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Les députés des Trois-Rivières (1808-1838)/KIMBER, René-J.

La bibliothèque libre.
Les éditions du « Bien Public » (p. 49-55).

VIII

L’Hon. René-Joseph Kimber

(1786-1846)


Petit-fils de Joseph-Antoine Jékimbert (fils de Jacques et de Françoise Firchtinne, de Saint-Sébastien, ville d’Aachen, Allemagne, appelée Aix-la-Chapelle par les Français), qui épousa à Beauport, le 27 août 1753, Marie-Geneviève, fille de Jean Allard et de Marie-Geneviève de Rainville ; l’honorable René-Joseph était le fils de René Kimber, né en 1762, négociant et citoyen notable établi aux Trois-Rivières entre 1794 et 1799, et de Marie-Josephte Robitaille. Notre député naquit à Québec le 26 novembre 1786 et fit ses classes au collège de Saint-Raphaël de Montréal.

Il commença ensuite l’étude de la médecine chez le docteur Rieutord, des Trois-Rivières. Celui-ci aidait beaucoup aux jeunes gens de talent qui voulaient faire des études. Il prêta £150 à René-Joseph Kimber pour lui aider à poursuivre ses études professionnelles. Le jeune étudiant s’embarqua pour l’Europe au mois d’août 1806. Le docteur Kimber revint au Canada le 20 octobre 1808, à bord du brig « Francis ».

Il ne fut admis à la pratique de sa profession que le 14 août 1811. Il s’établit aux Trois-Rivières. Sa résidence était voisine de celle de son père, rue des Forges, maison aux vastes salons où se réunissait la société aristocratique du temps.[1]

L’Histoire des Ursulines des Trois-Rivières[1] dit que : « Au printemps de 1808, le général Brock était aux Trois-Rivières pour tenir une enquête sur la conduite des recruteurs du régiment Canadian Fencibles. Le principal rôle dans cette petite affaire qui fit grand bruit, était tenu par le jeune Kimber, âgé de vingt-deux ans. Dès lors on put prévoir qu’il jouerait un rôle politique dans le pays ».

Le docteur Kimber était alors[2] étudiant à l’Université d’Edimbourg. Comme il n’a jamais, que nous sachions, prétendu posséder le don d’ubiquité, il doit y avoir ici confusion de nom, de personne ou de date.

Le docteur Kimber succéda au docteur Carter comme médecin des Ursulines des Trois-Rivières.

Le 29 janvier 1812, le docteur Kimber était recommandé pour être l’un des commissaires devant être commis à la surveillance de la Maison de correction des Trois-Rivières.

Il servit durant la guerre de 1812-15, d’abord comme lieutenant au premier bataillon de milice de la division des Trois-Rivières, puis, à partir du 19 janvier 1813, comme chirurgien au quatrième bataillon de la milice d’élite incorporée, dont le quartier général était à Saint-Thomas. Ce corps participa à la bataille de Châteauguay, mais le docteur ne doit pas y avoir pris part, car il ne reçut pas la médaille frappée à cette occasion. Le 4 février 1814, il fut promu capitaine. Après la réorganisation des comtés, il devint, le 27 avril 1830, capitaine au premier bataillon du comté de Saint-Maurice.

Le 25 août 1814, le docteur Kimber fut nommé commissaire pour le soin et l’entretien des aliénés du district des Trois-Rivières. Cette commission fut renouvelée en 1825, 1829, 1830 et 1831. Il fut aussi le représentant du secrétaire provincial pour l’émission de commissions, de licences, etc., dans le district des Trois-Rivières, de 1814 à 1836.

Le 30 juin 1815, il fut nommé juge de paix dans le district des Trois-Rivières et, le ler juin 1826, devint commissaire pour l’entretien des hôpitaux et autres institutions de charité.

Le docteur Kimber fut nommé l’un des membres de la Maison d’Industrie à Montréal le 2 avril 1827. Au mois d’août 1830, il s’occupait de la création d’une société d’éducation aux Trois-Rivières. Il fut aussi commissaire pour la réparation des églises du district, de 1831 à 1839. Il obtint une concession de terre dans le canton de Chester le 28 mars 1838, en récompense de ses services durant la dernière guerre et, le 19 juin 1839, il était nommé commissaire pour l’érection de nouvelles paroisses. Le docteur Kimber s’occupa consciencieusement de ces diverses charges parfois assez onéreuses.

Le docteur Kimber représenta la ville des Trois-Rivières à l’Assemblée législative, du 5 décembre 1832 au 27 mars 1838.

Lord Gosford, le nouveau gouverneur, reçut au Château Saint-Louis quelques jours après son arrivée à Québec en août 1835. Il se montra très gracieux. Tous les politiciens, cependant, étaient sur leurs gardes. Des membres populaires du Conseil et de l’Assemblée tinrent une réunion au commencement de septembre aux Trois-Rivières, chez le docteur Kimber, afin de s’entendre sur l’attitude à prendre devant la commission d’enquête[3]. Celle-ci avait reçu du ministère Melbourne des instructions très précises et qui équivalaient pratiquement à un refus aux demandes de l’Assemblée. Les commissaires devaient s’instruire de tout et garder le secret sur leurs conclusions. La Chambre refusa de reconnaître la commission et la situation politique ne s’améliora pas, loin de là.

Le docteur Kimber était, comme on vient de le voir, un des chefs populaires aux Trois-Rivières. Il voyait clairement l’abîme où menait la conduite de plus en plus répréhensible de Papineau. Habile et prudent, notre député sut se maintenir dans les bornes constitutionnelles tout en revendiquant les droits de ses compatriotes. Non seulement n’encouragea-t-il pas l’insurrection, mais ses conseils judicieux empêchèrent bien des Trifluviens de donner dans le panneau. Sa modération dans les circonstances critiques que traversait la province est digne d’éloges.

La lettre qui suit dépeint bien ses sentiments et ses convictions politiques. Elle mérite d’être reproduite car elle montre le bon sens de l’auteur, sa dignité et sa pondération en des temps difficiles.

Trois-Rivières, le 22 juin 1837.


« Monsieur,

« Dans les circonstances critiques dans lesquelles se trouve le pays, je prendrai la liberté de communiquer à son Excellence le gouverneur en Chef, l’opinion que j’entretiens sur les mesures qu’on dit devant avoir lieu sous peu ou sitôt la réception des Instructions du secrétaire Colonial de Sa Majesté. Celles-ci seront peut-être péremptoires, alors le gouverneur n’y pourra malheureusement dévier ; peut-être aussi (et je l’espère) lui sera-t-il permis d’exercer quelque discrétion, c’est justement là le point, où son Excellence ramènera la tranquillité dans le pays ou en laissera échapper l’occasion pour le temps qu’elle a à demeurer parmi nous.

« Mes principes sont connus, je les maintiendrai toujours. Si je n’approuve pas dans ce moment les excès dans lesquels se donnent quelques-uns de mes compatriotes, j’approuve néanmoins la partie constitutionnelle de leurs démarches et je demande autant qu’eux que justice soit rendue à mon pays. C’est donc avec l’assurance d’un sujet Anglais réformiste, et non un sujet révolutionnaire que j’adresse avec franchise ces lignes à son Excellence, et que je la prie humblement de donner autant qu’elle le pourra son attention et son appui, à ceux qui désirent voir accommoder les affaires du pays avec le gouvernement de sa Majesté.

« Ceux qui sont ainsi disposés et dont je suis du nombre, se flattent que son Excellence ne convoquera pas le Parlement Provincial, ni ne procédera à une Élection générale avant d’avoir commencé l’œuvre de la réforme qu’elle a promise lors de son discours d’ouverture et que les Ministres étendront peut-être encore.

« En convoquant la chambre ou en faisant de nouvelles élections dans les circonstances actuelles, la chambre et le pays n’ont-ils pas droit de dire que le gouvernement de Sa Majesté n’ayant eu en effet des entrailles que pour les fonctionnaires publics et aucunement pour le peuple, son Excellence ne peut guère espérer d’un côté un accommodement avec la Chambre, ni des représentants mieux disposés de la part des Électeurs injuriés et sans justice ?

« Au contraire, différant l’adoption des mesures que je viens de mentionner jusqu’après la réforme, alors les Membres ou les Électeurs amis de cette réforme supporteront avec plus de force et de moyens l’administration qui aura ainsi donné des preuves et non des promesses de faire aux Canadiens tout le bien qu’il était en son pouvoir de leur faire. Il n’est pas à douter qu’avec des faits sous les yeux, le plus grand nombre de ceux qui ont droit d’être mécontents jusqu’à présent, auront alors une opinion plus favorable du gouvernement, et s’efforceront de faire la paix avec lui.

« Telle est ma pensée au sujet de la situation actuelle du pays, je l’offre candidement et humblement à son Excellence comme le seul espoir à mon avis de faire envisager son administration à l’avenir plus conciliante et plus populaire, et de parvenir au but qu’elle se propose, et qu’elle nous a déjà annoncé.

« J’ai l’honneur d’être Monsieur avec considération,

Votre très humble et très obéissant serviteur.
r. kimber m.d. »


S. Walcott, Esq.,


Secrétaire Civil,


Québec.

Sous l’Union, le docteur Kimber fut député du comté de Champlain du 8 avril 1841 au 4 septembre 1843, lorsqu’il fut appelé au Conseil législatif. Il décéda le 22 décembre de cette année.

Le docteur Kimber avait épousé à Montréal, le 29 octobre 1811, Apolline Berthelet,[4] fille mineure de Pierre Berthelet, négociant, et de sa seconde femme, Marguerite Viger, Il en eut deux enfants : Harline, qui épousa Henry Judah, avocat, de Montréal ; et René, huissier de la Verge Noire.[5]

Benjamin Sulte dit dans le « Bulletin des Recherches Historiques »[6] Que Émélie Boileau, fille du notaire René Boileau, devint l’épouse du docteur Kimber. Ce doit être le docteur Timothée-Olivier Kimber, de Chambly. Cependant, on le dit marié à Anastasie Berthelot. S’est-il marié deux fois ?

« Homme de science, il était grave et spirituel, dit l’annaliste des Ursulines, en parlant du docteur René-Joseph Kimber, mais il était par-dessus tout, un galant homme et un ami du progrès. » Et elle ajoute plus loin :

« À ses belles qualités, le Dr Kimber joignait une grande charité. Il acheta une maison pour son serviteur et il s’engagea sur le contrat à faire un payement de $20.00 par mois. Sur son testament, il remit les dettes aux pauvres qui lui devaient. Il donna dix louis au curé pour les nécessiteux. Il voulut qu’il fût célébré cent messes basses pour le repos de son âme : « À Mme Chs Langevin, sa sœur, il donna son service à thé en argent et les tableaux de famille. »[7]

René fut admis au barreau le 8 février 1840. Le 10 juin suivant, il fut nommé huissier de la Verge Noire au Conseil législatif. Le 5 novembre 1867, il obtint la même charge au Sénat du Canada et la conserva jusqu’au 4 juin 1875, quand il fut remplacé par son fils René-Édouard, qui occupa ce poste jusqu’à sa mort arrivée le 16 août 1901.

En 1830, une distillerie fut ouverte à Saint-Denis-sur-Richelieu par les docteurs Wolfred Nelson et Timothée-Olivier Kimber (frère de l’honorable René-Joseph), M. Louis Deschambault et autres. Elle était en pleine activité en 1837, lors de la rébellion. Elle avait fait de bonnes affaires jusque-là et émis des assignats pour remplacer le numéraire sonnant, qui manquait à cette époque. Cette usine employait une douzaine d’hommes. Elle fut brûlée par la soldatesque anglaise en 1837 et ne se releva pas de ses ruines.[8]

M. René Kimber, veuf de Louise Lozeau, avait épousé à Montréal, le 27 octobre 1842, Suzanne-Ursule, fille du juge Olivier Perrault et de Marie-Louise Taschereau. Elle mourut le 29 juillet 1843, et M. Kimber convola en troisièmes noces, à Québec, le 10 septembre 1844, avec Catherine-Sarah, fille d’Edward Burroughs, protonotaire, et de Catherine Voyer.

M. René Kimber vivait encore en 1901, âgé alors de quatre-vingt-sept ans, et résidait à Paris depuis plusieurs années.

L’abbé Thomas Kimber, successivement curé de Contrecœur, d’Yamachiche et de Verchères, et qui mourut en 1832, était l’oncle de l’honorable René-Joseph Kimber. Le docteur Timothée-Olivier était le frère du député. Après avoir étudié la médecine dans la province, il alla compléter ses études à Paris. Le 27 juin 1821, il obtenait une licence pour pratiquer dans la province, et alla s’établir à Chambly.

Le 30 juin 1832, l’honorable Samuel Hatt le recommandait pour être nommé visiteur, à Chambly, du Bureau de Santé de Montréal.

Il avait servi durant la guerre de 1812 comme enseigne au huitième bataillon de la division des Trois-Rivières. Il avait épousé Anastasie Berthelot. Il ne laissa pas de descendance. Sa sœur, Euphrosine, devint la femme du notaire Norbert-Benjamin Doucet. Une autre, Clotilde, épousa en premières noces le notaire Antoine-Zéphirin LeBlanc et, en secondes noces, Charles Langevin, marchand de Québec. Leur frère, Louis-Édouard, prit pour femme Sophie-Caroline, fille du député Nicolas Montour. Louis-Édouard avait, lui aussi, servi sous les drapeaux, en qualité d’enseigne, puis de lieutenant, dans le deuxième bataillon de la milice d’élite incorporée.

Deux autres frères de René-Joseph : Benjamin et Janvier, servirent avec le grade d’enseigne dans le troisième bataillon de Berthier, durant la guerre de 1812-15. Le premier mourut le 30 août 1813.

Siméon-Zéphirin, autre frère du docteur René-Joseph, né à Québec le 18 février 1790, vint aux Trois-Rivières avec ses parents. Il y ouvrit en mars 1811 un bureau de courtier et d’encanteur. Il mourut célibataire.

  1. a et b Histoire des Ursulines, Vol. IV, p. 459.
  2. Parti en août 1806 pour l’Europe, il ne fut de retour que le 20 octobre 1808, Voir “Gazette de Québec” du 27 oçtobre 1808,
  3. « La Minerve » du 14 septembre 1835,
  4. « Gazette de Québec », 14 novembre 1811, et M. E.-Z. Massicotte.
  5. Histoire des Ursulines des Trois-Rivières, IV, 460.
  6. XIX, 377.
  7. Histoire des Ursulines des Trois-Rivières, Vol. IV, p. 460.
  8. Histoire de Saint-Denis-sur-Richelieu, par l’abbé J.-B.-A. Allaire.