Les régiments d'infanterie de Compiègne/Historique

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Lieutenant-colonel Weill et Lieutenant Delacourt
Les régiments d'infanterie de Compiègne
Amicale des anciens combattants des 54e R.I., 254e R.I., 13e Tal (Compiègne) (p. 1--).

LE
54e RÉGIMENT D’INFANTERIE
1657-1914[1]


I. — L’ANCIEN RÉGIME

L’ancêtre le plus lointain du 54e est le corps créé en 1657 sous le nom de Catalan-Mazarin. Celui-ci devint en 1661 le Royal-Catalan, puis en 1672, le Royal-Roussillon.

L’histoire de ces régiments est l’histoire militaire des règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Parmi les faits de guerre remarquables, le Royal-Roussillon prend une part glorieuse aux batailles dé Neerwinden (1693), d’Eckeren (1703), de Malplaquet (1709) et de Denain (1712). Il combat au Canada de 1756 à 1761 et dans l’Inde en 1783.

La Révolution de 1789 le trouve en garnison à Poitiers.

II. — LA RÉVOLUTION

Devenu en 1791 le 54e d’Infanterie, l’ancien Royal-Roussillon se signale aux batailles de Valmy et de Jemmapes (1792), de NeerWinden (1793) et de Fleurus (1794). Ses deux bataillons participent à la formation de deux demi-brigades, tandis que la 54e demi-brigade est formée en mai 1794 avec d’autres bataillons, et combat à l’Armée du Rhin, puis à l’Armée du Rhin et Moselle.

De 1796 à 1799, la 54e demi-brigade est en Hollande et se distingue en 1799 aux affaires de Bergen, Alkmaër et Castricum.

En 1800, à l’Armée du Rhin, la 54e demi-brigade se fait remarquer à la bataille d’Engen et au combat de Kirchberg, en Bavière. En 1803, elle devient le 54e Régiment d’Infanterie.

III. — LE PREMIER EMPIRE

Pendant toute l’épopée napoléonienne, le 54e d’Infanterie conserve son nom. Il fait les campagnes de 1805, 1806 et 1807 au 1er Corps de la Grande Armée, commandé par le maréchal Bernadotte, et prend part aux batailles d’Austerlitz (1805), de Lubeck (1806) et de Friedland (1807). Au mois d’avril 1808, il se trouve à Berlin.

À partir de 1808, le régiment comprend 4 bataillons de guerre et un 5e bataillon de dépôt. Les 4e et 5e bataillons furent organisés à Maëstricht, où le dépôt resta pendant toute la durée de l’Empire. Avant de rejoindre le régiment, le 4e bataillon prend part à la campagne de 1809 en Autriche, particulièrement aux batailles d’Essling et de Wagram. En Espagne, de 1808 à 1813, le 54e combat partout vaillamment, notamment à Talaveyra (1809), au siège de Cadix (1810-1812) et à Chiclana (1811).

En mars 1813, il ne reste plus en Espagne que l’État-Major et le 1er bataillon du 54e ; les cadres des trois autres bataillons sont allés à Maëstricht reformer leurs bataillons. En fin de 1813, le 54e est dans la région de Bayonne.

Les trois bataillons reformés à Maëstricht sont incorporés dans des demi-brigades provisoires et font campagne en Allemagne.

Les ancêtres du 254e, les 5e et 6e bataillons, ce dernier créé en janvier 1814, sont employés à la défense de Maëstricht assiégé. En avril, ils rejoignent à Calais les autres unités du régiment.

L’État-Major et le 1er bataillon du 54e sont ramenés à Orléans en janvier 1814. À la bataille de Bar-sur-Aube, au combat de Saint-Gond le 54e accomplit « des prodiges de valeur ». Il prend part enfin à la bataille de Paris. En avril, tous ses éléments sont ralliés à Calais. Pendant les Cent Jours, le 54e attaque, puis résiste héroïquement à la Haie-Sainte, centre de la bataille de Waterloo.

IV. — LA RESTAURATION, LA MONARCHIE DE JUILLET,
LE SECOND EMPIRE, LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

Le 54e d’Infanterie est dissous en septembre 1815. Il n’est reconstitué qu’en 1820.

Morée. — En 1828, le 54e prend part à l’expédition de Morée pour délivrer les Grecs de la domination turque ; il rentre tenir garnison à Toulon en fin de 1829.

Algérie. — La conquête de l’Algérie, commencée en 1830, n’est pas achevée au moment où le 54e est désigné pour l’Afrique. Le régiment débarque à Arzeu en février 1853.

En mars-mai 1853, il fait partie d’une colonne sur Géryville et y montre une telle endurance que le commandant de la colonne ne craignit pas de dire que « le 54e, nouvellement arrivé en Afrique, s’est mis à hauteur des meilleures troupes ». Il participe à de nombreuses colonnes, jusqu’au printemps de 1857 où il est désigné pour la campagne de Kabylie. Il s’y conduit brillamment, malgré les difficultés de la guerre dans ce pays montagneux et désespérément défendu. Il joue en particulier un rôle décisif dans la plus sérieuse action de guerre de cette campagne, le combat d’Icheriden (juin 1857).

En octobre 1857, le 54e rentre en France, et jusqu’en 1870 change souvent de garnison comme tous les régiments de l’Armée Française ; lorsque la guerre éclate, il est à Condé, Cambrai et Maubeuge.

Guerre Franco-Allemande (1870-71). — Le 54e est appelé à faire partie du 4e Corps, en formation à Thionville. Il n’assiste pas aux premières batailles. Le 4e Corps se retire sous Metz et prend part à la bataille de Saint-Privat ; le 54e tient toute la journée en avant d’Amanvilliers sous le feu de l’artillerie et de l’infanterie, arrêtant les attaques ennemies et contre-attaquant. Malgré la retraite du corps d’armée voisin qui a perdu Saint-Privat, la lutte continue. Le 54e n’accepte pas la défaite et veut organiser à la nuit dans Amanvilliers une dernière résistance. Il reçoit à ce moment l’ordre de retraite.

Dans cette seule journée du 18 août 1870, le régiment perd 25 officiers tués ou blessés, dont le colonel et le lieutenant-colonel, et 557 sous-officiers et soldats.

C’est alors l’investissement de Metz, puis la capitulation qui livre l’Armée Française à l’ennemi. Le 54e est interné à Magdebourg ; il est rapatrié sitôt la paix signée ; le 13 juillet 1871, les derniers prisonniers arrivent à la Roche-sur-Yon, au dépôt du régiment.

Le 54e de marche, organisé en novembre 1870 dans Bitche assiégée, fut formé par un bataillon du 86e et un millier d’éclopés venus de Froeschwiller. La place ne se rendit que deux mois après la signature de l’Armistice du 28 janvier 1871 : le Chef de bataillon Teyssier, qui la commandait, sortit de la place avec armes et bagages, drapeaux déployés. Le 54e de marche, formé de la plus grande partie des défenseurs de Bitche, pouvait revendiquer presque tout l’honneur de cette défense mémorable ; c’est lui qui reçut le drapeau brodé par les femmes de la ville et offert à la garnison. Arrivé à Nevers le 28 mars, il fait aussitôt partie du corps d’armée qui combattit la Commune. L’insurrection vaincue, le 54e de marche vient au camp de Satory où, en septembre 1871, le rejoint le 54e d’Infanterie dans lequel il est versé.

De la Guerre de 1870 à la Grande Guerre. — Le dépôt du régiment est transporté de la Roche-sur-Yon à Compiègne en octobre 1873 ; l’État-Major et les bataillons occupent diverses garnisons : Paris, Montmédy, Stenay, Verdun, Saint-Mihiel, Sedan. En octobre 1876, le régiment est ainsi réparti : 1er bataillon à Sedan, 2e et 3e bataillons, État-Major et dépôt à Compiègne, 4e Verdun.

En avril 1877, le 1er bataillon vient de Sedan à Compiègne. ! Depuis, cette dernière ville a toujours possédé la portion principale du corps.

Le 14 juillet 1880, à la revue de Longchamp, le Président de la République remet solennellement de nouveaux drapeaux à tous les régiments. Sur celui du 54e étaient inscrits : Alkmaër, Austerlitz, Friedland, Kabylie.

En 1886, un bataillon du 54e fut détaché à Ham. Il y demeura Par roulement jusqu’en septembre 1913, quand le régiment, cessant d’appartenir à la 4e Division (7e Brigade), passa du 2e au 6e Corps d’Armée et fit partie de la 12e Division (23e Brigade). À ce moment le 1er bataillon et une fraction du 2e furent détachés à Epernay et dans les forts de Reims.

En janvier 1914, le régiment se retrouvait au complet à Compiègne.




  1. D’après le 54e Régiment d’Infanterie, publié en 1903 par le lieutenant de Verzel