la suite desquelles les frais d’installation mis à la charge des exposants, et ayant amené des démissions, nous ont privé, en partie, d’une importante exhibition.

Sous ce rapport, la progression sera très-frappante, si l’on parvient àutiliser une partie des forces hydrauliques considérables que peuvent fournir nos cours d’eau de la Loire et de l’Allier et tous leurs affluents. Elles sont telles que, d’après un mémoire sur les intérêts du centre de la France publié en 1842 par M. Lamothe, ancien conseiller général de la Haute-Loire, notre département recèlerait « autant de forces hydrauliques que celles dont toute l’Angleterre disposait, en 1842, tant en forces de vapeur qu’en forces d’eau ».

Les entreprises manufacturières ne seront pas, seules, susceptibles d’attirer dans notre pays des spéculateurs et capitalistes ; des ingénieurs y viendront explorer des gisements métallifères dont on trouve des affleurements dans nos profondes et sinueuses vallées. Les géologues qui ont ouvert la voie de ces investigations, pourront signaler également bien des matériaux que l’art des constructeurs sait déjà s’approprier. Une diversité d’affaires, un attrait de curiosité amèneront dans nos montagnes excursionistes, savants et désireux d’étudier les œuvres de la nature, dans leurs plus imposantes manifestations, et les monuments artistiques de notre histoire, ainsi que de contempler ces sites variés et pittoresques, ces horizons peu connus qui ont fait dire à Georges Sand dans Le marquis de Villemer : « Ce n’est pas la Suisse, c’est moins terrible ; ce n’est pas l’Italie, c’est plus beau, etc. »

Le réseau des voies de fer que la Haute-Loire devra à un heureux concours de conditions topographiques, profitera dans une semblable mesure à tous les départements qui, entourant le nôtre, constituent ensemble, au sud, le plateau central. En dehors de ces départements, il profitera plus grandement encore à toute une région du sud de la France, pour laquelle, en 1853, notre Commission locale sollicitait l’attention de l’État, « immense polygone, disait-elle, complètement déshérité, » dans lequel, depuis lors, des voies ferrées ont été partiellement ouvertes.

Reliées entre elles par divers tronçons qu’il reste à exécuter, elles ne tarderont pas à établir, suivant nos prévisions, « les communications les plus directes entre le nord de la France, Marseille et l’Algérie d’une part ; et de l’autre entre le nord, l’est et le centre et Nîmes, Montpellier, Cette, Toulouse, Narbonne, Perpignan et l’Espagne », sans compter la magnifique artère transversale, qui, dans un avenir prochain, conduira rapidement de Bordeaux à Grenoble et vers Turin et la haute Italie.

L’importance même de ces lignes fait ressortir la nécessité de les maintenir absolument à l’abri de toute invasion ; c’est ainsi que le puissant intérêt de la défense nationale s’unit aux convenances si favorables de la topographie et des trajets les plus directs, pour recommander aux sollicitudes de l’État, le rayonnement de ces voies au cœur des monts Cévennes qui, les couvrant contre des entreprises hostiles, les conduisent à la plupart des principales villes de France et vers toutes nos frontières.

Ces diverses considérations font donc espérer que l’achèvement projeté du réseau national des lignes d’intérêt général comprendra les quatre raccordements déjà indiqués, savoir : 1o Du Puy à Mende ; 2o du Puy à Aubenas par la vallée de la Loire ; 3o du Puy à Dunières par Yssingeaux ; 4o d’Ambert au Puy.





NOTE SUPPLÉMENTAIRE


1er juin 1878.

Il n’entrait pas dans le cadre du présent rapport de discuter certaines raisons financières qu’on a produites, maintes fois, contre les projets de chemin de fer en pays de montagnes. Les avantages multiples que nous avons fait ressortir compensent très-bien les frais d’établissement de ces lignes. L’expérience l’a déjà démontré au moins pour la plupart de celles exécutées dans les conditions ordinaires. On ne nie pas qu’en de très-rares circonstances, il y en a qui sont plus dispendieuses. Tel est, par exemple, le chemin de fer de Brioude à Alais par l’Allier, qui paraît avoir atteint le chiffre maximum du coût kilométrique. Mais ne sait-on pas que son tracé, ayant été malheureusement préféré à celui plus direct et plus économique par le Puy et la vallée de la Loire, semble avoir été choisi, contrairement aux convenances topographiques, comme si on eût cherché à plaisir les difficultés les plus insurmontables ?

Sur ce point l’enquête parlementaire des chemins de fer a justifié toutes les prévisions que la délégation de la ville du Puy, en 1861-1862, avait consignées dans ses mémoires. Nous en trouvons le témoignage dans les observations de M. le Président du conseil d’administration de la Compagnie P.-L.-M, au sujet de cette voie de fer, classée, seule, par la compagnie dans un groupe distinct de trois autres, « à cause de toutes les difficultés qu’a présentées son exécution et des dépenses énormes auxquelles elle a donné lieu[19]. Cette ligne, a ajouté M. Vuitry, n’a pas une grande utilité commerciale ; elle est impraticable pour les grands trafics… Nous avons voulu faire passer des marchandises venant du midi, par cette ligne : cela nous a été, sinon impossible, du moins très-difficile. C’est un très-mauvais outil… À raison des conditions dans lesquelles cette ligne est construite, il vaut mieux faire, je ne sais combien de kilomètres de plus et en prenant une ligne à pentes faibles ».

Le respect de la vérité, qui nous invite à reproduire une appréciation en apparence peu favorable à nos pays, ne nous impose pas moins l’obligation de protester contre l’induction erronée que M. Vuitry a tirée d’un fait absolument exceptionnel. Ce n’est point là, en effet, comme le suppose M. Vuitry, « un spécimen des dépenses qu’entraîneront certains chemins de fer projetés dans la Haute-Loire, la Lozère, l’Ardèche, etc. si l’on ne renonce pas à les exécuter ».

Les renseignements que nous avons pu recueillir relativement à nos quatre lignes de raccordement permettent d’affirmer qu’aucune d’elles n’exigera les dépenses extraordinaires du chemin de fer de l’Allier. Le gouvernement est déjà rassuré à cet égard, non-seulement par le chiffre des frais d’établissement de notre ligne du Puy à Saint-Georges-d’Aurac, classée par la Compagnie, comme bien moins onéreuse, dans son troisième groupe, mais encore par les études auxquelles ont donné lieu, à diverses reprises, les tronçons des chemins de fer que nous sollicitons. On voudra bien admettre également que l’expérience acquise dans la construction de la ligne de Saint-Georges-d’Aurac, a dû suggérer des combinaisons encore moins dispendieuses, en conseillant d’établir ces voies, soit sur nos longs plateaux, comme seront le chemin de fer du Puy à Langogne — dont le coût kilométrique n’est que d’environ 263,000 fr. — et celui du Puy à Ambert, soit dans des vallées suffisamment ouvertes et à pentes régulièrement ordonnées, comme sont celle de la Loire pour la ligne du Puy à Aubenas, et l’une de celle qu’il serait facile de signaler entre le Puy et Yssingeaux ; ceci soit dit en ce qui concerne le choix des tracés, sans préjuger la question d’art qui, nous ne saurions trop le dire, ne peut être décidée que par MM. les ingénieurs.

Aymard,
Président de la Société des amis des sciences, de l’industrie et des arts de la Haute-Loire, etc.







  1. C’est ce projet qui a été approuvé par le conseil municipal, dans sa séance du 28 février.
  2. Voyez un article de la Gazette d’Augsbourg récemment reproduit dans le journal la France et dans la Haute-Loire, no du 14 février 1878.
  3. M. Krantz, Observations au sujet des chemins de fer d’intérêt général et d’intérêt local, Paris, 1875, page 15. Depuis la rédaction du présent rapport, M. de Freycinet, dans son discours prononcé à la chambre des députés le 14 mars 1878, a éloquemment exprimé la même pensée : « J’avoue, a-t-il dit, que j’ai été étonné quand j’ai entendu dire qu’il fallait apprécier les chemins de fer à leur valeur commerciale. Est-ce qu’un chemin de fer ne vaut que ce qu’il rapporte à celui qui l’exploite ? non, son véritable produit pour le public, pour a la communauté, c’est l’économie qu’il permet au pays de réaliser pour ses transports, la défense du territoire et tous les moyens de civilisation que les chemins apportent avec eux… »
  4. Nous devons insister principalement au sujet des graves considérations produites par la Chambre des arts et manufactures du Puy, pour que le chemin de fer vienne aboutir à la gare de cette ville, au lieu de se détacher de celui de Saint-Etienne au Puy vers Montredon, à quelque distance de notre ville.
  5. Histoire de J. César, t. II, guerre des Gaules, introduction, 1866, p. 16.

    « …À l’est, où les invasions sont à craindre, on dirait que la nature non contente de l’avoir (la Gaule) défendue par le Rhin et les Alpes, s’est plu à la retrancher derrière trois groupes de montagnes intérieures : 1o les Vosges ; 2o le Jura ; 3o les monts du Forez, les monts d’Auvergne et les Cévennes ». Idem, p. 15.

  6. Strabon : Géographie, Traduction du grec en français par Laporte du Theil, 1809, livre IV, tome II, p. 365 ; — Amédée Thierry : Histoire des Gaulois, 1828, tome II, p. 153. — M. Henri Martin : Histoire de France, 1860, tome I, p. 90, en note. — M. Aymard : Ancienne route ou estrade, etc., Annales de la Société académique du Puy, tome XXIX, 1869, p. 608.
  7. Notre commission locale des chemins de fer, avait elle-même soulevé, il y a vingt-quatre ans, la question du chemin de fer du nord au sud de la France par le Puy et Aubenas, lequel était appelé à croiser au Puy celui du Grand-Gentral de Lyon à Bordeaux. Nous citions à ce sujet le concours sympathique de la ville d’Aubenas, manifesté par l’envoi d’un projet de tracé. (Voyez le mémoire : Chemin de fer Grand-Central, section de Lempdes à Saint-Étienne par le Puy, M. Aymard, rapporteur de la commission locale, 1854, p. 14.) — La délégation de la ville du Puy auprès du gouvernement fit valoir la même puissante considération auprès du chef de l’État.
  8. Voyez les deux mémoires imprimés : Observations des délégués de la ville du Puy à MM. les membres du Conseil général des ponts et chaussées. 19 décembre 1861 ; au nom des délégués ; M. Vinay secrétaire. — Conseil d’État, section des travaux publics ; chemin de fer de Brioude à Alais. Notes à l’appui du tracé par la vallée de la Loire, 9 mars 1862. Les membres de la commission municipale signés : Préat, de Brive, Balme (Louis), Vibert, Calemard de La Fayette, Aymard, Vinay secrétaire.
  9. Voyez la note supplémentaire à la fin du présent rapport.
  10. Le document intéressant, auquel nous empruntons l’énoncé de ces éléments nombreux de trafic, est le Procès-verbal des délibérations de la commission d’enquête de l’Ardèche pour le chemin de fer de Brioude à Alais. Secrétaire : M. Molines. Privas, 1861. Nous devons, entre autres communications obligeantes, le don de cette pièce imprimée a M. Francisque André, archiviste de la préfecture de l’Ardèche.
  11. Nous n’ignorons pas que dans cette direction on rencontrerait quelques difficultés topographiques. Mais peut-on assigner une limite aux ressources de la science et de l’art ?

    Ajoutons que ce raccourcissement serait également avantageux au chemin de fer de Bordeaux à Lyon par le Puy, dont nous sommes en possession ; et, quelles que soient les lignes plus ou moins parallèles que les nécessités de la défense nationale amèneront à établir, la nôtre sera toujours la moins longue.

  12. L’intérêt capital de ce chemin de fer, sous le rapport militaire, impose évidemment l’obligation d’en abréger le parcours. Nous avons déjà sollicité l’examen d’une ligne de raccordement entre Murat et la station de Saint-Georges-d’Aurac ; il serait facile également, à l’égard de la lacune du Puy à Yssingeaux, d’indiquer une courte et très-rationnelle direction entre ces deux villes, sans emprunter les circuits du chemin de fer du Puy à Retournac d’où l’on aurait à conduire un embranchement sur Yssingeaux, trop longs développements qui sont contraires aux principes des voies stratégiques.
  13. Voyez la Carte cantonale de la France présentant les régions et subdivisions de corps d’armée ; publiée par le dépôt de la guerre, 1877.
  14. M. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, 1860, tome II, p. 201.
  15. Anc. route ou estrade du Puy au Forez, aux Annales de la Soc. acad. du Puy, t. XXIX, 1869, p. 640.

    Les détachements autrichiens ne furent pas seulement cantonnés au Puy ; ils occupèrent aussi diverses communes en deçà de l’Allier, suivant trois lignes principales : la première de Monistrol à Pradelles par Yssingeaux, Montfaucon, Tence, le Monastier ; la deuxième d’Allègre à Arlanc et Viverols par Monlet, Saint-Paulien, Craponne et la Chaise-Dieu ; la troisième sur la rive droite de l’Allier à Paulhaguet, Lamothe et Auzon.

  16. Décret du 25 septembre 1871, inséré au Recueil des actes administratifs de la Haute-Loire. Ayant été consulté par M. le Préfet sur la question qui faisait l’objet de ce décret, l’auteur du présent rapport dut se borner à l’exposé des anciens faits de guerre dans notre pays. Il fut établi qu’à différentes époques, remontant même jusqu’aux temps des Romains et des Gaulois, un certain nombre de lieux qui commandaient surtout les voies de communication, avaient été fortifiés en vue d’hostilités étrangères. Toutefois les notions assez nombreuses de l’histoire attestèrent que jamais nos montagnes n’avaient subi pleinement les désastres des grandes invasions.
  17. M. A. Vernier, La tactique et le tir rapide, Journal le Temps, nol du 12 février 1878.
  18. Annales de la Soc. acad. du Puy, tom. XXVII, p. 239.
  19. Enquête parlementaire sur le régime des chemin de fers d’intérêt général ; — dépositions des représentants des compagnies des chemins de fer. Journal officiel, no 18 mai 1878, p. 5173.