Les métamorphoses d’une goutte d’eau/Les Boutons

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LES BOUTONS.


Germain, se promenant avec son père un jour d’automne, remarqua pour la première fois les boutons qui sont à l’aisselle des feuilles, et lui demanda ce à quoi ils pouvaient servir.

« Mon enfant, ces boutons contiennent, les uns les feuilles, et les autres les fleurs de l’année prochaine.

— Comment, papa, les feuilles et les fleurs sont déjà formées dans les boutons ?

— Mais oui ; ces boutons se forment au printemps, aussitôt après le développement des feuilles ; puis ils grossissent lentement pendant toute l’année, pour se développer à leur tour au souffle du printemps suivant.

— Il me semble, papa, que la mauvaise saison doit en détruire un grand nombre ?

— Oh ! ils sont parfaitement à l’abri des intempéries !

— J’ai beau regarder, je ne vois pas qu’ils en soient si bien garantis.

— Eh bien, je vais te le faire voir, moi. Va me cueillir cette branche de marronnier qui a déjà perdu toutes ses feuilles. »

Quand le père eut entre les mains la branche du marronnier, il dit :

« Regarde bien la gomme dont ces boutons sont enduits ; l’humidité ne saurait la pénétrer. Tiens, voici une épingle : lève une à une toutes les écailles brunes qui revêtent ces boutons. Que vois-tu ?

— J’en vois d’autres semblables, mais qui sont vertes.

— Et ensuite ?

— Les voilà enlevées, et je trouve quelque chose de blanc qui ressemble à de la ouate ou à du duvet. À quoi cela peut-il servir ?

— Comment, tu ne le comprends pas ? Cela sert à préserver les jeunes pousses des grands froids. Enlève également ce duvet, tu trouveras les feuilles du marronnier, mais si petites que, pour les bien voir, il faudrait une loupe. Maintenant que tu as vu les feuilles, examine la fleur.

— La fleur, cher papa ! elle est donc déjà boutonnée ?

— Oui, certainement, elle l’est ! Tu vas la trouver dans ce bouton, à l’extrémité de la branche, et qui est bien plus gros que les autres.

— Comme la gomme y est plus épaisse et le duvet plus abondant ! dit Germain, après avoir disséqué le bouton. Pourquoi cela, je vous prie ?

— Mon enfant, la fleur est la partie la plus précieuse de la plante, puisque c’est d’elle que viendra la graine qui reproduira d’autres plantes semblables. Aussi, Dieu, qui a créé toutes choses et qui veut perpétuer sa création, a entouré les fleurs de grandes précautions. Sans cette admirable sollicitude, bien des espèces délicates seraient détruites chaque année. »

Le duvet enlevé, Germain découvrit une petite grappe de boutons, gros comme des têtes d’épingles.

« Voici la fleur, dit le père. Quand le vent tiède du printemps soufflera, ces petits boutons, en grandissant, repousseront les écailles qui les enveloppent : le duvet se desséchera, et aussitôt que la grappe sera exposée au contact de l’air, elle se développera très-rapidement : nous verrons alors cette belle fleur de marronnier que tu aimes tant.

— Mais, papa, les boutons de tous les autres arbres ont-ils de la gomme et du duvet ?

— Tous en ont plus ou moins. Quand tu cueillais des cerises, tu ne te doutais guère, en cassant les boutons avec tant d’insouciance, que tu détruisais une partie de la récolte suivante.

— Non, certes, je ne m’en doutais guère ; mais, à présent que je le sais, je cueillerai les cerises avec beaucoup plus de précaution. »